-Je suis un peu anxieuse.
Daniel quitte son assiette du regard pour observer le visage de Sienna. Lui qui est très expressif du visage est toujours étonné de voir à quel point elle est douée pour cacher ses émotions.
-Je sais même pas pourquoi. Je m'en fiche un peu, de ce qu'elle va me dire. Et en même temps, je ne m'en fiche pas du tout.
Le pilote hoche la tête.
-C'est normal, je crois. Tu ne veux plus de lui dans ta vie mais il a été une grande partie de ta vie.
Elle soupire.
-Avec Maxine, on sera toujours lié. Et je crois que ça me fait beaucoup de peine. J'aurai aimé... pouvoir être simplement avec elle et ne plus jamais avoir aucun lien avec lui. Mais je ne pourrais jamais lui faire ça. Il n'a rien fait qui justifie ça. Il m'a fait du mal mentalement seulement.
-Le "seulement" n'a pas vraiment sa place dans ta phrase.
Elle hoche la tête.
-Ouais. Mais c'est frustrant. Pas que je dis que je voulais qu'il me fasse du mal physiquement, vraiment pas !
-J'ai compris. C'est frustrant parce que personne ne peut vraiment témoigner de ça sauf toi.
-Exactement.
Elle souffle.
-Bon, parlons d'autre chose, j'ai ce talent de toujours parler de ce genre de sujet super joyeux. Comment tu vas, Ricciardo ?
Il sourit.
-Je suis content d'être là avec toi. Ça ne me dérange pas de parler de ça, tu sais.
Elle baisse les yeux.
-Oui, enfin, faut doser.
-Non, je pense pas. Ça fait partie de ce que tu vis et de ce que tu ressens en ce moment, Sienna. On ne va pas s'empêcher d'évoquer quelque chose sous prétexte qu'on en a déjà parlé la veille. Si c'est important, si c'est en train de se passer et que ça provoque des émotions, heureuses ou non, alors on peut en parler. On doit en parler.
-Tu sais parfois je cherche un red flag sur toi, même un tout petit, juste pour me ramener sur terre. La recherche ne porte pas ses fruits.
Daniel rit.
-J'ai pas de siège.
Sienna secoue la tête.
-C'est pas un red flag, ça, Ricciardo.
-Bon, bah, tu me diras quand tu auras trouvé.
Elle hoche la tête.
-Compte sur moi. Tu veux prendre un dessert ?
Quand le lendemain, Daniel entend deux coups à sa porte, il sait que c'est Sienna. La veille, elle lui a énoncé l'horaire et le lieu du rendez-vous avec la femme, alors ce n'est pas une surprise. La surprise est plutôt à quel point l'australienne est devenue un livre ouvert : il peut voir sur son visage qu'elle n'est pas dans son état normal.
-Tu voudras manger un truc, là-bas ? Boire ? demande-t-il pour essayer de lui occuper l'esprit sur le trajet, et elle hoche la tête, les yeux dans le vide.
-Oui. Peut-être un croissant.
-Un croissant ? Ailleurs qu'en France ?
Elle hausse les épaules. Daniel a l'impression qu'elle a soudain raccroché au wagon, et il sait que ça ne va pas durer très longtemps.
-Toi, tu veux quoi ? Un café, encore ?
-Comment ça, encore ?
-Tu bois souvent du café avec Lando et Esteban.
Daniel sourit.
-Oui, c'est vrai. C'est notre boisson spéciale potins.
-C'est quoi, les potins du paddock ?
Il hausse les épaules.
-Je t'ai dit de venir discuter avec nous. On va te les raconter.
-Oui, peut-être bientôt.
Daniel n'insiste pas : il sait que lorsqu'elle se sentira assez à l'aise, elle le fera.
En arrivant dans le café où ils ont rendez-vous, Daniel remarque que les yeux de Sienna se posent immédiatement sur une femme.
-C'est elle.
Il ne sait pas comment elle le sait, il la suit simplement à la table. Un serveur passe au même moment et prend leur commande avant même qu'ils n'aient plus échangé un mot.
-Bonjour, Sienna, merci énormément d'avoir accepté de me rencontrer. Je suis Nina.
Sienna hoche la tête.
-Sienna. J'ai amené Daniel, dit-elle comme si c'était quelqu'un qu'elles connaissaient toutes les deux, et Nina sourit.
-Oui, aucun problème.
Les deux femmes s'assoient face à face, et Daniel s'installe à côté de Sienna.
-Merci d'être venue. Je suis très heureuse de pouvoir discuter de vive voix avec toi.
Sienna hausse les épaules, et Nina se mord la lèvre. Daniel remarque qu'elle est stressée.
-Écoute, je... t'es pas obligée de croire ce que je vais te dire, bien sûr. Mais j'ignorais ton existence jusqu'à il y a quelques semaines.
Daniel plisse les yeux. Il regarde Sienna, qui ne laisse passer aucune émotion. Leurs cafés et le croissant arrivent à ce moment-là, ce qui laisse le temps à tout le monde de reprendre de l'air avant de continuer.
-Mais comment... tu te demandais pas où il était, tout le temps où il était pas avec toi ?
Nina hausse les épaules.
-On n'a jamais parlé de s'installer ensemble ou quoi... on sortait ensemble, c'est tout. Ça ne m'intéressait pas d'avoir un truc particulièrement sérieux et lui disait que c'était pareil. Il m'a raconté qu'il travaillait avec des horaires spéciaux.
Une lueur traverse les yeux de Sienna, et elle demande immédiatement :
-Tu as déjà vu notre fille ?
Daniel se mord la lèvre en voyant le visage de Nina se décomposer.
Elle ne savait pas.
-Sienna, je n'ai jamais rencontré votre fille. Je viens de découvrir son existence.
L'australienne soupire de soulagement, et même si Daniel n'a pas d'enfant, il comprend.
-Ça explique pourquoi on ne pouvait se voir que le jeudi et le vendredi de certaines semaines. C'était pendant l'école.
-Je pars généralement du mercredi au dimanche, confirme Sienna d'une voix blanche, et Nina hoche la tête.
-Quand est-ce que tu... as découvert que j'existais ? demande-t-elle, et Sienna fait la moue.
-L'année dernière. J'ai vu des photos, je suis désolée, j'étais pas supposée les voir, elle ne m'était vraiment pas destinée. Il n'a pas nié. J'ai demandé oralement le divorce.
Daniel décroise ses bras et passe une de ses mains sous la table : elle trouve immédiatement celle de Sienna. Il entremêle leurs doigts ensemble et décide qu'il ne la lâchera pas.
Dans tous les sens du terme.
-Et toi ? demande Sienna, qui semble de plus en plus brisée par cet échange. Daniel se promet d'y couper court rapidement. Les deux femmes se font du mal en répondant à ces questions, et même si c'est important de reconstituer l'histoire, inutile de se rendre malade pour un homme pareil.
-J'ai vu les papiers du divorce chez lui, c'est là que j'ai su. Avant, il n'a rien laissé paraître, rien dit. J'étais vraiment... l'autre. Je l'ai quitté et il n'a pas essayé de me retenir.
Sienna secoue la tête.
-Et il les a enfin signé. Les papiers. Il nous a lâché toutes les deux.
-Non, intervient Daniel. C'est vous qui l'avez lâché. Lui, il se retrouve tout seul.
Nina hausse les épaules, et Sienna fait un petit sourire discret.
-Je ne lui ai pas dit que je suis enceinte, souffle soudainement Nina, et le visage de Sienna se décompose. Daniel ferme les yeux quelques secondes, le temps de ravaler ces insultes qui lui traversent l'esprit pour qualifier un homme qu'il n'a heureusement jamais rencontré.
-Je peux pas prendre la décision à ta place mais t'es pas obligée de lui dire. Parfois j'aurai aimé qu'il ne connaisse pas Maxine pour ne plus avoir aucun lien avec lui.
Elle se mord la lèvre.
-Mais je dois être honnête, c'est un bon père. Elle l'aime beaucoup et il a toujours pris son rôle au sérieux, quand on était ensemble et maintenant. Réfléchis-y. C'est ta décision à toi.
Nina ne répond rien, plongée dans ses pensées. Sienna soupire bruyamment.
-On va y aller, annonce cette dernière, et Daniel hoche la tête. Il est content qu'elle ait pris la décision. Je peux te poser une dernière question ?
Nina hoche la tête.
-Est-ce que tu as des tatouages ?
-Non. Aucun. Pourquoi ?
Sienna hoche la tête.
-Comme ça. Merci, Nina. J'espère que tu réussiras rapidement à passer à autre chose. Il a pris huit ans de nos vies, il n'en mérite pas une seconde de plus.
Nina sourit.
-Merci. Toi aussi, mais tu as l'air mieux partie que moi.
Sienna sourit avant de regarder Daniel. Ils finissent par se lever, et passent à la caisse avant de quitter le café. Une fois dehors, Sienna lâche un long soupir. Daniel ne peut pas imaginer tout ce qui s'est passé dans sa tête, et il ne préfère pas essayer. Tout ce qu'il peut faire est essayer d'être là pour elle. Que ce soit par sa présence ou par son absence.
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j'ai dû couper le chapitre un peu n'importe comment mais le suivant arrive bientôt :)
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