Chapitre 4
Alleb
Après avoir marché pendant près de deux jours, Carter et moi nous arrêtâmes dans un village. Nous n'avions rien mangé mis à part le reste des baies de mon initiation et nous étions épuisés. Le jour, je réprimais mes émotions, restant vide, silencieuse, ce qui semblait inquiéter Carter. Et la nuit, je pleurais silencieusement jusqu'à ce que l'épuisement ne prenne le relais et que le sommeil m'emporte.
Je suivis mon meilleur ami dans une auberge, traînant les pieds. Une jeune femme d'environ notre âge nous accueillit. Les cheveux châtains lisses lui arrêtant environ au menton et les yeux bleus brillant d'une étincelle de joie de vivre derrière ses lunettes, elle dégageait quelque chose de chaleureux, de positif, quelque chose qui, étrangement, me réchauffa le cœur. Pendant un court instant, elle me rappela ma meilleure amie.
- Bonjour, s'exclama-t-elle de sa voix mélodieuse avec un grand sourire. Ou plutôt bonsoir, désolée.
Elle me lança un regard et un clin d'œil qui me fit pousser un petit rire nerveux et je lui envoyai un sourire crispé. Je me retournai, laissant Carter faire la conversation, m'éloignant légèrement. Je l'entendis expliquer que l'on venait d'Hèra, qu'on se dirigeait vers la capitale pour se mettre à l'abri des envahisseurs et qu'on avait probablement pas assez d'argent pour payer la chambre et le repas, mais qu'il lui donnerait tout ce qu'il avait sur lui. L'angoisse m'envahit un instant, c'était le moment de vérité. Est-ce que la jeune femme avait un aussi grand coeur qu'elle le semblait? Est-ce qu'on dormirait dehors ou avait-on enfin un toit sous lequel se réfugier?
Je sentis le regard de la jeune femme peser sur moi et je me retournai vers elle et Carter. Je réalisai alors à quel point je devais faire pitié avec mes vêtements sales et déchirés, mes cheveux emmêlés, ma peau couverte de terre et de suie.
Merde alors.
Elle se retourna vers Carter et lui sourit doucement. Elle hocha la tête en disant:
- Évidemment, je vais vous aider. La situation est tellement atroce. Les Exatëums se rapprochent de plus en plus de la capitale et ça fait peur à tout le monde. Je... de quoi avez-vous besoin exactement. Une chambre ou deux?
- Une qui a deux lits peut suffire, donnez nous ce qui vous embêtera le moins, répliqua Carter.
- Oh, tutoyez-moi, s'il vous plaît. Vais vous donner chacun une chambre et je ferai monter de l'eau chaude pour que vous puissiez vous laver.
- Merci! s'exclama Carter. V.. tu nous sauves la vie!
- On se dit tous qu'on pourrait être les prochains dans votre situation et j'aimerais qu'on m'aide aussi si c'était le cas alors...
Elle nous montra nos chambres et je restai debout dans la mienne ne sachant pas trop comment me sentir. J'étais encore trop vide à cause de l'épuisement et des événements douloureux des jours précédents, mais je ressentais ce bonheur futile, mais si fort à l'idée de prendre un bain, de manger un vrai repas et de dormir dans un vrai lit après quatre jours à en être privée.
Je me rendis compte que je me tenais immobile à fixer le mur depuis un moment lorsque j'entendis cogner à ma porte. J'allai ouvrir et fut accueillie par le sourire radieux de notre bon samaritain.
- Rebonsoir! s'exclama-t-elle.
Je lui fis un petit sourire. Normalement j'aurais déblatéré toutes sortes d'idioties, ou du moins, j'aurais parlé avec elle, mais la boule présente dans ma gorge depuis deux jours m'empêchait d'ouvrir la bouche pour prononcer quoique ce soit.
Elle me montra les deux grandes chaudières d'eau brûlante qu'elle tenait.
- Je t'apporte ton eau.
- Merci, soufflai-je.
Je grimaçai au son de ma propre voix. Elle était rauque et peinait à sortir. Pourtant, la jeune femme me fit un grand sourire en apportant l'une des chaudières dans ma chambre tandis que j'attrapais l'autre.
- Alors elle parle! s'exclama-t-elle avec un regard taquin.
- Ouais... Les derniers jours ont pas été faciles alors...
- Je comprends... pas trop d'humeur à parler.
Elle versa la chaudière dans le bassin de bois dans le coin de la chambre et je l'imitai.
- En tout cas, un bon bain devrait te faire du bien.
- Ah! Ça c'est sûr! soupirai-je avec contentement.
Elle rigola, un son agréable qui me réchauffa le cœur. Elle m'envoya un de ses merveilleux sourires avant de se retourner vers la porte. Je l'arrêtai en lui demandant:
- Euhm.. tu m'as pas dit ton nom.
Elle se retourna vers moi, tout sourire, et me tendit la main.
- Marguerite!
- Enchantée, Marguerite, dis-je en serrant sa main. Moi c'est Alleb.
- Et bien c'est un plaisir de faire ta connaissance, Alleb!
Nous restâmes un petit moment sans trop savoir quoi dire. Elle me fixait toujours de cette façon qui me faisait rougir. Je finis par lâcher sa main et bredouiller:
- Faudrait pas que l'eau refroidisse trop et que t'aies fait tout ça pour rien.
Elle hocha la tête et s'éloigna vers la porte. Elle y ramassa un petit paquet et me le tendit.
- Des vêtements. Ce sont les miens, mais ils sont un peu grands. Ils devraient te faire. Quand tu seras prête pour manger t'as qu'à descendre en bas. Et euhm, tu apporteras tes vêtements sales, je les laverai pour qu'ils soient prêts pour demain.
- Merci, Marguerite, soufflai-je, ébahie par tant de gentillesse. Pour tout. Vraiment.
- C'est un plaisir, souffla-t-elle en retour sur un ton qui fit manquer à mon cœur un battement.
Elle quitta ma chambre et je restai un moment, immobile, tenant ses vêtements dans mes bras, fixant la porte, tentant de comprendre ce qui venait de se passer. Je finis par me secouer. Je me déshabillai et m'enfonçai dans mon bain avec un soupir de contentement.
Lorsque je descendis pour aller dîner, je portais les vêtements de Marguerite, une blouse en lin blanche brodée de petites fleures jaunes assortie d'une longue jupe de cette même couleur Mon père n'ayant jamais su coudre et ayant peu d'intérêt en ce que je portais, il m'avait toujours laissée aller seule chez la mère de Carter à qui j'amenais mes tissus et lui décrivais ce que je voulais. Ainsi, j'avais toujours eu des pantalons et des chemises de couleurs sombres ou terne, puisque j'avais rapidement appris que c'était bien plus pratique pour monter dans les arbres, courir, ou jouer à cache cache avec Carter et June. J'anticipais déjà la réaction de mon meilleur ami lorsqu'il me verrait. Même si ces vêtements allaient très bien à une jeune femme comme Marguerite et que je n'avais pas l'air ridicule, c'était si inhabituel qu'il se moquerait très certainement de moi.
Comme prédit, lorsque j'arrivai devant lui, il éclata de rire, s'étouffant avec sa soupe.
- Vas chier, Molusque Gluant, grognai-je.
Mes insultes ne l'empêchèrent pas de se moquer et il ricana:
- Les vêtements sont jolis, mais habiller un Crabe Albinos en princesse, c'est étrange.
Je roulai des yeux et m'assis face à lui, me débattant légèrement avec ma jupe. Je posai mes vêtements sales sur la table, faisant la gueule. Ma mauvaise humeur s'envola dès que je vis Marguerite arriver avec une assiette pleine et un grand sourire. Mon ventre gronda de façon bruyante et je me mis à saliver. La jeune femme échangea l'assiette contre mes vêtements sales.
- Ils te vont bien, dit-elle en désignant ceux que je portais.
Je fis un petit sourire, et entendit Carter réprimer un rire.
- Je suis pas habituée à porter ce genre de vêtements, mais ils sont très jolis.
J'envoyai un coup de pied dans le tibia de mon meilleur ami sous la table alors qu'il riait, se fichant de ma gueule. Marguerite ne tarda pas à s'éloigner, elle avait du travail à faire et j'avais un repas à dévorer. Je fusillai Carter du regard.
- Un peu de politesse, Molusque Gluant!
- C'était pas de la politesse ça, ricana-t-il.
Je roulai des yeux et commençai à manger, ignorant l'idiot qui continuait à se moquer de moi. Une fois mon repas terminé, je n'attendis pas bien longtemps avant d'aller me coucher. Roulée en boule entre les draps, je sentis les larmes me monter à nouveau aux yeux, mais je pris une résolution. Je pris toute cette douleur, cette angoisse, cette tristesse, et je la transformai en haine, une haine profonde qui se dirigeait vers une seule personne et serait le carburant de ma vengeance. Je séchai mes larmes. Mon père n'était pas mort, June était peut-être toujours vivante elle aussi.
Je devais arrêter de les pleurer.
Je devais les sauver.
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Heyy!!
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Hâte à la suite?
Bonne journée les chèvres!
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