Chapitre 10
Alleb
Alyson, Carter et moi nous alternions pour conduire la charrette le long de la grande route menant à la capitale. Ainsi, nous n'avions pas besoin de nous arrêter longtemps, dormant à tour de rôle. Les seuls moments où nous étions forcés de faire halte étaient pour permettre au cheval de se reposer. Alyson avait volé du pain avec la charrette, donc nous avions de quoi manger, même si ce n'était pas grand chose.
La circulation commença à se faire passante et nous sûmes que nous approchions de notre destination. Alyson, qui ne cessait de parler lorsqu'elle conduisait, nous demanda:
- Vous pensez qu'ils essaieront de vous attraper, même dans la capitale?
- C'est sûr, soupirai-je.
- Moi, ils s'en foutent complètement, c'est Alleb qu'ils veulent.
Je réagis à peine, m'allongeant comme je le pouvais dans la charrette. J'en avais marre. J'étais tellement fatiguée. Je n'en pouvais plus de fuire. En plus, j'avais constamment Hayle en tête, qui me fixait de ses yeux bleus en me promettant de tout m'expliquer. J'étais si perdue. Je voulais seulement savoir ce que tout le monde me voulait, pourquoi je me retrouvais dans cette situation. J'étais si agacée que tout le monde semble en savoir plus sur moi que moi-même! J'entendais vaguement Carter et Alyson discuter à l'avant de la charrette. J'étais peut-être un peu injuste avec mon meilleur ami. Il me donnait tout le soutien du monde, restait avec moi malgré le danger que cela impliquait pour lui et tentait toujours de rester raisonnable et de ne pas perdre espoir, alors qu'il avait tout perdu. Il devait être aussi éreinté émotionnellement et physiquement que moi. Il avait simplement plus de contrôle que moi sur ses émotions, comme toujours.
Je sentis un vide horrible en moi, les larmes me montèrent aux yeux. Pendant un moment, tout ce dont j'avais besoin c'était de sentir une présence rassurante me serrer dans ses bras, peu importe qui. J'avais besoin de ne pas me sentir seule dans mon désespoir, perdue, abandonnée. Je fermai les yeux, tentant de retenir mes sanglots. J'avais beau canaliser toute ma douleur pour la transformer en haine à l'égard de Hayle, il y en avait tant que le réservoir débordait, m'emplissant d'un désespoir amer et d'un surplus de tristesse que j'étais incapable de réprimer.
Les bras familiers de mon meilleur ami m'entourèrent. Il me serra fort contre lui, s'étant couché à mes côtés. Sa main caressa mes cheveux et il posa un baiser sur le haut de ma tête tandis que je me laissais aller à sangloter, le visage caché dans le creux de son épaule. Je ne savais pas ce que j'aurais fait sans lui. Carter était si cher à mes yeux. Il était tout ce qu'il me restait de mon enfance, de mon village, de ma vie. Il était ma constante. Une terreur atroce m'envahit lorsque je pensai au fait que Hayle pourrait me l'arracher comme tout le reste.
- Ne m'abandonne jamais, espèce de Mollusque Gluant, sanglotai-je.
- Jamais, Alleb. Je serai toujours là pour toi.
- Et moi pour toi...
- Je sais.
Je m'agrippai un peu plus fermement à lui. Je le sentis commencer à trembler. Je le connaissais comme ma poche, je savais qu'il tentait de retenir des sanglots. Je relevai mon visage ruisselant de larmes vers lui et murmurai:
- Je suis désolée, Carter. Je suis tellement désolée. Tout ça c'est ma faute. C'est après moi qu'ils sont. Ta mère...
Le jeune homme m'arrêta, une douleur intense perçant dans ses yeux. Le père de Carter avait depuis longtemps quitté sa vie. À vrai dire, il ne l'avait jamais réellement connu. Sauf que contrairement à June ou moi, qui étions orphelines, mais recueillies par Jian, Carter avait une mère. Une femme extraordinaire, douce et gentille, pleine d'énergie malgré l'énorme tâche de s'occuper seule de son fils. Mon père et elle s'étaient rapidement liés d'amitié et s'étaient entraidés toute leur vie. Veynama, la mère de Carter, faisait nos vêtements à moi et June, mon père les invitait régulièrement à souper ou leur apportait des plats. Mon père étant l'Ancien en chef du village, il dirigeait le conseil, ce qui pouvait parfois lui prendre beaucoup de temps. Les jours où il était très occupé, Veynama s'occupait de nous et vice versa. Je savais aussi qu'il l'aidait financièrement puisqu'elle peinait parfois à cumuler assez d'heures de travail avec toutes ses autres tâches. J'espérais seulement que June et elle soient bel et bien vivantes.
Je serrai un peu plus mon meilleur ami contre moi et il se laissa aller à pleurer. J'interceptai le regard d'Alyson, dans lequel il n'y avait pas de pitié, mais beaucoup d'empathie. Elle était passée par là, elle aussi. Elle avait vécu la douleur, l'horreur, l'appréhension, l'espoir qui finissait par nous briser encore plus. Ça se voyait dans ses yeux, même si elle tentait d'agir comme si rien de cela ne l'affectait.
Je déclarai une halte. Nous avions besoin de dormir et le cheval devait se reposer. Il devait nous rester à peine une journée de route avant d'arriver. Le soleil s'était couché depuis un moment déjà. Nous restâmes près de la route pour installer notre camp. Nous partageâmes le peu de pain qu'il restait et Carter s'effondra de fatigue. Je le regardai dormir un moment, un instinct protecteur s'emparant de moi. Je devais m'assurer de sa sécurité. Je ne pouvais pas laisser Hayle me l'arracher.
- Vous êtes très proches, souffla Alyson, se réchauffant auprès du feu.
- On a grandi ensemble, répondis-je en m'installant près d'elle.
- Ah! Meilleurs amis depuis l'enfance!
- En avais tu? Avant, dans ton village, des meilleurs amis?
Elle fit mine de réfléchir, puis répondit avec un sourire étrange.
- Nan. Tu vois, j'ai toujours été une paria. Les gens ont tendance à ne pas m'aimer à cause de mon attitude... bizarre. J'ai toujours bien vécu avec ça, honnêtement. J'avais quelques amis, mais pas proches comme ça.
- Désolée...
- Un, c'est pas de ta faute. Deux, comme je te l'ai dit, je vis bien avec ça.
- Mais c'est un peu de ma faute si tu les as perdus. Ton village, tes amis, t...
- Non. C'est pas de ta faute, Alleb. Sois pas ridicule! Si tu dois blâmer quelqu'un, blâme les Exatëums. Et si c'est pas assez personnel pour toi, blâme Hayle, père ou fils. Mais te blâme pas. T'as rien fais.
Ses mots me firent du bien. Je lui envoyai un petit sourire et soufflai:
- Merci...
Elle sourit à son tour. Un sourire étrange, un peu narquois, comme si elle se foutait du monde entier. Je ressentis une certaine admiration pour son indifférence. Je devais l'admettre, elle avait l'air un peu folle. Mais pas une folie mauvaise. Pas une folie destructrice ou effrayante. Une folie née d'une indifférence profonde à ce qu'un monde qui ne lui avait jamais rien donné pouvait penser d'elle. Une folie saine. Une folie d'authenticité.
- En tout cas, soufflai-je. Je vais dormir un peu, moi aussi. À demain, Allie.
- Bonne nuit, Alleb, répondit-elle avec un sourire.
Elle garda son regard fixé vers le feu, ne souhaitant visiblement pas aller se coucher tout de suite. Je m'éloignai et m'allongeai au sol. Je bougeai un peu pour tenter de trouver une position confortable, mais je savais déjà que je me réveillerais courbaturée le lendemain.
°°°
Le soleil se couchait lorsque nous arrivâmes enfin devant les grandes portes de la capitale. Nous n'avions fait aucune pose, cette journée-là, souhaitant arriver le plus tôt possible. Je fus émerveillée par l'immensité de la ville. J'avais toujours rêvé d'aller à la capitale, mais mon père n'avait jamais voulu. Lorsque j'étais petite, je voulais y emménager pour étudier et devenir mage. Jian n'aimait pas cette idée. J'avais l'impression qu'il détestait la ville. Je ne comprenais pas trop pourquoi. Les rues grouillaient de vie; des gens, des chevaux et des charrettes se bousculaient autour de grands immeubles et de marchés. Les kiosques débordaient de choses provenant des quatres coins du royaume. Des tissus brillants aux couleurs vives qui n'étaient définitivement pas du coton ou du lin, des fruits extravagants aux coquilles dures et piquantes qui dégageaient une odeur alléchante, toutes sortes de merveilles comme je n'en avais jamais vu. Alors que nous traversions la ville dans notre charrette, regardant autour de nous, émerveillés, le soleil disparut complètement à l'horizon. Alors, de grandes boules, flottant à environ trois mètres du sol, s'illuminèrent. Les lumières de la capitale! Mes yeux s'illuminèrent. J'avais toujours rêvé de voir ces magnifiques créations invoquées par de grands mages quelques siècles plus tôt. Alyson demanda les directions du palais à quelques passants. La ville était si grande que nous passâmes quelques heures à traverser les rues avant d'enfin apercevoir réellement le magnifique palais royal. Mon père m'avait dit qu'il avait été construit en grande partie par des mages et on le voyait. Jamais quelque chose d'aussi majestueux, d'aussi immense, d'aussi magnifique n'aurait pu être créé uniquement par la force des hommes. L'immeuble était éclairé par les lumières de la capitale. Entièrement construit de marbre blanc et de cristal, il s'élevait dans les airs, rayonnant dans la nuit. Deux chutes d'eau glissaient le long de ses faces Est et Ouest, alimentant la rivière tranchant la ville en deux.
- Wow... soufflai-je.
Je savais que Carter et même Alyson, malgré son habituelle indifférence, partageaient mon sentiment. Deux gardes postés devant les grilles menant à l'entrée du palais nous arrêtèrent.
- Qui êtes-vous? demanda l'un des deux d'un ton sec. Vous ne pouvez pas entrer à moins d'avoir audience avec le roi.
Je débarquai de la charrette, m'approchant d'eux avec toute ma bonne volonté mise de l'avant.
- Bonsoir. Euhm... On vient de villages qui ont été attaqués par les... Exatëums?
- Désolé pour vous, mademoiselle, mais si vous n'avez pas audience avec le roi...
- Je m'appelle Alleb Delevia, le coupai-je avec empressement. Le prince... Hayle... c'est moi qu'il cherche, je... Je pensais que le roi pourrait peut-être m'expliquer ce qui se pa...
- Delevia? demanda le garde abasourdi.
Il regarda son collègue qui paraissait tout aussi choqué que lui. Je ne comprenais pas trop. Mon nom de famille n'avait jamais rien évoqué à quiconque dans ma vie. Le deuxième garde se rapprocha de moi, me détaillant du regard.
- Alors tu serais la fille d'Ophélia?
- Je...
- C'est un imposteur, répliqua l'autre devant mon hésitation. Encore. Elle pense qu'on est assez débile pour la croire et la laisser obtenir les faveurs du roi.
Une colère noire s'empara de moi. Je n'étais pas une menteuse.
- Mon nom est Alleb Delevia! m'écriai-je. Je ne mens pas! Je sais pas qui est Ophélia! Je sais pas si elle est ma mère parce que je sais pas qui est ma mère! J'ai été élevée par un homme qui s'appelle Jian Elastraz dans le village d'Hèra et j'y serais restée avec plaisir s'il n'y avait pas eu un dénommé Hayle qui l'a détruit en tuant ou capturant presque l'entièreté des gens que j'aime! Il me court après depuis et j'ai vraiment, vraiment! besoin d'explications! Alors si votre roi ne veut pas que j'entre chez lui, il peut venir me parler dehors, ça m'est égal! Mais je repartirai pas avant de savoir qui je suis et qu'est-ce qu'on me veut!
J'avais fini ma tirade en hurlant. Les gardes parurent choqués. Ils se regardèrent et l'un dit:
- Elle a la foudre d'Ophélia. Et elle dit avoir été élevée par Jian.
- Et si c'est pas elle, il s'en rendra rapidement compte et la chassera.
Ils se retournèrent vers moi, hochant la tête et nous ouvrant les grilles. Alors qu'ils nous escortaient à l'intérieur du palais - qui était tout aussi majestueux avec ses hauts plafonds décorés de peintures que son extérieur - je pus les entendre discuter avec une certaine incrédulité.
- Alors c'est pour ça qu'Elastraz a disparu! Il était occupé à jouer les papas!
- J'aurais jamais cru entendre un jour que Jian Elastraz s'occupait d'un enfant.
- Et pas n'importe quel enfant.
- C'est peut-être pour ça qu'il s'est fait discret. Il ne voulait pas attirer l'attention sur elle.
Les deux gardes se retournèrent vers moi et je les regardai avec méfiance. Ils avaient l'air de connaître mon père, mais ce qu'ils disaient de lui ne ressemblait pas du tout à l'homme que je connaissais. Ils ne purent entretenir ma curiosité plus longtemps puisque nous arrivâmes devant une porte sur laquelle ils cognèrent respectueusement. Un homme dans la quarantaine vint ouvrir. Ses cheveux blond vénitien qu'il portait mi long commençaient à grisonner. Quelques rides se creusèrent autour de ses yeux mordorés lorsqu'il sourit avec douceur au garde. Il était très bel homme, noble, sa posture droite affirmant son statut. Il portait une chemise blanche d'un tissu qui m'était inconnu et semblait extrêmement doux ainsi qu'un pantalon noir semblant tout aussi luxueux.
- Votre majesté, dirent les gardes en s'inclinant.
L'homme porta son attention sur nous. Lorsque je croisai son regard, je m'inclinai maladroitement, n'osant pas le regarder dans les yeux. Il s'approcha de moi et demanda d'une voix faible dans laquelle perçait l'incrédulité:
- Redresse-toi, jeune femme.
Je me redressai et lentement, relevai mon regard vers le sien. Ses yeux me regardèrent avec un mélange d'incompréhension et de bonheur, tout en s'emplissant de larmes.
- Ph... Phéli?
Je restai immobile, ne sachant trop comment réagir. Me regardant plus attentivement, il secoua la tête et me fit un petit sourire.
- Pardonne-moi, c'est que tu lui ressembles tellement. Mais tu n'es pas Ophélia.
Je secouai la tête, confirmant son affirmation.
- Tu es sa fille, pas vrai? Tu es la fille d'Ophélia Delevia.
- Je m'appelle Alleb, soufflai-je, impressionnée. Alleb Delevia.
L'homme me fit un grand sourire d'une douceur qui me fit étrangement sentir chez moi. Il s'écarta de la porte et me fit signe de passer devant lui.
- Et bien, entre. Entrez tous. Qui sont tes amis?
Il remercia les gardes et leur demanda de prévenir quelqu'un de nous amener du thé et quelque chose à manger. Nous étions dans un énorme salon extrêmement luxueux. Je me sentis soudainement mal à l'aise. Nous étions crasseux, mal habillés... nous n'avions rien à faire dans un tel décor. Alyson sembla se sentir immédiatement comme chez elle, se plantant devant le roi avec un grand sourire en disant:
- Alyson Wella, ravie de faire votre connaissance!
Elle s'éloigna ensuite, se laissant tomber sur un divan qui semblait plus que confortable. Le roi la regarda avec amusement avant de reporter son attention vers Carter qui lui tendit la main.
- Carter Jones.
Le roi la lui serra fermement et, son regard se promenant entre nous trois, déclara:
- Eh bien, ravi de vous rencontrer tous. Asseyez-vous, je vous en prie. Je m'appelle Rogan Dalquia, au cas où vous n'étiez pas au courant.
Il s'assit sur un des nombreux fauteuils et nous l'imitâmes. J'avais l'impression d'avoir posé mes fesses sur un nuage. Je me sentais si bien que j'eus envie de m'affaler et de m'endormir, mais je m'en empêchai, me rappelant que j'étais en présence du roi. Une femme arriva avec deux grands plateau, l'un comportant quatre tasses et une théière, l'autre une tonne de petits gâteaux, de biscuits et de fruits de tous genres. Mon ventre gronda à la simple vue de ceux-ci et je ne fus pas la seule. Rogan sourit et nous invita à nous servir. Je n'avais jamais rien goûté d'aussi bon. Mon père était un bon cuisinier, mais ceci était sans égal. Je repèrai un petit fruit comme j'en avais vu pendant notre traversée de la ville. J'en arrachai la coquille piquante et observai la boule bleue entre mes mains. Elle était plutôt molle et lorsque je croquai dedans, une quantité incroyable de jus sucré et rafraîchissant emplit ma bouche. Une fois que j'eus fini de me régaler, j'envoyai un regard reconnaissant au roi.
- C'est... incroyable! Sublime!
- Content que ça te plaise. Du thé?
J'acceptai avec plaisir. Le breuvage était délicieux et me réchauffa de l'intérieur.
- Alors, dis-moi, me demanda Rogan après avoir pris une gorgée dans sa tasse. Qu'est-ce qui t'amène chez moi? Parce que je me doute que tu n'arriverais pas soudainement à la capitale sans raison après toutes ces années.
Mon sourire disparut et je pris une nouvelle gorgée de mon thé. Écaillant un deuxième fruit pour occuper mes mains, je commençai à raconter notre histoire.
- J'ai été élevée par Jian Elastraz à Hèra.
- Ah! Donc c'est pour ça que je n'ai pas entendu parler de Jian depuis si longtemps! Hèra... c'était un bon choix. Loin de l'effervescence de la capitale, mais loin des frontières aussi. Il est intelligent ce connard.
Je fus choquée par son langage.
- Pardonnez-moi, votre Majesté, mais... pourquoi vous parlez de mon père comme ça?
Rogan poussa un petit rire.
- Tu n'as aucune idée, hein? Tu ne sais absolument rien.
Je secouai la tête.
- Tout ce que je sais, c'est qu'en revenant de mon initiation, avec Carter, mon village était détruit, mon père s'est fait estropier et Hayle me court après. Et j'ai aucune idée pourquoi tout ça m'arrive à moi!
Le roi soupira et posa sur moi un regard doux, plein d'empathie.
- Expliquez-moi, je vous en supplie... soufflai-je. C'est pour ça que je suis ici.
Il me sourit.
- Évidemment, je vais tout te raconter, mais à une condition.
- Quoi?
- Ne m'appelles plus "Majesté"! Pouah! Ta mère ne m'a jamais une seule fois appeler comme ça, elle. Tu peux m'appeler Rogan et me tutoyer.
J'hochai la tête, soulagée. J'avais eu peur qu'il me demande quelque chose que j'aurais hésité à lui donner, mais plus je lui parlais, plus il me semblait être un homme bon qui ne profiterait pas de ma position de détresse.
- Ta mère, elle s'appelait Ophélia. Lorsqu'elle avait environ ton âge, Cade Hayle venait d'accéder au trône d'Exatëm et sa haine envers notre peuple mit fin à la trêve que son père et le mien avaient conclue. Ophélia vivait dans un village aux frontières. Comme Hèra récemment, il a été rasé, mais elle ne s'est pas laissée faire. Elle s'est enfuie, a emménagé dans un autre village et, refusant de voir le passé se répéter, en a rassemblé les habitants pour qu'ils se battent contre l'armée exatëum. Et ils ont réussi à la repousser. Mais la fierté de Cade Hayle en fut écorchée et il s'acharna sur le village. À chaque victoire remportée par Ophélia, la confiance montait. Ils croyaient véritablement qu'ils allaient parvenir à s'en sortir. Sauf que Cade envoya des mages et des guerriers bien au-delà des forces du village et tous les habitants furent sauvagement assassinés. Habituellement, les Exatëums prennent beaucoup de prisonniers. Ils les condamnent aux travaux forcés. Mais cette fois, c'était personnel.
J'étais pendue aux lèvres du roi. Je n'arrivais pas à y croire. Ma mère avait dirigé une révolte, tenant tête aux envahisseurs.
- Ta mère a survécu. Elle a réussi à s'enfuir à nouveau, aidée par ses camarades qui avaient espoir qu'elle ramène la paix. Elle promit de venger son village et d'être à la hauteur des espoirs de ses compatriotes. Pendant des années, elle sabota leurs armes, créa des révoltes dans leurs villages, libéra des prisonniers qui étaient envoyés vers Exatëm... Les gens commencèrent à la connaître. On murmurait le nom d'Ophélia Delevia d'un coin à l'autre d'Effarans. Elle est débarquée à la capitale comme le messie et a convaincu notre peuple que nous pouvions gagner cette guerre. Elle a même obtenu le contrôle de l'armée. Elle est devenue une héroïne de guerre, connue de tous. Son nom est devenu sacré, porteur d'espoir.
Tout cela me rappelait bien trop l'histoire de Jian. Est-ce que ce conte qu'il me racontait lorsque j'étais enfant était en fait la vérité? L'histoire de ma mère? Mon histoire?
- Mon père est mort dans l'une de ses batailles et ta mère s'est battue corps et âmes pour ramener son corps à la capitale. Ça faisait déjà des années que nous nous connaissions et elle a été là, toujours. Elle m'a supporté lorsque je suis monté sur le trône, en deuil. Elle s'est battue à mes côtés pour le salut d'Effarans pendant de nombreuses années. Elle était adorée de tous. Elle était comme une sœur pour moi. Mais dans une de ces grandes batailles, comme ta mère refusait de se cacher derrière nos défenses, elle était toujours en première ligne, et cette fois... elle s'est fait capturer. Je sais pas ce qui s'est passé là-bas, mais on racontait qu'elle avait eu un enfant qui aurait disparu aussi vite, puisqu'elle l'aurait confié à quelqu'un de confiance. Ensuite plus rien.
- Si ça se trouve, elle est encore en vie, soufflai-je avec espoir.
Rogan me regarda avec un peu de pitié, ce qui me fit me recroqueviller légèrement sur mon fauteuil.
- Crois-moi, elle est morte. C'est le genre de chose que l'on sait.
Je baissai les yeux. J'aurais voulu pouvoir y croire. Même si je ne l'avais jamais connue, je sentais un attachement étrange à cette femme. C'était ma mère. Et elle avait l'air d'une personne extraordinaire.
- Pour ce qui est de ce qui t'es arrivé... Tu as dis qu'Hayle te recherchait?
- Oui. Le fils. Pourquoi?
- Pour la même raison pour laquelle Jian t'a gardé loin de la capitale.
- Qui est?
Rogan me regarda sérieusement.
- La prophétie.
Je me retournai vers Alyson, qui m'en avait parlé quelques jours plus tôt. Je sentais le regard de Rogan me transpercer.
- Tu es l'élue, Alleb. Celle qui va décider de l'issue de la guerre.
_____
Heyy!!
Vous avez aimé le chapitre?
Enfin un peu d'informations!
À plus les chèvres!
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