6. dans lequel Daniel ne sait pas comment réagir
Daniel ne revoit pas Sienna pendant deux jours. Il ne s'en inquiète pas, et n'y pense que le samedi soir, lorsqu'il se couche. Il sait qu'ils ont fait la paix. Qu'elle utilise à nouveau son nom de famille pour lui parler.
Que tout va bien entre eux.
Le dimanche, il arrive en avance sur le paddock pour travailler. L'effervescence n'a pas encore commencé, alors il ne croise personne avant d'entrer dans le motorhome Red Bull. A la fin de la course, les réunions s'enchaînent, et il ne sort que plusieurs heures après le podium.
Il prend quelques photos avec des fans et discute avec Mick qu'il croise par hasard. Il s'apprête à reprendre son chemin quand son téléphone vibre, annonçant l'arrivée d'un mail sur son adresse professionnelle. Il s'attend à voir une proposition de partenariat, ou quelque chose d'encore moins sérieux, mais il se trompe.
-Je vais finir par croire que tu le fais exprès, Ricciardo.
Daniel n'entend la phrase que d'une oreille. Il fixe son téléphone, plus précisément le mail qu'il vient de recevoir, d'un air sérieux. Il a besoin de s'asseoir et de réfléchir aux mots qu'il voit. Il relève la tête et regarde autour de lui, mais évidemment, il n'y a rien pour s'asseoir sur le paddock.
-Hé.
C'est la main de Sienna sur son bras qui le fait réagir. Il lève la tête et voit sur son visage qu'elle semble inquiète.
-Ça va ?
-Ça va, répond-il sans trop y réfléchir, essayant de revenir à ses esprits. J'ai reçu... un mail...
Daniel voit bien qu'elle n'ose pas poser de questions, et il n'est pas sûr qu'il a vraiment le droit d'en parler. Le mail n'est pas ce qu'il y a de plus officiel, mais il connaît assez ce milieu pour savoir que normalement, à ce stade-là, on n'en parle pas.
-T'as ton badge ? demande-t-elle avant de vérifier elle-même autour de son cou. Viens, on va sortir un peu d'ici, prendre l'air.
Daniel ne réalise même pas que ses propos sont stupides, car l'air est le même dans et en dehors du paddock. Il la suit machinalement, et une fois dehors, ils marchent quelques mètres pour se retrouver devant un banc sur lequel Daniel se laisse tomber, toujours sous le choc.
-Ça va ? Tu veux boire un peu d'eau ?
Il est surpris de voir qu'elle lui tend une bouteille, qu'il attrape avec un sourire.
-Merci.
Elle sourit à son tour et ne dit rien. Elle ne lui pose aucune question et ne semble pas avoir prévu de lui demander des explications. Elle est juste là. Présente.
Cela convainc Daniel de révéler ce qu'il a lu.
-J'ai reçu un mail de chez AlphaTauri. Ils veulent qu'on discute pour un éventuel siège pour la saison prochaine.
-Et comment on se sent à propos de ça ?
Daniel sourit. Il ne s'attendait pas à ce qu'elle utilise "on" dans cette phrase. Il sait bien qu'il s'agit d'une manière générale de parler et qu'elle ne s'inclut pas spécialement dans ses pensées ou son futur, mais ça le touche sans qu'il ne sache expliquer pourquoi.
-Je... quand j'ai quitté Mclaren, j'étais dévasté. Je me disais que je pourrais accepter un siège dans n'importe quelle écurie qui pourrait me permettre de rester, puis de revenir en Formule 1. Puis j'en ai voulu aux écuries. Je leur en veux encore un peu, je crois. Aucune d'entre elles n'a voulu me laisser ma chance alors que c'est tout ce que j'attendais. Et maintenant, me revoilà chez RedBull. Et c'est très stupide, parce que je sais qu'ici, je n'aurai jamais ma place en tant que pilote officiel, et même si c'était le cas, je ne sais pas si j'en voudrais vraiment. Mais au moins, même en tant que troisième pilote, je fais partie d'une grande écurie au moment où même les petites n'ont pas voulu de moi.
Daniel soupire avant de secouer la tête.
-Je t'en voudrais pas de pas comprendre ça, je crois que je suis juste bizarre.
Sienna secoue la tête.
-Je comprends. Mais je crois que tu réfléchis trop de façon globale. C'est quand, la dernière fois que t'as piloté une voiture, Ricciardo ? Je te parle pas d'un simulateur.
L'australien se mord la lèvre.
-C'est pas ça, ce que t'aimes faire ? Conduire une voiture ? Gagner des courses, faire des podiums, avoir des points... c'est pas du bonus ?
Elle a raison, Daniel ne peut pas le nier. Conduire. C'est ça, son métier et ce qu'il aime faire. Conduire, et toutes les sensations que cette activité provoque en lui.
-J'essaie pas de te convaincre, peut-être que gagner c'est aussi important pour toi.
-Non. T'as raison. Gagner, c'est pas le principal. Je le fais pas souvent, de toute façon, sourit-il, et Sienna rit.
Il hoche la tête.
-Je vais y réfléchir sérieusement. Au calme. Loin du paddock.
Sienna sourit.
-C'est ce qu'il faut faire. Non parce que là, au lieu du paddock, t'étais encore sur mon chemin.
Il rit.
-Je sais ce que t'allais demander, "tu te pousses de là ou on couche ici ?". J'allais me pousser.
Elle baisse les yeux, et il sait qu'elle a compris. Il va la laisser tranquille, maintenant. Fini, les avances, les sous-entendus.
-Merci, Sienna.
Elle soupire et relève la tête. Leurs regards se croisent, et Daniel rêve d'un monde où il lui aurait plu en retour.
-J'ai rien fait.
Ils savent tous les deux qu'elle a tort.
-Sois plus discret, quand tu la regardes.
Daniel tourne la tête vers Théa. Pour une fois, elle ne travaille pas, elle traîne simplement sur le paddock avec lui.
-Je la regarde pas, je regarde Nyck.
C'est un mensonge, bien sûr que c'est Sienna qu'il observe d'une manière qu'il coryait discrète depuis plusieurs minutes. Théa fronce les sourcils.
-T'as encore moins de chance, choisis-les mieux, la prochaine fois, bon sang.
Daniel ouvre la bouche, offusqué.
-J'ai pas "encore moins de chance", déj-
-Si. Nyck, il a Téo. Sienna, elle n'a personne, si ?
Daniel ne répond rien. Il n'a pas la réponse à cette question, et partager ses doutes viendrait à mentionner l'existence de la fille de Sienna, ce qu'il ne ferait pas même sous la torture.
-J'en sais rien, avoue-t-il, et Théa hausse les épaules.
Il faut qu'il passe à autre chose, il le sait.
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