Désignation.
L'avant-découverte.
Encore une nuit terrifiante venait d'avoir lieu. Avec lenteur et appréhension, je me levais de mon lit, mes mains tremblaient et une boule nerveuse s'était logée au creux de mon ventre.
A mon plus grand étonnement, il était dix heures mais aucun cri n'avait encore retenti. Pourtant, tout le monde savait qu'il y avait encore eu un mort cette nuit, c'était une évidence, les quatre loups avaient de nouveau désignés une victime et l'avaient tué. Tout les villageois devaient être à la recherche de la dépouille à l'heure actuelle.
Peut-être que cette fois-ci, ils étaient restés tranquille ? Ils s'étaient abstenus ?
Non, c'était impossible. Les loups tuaient, quoiqu'il arrive.
Je pris ma douche nerveusement, frottant un peu trop fort ma peau à l'aide du gant de toilette, l'irritant et la rendant rouge vif.
A vrai dire, dire que j'étais angoissé par rapport au nouveau décès n'était pas totalement vrai, j'étais également extrêmement anxieux vis-à-vis de la prochaine pleine lune. A ce moment précis, Cupidon choisirait deux personnes qu'il unira pour la vie, si l'un des deux mourrait, l'autre se laisserait périr par le chagrin. Ils s'aimeront follement, jusqu'à la mort et aucun retour en arrière ne sera possible, pas même une sorcière ne pourra les sauver de cet amour dévastateur.
De quoi avoir la crainte d'être élu, de plus, Cupidon pouvait choisir un simple paysan et un loup, deux loups, deux paysans, peu importait le sexe, la condition, ou autre. Mais le pire, était que tout le monde ignorait qui incarnait l'ange de l'amour, et que celui-ci pouvait s'amuser à unir deux personnes par pure vengeance envers ceux-ci.
J'avais peur, alors que je savais très bien que personne ne me détestait, j'étais toujours en retrait, et ma seule amie était Enea, une petite rousse chétive, promise à un homme de quarante ans à sa majorité. J'étais enfant unique, moyen à l'école, pas excellent en sport, mais je me débrouillais. Je n'avais jamais eu de différent avec une personne, j'étais en soi quelqu'un de très banal et ennuyant à en mourir. Et c'est pour cela que je me méfiais, dans ce village, nombre de personnes étaient sadiques et seraient capables de me faire tomber amoureux de la pire des espèces.
Lors de cette pleine lune, les deux élus par l'ange seront marqués à l'intérieur de la cuisse droite, d'un tatouage représentant leur nouvel amant. Par exemple, si on était lié à un loup, alors une ombre de loup sera représenté sur la peau de son amoureux. C'est seulement dans les jours qui suivront leur désignation que les deux désignés tomberont fous amoureux l'un de l'autre.
Je me passai la main sur le visage, je commençais à en avoir des maux de tête à force d'y penser, c'était horrible ce sentiment d'impuissance.
« Erin, tu as bien dormi ? Demanda ma mère lorsque je sortis de la douche et entra dans la cuisine, où elle prépara le petit-déjeuner.
- Oui, mentis-je pour ne pas l'alerter. Qui est mort ? Continuais-je sur le même ton.
- La vieille Sonarisa, on l'a retrouvé à l'entrée de la forêt, mais aussi son unique fils. »
Alors comme ça, le loup blanc avait attaqué ? Étrange. Surtout pour éliminer des gens aussi insignifiants. Au moins, on sait désormais que la vieille Sonarisa et son fils n'étaient pas des loups, surtout que son fils avait souvent été en danger lors du conseil des villageois.
Normalement, les loups se concertaient pour tuer un habitant, pas plus, néanmoins le loup blanc avait l'avantage de tuer un autre habitant. Il était le seul à détenir ce pouvoir en plus des loups. Si les habitants devaient absolument tuer un loup, c'était sans nul doute celui-ci. Il était pire que tout, une légende racontait d'ailleurs qu'il n'avait pas de sentiment, même pour ses propres parents, et qu'il aimait tuer quand bon lui semblait. Cependant, depuis ma naissance, le loup blanc n'attaquait que très rarement et c'était exceptionnel de retrouver deux morts.
Je ne pris pas la peine de répondre à ma mère et je partis à l'école. Ayant dix-sept ans, j'étais donc dans ma dernière année de lycée.
Toute la journée, je me fis gronder par mes professeurs, qui me reprochaient mon manque d'implication. Mon cerveau était ailleurs, j'étais vraiment trop préoccupé et je n'arrivais pas à me concentrer sur les cours. Mais cela n'était pas vraiment important, car mon père était le principal de l'établissement. En l'occurrence, je ne risquais rien.
« Erin, reprends toi, tu n'as aucun soucis à te faire, tu ne seras pas l'un des désignés par Cupidon. Je te le promets, m'assura ma meilleure amie en sortant du lycée.
- Comment peux-tu le savoir ? Soupirais-je.
- Parce que personne n'a rien contre toi, et qu'ils ne font même à attention à ta présence. Tout comme moi d'ailleurs, nous ne risquons rien, tenta-t-elle de me rassurer. »
Je lui offris un sourire pour la remercier. Elle comprenait toujours la raison de ma nervosité, et jour et nuit je priais pour qu'elle ne soit pas en réalité un loup, même si j'étais presque persuadé qu'elle n'était qu'une simple villageoise.
« Cupidon ne doit même pas savoir qui nous sommes, de toute façon, termina-t-elle. »
Elle me rendit mon sourire et nous nous dirigeâmes vers chez moi. Nous faisions toujours nos devoirs ensemble, c'était un rituel que l'on avait pris depuis notre plus tendre enfance. J'espérai que cela dure encore très longtemps, même si chaque semaine, la peur de se faire dévorer ou l'un des nôtres était omniprésente.
A vingt heure précise, tout le village se réunit dans un immense amphithéâtre afin de voter la mort d'une personne. Chaque samedi, l'ensemble des villageois désignaient une personne qui leur semblait suspecte et potentiellement un loup, et on l'exécutait sur le champs si elle obtenait la majorité, sans retour en arrière en cas d'erreur sur sa vraie nature.
Aujourd'hui, trois villageois auront péri... Et comme toujours, je frôlais la crise de panique en entrant dans la grande pièce et en prenant place. Peur pour ma vie et ceux de mes proches. Mais aussi en sachant que peut-être, un simple villageois qui n'a rien demandé allait être assassiné. On mettait fin à une vie peut-être innocente.
Il ne manquait plus qu'une personne, et lorsque celle-ci apparue enfin, je fis la grimace. Je détestais ce type, Alix Offmann, le fils du doyen. Le doyen était le seul villageois dont on connaissait la vraie identité, le plus vieux du village devenait automatiquement le maire, et sa vraie nature était alors révélée. Il n'était qu'un simple villageois. Cela donnait une immunité à son fils, qui était dans ma classe, et qui justement, en jouait. Il était terriblement arrogant, et ne se cachait pas pour mépriser tout le village, mais personne ne pouvait rien faire, au risque d'avoir les foudres du doyen, dont le vote comptait pour plusieurs. Il était absolument détestable, donnant des ordres, faisant la loi, ayant un franc-parler à tout épreuve. Il était aussi complètement inconscient, car lorsque son père mourra et qu'un autre doyen sera élu, tout le monde voudra l'éliminer par vengeance. Son heure était comptée. C'était la seule personne dont je me fichais qu'il meurt.
Mon regard se promenait pendant les prières du début par le doyen, et tombait sur Gabin, un adorable brun au visage d'ange. J'ai toujours rêvé de lui parler, car lui aussi était en terminal, mais j'étais beaucoup trop timide et méfiant pour m'en approcher. Et si c'était un loup ? Voire le loup blanc ? Non, Gabin était trop mignon pour l'être. Je le connaissais depuis que j'étais tout petit et il a toujours été doux, avenant, gentil et généreux avec les autres.
Lorsque le doyen commença le vote, un terrible frisson parcourut mon échine. Je vis en plus de ça quelques regards se tourner vers moi lorsque le vieil homme nous accorda cinq minutes, afin qu'on choisisse qui allait être désigné et ainsi lâchement tué. Ce n'était pas la première fois, mais cela m'effrayait toujours autant.
Puis les votes débutèrent, et une petite fille d'à peine six ans obtint la majorité en concurrence avec un père de famille. Quoique le choix sera, la sentence était horrible. Je me demandais même comment on pouvait suspecter une gamine d'être une louve qui dévore des gens la nuit. De plus, cette petite était absolument adorable, elle ressemblait à une poupée avec ses longs cheveux dorés et bouclés, son visage d'ange sorti tout droit du paradis et sa petite robe rose bonbon. Sa mère, à ses côtés, était en train de pleurer et supplier qu'on ne la tue pas, elle jurait devant dieu que sa fille n'était qu'une simple villageoise. Puis de l'autre côté, il y avait les enfants et la femme de l'homme désigné, qui pleuraient mais qui se taisaient, priant silencieusement pour que l'on sauve leur père ou son mari. C'était une fois de plus, un spectacle horrible et poignant.
« Moi je vote Erin, s'exclama soudainement une voix. »
Je sursautai en entendant mon prénom. Qui ? Qui osait penser que je faisais parti des loups ? Mon regard tomba sur Alix, qui s'était tourné vers moi et m'offrait un grand sourire narquois. Ce...!
Ma mère se tourna elle aussi vers moi, les yeux écarquillés, qui laissèrent vite place à la peur sourde. Elle attrapa fermement ma main et la serra fermement, me la broyant presque, mais je ne fis aucune remarque, je savais qu'elle était actuellement terrifiée et je l'étais tout autant qu'elle, mais j'évitais de le montrer, gardant la tête haute et fière.
Une flopée de villageois prononça mon prénom à la suite d'Alix, le suivant comme des bons petits toutous et je commençais à rattraper dangereusement les deux. Ma mère commençait à pleurer, et j'étais pas loin de la suivre, mes yeux étaient humides et une terrible envie de vomir me prit les tripes. Non ! Je n'étais pas prêt à mourir ! Je n'avais que 17 ans et j'étais simple villageois !
Puis vint mon tour, et je nommai lâchement le prénom du père de famille, sans même le regarder, je n'aurais pas pu, afin de me sauver. Mon prénom, celui de la petite fille et de l'homme furent les plus prononcés, et Enea me regarda avec tristesse, comme si c'était la dernière fois qu'elle pouvait le faire. Ce qui me stressait encore plus. Il fallait vite en finir, sinon j'allais faire un arrêt cardiaque avant le verdict final, ce qui serait dommage si finalement j'étais épargné.
Finalement, ce fut le père de famille qui eut le plus grand nombre de vote, et malgré la situation horrible pour cet homme et ses proches, je soupirai de soulagement.
Ils embarquèrent directement le père de famille, sous les gémissements terribles de sa femme et les pleurs bruyants de ses enfants. C'était malheureux à dire, mais je commençais à m'y habituer. L'homme fut emmené en bas, sur l'estrade où se trouvait le doyen quelques minutes plus tôt, un homme derrière lui avec un poignard sur la gorge. Puis vint la révélation.
« Qu'êtes-vous ?
- Un villageois... Prononça l'homme d'une voix faible. »
Quelques cris retentirent avant que l'homme ne fut violemment égorgé. Une fois la décision prise, on ne pouvait revenir en arrière. C'était les règles, et encore une fois, on venait d'assassiner un innocent.
La tristesse m'envahit comme à chaque fois, mais je savais qu'elle finirait par partir dans quelques heures. Du moins, elle partit à l'instant même où je me rappelai que ce soir, deux personnes allaient être liés pour toujours. Transformant ainsi ma tristesse en angoisses.
En sortant, je croisai Alix et j'eus une terrible envie de l'étriper à mains nues et devant tout le monde. Mais déjà que j'étais sur la sellette, alors si j'osais ne serait-ce que toucher cet horrible être, je me faisais exécuter sur le champs.
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