Chapitre 6

Alleb

Je me réveillai, enfin reposée. Je flânai un moment dans mon lit, ce que je n'avais pas eu le luxe de faire depuis ce qui me semblait être des mois, mais était en réalité moins d'une semaine. 

Avec un soupir, je me levai. On ne devait pas perdre trop de temps. Plus longtemps on restait à un endroit, plus nos ennemis avaient de chances de nous retrouver. Sans parler du fait que par notre simple présence nous mettions ce village entier en danger.

Je m'habillai avec mes vêtements que Marguerite avait si gentiment lavés et reprisés et descendis pour manger, un mauvais pressentiment m'enserrant la poitrine. Arrivé au milieu de l'escalier, je réalisai, troublée, que le vacarme ambiant habituel de la salle à manger de l'auberge ne parvenait pas à mes oreilles. Je m'arrêtai sur place, entendant seulement deux voix discutant poliment. L'une féminine, l'autre masculine.

Quelque chose n'allait pas. Carter choisit ce moment pour arriver en haut de l'escalier. Avant qu'il ne puisse m'interroger sur mon attitude étrange, je lui fis signe de se taire et d'approcher discrètement. Je me penchai pour réussir à voir ce qui se passait.

Mon instinct ne s'était pas trompé. Marguerite parlait, son éternel sourire aux lèvres, avec un grand jeune homme aux cheveux noirs. Il ne méritait pas son sourire. Toute la haine que j'entretenais minutieusement remonta.

- Merde, souffla Carter à mon oreille, me faisant sursauter.

- Qu'est-ce qu'on fait? soufflai-je, consciente qu'il allait avoir un bien meilleur plan que moi.

- On remonte et on sort par une fenêtre, dit-il après un petit temps de réflexion.

J'allais le suivre, mais mon regard se posa sur notre ange gardien, si naïve, qui rigolait avec le monstre.

- Et Marguerite?

- Quoi, Marguerite? répliqua Carter.

- On peut pas l'abandonner à sa merci!

- Il a pas l'air de vouloir lui faire du mal et, de toute façon, il sera trop occupé à nous poursuivre.

Je secouai la tête.

- Non. Elle paiera pour notre fuite.

Carter m'attrapa par les épaules murmurant toujours, mais plus brusquement.

- On a pas le choix, Alleb!

Je soupirai, semblant me raisonner, et hochai la tête. Dès qu'il se retourna pour remonter les marches, je les dévalai, déboulant dans la salle à manger, mon regard haineux fixé sur le jeune homme. Marguerite m'envoya un grand sourire.

- Ah! Alleb! Te voilà! Tu veux quelque chose à manger? Ce jeune homme me disait qu'il venait d'Hèra lui aussi.

J'ignorai la douce jeune femme, focalisant toute mon attention sur mon ennemi qui me regardait, un petit sourire arrogant aux lèvres.

- Laisse-la, grognai-je. Elle n'a rien fait, elle ne sait rien.

- Quoi? demanda Marguerite, perdue.

- Humm... dit simplement le jeune homme, me regardant avec le même sourire agaçant. D'accord, si tu viens gentiment avec moi.

- Qu'est-ce qui se passe? reprit la jeune femme.

Je lui lançai un regard qui sembla l'inquiéter.

- Marguerite, pourrais-tu aller chercher du pain dans la cuisine, s'il te plait? demandai-je sur un ton sans retour.

- Oh, mais ça ne presse pas du tout, ma chère, répliqua le jeune homme.

Il gardait son regard fixé sur moi, toujours aussi nonchalant, suintant d'arrogance. Je gardai le mien sur Marguerite lui jetant sèchement:

- Tout de suite! S'il te plait!

Entendant mon ton implorant, la jeune femme s'enfuit dans la cuisine, ayant comprit de ne pas en sortir. Je me retrouvai seule avec le jeune homme. Mais qu'est-ce que Carter fichait? Peut-être en avait-il enfin eu marre de toujours devoir me sauver de mes propres mauvais choix. Bien que je n'y croyais pas une seconde. C'était Carter quand-même. Il devait simplement réfléchir à une bonne solution.

Chose que tu fais jamais.
Je dois l'admettre...

- Alors, comme on se retrouve! Je t'ai manqué, ma belle? dit le jeune homme avec son arrogance qui m'enrageait.

J'allais répliquer, mais son regard dévia au-dessus de mon épaule. Carter se tenait en haut de l'escalier, arc bandé. Notre ennemi fit un sourire amusé, comme si mon meilleur ami était loin d'être une menace. D'un simple petit mouvement de la main, il brisa l'arme de prédilection de Carter.

Ah! Parce que c'est un mage en plus?
On est cuits.
Rôtis et servis en sandwich tu veux dire!
Ok, la ferme, t'aide pas.

- Je ne me ferai pas avoir deux fois, dit le jeune homme, toujours aussi arrogant.

Je lui sautai dessus, n'ayant définitivement pas appris ma leçon.

Tu n'as pas l'effet de surprise Alleb. Ça sert à rien.
Qu'est-ce que tu voulais que je fasse?!

Je ne parvins même pas à le frapper une seule fois. Il me plaqua contre le mur, maintenant mes bras contre ma poitrine. Je tentai de me débattre, mais il était bien plus fort que moi.

- Je pensais que Jian t'aurait appris à te battre, dit-il, comme s'il était déçu.

Je le regardai comme s'il était fou. Pourquoi mon père m'aurait-il appris à me battre? Je ne l'avais jamais vu faire quoi que ce soit de ce genre dans toute ma vie.

Je vis du coin de l'œil Carter s'élancer vers nous tentant de plaquer mon adversaire. D'un geste brutal qui lui sembla pourtant sans effort, celui-ci envoya mon meilleur ami s'écrouler sur une table. Il lui lança un regard méprisant.

- Tu devrais te mêler de tes affaires, Carter Jones.

Il se retourna ensuite vers moi et je lui crachai au visage. Il l'essuya avec agacement avant de rapprocher son visage du mien en un geste menaçant. Ses yeux bleus transpercèrent les miens et semblèrent scruter mon âme. Je pris une grande inspiration, réalisant que je retenais mon souffle. Le jeune homme dégageait une odeur de sapin et d'herbe fraîchement coupée qui était loin de me déplaire. Je le regardais, complètement figée, honnêtement terrifiée.

Terrifiée, vraiment?
Oui.
Je te crois pas.
Bah je m'en contrefous!

Soudainement, il détourna le regard, tous ses muscles semblèrent se relâcher et ses épaules s'affaissèrent tandis qu'il laissait tomber son front contre mon épaule. Je tentai de profiter de cette réaction surprenante pour me débattre, mais il me tenait toujours aussi fermement.

- Écoute, ma belle, souffla-t-il avec une terrible lassitude. J'ai passé un très mauvais deux jours et j'ai pas dormi plus de trois heures par nuit. Tout ce que je veux en ce moment, c'est pouvoir rentrer chez moi, prendre un bain et dormir. Tu peux comprendre ça, non? Alors ça m'aiderait vraiment si tu pouvais simplement venir avec moi.

- Oh, oui, je peux très bien comprendre. Sauf que tu as détruit mon chez moi!

Le jeune homme poussa un soupir agacé en relevant la tête pour planter ses grands yeux bleus dans les miens. Il était si près que je pouvais voir la petite cicatrice sur le haut de ses lèvres pleines, ou celle au coin de son sourcil noir. Je pouvais voir ses longs cils d'ébène battre à chaque fois qu'il clignait des paupières, me coupant momentanément la vue de son regard dans lequel il serait si facile de se noyer. Le contraste entre son apparence si séduisante et son attitude révulsante me frappa à nouveau, semblant me tordre les entrailles d'un sentiment que je choisis d'interpréter comme du dégoût.

- Tu vas devoir venir avec moi d'une façon ou d'une autre, je crois juste que ce serait plus simple et plus agréable pour nous deux si tu faisais pas chier.

- Vas te faire enculer, espèce de crapaud globuleux! m'exclamai-je.

Il roula des yeux, me faisant sentir que je n'étais qu'une fillette immature.

- Sais-tu pourquoi je te cherche? dit-il avec un petit sourire.

- Non...

- Voudrais-tu le savoir? Je pourrais tout t'expliquer si tu venais gentiment avec moi. Et aucun mal ne vous sera fait, ni à toi, ni à ton ami. Parole de Hayle.

Hayle. Je savais donc désormais son nom de famille. Bien que je fus intriguée par ses motivations, je n'avais aucune confiance en lui. Carter était déjà effondré par terre, inconscient et il parlait de ne pas lui faire du mal. Je ne savais plus quoi faire pour me sortir de cette situation. Je devais réfléchir, trouver une bonne idée. Le genre d'idée réfléchie que Carter aurait eu. J'en trouvai une à défaut qu'elle soit bonne.

- Lâches-moi, Hayle.

Il me regarda et poussa un petit rire moqueur.

- Euh... que dirais-tu de... non, définitivement pas.

- Je vais te suivre. On va laisser Carter ici, tu vas tout m'expliquer et je vais te suivre.

Il me fit un petit sourire qui ne me rassura pas du tout. Il relâcha sa pression sur moi. Je bougeai mes bras engourdis par sa prise. Bon, il m'avait lâché, maintenant quoi?

Ah! Parce que t'as pas pensé à la suite?
Eh! Faut pas trop en demander!

Je levai les mains en l'air en signe de soumission et jetai un regard à mon ami.

- Est-ce que je peux regarder s'il va bien?

Hayle haussa les épaules. Je me penchai vers Carter, vérifiant son pouls. Constatant qu'il était bien vivant, je lui envoyai une violente claque au visage et lui murmurai:

- Réveille-toi, imbécile! J'ai besoin de toi!

Je ramassai un bout de bois provenant de la table qui s'était brisée sous l'impact lorsque Carter s'y était fait propulser.

- Hayle! m'exclamai-je d'une voix paniquée. Il respire pas! Il respire pas! Aide-moi!

Il s'approcha d'un pas nonchalant et une fois qu'il fut assez près de moi, je me retournai d'un mouvement vif, tentant d'enfoncer mon pieux de bois dans son mollet.

Sauf qu'évidemment, il se décala d'un pas, esquivant mon attaque. Le seul impact qui eut lieu fut celui de sa botte contre mon nez. Du sang se mit à en couler, tachant mes vêtements que Marguerite avait lavé la veille. Je m'étalai au sol, sonnée.

- Merde, grogna le jeune homme en se penchant vers moi.

Accroupi à mes côtés, il releva ma tête vers lui avec une troublante douceur, inspectant mon visage.

- Il est pas cassé, tu devrais être correcte. Je voulais pas faire ça, mais tu continues à me mettre dans des situations où j'ai pas le choix de te faire du mal.

Je lui crachai le sang qui avait coulé dans ma bouche au visage avec un regard haineux. Ce geste sembla être la goutte d'eau qui fit déborder le vase.

- Tu sais quoi? Rien à foutre! Tu veux que je sois un monstre? Et bien prépares-toi, ma belle, je vais être ton pire cauchemard.

Il se leva et empoigna mes cheveux, me tirant vers l'extérieur. Je hurlai de douleur, enfonçant mes ongles si profondément dans son bras que je fis couler son sang. Pourtant, il n'eut aucune réaction, à croire qu'il était immunisé à la douleur. Je réalisai que c'était perdu. Tout ça n'avait servi à rien. Au moins, si j'avais collaboré, j'aurais peut-être été mieux traitée. Je fermai les yeux, tentant de retenir mes larmes de douleur. J'entendis alors un bruit sourd, puis la tension dans mes cheveux se relâcha et j'entendis un choc bruyant. Je me relevai pour voir Hayle étalé au sol, inconscient et Marguerite, toute tremblante, une chaise entre les mains.

- C-comment...? soufflai-je.

Elle se précipita vers moi, inquiète, laissant tomber la chaise au sol. Elle prit mon visage entre ses mains.

- Ça va, Alleb? Je suis tellement désolée! J'aurais pas dû le laisser entrer! Je me suis fait avoir!

- Ça va, ça va. T'as rien fais de mal, Marguerite. Merde... il va être vachement énervé quand il va se réveiller.

- Je... je sais pas quoi faire! Vous... vous devez partir! Je.. je... je...

- Ne t'inquiète pas, on va trouver une solution. D'abord, Carter.

- Je vais aller chercher un ancien! C'est un mage! Il pourra l'aider!

Marguerite s'en alla en courant et revint quelques minutes plus tard avec un vieil homme. Celui-ci, à ma grande fascination, guérit Carter, simplement avec ses mains qui brillaient d'une douce lumière et dégageaient une chaleur réconfortante. Mon meilleur ami reprit connaissance et, encore mieux, il paraissait en pleine forme. Suite à cela, par contre, l'homme parut exténué. Je le remerciai infiniment et il nous pria de fuir le plus rapidement possible vers la capitale et de faire le moins d'arrêt possible. Il dit qu'il se chargerait de ralentir notre poursuivant.

- Allez vous le...? demandai-je.

- Non! Bien sûr que non! Nous ne croyons pas en ce genre de violences et, de plus, les réprimandes seraient bien trop sévères. On va le renvoyer chez lui, c'est tout. Ça lui prendra du temps pour se remettre du coup que notre chère Marguerite lui a infligé, vous retrouver et vous rattraper. Vous devriez avoir le temps de vous rendre à destination.

Je le remerciai avant de me retourner vers Marguerite. Je la remerciai grandement, m'excusai pour les ennuis que nous avions causés et elle me serra dans ses bras. Je fermai les yeux un instant, savourant cette étreinte, un sourire idiot aux lèvres.

Je jetai un dernier regard à Hayle, inconscient par terre, avant de passer la porte de l'auberge avec Carter.



_____
Heyy!!

Voilà voilà, une autre confrontation entre notre cher Hayle et Alleb!

Vous en avez pensé quoi?

Avez-vous un avis sur Hayle (juste avec ce qu'on a là, sans spoiler ceux qui ont pas lu le premier jet)?

À plus les chèvres!

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