Chapitre 6
La journée du lendemain fut en effet très dense. Dès dix heures du matin, l'hôtel particulier de la famille fourmillait d'activité. Les dames avaient passé la matinée à essayer leurs tenues de bal, tandis que des couturières voltigeaient autour d'elles pour effectuer les dernières retouches. Aliénor avait choisi une robe rouge sublime, dont le décolleté plongeant ne laissait que peu de place à l'imagination. Elle était belle, elle le savait et c'était agaçant. Margot aidait Gabrielle à ajuster sa robe et y ajoutait les derniers détails. La jeune femme ne put retenir un soupir d'exaspération lorsque la voix stridente d'Aliénor retentit dans le couloir pour la dixième fois depuis le début de la matinée.
La robe d'Aliénor
— Margot ! Ici immédiatement ! Ma robe a besoin d'ajustements !
La servante présenta ses excuses à Gabrielle et partit rejoindre l'exigeante noble. Gabrielle en profita pour observer sa robe dans le grand miroir installé dans sa chambre pour l'occasion. Elle tourna sur elle-même et se regarda avec satisfaction. Sa robe était parfaite. La couleur rose pâle mettait parfaitement en valeur la couleur foncée de ses cheveux. Sa taille fine était extrêmement bien marquée par une ceinture en soie, qui se fermait en un magnifique nœud dans son dos. Les motifs fleuris sur le tissu de sa robe contribuaient à la rendre festive et élégante, sans paraître trop tape-à-l'œil. A la différence d'Aliénor, elle avait préféré éviter les décolletés plongeants qui lui auraient à tous les coups valus des remarques libidineuses d'Hector de Causans. Elle avait opté pour une robe bustier qui soulignait la finesse de sa silhouette et dévoilait ses épaules et son dos sans trop en montrer pour autant.
La robe de Gabrielle
Lorsque les essayages furent terminés, la famille accueillit à son domicile deux professeurs de danse. Gabrielle admirait tous les efforts mis en place par sa tante pour faire briller Aliénor plus qu'un diamant. Pendant tout le temps de la leçon, Eugénie du Roscoat força les professeurs à se concentrer sur sa fille, laissant ainsi de côté Gabrielle.
La jeune femme se moquait bien de recevoir des conseils. Elle savait déjà parfaitement danser une multitude de danses. Aliénor avait tenté de la rabaisser au début du cours, puis elle avait vite ravalé ses critiques acerbes en constatant que Gabrielle dansait bien mieux qu'elle.
Le reste de la journée fut ensuite consacré à la préparation pour le bal. Mettre les lourdes et encombrantes tenues prenait du temps, il fallait aussi rivaliser en coiffures extravagantes et en maquillage.
— Mademoiselle, voulez-vous que je vous fasse une coiffure similaire à celle de Mademoiselle Aliénor.
Gabrielle se retourna pour regarder la coiffure de sa cousine. Elle inclina sa tête sur le côté, sceptique. Ses cheveux étaient remontés sur le dessus de son crâne.
— Ma coiffure est très réussie, n'est-ce pas ? lui dit-elle en se pavanant.
— On dirait que tu as un ananas sur la tête, lui répondit Gabrielle dans le plus grand des calmes. Pour moi, ce sera une couronne de tresses et un chignon, s'il vous plaît Margot. Je souhaite rester dans quelque chose de sobre.
Margot se chargea de la coiffer selon ses souhaits, puis Gabrielle put prendre quelques instants pour se poser avant le grand départ pour le bal. Elle regarda par la fenêtre de sa chambre et aperçut au loin les dorures de la toiture de la Chapelle Royale. Elle avait hâte de se rendre à ce bal, de rencontrer des gens de la haute société et de peut-être croiser certains de ses frères et sœurs. Secrètement, Gabrielle espérait rencontrer son prince charmant à ce bal. Elle en rêvait depuis des années. Le bal de la Saint-Sylvestre était la plus belle fête qui était organisée à Versailles. Elle réunissait des centaines de personnes dans les salons du château et dans les jardins, malgré le froid hivernal. Le roi en personne se chargeait de l'organisation de ce bal. Lorsque minuit sonnera, les rumeurs disent qu'une gigantesque feu d'artifice sera tiré depuis l'orangerie.
Gabrielle sentit l'excitation monter en elle. Elle avait déjà assisté à des bals, mais jamais d'une telle envergure. Cette nuit, une nouvelle année allait commencer. Elle allait être pleine de découvertes et d'aventures, Gabrielle en était convaincue.
Depuis le vestibule de la maison, Gabrielle entendit sa tante lui crier de descendre, et qu'il était temps de partir. La jeune femme se saisit d'une lettre que lui avait été remise par sa mère et la glissa dans une poche dissimulée de sa robe. Elle descendit l'escalier avec grâce et, une nouvelle fois, elle sentit toute la jalousie qui habitait sa cousine à chaque fois qu'elle la voyait.
— On dirait une pauvresse ! lança Aliénor avant de tourner les talons et de sortir de l'hôtel particulier.
Son oncle la regarda, l'air désolé. Il lui tendit la main pour l'aider à descendre les dernières marches et s'inclina légèrement devant elle.
— Vous êtes charmante ma nièce, vos parents seraient ravis de vous voir aussi belle.
Gabrielle remercia son oncle et ils montèrent tous les deux dans le carrosse qui attendait devant le domicile des Roscoat. Pendant le court trajet, Gabrielle fit totalement abstraction des remarques odieuses d'Aliénor. Elle contempla le château dans toute sa splendeur. Une file de carrosses attendait déjà pour entrer dans la grande cour par la Place d'armes. Beaucoup de personnes, sûrement de petite noblesse, arrivaient à pieds malgré la neige. Les femmes les plus riches portaient des tenues extravagantes, tandis que les plus modestes étaient vêtues de tenues de seconde main qui avaient été remises au goût du jour. La queue avança rapidement et le carrosse les déposa devant une entrée du château. Gabrielle s'élança avec enthousiasme à l'intérieur. Un valet l'aida à retirer son manteau tandis qu'elle ouvrait des yeux ronds comme des billes, fascinée par la beauté et le faste du lieu.
Des escaliers majestueux menaient aux étages supérieurs. Sur chaque marche était déposé un petit lumignon coloré qui illuminait le chemin à suivre. Des gens en tenue luxueuse conversaient de tous les côtés. C'était vertigineux. Gabrielle allait commencer à monter les escaliers lorsque quelqu'un s'inclina devant elle. Elle reconnut le duc de Riberolles. Elle lui fit une légère révérence et le salua joyeusement.
— Mademoiselle, vous êtes sans aucune hésitation la plus belle jeune femme de la cour de Versailles. Je ne peux qu'admirer votre charme lumineux.
Gabrielle rougit et le remercia. Le duc lui tendit son bras pour l'accompagner vers les salons qui se trouvaient à l'étage.
— Est-ce la première fois que vous venez à Versailles ?
— Oui, je n'étais jamais venue avant. Je savais que les lieux étaient sublimes, mais c'est encore mieux dans la réalité que dans mon imagination. Cela a l'air immense, j'ai peur de m'y perdre !
Le duc rit en entendant sa remarque et il plongea son regard dans celui de la charmante jeune fille qui marchait à ses côtés. Il admira quelques secondes ses yeux noisettes brillants de bonne humeur et son visage d'ange.
— Je suis prêt à vous escorter toute la soirée si cela peut vous aider !
— Je crains que cela ne déplaise particulièrement à ma tante !
— Pourquoi donc ?
Gabrielle se mordilla la lèvre inférieure, ne sachant pas comment exprimer sa pensée sans paraître impolie.
— Elle pensait que vous ne voudriez plus jamais me parler après notre rencontre il y a deux jours.
Le duc se tourna vers Gabrielle, surpris.
— Pourquoi pensait-elle cela ?
— Elle a trouvé que j'avais manqué de conversation et que je n'avais pas été intéressante pour vous.
Rigerolles secoua la tête, agacé. Il lâcha le bras de la jeune femme et se plaça face à elle. Il caressa doucement la joue de Gabrielle avec son index. Elle frissonna à ce contact et se recula, surprise.
— Qui pourrait refuser de vous parler ? Vous êtes la personne la plus intéressante que j'ai rencontré à Versailles. Vous avez de nombreuses qualités et vous savez parfaitement faire la conversation, je vous rassure. Je pourrais vous écouter des heures durant analyser les œuvres de Molière ou m'expliquer les voyages que vous souhaitez faire.
Gabrielle allait répondre lorsqu'elle fut interrompue par sa tante qui lui attrapa le bras.
— Ma chère nièce vous voilà donc ! Je vous présente la duchesse de Polignac. Elle souhaitait à tout prix vous rencontrer !
Gabrielle lui fit un grand sourire et exécuta une révérence parfaitement maîtrisée devant elle. La duchesse l'observa avec fierté puis s'adressa à Eugénie du Roscoat.
— Parfaite. Elle est parfaite.
Gabrielle se sentit rougir d'être ainsi complimentée par cette figure emblématique de la cour de Louis XVI.
— Votre grâce, je suis ravie de vous rencontrer. Ma mère m'a énormément parlé de vous.
Madame de Polignac tourna le dos à la tante de Gabrielle et entraîna la jeune femme vers les buffets garnis de nourriture.
— Je suis moi aussi très heureuse de faire votre connaissance. Vous êtes encore plus charmante que ce à quoi je m'attendais. Nous avons beaucoup à nous dire !
Gabrielle glissa une main dans sa poche et se saisit de la lettre que sa mère lui avait laissée.
— Ma mère m'a dit de vous remettre ceci.
La duchesse la remercia et glissa le pli dans le décolleté de sa robe.
— Ma chère amie, j'ai des dizaines de personnes à vous faire rencontrer ! Et plus encore de jeunes hommes qui veulent vous faire danser ce soir pour conquérir votre cœur !
Gabrielle se sentit rougir de nouveau. Elle ne connaissait pas cette femme mais elle lui parlait comme si elles étaient amies depuis des années. Athénaïs de Saint-Just avait longuement parlé à sa fille de sa grande amie, Yolande de Polignac. Elles s'étaient rencontrées à la cour de Versailles de longues années auparavant, au moment du mariage de Louise. Les deux femmes s'étaient extrêmement bien entendues et avaient gardé contact malgré la distance.
***
Et HOP voilà la suite !
On en apprend plus sur le duc de Riberolles, est-ce que vous l'aimez bien ?
Début de rencontre aussi avec Madame de Polignac, qu'en pensez-vous ?
Comment avez-vous trouvé le chapitre dans sa globalité ?
A très bientôt pour la suite <3
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