Chapitre 13

La journée se déroula à merveille aux côtés de Marie-Antoinette et de ses amies les plus proches. Gabrielle pensait que la reine ne voudrait d'elle qu'une heure le temps d'une leçon de clavecin, mais la jeune femme put passer son après-midi à profiter des charmes de Trianon. La question du clavecin ne fut même pas abordée. La reine brillait par sa légèreté et sa bonne humeur. Rien ne semblait pouvoir faire disparaître son sourire lumineux. Elle s'adressait à chacun de ses amis avec familiarité et ne se formalisait pas du ton informel qu'ils prenaient avec elle. Elle semblait aimer ce contact simple avec les gens qui l'entouraient, loin des carcans de la cour et de son fameux protocole. Dans les petits salons se mêlaient courtisans et courtisanes, échangeant des potins autour d'une tasse de thé ou d'un jeu de cartes.

Dès son arrivée, tous les regards se tournèrent vers la nouvelle venue. Gabrielle inclina légèrement la tête vers les courtisans présents dans la pièce, ayant compris que la révérence n'était pas d'usage à Trianon. Une jeune fille aux cheveux acajous et aux yeux noirs comme l'ébène se précipita vers Gabrielle, Yolande et la reine joyeusement.

— Ô ma reine ! Quelle charmante compagne vous nous amenez là ! Qui est cette belle jeune femme ?

Marie-Antoinette éclata d'un rire clair et attrapa affectueusement les épaules de sa jeune amie.

— Guichette ! Vous ne vous arrêtez donc jamais ! Cette pauvre Gabrielle va finir par faire une crise cardiaque si vous lui sautez dessus comme cela de nouveau.

La dénommée Guichette se tourna vers la nouvelle venue en haussant un sourcil circonspect.

— Quelqu'un qui risque la crise cardiaque ? Je pensais Majesté que vous choisissiez votre entourage avec plus de soin. Cela ne serait pas la première personne à en faire une en constatant l'irrespect du protocole qui règne à Trianon.

— Oui, Guichette, je vous avais bien dit que j'essayerais de ne prendre dans mon entourage que des gens prêts à accepter mes entorses au protocole. Mais ne vous inquiétez pas, Mademoiselle de Saint-Just ne semble pas s'en formaliser.

Marie-Antoinette se tourna vers Gabrielle et lui fit un clin d'œil.

— Allez, je vous laisse faire connaissance, j'ai quelques lettres à rédiger, je vous rejoindrai plus tard.

Sur ces mots, la reine quitta la pièce. Gabrielle se tourna vers « Guichette » et lui lança un sourire rayonnant. La duchesse de Polignac, qui se trouvait toujours aux côtés de sa protégée, s'adressa à la dizaine de courtisans présents dans le petit salon.

— Chers amis, je vous présente Gabrielle de Saint-Just. C'est la fille d'une de mes excellentes amies, je compte sur vous pour l'accueillir comme il se doit.

Un léger brouhaha s'éleva de l'ensemble des personnes installées dans les confortables fauteuils. Ils semblaient heureux de l'accueillir, mais ne firent pas d'effort pour l'intégrer dans le groupe. Gabrielle déglutit et se rendit alors compte que « Guichette » la fixait de ses yeux effrontés.

— Gabrielle, venez avec moi, je vais vous présenter plus intimement aux proches de la reine, ce sera plus facile pour vous de les côtoyer après.

Elle lui saisit le bras pour l'entraîner vers une petite table de marbre. Deux hommes et une femme y étaient assis et tenaient des cartes à la main.

— Je vous présente la princesse de Lamballe, le duc de Vaudreuil et le duc de Coigny.

Gabrielle vit la princesse lever un œil suspicieux vers elle avant de se replonger dans ses cartes. Les deux hommes la saluèrent poliment, mais aucun ne lui prêta une attention particulière. La jeune femme prit son courage à deux mains face à leur indifférence et leur adressa la parole, un sourire lumineux plaqué sur ses lèvres.

— Je suis ravie de vous rencontrer et si heureuse de me trouver là aujourd'hui. J'espère que nous pourrons faire plus ample connaissance dans les jours à venir.

La princesse de Lamballe ne releva même pas le regard de son jeu de cartes et se contenta de ricaner méchamment.

— Mademoiselle, Versailles et Trianon sont le rêve de chacun des jeunes filles de votre âge. Vous n'imaginez pas le nombre de filles comme vous que j'ai vu passer.

— Que voulez-vous dire ? lui demanda Gabrielle.

— Elle veut dire que des donzelles comme vous, elle en voit passer des dizaines toutes les semaines. La reine s'acoquine régulièrement avec la première qui passe et qui lui offre un semblant de fraîcheur et de joie dans sa vie, puis elle la rejette quand elle s'en est lassée.

L'homme qui venait de prononcer ces dures paroles n'était autre que le duc de Vaudreuil. Il leva les yeux vers Gabrielle, souhaitant sûrement voir son visage se décomposer, mais il n'en fut rien. La jeune femme se contenta de lui sourire, parfaitement maîtresse de ses émotions.

Elle inclina légèrement la tête dans sa direction et lui répondit poliment.

— Je vous remercie pour votre chaleureux accueil. J'espère vous recroiser prochainement à Trianon malgré votre funeste présage, monsieur le duc.

Et elle tourna les talons dignement, malgré la colère qui l'envahissait. Cet homme, ce goujat, avait osé la qualifier de « donzelle ». Gabrielle fit quelques pas, mais elle se rendit vite compte qu'elle ne savait pas où elle allait. Elle déglutit lentement, cherchant une solution, un moyen de ne pas se ridiculiser face à ces courtisans qui guettaient probablement le moindre de ses faux-pas pour l'évincer.

— Gabrielle, attendez-moi !

Elle reconnut la voix de « Guichette » derrière elle. Un soulagement immense l'envahit, la jeune femme aux cheveux acajou semblait bien décidée à lui sauver la mise aujourd'hui. Gabrielle se retourna et la vit marcher d'un pas rapide vers elle. Elle l'attrapa par le bras et l'entraîna vers la sortie du salon.

— Venez avec moi, je vais vous faire visiter Trianon !

Gabrielle la remercia et se laissa entraîner, heureuse de sortir de cette pièce pleine à craquer de requins. Un silence s'installa entre les deux femmes tandis que la porte du salon se fermaient derrière elle. Guichette souffla bruyamment et de manière peu convenable, puis elle éclata de rire en se retournant vers Gabrielle.

— Je suis désolée que vous ayez eu à subir la mauvaise humeur de Lamballe et de Vaudreuil. La moindre contrariété les met en pétard. Oh ! Mais d'ailleurs ! J'ai oublié de me présenter ! Je suis une vraie sotte. Je suis Aglaé, épouse du duc de Guiche.

Gabrielle se souvint immédiatement de ce dont Madame de Polignac lui avait parlé quelques jours auparavant.

— Vous êtes la fille de la duchesse de Polignac ?

— Oui, répondit l'intéressée dans un sourire, dévoilant des dents blanches comme la neige. Maman à l'air de beaucoup vous apprécier, j'espère que nous pourrons être de bonnes amies ! Je me sens parfois bien seule entourée de ces vieux courtisans aigris.

Aglaé lui fit un clin d'œil malicieux et grimpa les escaliers quatre à quatre.

— Suivez-moi Gabrielle, je veux vous faire découvrir ce charmant pavillon !

Les deux jeunes femmes s'élancèrent joyeusement dans les couloirs, et passèrent un long moment à errer de pièce en pièce, admirant les trésors de la reine.

— J'espère que le temps se réchauffera prochainement et que je pourrai vous faire découvrir les jardins de Trianon. Ils sont exceptionnellement beaux !

L'après-midi de Gabrielle aux côtés de la jeune Aglaé se passa à merveille. La fille de Yolande de Polignac était un modèle d'énergie positive et de joie de vivre. Rien ne semblait pouvoir faire disparaître son sourire. Le soir, Gabrielle rentra à l'hôtel particulier des Roscoat, où l'ambiance morose l'encouragea à dîner dans sa chambre, prétextant une fatigue intense. Elle partagea donc ses aventures du jour devant un plateau repas avec Margot qui lui brossait délicatement les cheveux. 

***

Hello mes chers lecteurs !!!

J'espère que vous allez bien ! Je suis tellement désolée de vous avoir fait attendre si longtemps avant d'avoir un nouveau chapitre... 

J'espère que celui-ci vous a plu et que vous avez hâte de lire la suite des aventures de Gabrielle !!!

Je vous embrasse <3

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