4 | Un nouveau départ.

4. Un nouveau départ.

Cela doit faire au moins dix minutes que nous nous sommes garées sur le parking de mon nouveau lycée et ni moi ni ma mère n'osons dire un mot. Le silence semble nous réconforter toutes les deux. Moi, je m'y terre parce que j'essaie d'intimer à mon cœur de se calmer. Quant à ma mère, c'est parce que, comme les autres, elle ne sait plus comment m'approcher.

Ce que je redoutais s'est bel et bien produit. Leur perception de moi s'est transformée, et ma tentative de me faire du mal a agi comme un raz-de-marée sur ma famille. Ils n'ont pas compris. Comment le pouvaient-ils ? J'ai fait tant d'efforts pour leur cacher ce qui m'arrivait que sans le vouloir, je les ai tous entraînés dans ma noyade. J'ai lu dans les yeux de ma mère combien mes mensonges l'avaient faite souffrir.

Parce que ce n'était pas moi, ça. Et ils ont dû reconstituer le tableau de leur propre fille, de leur sœur, à partir de tout ce que je ne leur avais justement jamais dit. J'étais Eden, celle qui a tout gardé pour elle, celle qui endurait en silence le calvaire dont personne ne se doutait. Celle que l'on doit dorénavant protéger de tout. Au milieu de tout ce brouillard, je me suis moi-même perdue. Je ne sais plus très bien qui je suis maintenant que mon seul point d'ancrage n'est plus là, et que je suis censée repartir à zéro dans une nouvelle ville.

Après ma conversation avec Ashton ce fameux jour, après avoir pesé le pour et le contre, mes parents ont décidé que nous viendrions à lui. Nous habitons donc désormais en Virginie, dans la ville de Ashburn, à seulement une petite demi-heure de son campus. J'ai terminé ma deuxième année de lycée avec des cours par correspondance, mon père a réussi à se faire muter dans une ville voisine et ma mère a pris une année sabbatique pour s'occuper de moi.

— Tout va bien se passer, chérie. Je te le promets.

Elle m'a déjà dit ça lorsque je suis rentrée en première année. Mais rien de ce qui est arrivé ensuite ne s'est bien passé. Seulement quelques mois, à tout casser.

— Eh, Eden. Regarde-moi, s'il te plaît.

J'obtempère, à contrecœur. Je suis si anxieuse à l'idée de passer les portes de l'établissement qui nous fait face que je ne peux pas m'empêcher de ronger l'ongle de mon pouce. Ma mère emprisonne ma main dans la sienne pour contrer mon geste nerveux. Son regard est rempli d'une inquiétude qu'elle essaie tant bien que mal de cacher.

— Ici, débute-t-elle, c'est ton nouveau départ. Tu peux être qui tu veux. Ici, personne ne te connaît. Ils ne connaîtront que celle qu'ils verront entrer. À toi de choisir quelle Eden le fera.

Je ne peux pas nier ça. Il est clair qu'aucun des élèves qui s'amassent devant ce lycée ne peut ne serait-ce que m'avoir aperçue un jour, si ce n'est sur internet, ou sur une retransmission des compétitions que j'ai pu faire. C'est déjà trop de possibilités.

Incapable de prononcer le moindre mot, je me contente d'acquiescer. Tout mon corps est paralysé rien qu'à l'idée que la même machine infernale se relance. Chad et Sierra, en dépit des kilomètres qui nous séparent, continuent d'exercer une influence si forte que je ne serais pas surprise de les voir débarquer à tout moment. Mon angoisse va finir par me rendre complètement folle.

— Il faut que j'y aille, je souffle, le regard tourné vers le bâtiment de briques rouges.

J'inspire un grand coup en posant la main sur la portière, mais ma mère me retient avant que je ne puisse faire un mouvement de plus :

— Tu n'as pas l'impression d'oublier quelque chose ?

Je me tourne alors vers elle pour la serrer dans mes bras, arborant un petit rictus que je m'efforce de cacher. Elle me rend mon étreinte sans se faire prier et embrasse le sommet de mon crâne avant de me lâcher.

— C'est gentil, mais je parlais de ton sac, mon ange.

— Oh.

Je me penche vers la banquette arrière pour attraper mon sac, puis me force à sortir de la voiture.

— Je serai à la sortie, ce soir ! Envoie-moi des messages pour me tenir au courant, d'accord ? Ça me rassurerait.

J'ai à peine le temps de lui répondre que ma mère appuie sur l'accélérateur pour se mêler à la masse de voitures qui sort du parking. Il ne me reste plus beaucoup de temps pour passer à l'administration et récupérer les papiers nécessaires avant le début des cours. Alors, dans un élan de détermination inestimable, je me dirige à grands pas vers l'entrée, sans prendre la peine de m'arrêter face aux grandes lettres argentées formant le nom « Rock Ridge High School » qui s'imposent sur le mur rougeâtre, ni même d'analyser les dizaines d'étudiants qui bavardent juste devant, et surtout, sans montrer un tiers de l'angoisse qui me ronge.

La cohue qui règne à l'intérieur est loin de me rassurer. C'est un lycée comme les autres, après tout, à quoi est-ce que je m'attendais ? D'un coup d'œil rapide, je balaie le couloir rempli de casiers, et en déduis que ce n'est pas la bonne direction. Je m'engage donc dans l'autre couloir, et finis par trouver le bureau administratif.

— Je peux vous aider ? me questionne une femme étonnamment jeune.

— Probablement. Je suis une nouvelle élève.

Ses yeux s'éclairent aussitôt et elle m'adresse un grand sourire avant d'attraper un dossier sur son bureau.

— Oh, tu dois être Eden alors ! Bienvenue à Ashburn et au lycée Rock Ridge. Moi, c'est Allie. Tu peux venir me voir si tu as besoin de quoi que ce soit.

Je me fige alors que la sonnerie retentit. Elle n'y prête aucune attention et me fourre le dossier entre les mains tout en poursuivant :

— Là-dedans, tu as ton emploi du temps, le numéro de ton casier ainsi que la combinaison et quelques documents que tes parents devront remplir avant la fin de la semaine. Je vais t'accompagner à ton premier cours.

Joignant le geste à la parole, elle se lève et me fait signe de la suivre. Le claquement de ses talons contre le sol résonne comme un écho dans les couloirs vidés de tous les élèves. Alors que je me demande comment diable je vais pouvoir me retrouver entre toutes ces salles, elle pousse justement la porte de l'une d'entre elles. Je sens aussitôt les regards des étudiants se braquer sur moi. Mes poils se hérissent, mes doigts se crispent sur le dossier.

— Je vous présente Eden McShane. Elle vient tout juste d'arriver du Maryland pour faire sa rentrée ici, et j'espère que vous saurez l'accueillir comme il se doit ou vous aurez affaire à moi. Sur ce, bonne journée à tous !

En la voyant refermer la porte derrière elle, j'ai presque envie de lui courir après. Je n'ai pas le temps de réfléchir plus longuement à cette possibilité, car le professeur de mathématiques m'adresse un sourire et s'exclame :

— Bienvenue à Rock Ridge, mademoiselle. J'espère que vous vous y plairez. Vous pouvez prendre place à côté de mademoiselle Frey.

Une demi-seconde plus tard, une jolie rousse avec des lunettes de soleil qui lui vont à ravir lève énergiquement la main pour me signaler sa présence. Je me laisse tomber sur la chaise voisine et sors mes affaires tout en tâchant de réguler mon rythme cardiaque. Ne pas paniquer. Ne surtout pas paniquer.

— Avant que tu me prennes pour la tarée de service, m'annonce ma voisine, j'ai une bonne raison de porter ces lunettes. Je suis aveugle comme un pot.

— Je suis presque sûre que l'expression est « être sourd comme un pot ».

  — C'est pas grave, j'aime bien m'introduire comme ça. Ravie de te rencontrer, Eden. J'aime beaucoup ton prénom.

Déroutée par son enthousiasme communicatif et son sourire enjôleur, je mets un moment avant de lui répondre.

— Oh, merci, c'est gentil.

— OK, maintenant, décris-toi. Oh, mon dieu, je ne me suis même pas présentée ! Moi, c'est Roseline. Frey. Roseline Frey. Ça a des origines latines, je crois. Mes parents ont passé toutes leurs années universitaires à étudier les langues mortes, il fallait bien que ça serve à quelque chose, j'imagine.

— Tu as un très joli prénom, je lui fais remarquer. Ils ne se sont pas sacrifiés pour rien.

Le sourire qu'elle me rend est radieux et sa voix pétille lorsqu'elle me remercie. Elle ne peut pas le voir, évidemment, mais le regard réprobateur que nous lance le professeur me pétrifie sur place. Nous passons l'heure à parler de ce qui va se passer au cours de l'année, du programme qu'il va suivre et des méthodes qu'il compte appliquer. À la fin du cours, Roseline me demande doucement :

— Tu as quoi comme cours, maintenant ?

Je fouille dans les feuilles entassées dans le dossier afin de trouver mon emploi du temps.

— Histoire avec M. Hiland, et toi ?

— Moi aussi ! Tu verras, M. Hiland m'adore, même si c'est une relation à sens unique. Mais ça va bien nous servir. Il ne dira rien, lui, si je te distrais pendant toute l'heure.

— Oh, je laisse échapper, sans savoir quoi dire. Et comment tu comptes me distraire, exactement ?

Tout en tâtonnant à ses pieds pour attraper son sac, duquel elle n'a d'ailleurs sorti aucune affaire, elle esquisse un nouveau sourire :

— Je vais te torturer.

Je hausse les sourcils, déboussolée. Au moins, c'est la première fois qu'on me l'annonce aussi gentiment, pensé-je ironiquement.

— En te posant des questions, précise-t-elle en riant, parce que j'ai très envie de te connaître. J'ai l'intuition qu'on va bien s'entendre et mes intuitions sont toujours bonnes. Et puis maintenant qu'on est voisines en maths, on est obligées d'être amies. C'est une question de survie.

Un petit sourire étire mes lèvres alors que je lui offre mon bras lorsqu'elle le réclame pour nous diriger dans les couloirs. Je me demande subitement comment se passent les cours pour elle. Je n'ai pas vu d'assistante pour l'aider ni de dispositif particulier mis en place. Comme j'ai l'impression qu'elle est du genre à aller droit au but, je décide de faire de même et me lance :

— Ne réponds pas si tu trouves ça trop personnel, mais comment tu fais pour suivre en classe ? Personne ne t'aide ? Tu te contentes... d'écouter ?

— J'ai une assistante spécialisée à ma disposition qui note tout pour moi, elle m'attend dans la salle d'histoire. Je lui ai dit de ne pas venir à la première heure, parce que c'est toujours la même chose et que moins je passe de temps avec elle, mieux je me porte. Ma mère lit mes cours et s'enregistre, et je les écoute pour les mémoriser. J'ai une mémoire auditive. C'est un dispositif un peu surprenant, je sais. Je ne devrais même pas être ici. Mais... disons que je n'ai pas toujours été malvoyante et que quand ça m'est tombé dessus, je n'ai pas trop voulu bousculer ma vie. J'essaie de tout faire comme avant. Le plus possible, en tout cas.

— Je trouve ça super. Vraiment super.

Je le pense sincèrement. J'aurais aimé avoir la même capacité d'adaptation. Quand le verdict des médecins est tombé après mon opération, j'ai préféré me replier sur moi-même et tout mettre derrière moi. Tout refouler. Si j'avais eu le courage de Roseline, je serais peut-être encore en contact avec Charlie. J'aurais probablement accepté sa proposition de l'aider à donner des cours aux tout petits.

Ça m'aurait peut-être aidée à rester à la surface. J'ai préféré me noyer.

— Eden, tu ne t'es toujours pas décrite. Et ne pense pas que je vais te lâcher avec ça, parce que tu te rendras vite compte que je suis très têtue.

— Je vais le faire, je lui promets.

En réalité, je n'en ai aucune envie.

Son bras accroché au mien, nous rasons les murs et les casiers, qu'elle touche du bout des doigts pour se repérer. Je trouve ça fascinant. Je ne la connais que depuis une heure à peine et pourtant, je l'admire déjà.

— Je sais parfaitement où je nous emmène, dit-elle, comme si elle lisait dans mes pensées. J'ai déjà parcouru ce lycée avant de perdre complètement la vue. J'arrive à me repérer si je peux garder un contact avec quelque chose pour me guider. Perdre petit à petit ton acuité visuelle, ça a au moins le mérite de te faire développer des super pouvoirs. La porte que je suis en train de toucher, c'est celle du local d'entretien, non ?

En jetant un coup d'œil à ma gauche, je constate que oui, nous sommes bien en train de passer devant le local d'entretien.

— C'est impressionnant.

— Je sais, merci, c'est gentil, sourit-elle avec une vanité feinte avant de reprendre sa marche.

Je ne sais pas ce qui me prend. D'ordinaire, je ne suis pas aussi curieuse. Mais je ne peux pas m'empêcher de me poser des questions. C'est probablement la bienveillance qu'elle m'inspire qui m'encourage à ne pas tout garder pour moi.

— Ce ne serait pas plus simple pour toi d'avoir une canne ou un chien pour t'aider ?

Elle secoue aussitôt la tête, comme si je m'apprêtais à sortir une canne et un chien de ma poche et que j'allais lui fourrer entre les mains.

— Je te l'ai dit, j'essaie de conserver ma vie comme elle l'a été. Elle ne l'est pas. Mais j'essaie, j'essaie vraiment. Avoir une canne ou un chien d'aveugle, même si ça me faciliterait la vie, je suis d'accord, c'est surtout me coller un signe « Je suis malvoyante » sur le front. Et je n'ai pas envie que ça me définisse. Je suis bien plus que ça. Je sais que je ne pourrais pas toujours vivre comme ça, mais pour l'instant, je peux faire sans. Là, tout de suite, je sais comment vivre en m'en passant.

Elle soupire et avant que je ne puisse répliquer quoique ce soit, elle lâche :

— C'est ici, normalement. Est-ce que le professeur est chauve et donne envie de s'ouvrir les veines rien qu'à le regarder ?

Je balaie la salle de classe d'un regard, puis analyse le professeur qui se tient derrière son bureau avant de répondre :

— Chauve, oui. Pour le reste, je ne suis pas sûre.

— Tu t'en rendras vite compte. Heureusement, il a pitié de moi. Sinon, je ne prendrais même pas la peine de venir. Je déteste ses cours.

Elle nous entraîne à l'intérieur et dès qu'elle nous aperçoit, une jeune femme d'une vingtaine d'années se lève et me fait signe de m'approcher.

— Je croyais que tu n'avais pas cours avant cette heure ! reproche-t-elle à Roseline.

— Eden, voici Cindy, un rayon de soleil comme tu peux le voir. Cindy, voici Eden, ma nouvelle copine, répond Roseline en ignorant la remarque de son assistante.

Je ne sais pas comment c'est possible, mais j'ai la sensation que la jolie rousse assise à côté de moi a réussi à me changer les idées, à mettre mes angoisses de côté le temps d'un instant. Pour la première fois, je me dis que, peut-être, la foudre ne peut pas frapper deux fois au même endroit.

— J'ai hâte de te présenter à mon groupe d'amis, me glisse Roseline en se penchant vers moi. Je suis sûre qu'ils vont t'aimer.

— J'espère, je murmure, plus pour moi que pour elle.

Au bout d'une demi-heure, je suis bien obligée d'admettre qu'elle avait raison : M. Hiland est ennuyeux à mourir. Je suis prête à parier que lui non plus n'a pas envie d'être là. C'est probablement pour cette raison qu'il ne prend même pas la peine d'interrompre les bavardages qui se font entendre dans la salle.

— Je veux savoir à quoi tu ressembles, geint Roseline, après m'avoir expliqué combien elle adorait les Pussycat Dolls quand elle était plus jeune. Allez, maintenant, tu ne peux plus y couper.

— Eh bien... j'ai de longs cheveux lisses et châtains, des yeux verts. Rien d'extraordinaire, crois-moi.

Des cicatrices. Trop de cicatrices.

— Tu dois être jolie, je le sens. Je le sais. Ta taille de seins ?

Cette fois, je ne peux pas me retenir d'éclater de rire face à sa franchise. Elle fronce aussitôt les sourcils, très sérieuse :

— Quoi ? Il faut que je sache à qui j'ai affaire ! Il y a des garçons dans ce lycée, Eden. Et ce n'est pas parce que je suis aveugle que je suis hors course. Alors, Eden McShane, es-tu une concurrente de taille ?

— Et c'est sur la taille de seins que tu te bases pour mesurer ça ?

— Non, évidemment que non. Mais d'après mon expérience à côtoyer les spécimens les plus rares de cette race, je peux t'affirmer que malheureusement, ça compte.

— Je n'ai pas un physique extraordinaire. Et si ça peut te rassurer, je n'ai aucune intention de tomber dans les bras de qui que ce soit. Je suis loin d'être une concurrente de taille, crois-moi.

Je n'en dis pas plus. Je ne lui raconte pas qu'il fut un temps où j'ai perdu beaucoup de poids, et que ça n'a pas vraiment changé depuis. Je ne lui raconte pas non plus que j'avais l'habitude d'avoir un emploi du temps aménagé où je passais les trois quarts de mon temps à faire du sport et que par conséquent, je suis peut-être musclée, mais je ne crois pas qu'on puisse dire que ma poitrine est mon plus grand atout. Il faut dire que séduire n'a jamais fait partie de mes principales préoccupations. Ce n'est toujours pas le cas, d'ailleurs. Loin de là.

— Tu ne peux pas prévoir ce genre de chose, Eden. Si ça se trouve, ton âme sœur se balade actuellement dans les couloirs du lycée. Dans tous les cas, tu es parfaite. Je n'ai pas besoin de te voir pour le savoir.

Dans sa voix règne une sincérité sans appel qui me touche plus qu'elle ne le devrait. J'esquisse alors un sourire timide qui lui échappe forcément, mais elle ne semble pas attendre de réponse puisqu'elle se renfonce dans sa chaise, les bras croisés. Du coin de l'œil, j'aperçois Cindy, qui s'efforce de prendre en note le cours et qui a abandonné depuis longtemps de convaincre Roseline d'y prêter attention. Pour me donner bonne conscience, j'essaie de le prendre en note moi aussi, en tâchant de déceler ce qui me paraît cohérent au milieu du discours désordonné du professeur.

Je ne partage pas le cours suivant avec Roseline, je suis donc obligée de me débrouiller par moi-même pour trouver ma salle. Mais elle était apparemment sincère lorsqu'elle m'a avoué avoir hâte de me présenter à ses amis : j'ai à peine le temps de mettre le pied hors de ma salle de littérature que son assistante me met la main dessus.

— C'est bon, je l'ai trouvée, ta nouvelle copine. Je peux vous laisser aller au réfectoire tranquillement ? Vous n'avez pas besoin de moi ?

— Non, ça va aller, lui répond Roseline en me prenant par le bras. Je te retrouve en... en... c'est quoi ma matière, après ?

— Français.

— OK. On se voit en anglais alors.

Elle m'entraîne dans le couloir, tandis que la jeune femme s'écrie dans notre dos :

— Français, Roseline ! Tu as un cours de français avant ! Tu n'as pas intérêt à sécher !

Mais ma « nouvelle copine », comme elle l'a si bien dit, secoue la tête tout en nous guidant, la main plaquée contre les casiers qui bordent le couloir. J'ai envie de lui dire que je me sens capable de nous guider moi-même vers la cafétéria — la plupart des élèves se dirigeant vers cette dernière — mais j'ai la sensation qu'elle a besoin de ce contact.

— Je hais le français. J'ai un prénom français et je hais le français. C'est le comble, non ?

— Il n'était pas latin, tout à l'heure ?

— C'est la même chose.

Je renonce à renchérir, me contentant de hausser les épaules. Si ses amis sont tous comme elle, l'année s'annonce haute en couleur. La boule qui persiste dans ma gorge à l'idée de rentrer à nouveau dans un réfectoire me donnerait presque la nausée. À l'instant où je me retrouve obligée de pousser la grande porte, l'angoisse que les moments passés avec Roseline avaient semblé refouler refait surface. J'ai été idiote de penser qu'il était possible de tout reprendre à zéro. Ils ont forcément vu les vidéos.

— Tu devrais te détendre, me souffle Roseline. Je peux sentir ta nervosité comme si c'était la mienne. On mange pizza, en plus, ajoute-t-elle, comme si j'étais censée comprendre que ça résolvait tous les problèmes du monde.

Après avoir réuni nos deux plateaux sur le mien, je lui demande où elle veut qu'on s'installe.

— Tu n'as qu'à chercher la table où il y a le plus d'agitation. Ce sera sûrement celle où l'on retrouvera mes potes.

— Génial, susurré-je pour moi-même en balayant les tables du regard. Ah, je crois qu'un mec nous fait signe.

— Il est debout sur une table ? Il fait souvent ça pour se faire repérer quand Cindy m'accompagne à la cafétéria.

— Oui.

— C'est bien notre homme alors. On y va.

Voyant que nous nous dirigeons vers lui, le grand brun se rassoit brutalement, tout sourire. Il semble informer les personnes autour de lui que Roseline n'est pas seule et, aussitôt, plusieurs têtes se tournent vers nous, si bien que mon cœur s'alourdit. Puis je me rends compte qu'à ma vue, leurs sourires s'élargissent.

Alors, je m'accorde enfin le droit de penser qu'il y a une infime chance que tout se passe bien. Et je donnerai tout ce que j'ai pour la saisir.

Salut à tous ! Je suis si contente de vous retrouver pour ce chapitre !

Nouveau départ pour Eden ! Qui commence bien, avec sa rencontre avec la pétillante Roseline ! J'avoue, elle a conquis mon cœur dès ses premières répliques. Et vous ?

Vous pensez qu'Eden va se plaire ici ? Et surtout, comment vous imaginez les amis de Roseline ?

Dites moi tout !

Je vous fais de gros bisous et je vous dit à très vite !

Avec amour,

Louise

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top