10

ELYNA

Tout est de ma faute.

— Mademoiselle Lykaios.

Je lui ai fait du mal.

— Mademoiselle Lykaios.

Je suis l'unique responsable.

— Mademoiselle Lykaios !

Le contact d'une main secouant mon corps, me sort brusquement de mes pensées. Je soupir de soulagement lorsque le doux visage de Mindy se matérialise devant moi. Un petit air inquiet traverse le gris de ses yeux, alors qu'un fin sourire bienveillant étire ses lèvres. Je crois que je suis parti trop loin, trop longtemps.

J'ai passé une terrible nuit, je n'ai pas réussi à fermer l'œil une seule seconde. La détresse d'Easton, ses sanglots et ses plaintes incessantes ne cessent de me hanter et tournent en boucle dans mon foutu cerveau. J'ai cru que mon cœur allait s'arrêter lorsque je l'ai vu partir dans cette sorte de transe. Il fixait un point devant lui, alors que tout son corps tremblait. Puis je l'ai entendu hurler, un cri de douleur qui s'est logé immédiatement au plus profond de moi. Et quand il est enfin revenu à lui, quand j'ai aperçu ses yeux baignés de larmes, la terreur dans son regard, j'ai bien cru m'effondrer à sa place.

Il ne cessait de répéter que tout était de sa faute, qu'il avait bien frappé Shelby. Il était terrorisé, comme s'il avait revécu la scène.

Je l'ai bordé pendant plus de vingt minutes, ses larmes ne voulaient pas s'arrêter. Mon contact a mis du temps à l'apaiser, mais Dieu merci, j'y suis parvenue.

— J'ai eu un flash : du sang, des cris, j'ai entendu les cris de Shelby. Elle me suppliait de ne pas lui faire de mal, alors que mes pas se rapprochaient dangereusement de son corps tremblant, m'a-t-il dit, une fois revenu totalement à lui.

Il n'a pas eu une vision claire, c'était comme des images en désordre qui défilaient devant lui. C'était la première fois que les images de cette soirée se manifestaient dans son esprit.

Il commence à se souvenir.

Je pensais que ça serait une bonne chose. Si Easton parvient à se souvenir de tous les éléments qui pourraient nous aider à prouver son innocence, on sera en mesure de le sauver. Mais une autre part de moi ne veux plus jamais revoir l'état dans lequel il se trouvait, hier soir. Je ne le supporterai pas une seconde fois. C'est comme si une part de sa douleur s'était infiltrée dans mon cœur et le transperçait encore et encore, jusqu'à ce qu'il n'en reste plus rien.

Je suis ensuite rentrée chez moi, après m'être assurée qu'Easton dormait paisiblement. Pour être totalement honnête, j'ai passé une partie de la nuit chez lui, à m'assurer que rien ne viendrait perturber son sommeil. Je l'ai gardé contre mon corps durant des heures, observant le rythme régulier de son cœur monter et descendre. Je ne voulais pas le laisser seul après une telle nuit, mais je ne pouvais pas plus m'imposer. Alors je suis rentrée dans l'espoir de gratter quelques heures de sommeil, mais en vain, mon esprit était resté chez Easton. L'inquiétude à son égard montant en flèche plus les heures passaient.

Alors quand j'ai compris que je ne tomberais pas dans les bras de Morphée, je me suis habillée et je suis allée courir pour me vider l'esprit.

Ça a marché, le temps d'une heure. Puis quand je me suis de nouveau retrouvée avec moi-même, mon brun aux yeux océan s'est une nouvelle fois frayé un chemin dans mon esprit, afin d'en occuper chaque recoin.

Foutu cerveau.

Alors après une bonne douche et une grosse dose de caféine, je suis sorti sur un coup de tête afin de rejoindre les locaux d'Harrison&Ward, le cabinet dans lequel travaille la fameuse Alicia Atwood, l'avocate d'Easton.

Je n'ai pas eu le temps de discuter avec elle, depuis mon arrivée. Mais il ne m'a pas fallu un temps fou pour savoir qu'elle se méfiait de moi. Après tout, je suis une ex d'Easton qui a été appelée pour témoigner contre lui, elle a toutes les raisons de ne pas me faire confiance. Cependant, j'ai bien vu que son regard s'était adouci lorsque j'ai pris fermement la défense de son client. Mais je ne sais pas vraiment où elle se situe à l'heure d'aujourd'hui. Habituellement, je me moque de la vision d'autrui à mon égard. Sauf qu'il ne s'agit pas uniquement de moi. On est toutes les deux dans la même équipe et si on veut que toutes les chances soient du côté d'Easton, nous devons nous allier.

Sauf qu'apparemment, les gens ne sont pas tous aussi accros au travail que moi, et que, dans la vie normale, on ne se rend pas au travail aussi tôt. Mis à part Mindy, l'assistante d'Atwood, qui vient toujours à l'avance pour préparer sa journée idéalement. J'ai de ce fait décidé que Mindy était ma nouvelle personne préférée.

Être aussi accro au boulot n'est pas censé être une bonne chose, me rappelle ma désagréable conscience.

Ça, c'est toi qui le dis, ma belle.

Et je crois que je suis à nouveau parti dans mes pensées, parce que Mindy continue de me dévisager, cet air soucieux fixé au visage.

Oups.

— Désolée, Mindy, je ne voulais pas t'effrayer. J'étais seulement perdue dans mes pensées.

Elle m'adresse un petit sourire de compassion.

— Je comprends. Ce qui arrive à Monsieur Hathaway ne doit pas être facile à gérer pour ses proches.

J'essaie de lui rendre son sourire, mais je sais d'avance qu'il n'atteindra pas mes yeux. Alors je me contente de hocher la tête en baissant le regard.

« Pas facile » est bien un euphémisme pour décrire l'état dans lequel je me trouve, depuis quelques jours. Un véritable enfer serait le terme un peu plus approprié.

— Maitre Atwood est arrivée et est prête à vous recevoir, m'informe-t-elle en m'indiquant le bureau de sa supérieure, d'un mouvement de tête.

Ah oui, avec tout ça, j'en avais presque oublié le but de ma présence ici. Je secoue la tête pour revenir totalement à moi, puis me lève en lissant les pans de ma jupe de tailleur, afin de paraître plus présentable. S'habiller comme un pied serait le comble pour une créatrice de renom comme moi.

— Oui, entrez ! s'exclame une voix imposante, de l'autre côté de la porte, lorsque nous arrivons à sa hauteur.

— Mademoiselle Lykaios est prête à s'entretenir avec vous, déclare Mindy en ouvrant la porte.

Le regard perplexe d'Alicia Atwood rencontre le mien, puis d'un mouvement de tête, elle m'invite à entrer et à Mindy de s'éclipser.

Le bureau d'Atwood est plutôt vaste et spacieux. De multiples bibliothèques recouvrent les murs, contenant à la fois des tas de bouquins de droit, ainsi que de gros dossiers noirs que je suppose appartenir à ses clients. Son bureau, que j'aurais cru en bois — identiques à ceux que nous pouvons voir dans les films — est en fait une grande table grise en verre, accompagnée d'une petite commode sur sa gauche. Le tout face à une immense baie vitrée, donnant une vue directe sur le centre-ville.

Je suis carrément jalouse de cette vue. Même si je n'ai vraiment pas à me plaindre de mes locaux.

Nous gardons le silence un moment, préférant nous reluquer à tour de rôle. Atwood est vêtue d'un pantalon de tailleur noir qui allonge superbement ses longues jambes. Elle l'a accompagné d'un fin chemiser blanc, mettant en valeur chacune de ses courbes. Cette femme est canon. Si elle n'était pas une avocate importante, je la supplierais de poser pour mon entreprise. Je visualise déjà le genre de tenue qui la mettrait sous son meilleur jour.

Du calme, Ely, tu n'es pas là pour ton foutu boulot. Prends une pause, bordel.

Je termine mon inspection en remontant enfin sur son visage et c'est un regard mi-amusé, mi-songeur qui m'accueille. Ses lèvres se sont retroussées en un petit sourire en coin, me poussant à m'interroger sur ses pensées actuelles.

— Ce que vous voyez vous plait ? finit-elle par me demander sans perdre son sourire.

J'arque un sourcil, ne comprenant pas où elle veut en venir, mais il ne me faut pas très longtemps pour me rendre compte que mon inspection portait plutôt à confusion.

C'est à son tour d'analyser mon corps dans sa totalité, et soit je suis totalement fatiguée soit une lueur de désir traverse les yeux d'Alicia Atwood, lorsque ces derniers se posent sur mon décolleté.

— En tout cas, ce que j'ai face à moi ne me laisse pas de marbre, murmure-t-elle, une fois tout près de moi.

Je déglutis face à cette honnêteté déconcertante. Un air aguicheur sur le visage, l'avocate prend un malin plaisir à me perturber en balayant son regard entre mes yeux et mes lèvres.

— Je... euh...

Mais quel âge as-tu, bon sang ? Capable de remballer n'importe quel dragueur de bas étage, mais perdre ses mots quand une femme me fait clairement des avances. On va dire que je suis beaucoup moins habituée à cette deuxième situation.

Un nouveau sourire moqueur étire ses lèvres, avant qu'un petit rire s'échappe de sa bouche.

— Respirez, Lykaios. J'ai beau vous trouver parfaitement à mon goût, je sais que vos pensées ne sont tournées que vers un seul homme, reprend-elle en m'adressant un clin d'œil complice.

Elle retourne s'asseoir face à son bureau, m'invitant à faire de même.

— Easton et moi, c'est du passé, parviens-je à articuler après quelques minutes de silence.

— Oh Elyna, je sais reconnaitre une femme amoureuse quand j'en vois une. Votre petit discours n'a dupé personne, lorsque vous avez défendu Easton comme sa femme ne l'aurait jamais fait. C'est d'ailleurs pour ça que vous êtes venue me voir, n'est-ce pas ?

Ne comprenant pas où elle veut en venir, je fronce les sourcils, l'invitant à poursuivre son raisonnement.

— J'ai vu la façon dont vous nous avez observé, Easton et moi dans ce tribunal. Vous voulez vous assurer que je ne suis pas une potentielle concurrente.

J'écarquille les yeux, surprise par une telle supposition, alors que je n'y avais pas pensé une seule seconde. J'ai peut-être regardé l'avocate un peu trop longtemps, mais c'était surtout pour cerner le personnage. Sans parler que mes yeux de créatrice sont toujours présents, quand un corps comme le sien se balade devant mes yeux.

— Vous n'y êtes pas du tout, maître Atwood...

— Alicia, me corrige-t-elle.

Alicia, ce sera.

— Alicia, ça fait dix ans qu'il n'y a plus rien entre Easton, si ce n'est un profond attachement. Et en ce qui concerne mes séances de reluquages, je suis juste obsédée par vos courbes.

Un sourire satisfait prend forme sur son visage, lorsque je me rends compte de mon énorme bourde.

Putain, Elyna, apprends à t'exprimer !!

— Merde, non pas dans ce sens. C'est la créatrice de mode en moi qui est obsédée par... Bordel, je vais me taire avant de dire davantage de conneries, balbutié-je alors que le rouge me monte aux joues.

Le ridicule ne tue peut-être pas, mais il me donne envie de prendre mes jambes à mon cou et de ne plus jamais croiser le chemin de cette femme.

Cette dernière ne s'en formalise pas et éclate même de rire face à mon numéro complètement honteux.

— Vous êtes adorable quand vous êtes gênée, Elyna.

— Et votre numéro de séduction est trop intimidant pour moi, répliqué-je.

— J'avais compris, mais j'ai été impressionnée par votre culot, la première fois. Je vous pensais taillée pour ce genre d'affront.

— Alors on est deux.

On échange un nouveau regard et le ridicule de cette situation me fait lâcher mon premier éclat de rire, suivi de près par la brune.

Moi qui pensais qu'elle me détestait, j'avais apparemment tout faux.

— Vous accueillez toujours les gens comme ça ? l'interrogé-je, après avoir repris mes esprits.

— Seulement quand des femmes aussi sexy toquent à ma porte.

Sa franchise ne cessera jamais de me surprendre.

— Détendez-vous, je ne vais pas vous sauter dessus. Mais il fallait bien que je tente ma chance.

— Et évidemment, vous êtes canon mais...

— Vous êtes plus grand milliardaire, aux yeux bleus envoûtant et à la carrure intimidante.

Sa description d'Easton me fait marrer, même si elle est carrément très proche de la réalité. Je m'apprête tout de même à ouvrir la bouche pour la contredire, mais à nouveau, elle m'en empêche en étant plus rapide.

— Voilez-vous la face autant que ça vous plait. On en reparlera dans quelques semaines. Je suppose que cette visite n'a rien d'anodine et que vous êtes ici pour parler de l'affaire.

Encore une fois, je reste muette face à sa facilité à monopoliser la conversation, tout en changeant de sujet aussi rapidement.

Désolée, Mindy, Alicia Atwood est devenue ma personne préférée.

Je me racle la gorge et me redresse pour reprendre une posture plus professionnelle, tout en acquiesçant.

— Effectivement, Easton vous a probablement parlé du fait que je restais en ville jusqu'à la décision finale des jurés.

— C'est exact, il m'a fait part de votre désir de lui venir en aide. J'avoue m'être méfiée de vous lorsque je vous ai vu pour la première fois.

C'était à prévoir et je n'en attendais pas moins d'elle.

— Laissez-moi deviner. Vous pensiez que j'étais une ex qui avait soif de vengeance. Ou alors qui aurait dit n'importe quoi pour quelques billets ?

Elle ne cache pas son air impressionné et opine pour seule réponse.

— Alors vous pouvez être rassurée : je suis pleine aux as et en ce qui concerne ma rupture avec Easton, elle s'est vraiment faite d'un commun accord, lui expliqué-je, sans lâcher son regard.

— Hmm, ne vous inquiétez pas, je n'ai pas mis très longtemps à le réaliser. Même Jaxon ne l'a pas défendu avec autant de conviction.

— Easton, Jaxon. C'est une habitude de parler aussi familièrement de vos clients.

Pas le moins du monde vexée par mes propos, un énième sourire coquin se dessine sur ses lèvres.

Ai-je vraiment envie de connaître la réponse ?

— On va dire que l'aîné des Hathaway n'a aucun mystère pour moi.

Son sous-entendu est parfaitement clair et me fait ouvrir la bouche si largement que c'est un groupe entier de mouches que je pourrais gober.

— Mais vous...

— Pensiez que je n'étais attirée que par les femmes. On va dire qu'elles m'excitent davantage, mais ça ne m'empêche pas de prendre du bon temps avec les hommes. C'est tout le principe de la bisexualité. Enfin bon, on n'est pas là pour s'étendre sur le sujet. Je serais plus enclin à le faire autour d'un verre ou nue dans un lit ? Quelles que soient vos préférences.

Putain cette femme va vraiment finir par m'achever et elle semble prendre son pied à le faire.

— Bon ça va, j'ai compris que j'allais vous perdre à chaque nouveau sous-entendu, je m'arrête ici.

Dieu merci, parce que bien que je sois totalement attirée par les hommes, je ne peux pas nier que son rentre dedans est assez excitant et intimidant.

Tu es vraiment une petite nature, Elyna Lykaios.

Mouais, je confirme.

— Que voulez-vous savoir ? poursuit-elle en reprenant son ton professionnel.

— Avoir accès au dossier d'Easton, voir toutes les preuves amassées depuis le début du procès. Tout ce qui m'aiderait à réfléchir plus intelligemment.

— Vous voulez donc des éléments confidentiels ?

Sa question porte à croire qu'elle va m'envoyer balader, mais l'intonation de sa voix en est tout autre.

— Qu'est-ce qui me prouve que je peux vous faire confiance ? me questionne-t-elle en plissant des yeux.

— Je pense qu'on aurait une tout autre conversation si vous ne m'aviez pas déjà cernée. Sinon, je peux réitérer ma demande autour d'un verre ou... nue dans un lit, rétorqué-je en utilisant la même voix séductrice qu'elle.

C'est à son tour d'écarquiller les yeux face à cette remontée de confiance, mais je vois à son regard qu'elle apprécie de plus en plus cet échange.

— Bien joué, Lykaios. Dommage que les hommes aient votre entière attention, on aurait fait une sacrée paire.

Je souris plus largement à sa remarque. J'ai compris qu'elle aimait la provocation et la séduction, et je commence à m'y faire. Alors autant jouer dans la même cour.

— Pour être plus sérieuse, ce dossier est très important. J'ai l'habitude de défendre mes clients corps et âmes. Mais les Hathaway sont encore plus précieux, alors je me dois d'être claire avec les personnes qui souhaitent collaborer. Easton semble vous vouer un attachement particulier, il vous fait confiance. Vous avez beau être canon et impressionnante, je suis de nature méfiante. Si vous me trahissez, je peux devenir votre pire cauchemar, Lykaios, entendez-le bien. Maintenant qu'est-ce qui me prouve que vos intentions sont honorables ?

Je déglutis fortement face à un tel discours. Cette femme ne bégaye pas, ne mâche pas ses mots et a une prestance à couper le souffle. Easton a définitivement choisi le bon représentant.

Mais je ne suis pas inférieure pour autant, elle porte un attachement aux Hathaway, soit. Ce que je ressens pour Easton, personne n'arrivera un jour à l'égaler. Alors le trahir ? Je préfère encore prendre sa place sur le banc des accusés.

— Un monde sans Easton n'est pas un monde dans lequel je souhaite vivre. Alors croyez-moi, on va l'arrêter cette pétasse. Et je remuerai ciel et terre pour m'en assurer.

⚖️⚖️⚖️

Bon j'avoue que le numéro de séduction d'Alicia n'était totalement pas prévu 😂 mais j'étais inspiré à un moment je crois 😂

Bon vous avez rencontrer cette grande madame ! Honnêtement elle est incroyable ! Ce chapitre a tellement été drôle à écrire !

En tout cas, Easton s'est entourée des meilleures femmes 😋🫶🏼

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