prologue
C'était il y a neuf ans maintenant. Le jour où le monde est devenu le merdier qu'il est aujourd'hui.
On était le vingt-cinq juin deux-mille trois-cent-deux, j'me souviens. Il faisait froid, il y avait du vent, un peu trop même. J'étais enroulé dans ma couette, je fixais ma fenêtre dont les volets étaient fermés et j'essayais de me concentrer sur le bruit que faisait la pluie à l'extérieur.
Papa et maman se disputaient encore derrière ma porte. J'entendais des mots méchants, violents, des mots que je ne comprenais pas et parfois mon prénom ressortait. J'comprenais rien mais j'crois que j'étais assez grand pour comprendre que c'était un peu la merde entre eux. Maman m'avait demandé d'aller dans ma chambre, de ne pas regarder par la fenêtre et de ne pas sortir avant le lever du jour le lendemain. C'était bizarre mais j'avais à peine dix ans, ça me semblait normal de ne pas comprendre certaines choses venant des grandes personnes.
J'me rappelle qu'à la télé et à la radio, tout le monde parlait de cette grande tempête anormale qui devait s'abattre sur le pays dans les jours qui suivaient son annonce. On nous avait sommé de ne pas quitter nos maisons de la semaine, d'attendre que la tempête passe pour sortir. Personne ne savait ce qui allait se passer, pas même les spécialistes en la matière. C'était un truc nouveau et probablement dangereux dont il fallait se méfier, voilà ce que j'avais compris. J'me souviens que j'avais été heureux de ne pas avoir à aller à l'école de la semaine, ce gros coup de vent qui devait passer ne m'inquiétait pas plus que ça. J'avais vu plusieurs catastrophes dans d'autres pays à la télé, j'avais vu leur misère et leur désespoir suite à ça... Mais dans ma tête, ça ne nous arriverait pas, j'en étais persuadé. En y repensant aujourd'hui, j'me rends compte combien j'ai été bête et imprudent de l'avoir pensé.
Le vent s'était soudainement mis à souffler un peu plus fort, la pluie à faire plus de bruit et soudainement, tout s'était brusquement éteint dans l'appartement. La lumière extérieure que laissaient passer mes volets avait elle aussi disparu. Tout était devenu sombre, bruyant, effrayant. J'avais peur du noir. Je ne comprenais pas, j'étais perdu. Les cris de mes parents avaient cessé de l'autre côté de ma porte. Je voulais les rejoindre, me réfugier dans leurs bras mais maman m'avait sonné de ne pas quitter ma chambre, et j'étais un fils obéissant malgré tout. Alors j'suis resté enroulé dans ma couette, les yeux larmoyants à fixer les ombres que propageait mon imagination dans chaque recoin de la pièce plongée dans l'obscurité. Le vent tapait contre mes volets et les murs craquaient, j'avais peur que le toit me tombe dessus.
Maman m'avait interdit d'aller à la fenêtre pourtant, quand je l'ai vu, j'ai pas pu m'empêcher de quitter mon lit, emmitouflé dans ma couette, et de marcher jusqu'à son rebord. La ville avait soudainement été privée de son électricité mais je n'ai pas imaginé cette lueur bleue de l'autre côté de mes volets. Elle brillait, elle était bizarre mais jolie. J'savais pas d'où elle venait, j'savais pas si elle était censée être là ou non mais j'sais que lorsque j'ai approché ma main du carreau et que ma peau est entrée en contact avec ce rayon lumineux, j'me suis enfin senti en sécurité.
Le lendemain, tout était en bordel. Le vent avait ravagé tant de choses sur son passage, arraché plusieurs vies et privé des gens de leur habitation. C'était un miracle que notre immeuble ne se soit pas écroulé. Même encore aujourd'hui, je n'ai pas beaucoup de souvenirs de ce matin là. Tout ce qui me revient en y repensant est ma surprise et mon incompréhension quand ces hommes costumés ont soudainement débarqué dans l'appartement alors que je criais « maman ». J'me souviens qu'ils m'ont pris avec eux sans m'expliquer la moindre chose mis à part le fait que mes parents avaient disparus et ne reviendraient pas. J'ai pas pleuré, je crois que j'étais un peu trop sous le choc et que mon insouciance de l'époque en prenait un sacré coup. J'y comprenais pas grand chose à vrai dire, même rien. Plus tard, on m'a dit que c'était moi qui avais fait ça. Qui les avait fait disparaître.
On m'a également dit que là où m'emmenait, j'serais en sécurité, que j'serais avec d'autres comme moi. Des gamins perdus qui s'étaient réveillés de la tempête avec cette marque en forme de dahlia. On nous a raconté qu'on était spéciaux, qu'on avait chacun un don qu'il fallait préserver à tout prix. Puis on nous a collé ces codes barres dans la nuque comme de vulgaires produits de supermarché et on nous a foutu dans ce bateau qui puait la mort et le rouillé. Là encore, je n'ai pas compris ce qui se passait, personne ne l'a vraiment compris je crois. Tout était allé beaucoup trop vite, trop violemment, trop silencieusement pour nous.
On nous a largué sur cette île perdue au large du continent sans rien aux alentours avec de quoi survivre et évoluer sans problèmes de notre côté. Avant de repartir en embarquant tous les adultes avec eux, ils nous ont dit qu'ils voulaient qu'on survive. De tous les mensonges qu'ils nous ont dit, celui-là paraissait être le plus vrai. J'ai plus jamais revu de buildings ni les grandes et jolies lumières que j'aimais observer depuis ma fenêtre. J'ai plus jamais revu cette lueur bleue ni ces mecs en costumes.
Aujourd'hui j'ai dix-neuf ans, presque vingt, et ni moi ni les autres n'avons remis les pieds sur le continent.
On a grandis, à peu près correctement je pense. On est devenu mature plus rapidement que la normale, on a appris la vie à notre manière. On essaie de vivre paisiblement sur cette île perdue avec l'intime conviction qu'un jour, nous retournerons au pays. On nous a abandonnés sans donner la moindre explication, peut-être même qu'on nous a oubliés avec ce vieil espoir enfoui dans lequel on aurait tous disparus. Seulement voilà, nous sommes encore là, plus vieux, plus forts. Ces fameux dons qu'ils disaient vouloir protégés sont toujours présents et ont été appris à être maîtrisés au fur et à mesure des années. Et durant ces neuf longues années, on s'est promis la fidélité et l'entraide en nourrissant notre colère et cette certitude qui nous ronge depuis le début :
Celle d'un jour y retourner et leur montrer qui ils ont blessés.
.⋆。⋆☂˚。⋆。˚☽˚。⋆.
alors ?
j'avoue que c'était un gros projet à la base mais bon... au moins j'ai déjà qq trucs d'écrit, j'espère que ça vous plaira malgré tout !
passez une bonne soirée
sunny <3
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