Le lendemain matin, Daniel se réveille après un rêve ayant tourné au cauchemar, dans lequel Sienna lui annonçait un plein milieu d'un rendez-vous que finalement, il ne lui plaisait plus trop.

Après avoir bu son café, l'australien se dit que, peut-être, il devrait effectivement lui proposer de dîner avec lui, un de ces soirs.

Il se dit aussi qu'il aurait pu y penser avant. Mais il ne racontera à personne que ça ne lui traverse l'esprit que maintenant.

Il se prépare et rejoint le paddock pour travailler, sans la croiser. Si elle n'arpente pas le paddock, c'est qu'elle est potentiellement en réunion avec un pilote, alors il se résout à entrer chez Red Bull sans l'avoir vu. Quand il ressort après les essais libres, elle est plantée à quelques mètres de l'entrée, fixant son téléphone.

-Mais dis donc, on dirait bien que les rôles sont inversés, aujourd'hui.

Elle quitte son cellulaire du regard et redresse la tête. Dès que Daniel apparaît dans son champ de vision, un sourire éclaire son visage.

-Je sais que tu rêves de dire ma phrase-signature, je te laisse donc l'honneur.

Daniel sourit à son tour avant de demander :

-Tu te pousses, ou on couche ici ?

Elle rit.

-Tu penses quoi du ton que j'ai utilisé ? J'ai essayé de faire au plus près.

-C'est très réussi.

-Qu'est-ce qui t'arrives ? Tu veux en parler ? demande-t-il en montrant le téléphone du menton, et Sienna se mord la lèvre.

-Elle veut me rencontrer pour qu'on discute. L'autre femme.

Daniel fronce les sourcils. Il ne comprend pas immédiatement à qui elle peut bien faire référence, et quand une idée lui traverse l'esprit, il ne réfléchit pas et lance :

-Sa maîtresse ?

-C'est pas sa maîtresse, contredit-elle, et Daniel fronce les sourcils.

-Il était marié avec toi, Sienna.

Elle hausse les épaules, et Daniel commence à se dire que le déni est trop fort chez Sienna quand elle ajoute :

-Mais il a commencé à la voir quelques mois après notre mariage. Et il a continué pendant les huit ans de notre mariage.

Le pilote se tait. Il comprend ce qu'elle veut dire. C'est sa maîtresse, évidemment, mais une maîtresse de longue date. De trop longue date.

-Est-ce qu'ils... se voient toujours ? Pardon, je me permets de poser des questions, tu n'es pas obligé de me répondre.

Sienna sourit.

-Tu fais un peu partie de l'équation, maintenant, Ricciardo.

Il rit.

-Oui, enfin, ta manière de faire est quand même plus propre que la sienne.

-Je te l'ai dit. Je pouvais pas le tromper, même après tout ça. Même avec toi.

Daniel essaie de capturer ce moment dans sa tête pour toujours. Les sons environnants, la façon dont le soleil tape sur sa peau, le sourire de Sienna lorsqu'elle prononce ces mots qui lui montrent encore une fois à quel point il a de l'importance pour elle.

-Je ne sais pas s'ils se voient toujours. C'est pour ça que je ne suis pas sûre de vouloir lui parler. Je ne sais pas quelles sont ses intentions.

-T'es pas obligé de dire oui. Enfin, je sais que tu le sais, mais je veux dire... ne te sens pas coupable de refuser pour te protéger. Si ce qu'elle a à dire est si important, elle peut te le dire par message.

-Tu viendrais ? Si j'allais la rencontrer quelque part.

Daniel met quelques secondes à répondre, pris de court. Il ne s'attendait pas à cette question. Sienna lui semble être une femme si indépendance depuis le début qu'il ne s'est jamais demandé si, peut-être, il pouvait y avoir des moments où elle avait besoin de compter sur les autres. Il avait vu son passage chez elle avec les papiers du divorce comme un événement exceptionnel, et avec du recul, il réalise que, peut-être, c'est simplement ce sujet-là qui est sensible.

-Bien sûr. Si tu veux que je vienne, je viendrais.

Elle hoche la tête.

-Oui. S'il te plaît. J'aimerai beaucoup.

Elle ferme les yeux quelques instants avant de franchir l'espace qui les séparent. Daniel ouvre automatiquement ses bras dans lesquels elle se glisse pour la première fois. Le pilote espère vraiment que c'est la première fois d'une longue série.

-Je voudrais bien t'emmener à un date, dit-il sans s'en rendre compte aux bouts de plusieurs minutes, et Sienna recule pour regarder son visage. Le pilote est incapable de dire si elle ne le croit pas, ou si elle veut juste l'admirer.

-Ah bon ?

Daniel rit face à sa réaction.

-Oui. C'est si incroyable que ça ?

-Non, mais ça va me stresser.

-Toi ? Si t'as oublié à quel point tu avais de l'assurance, une des premières fois où tu m'as adressé la parole, tu as parlé de mon corps, Sienna.

Elle éclate de rire, et Daniel est soulagé. Il a bien cru qu'elle allait se mettre à pleurer quelques minutes plus tôt, et il n'est pas sûr que son coeur aurait pu supporter ça.

-C'est ta faute.

-Ma faute ?! Je suis ici pour faire mon travail, moi, madame. C'est pas de ma faute si une des community managers surveillent mes tatouages.

-Je les surveille pas, je te jure. Je suis sûre que je les connais pas tous. Mais celui-ci, le papillon, je veux dire, il m'a sauté aux yeux.

Daniel hoche la tête d'un air moqueur. Elle sait qu'il ne va pas la lâcher, car il la voit lever les yeux au ciel avant même qu'il ne dise :

-Et que faisaient tes yeux à cet endroit ?

-J'observais ton corps de dieu, Ricciardo, évidemment.

-Purée, je passe toujours au pire moment à côté des couples de ce paddock, c'est pas possible, marmonne une voix, et Daniel pouffe de rire en voyant Pierre se prendre la tête dans les mains.

-Oh, je suis désolée, lance immédiatement Sienna, mais l'australien secoue la tête.

-T'excuses pas, il fait du cinéma. Arrête de faire ta prude, Gasly.

-Je fais pas ma prude, je suis déçu parce que je pensais que je te plaisais toutes ces fois où tu criais "Pierre Gasly"...

Daniel pouffe de rire, et son rire augmente quand il voit le visage perdu de Sienna.

-Il rigole, lance-t-il en posant une main sur l'épaule de l'australienne, qui fronce les sourcils et regarde le visage de Pierre comme pour chercher la confirmation. T'as jamais bossé avec lui, ça se voit.

Le visage de Sienna se détend quand elle réalise qu'effectivement, le français se paie sa tête.

-J'ai pas besoin d'aide avec mes réseaux sociaux, moi, rétorque ce dernier, et Daniel hausse les épaules.

-Moi non plus.

-Toi t'as besoin d'aide avec autre chose, si tu vois ce que je veux dire.

-Toi bien plus que moi, mais je dis rien.

Pierre lui fait un doigt d'honneur.

-Si j'étais une balance, j'irai raconter à Théa qu'aucun de vous deux ne m'a contredit quand j'ai dit que vous étiez un couple du paddock. Bonne soirée, les australiens !

Daniel fronce les sourcils, perdu. Il n'a pas réalisé que c'étaient les mots qu'il avait utilisés, et de manière générale, il n'est pas très pointilleux sur les mots. Sienna, elle, ne laisse habituellement rien passer.

-T'as baissé ta vigilance, Sienna, je suis surpris de toi.

-Tu penses que j'ai pas réalisé ou que j'ai laissé couler ? sourit-elle.

Il ne répond rien de plus qu'un sourire. Il n'a pas envie de savoir, finalement. Les deux lui vont.