Même sans croiser Sienna, Daniel passe un bon week-end. Théa ne dit rien à personne, mais il voit bien que Lando et George semblent avoir compris que quelque chose n'allait pas. Ils font bloc autour de lui, et ça lui évite de trop penser à cette scène autant qu'à son contrat dont il n'a toujours aucune nouvelle.

Le dimanche soir, il est surpris de voir que l'australienne l'attend devant chez Red Bull.

-Hey, qu'est-ce que tu fais là ? sourit-il, et elle lui rend son sourire.

-Je suis venue te voir. On peut marcher jusqu'à la sortie.

-Je te manquais trop, dit-il en soupirant, et elle hoche la tête.

-C'est un peu ça, oui. Désolée, j'ai été super occupée, je rentrais directement et...

-Non, t'as pas le droit de t'excuser pour ça. Tu passes du temps avec ta fille, Sienna. Est-ce que ça lui plaît d'être en vadrouille avec toi comme ça ?

-Oui. Elle adore.

Sienna hausse les épaules.

-La séparation... ça a fait beaucoup de changements pour elle. Avant, elle restait à la maison quand je partais, on se retrouvait quand je rentrais et puis voilà. Maintenant, tout est différent. Mais elle à une capacité d'adaptation assez incroyable, elle est contente de venir visiter des nouveaux endroits avec moi. Tout comme elle adore rester à la maison avec son père. J'essaie de rentrer quand même pour être là dans les journées normales avec école, je veux pas qu'elle pense qu'avec moi, c'est que les parties rigolotes, et avec son père les moments sérieux.

Daniel sourit.

-Je comprends pas pourquoi tu doutes d'être une bonne maman.

-Merci, Ricciardo. Personne me dit jamais ça, tu sais.

-Je te le dis, moi.

-A défaut de me dire que je suis bonne.

Le pilote éclate de rire.

-J'étais persuadé que ce débat était clos.

-Il l'est, j'aime juste bien te rappeler qu'il a existé, sourit-elle.

Ils sortent tous les deux et Daniel hausse les épaules.

-Bonne fin de week-end.

-A toi aussi, Ricc. On se voit dans deux semaines.

Il hoche la tête, et elle ajoute :

-Maxine ne sera pas là.

-Réserve-moi ton lundi, alors.

-Avec plaisir, sourit-elle.

-Qu'est-ce qui est drôle pour un date ?

Théa fronce les sourcils pendant que Lando pouffe à côté.

-Drôle ? Qu'est-ce que tu racontes ?

Daniel soupire.

-Je lui ai dit que j'allais organiser un truc drôle pour le date. A Sienna.

-Ah, ça y est, je suis plus traité comme le gosse, j'ai le droit d'entendre tes histoires d'amour ? demande Lando en croisant les bras sur sa poitrine.

-Mets pas au pluriel, tu vois pas comment c'était compliqué d'en arriver là ? se moque Théa, et Daniel hausse les sourcils.

-Je vais faire comme si aucun d'entre vous n'avez parlé. Donc ? Un truc drôle ?

-Emmène-là au cirque, rétorque Lando.

-Vas-y, emmène George d'abord et tu me racontes.

-Comment ça, drôle ? les ignore Théa. Ça veut pas dire grand chose. Genre, amusant ? T'as qu'à l'emmener dans un parc d'attractions, dans une fête foraine, un truc comme ça.

Le visage de Daniel s'illumine.

-Mais quelle génie, cette Théa.

Lando hausse les épaules.

-Bah, je peux pas te contredire là-dessus. Mais tu sais si elle aime les manèges ?

Daniel secoue la tête. Il n'en a aucune idée, jamais ce sujet n'a été mentionné dans une conversation.

-Je vais me renseigner discrètement, déclare Théa. Je te file l'info le jeudi soir, ça te va ?

-Merci, tous les deux. Vous êtes pas si pénibles quand vous faites des efforts.

Lando lève les yeux au ciel.

-Je viendrai avec toi, Théa. Je n'ai toujours pas eu l'occasion de la rencontrer, moi, Sienna. Je dois la valider.

-Tu dois rien du tout, t'as intérêt à te tenir correctement devant elle.

Pour toute réponse, Lando lui fait un doigt d'honneur avant de s'éloigner en marmonnant à Daniel que lui, de toute façon, n'a pas de siège. Théa le suit en pouffant, et l'Australien les regarde s'éloigner en souriant.

Il ne lui reste plus qu'à trouver un parc d'attractions pas trop loin du circuit, une tenue qui ne va pas trop se froisser et un peu de courage pour enfin oser faire plus que l'admirer.

Daniel a des nouvelles de son contrat le jeudi, en arrivant sur le circuit.

Il est prêt.

Il n'a plus qu'à le relire et à le signer.

Contrairement aux fois précédentes, il n'est pas sur un petit nuage en arrivant discrètement chez AlphaTauri : il est très conscient de ce qui se passe. Il a besoin d'être entièrement concentré pour ne pas oublier. Il veut se rappeler exactement de comment cela s'est déroulé pour ne jamais douter que ça a bien eu lieu.

Il sait qu'il n'oubliera rien de ce moment. Il n'oubliera pas chaque personne qui lui a parlé ce matin-là, l'odeur de pneus et de café qui régnait, ses mains moites et ses lèvres étirées jusqu'aux oreilles. Il n'oubliera pas les mots échangés et les bruits de papiers. Il n'oubliera pas ce mélange de sentiments, au fond de lui, dans son cœur. La joie, le soulagement, la fierté. La réalisation qu'il va remonter dans une monoplace dans quelques mois, une monoplace avec le numéro "3" dessus. Sa monoplace. Il a bien cru que ça n'arriverait plus. Il avait peur que ça n'arrive plus.

Mais Daniel Ricciardo n'avait pas dit son dernier mot.

Tout se passe comme prévu, et après deux lectures, Daniel appose sa signature sur le contrat avec son stylo noir.

Son stylo noir d'Australie.

Celui qu'il promène dans sa poche depuis des semaines.

Le même qu'a utilisé Sienna pour signer les papiers du divorce.

Le stylo des grandes décisions.