Alleb

- Papa!

Mes longs cheveux bruns me fouettaient le visage tandis que je m'élançais vers lui. Il m'attrapa et me fit tourner dans les airs en s'exclamant:

- Oh! Mais ce serait pas ma grande fille qui a six ans aujourd'hui?

- Oui!

Une autre petite fille, à peine plus vieille, s'avança vers nous. Ses cheveux bruns pâles bouclés encerclaient son visage à la peau bronzée qui affichait une expression catastrophée.

- Jian! s'écria-t-elle, ses grands yeux bruns brillants de larmes. Carter a mis du sel dans le gâteau au lieu du sucre! C'est tout gâché!

L'expression diabolique de mon meilleur ami, me poussait à croire qu'il nous jouait un tour. Je serrai June dans mes bras et lui murmurai à l'oreille:

- À trois, on l'attaque. Un, deux...

Nous nous retournâmes vers notre meilleur ami avec un sourire mauvais en hurlant:

- Trois! À l'attaque!

Sous nos chatouilles impitoyables, Carter céda, avouant qu'il avait simplement changé les emballages, mais qu'il avait bien mis du sucre et que rien n'était gâché. Je tapai dans la main de June, fière que notre petit plan ait marché.

°°°

Lorsque j'étais petite, mon père, Jian, me racontais fréquemment une histoire. Elle allait ainsi:

Il était une fois, il n'y a pas si longtemps, une jeune femme vivait dans un petit village dans un royaume en guerre contre un royaume ennemi qui refusait toute tentative de paix. Elle tenta par tous les moyens de protéger son village et même le reste de son royaume. Elle apprit à ses alliés à se battre, les contamina de son courage et s'embarqua dans une bataille sans fin contre un ennemi impitoyable. Elle sabota leurs armes, créa des problèmes dans leurs villages et leurs camps et libéra sans cesse ceux des siens qu'ils prenaient prisonniers.

À ce moment-là, je l'interrompais souvent pour lui demander de me répéter le nom et la description de la jeune femme. Je ne voyais pas l'intérêt de suivre l'histoire d'une personne dont je ne savais ni le nom ni à quoi elle ressemblait.

Il me répondait alors à chaque fois qu'elle s'appelait Ophélia, qu'elle avait de longs cheveux bruns foncés et de grands yeux mauves. Je l'imaginais véritablement comme l'une des plus belles femmes de l'univers et mon père semblait dire que ce n'était pas faux.

Alors je lui disais de continuer et à chaque fois, même s'il connaissait l'histoire par cœur, il faisait semblant de ne plus savoir où il était. Je le soupçonnais de le faire seulement pour que je cesse de l'interrompre, ce qui ne marchait absolument pas.

Ophélia, donc, était tombée amoureuse d'un homme.

Et je l'interrompais encore, puisque, évidemment, j'avais besoin de savoir son nom et à quoi il ressemblait. Sauf que, peu importe le nombre de fois que je le lui demandais, il n'avait pas de réponse pour moi. Il ne savait pas le nom de ce personnage. Lorsque je lui avais demandé de lui en inventer un, il m'avait dit qu'il aurait pu s'appeler Dalan, mais qu'il préférait ne pas lui inventer de nom et encore moins de description.

Alors, il reprenait.

Ophélia et l'homme sans nom étaient tombés amoureux et eurent un enfant, mais ils n'étaient pas en sécurité et ne voulaient pas que quelque chose puisse arriver à leur petite fille. Ils confièrent donc leur fille à quelqu'un en qui ils avaient confiance. Malheureusement, l'amoureux périt et à peine quelques jours plus tard fut annoncée la mort d'Ophélia. Par contre, on racontait que leur petite fille, un jour, suivrait les pas de sa mère et déterminerait l'issue de la guerre.

Je détestais son histoire.