Chapitre 95

Plus que deux chapitres et cette histoire prendra fin ! 



Quelques mois plus tard, au fin fond d'un pays.

Stoïque devant la théière, j'attends que l'eau se réchauffe. Les gens autour de moi s'affolent comme si on leur a annoncé que la fin du monde est imminente mais pourtant, il n'y a rien d'alarmant.

Juste leur patron qui revient à la maison après une escapade dans le désert.

Qui peut bien les affoler ainsi ?

Ernesto Rodriguez.

Eh oui, je n'ai pas oublié ce mec. Je n'ai pas absolument pas oublié ma mission que le diable m'a filé. Je lui ai promis qu'à deux, on arrivera à vaincre ceux qui nous ont fait du mal. Marisa est six pieds sous terre et désormais, il ne manque plus que ce connard de Rodriguez.

À vrai dire, Espen croyait que j'étais une chiffe molle et que finalement j'avais changé d'avis. Il a cru sérieusement que je n'aurai pas les couilles pour faire face au vieux Rodriguez et le tuer.

Il a quand même raison.

Je n'ai pas les couilles pour tirer une balle en pleine tête.

Mais j'ai les couilles pour autre chose.

Le diable était impatient que je passe à l'action mais vous savez, plus on patiente et plus le résultat est savoureux. Pendant ces trois longs mois, j'avais l'œil sur les faits et gestes de Rodriguez. Je savais pertinemment où il était, qui il fréquentait et ce qu'il fabriquait.

J'ai décidé de passer à l'action quand il a voulu changer de territoire.

Désormais, je me trouve dans un pays au Moyen Orient, le Liban. Son choix est assez judicieux, vous savez pourquoi ? C'est au Liban qu'on trouve des milliers de clients pour les trafics d'armes puisque ce pays est une plaque tournante.

Donc, je pense que Rodriguez cherche un nouveau tremplin étant donné qu'on a détruit son business.

Mais il va foirer parce que je vais encore gâcher ses plans tordus.

Une fois la théière émet un bruit, je la sors du feu pour verser un peu d'eau dans la tasse. En fredonnant un air de musique, je fais couler un sachet de thé puis une poudre blanche. Je touille un peu et pose la tasse sur un plateau.

J'ajuste à nouveau le tissu sur ma tête et pars en direction de la chambre de Rodriguez, le plateau entre mes mains.

Grâce à quelques connaissances, j'ai réussi à m'infiltrer dans le personnel de Rodriguez. Je doute qu'il va me reconnaître avec ce voile qui dissimule la moitié de mon visage.

J'ai mémorisé le programme de sa journée.

Après sa balade en cheval, il va se reposer dans sa chambre tout en savourant une tasse de thé. Puis ce gros porc fera venir des prostituées et je vous laisse deviner ce qui en suit...

On m'autorise à entrer dans sa chambre et lentement, je m'aventure dans cette grande pièce. Je le vois.

Assis sur un canapé rouge, il ne prête pas attention à ma présence. Ce connard est plutôt focalisé sur ton téléphone. Le fait de le voir en vrai fait ressurgir cette colère en moi.

Rodriguez est un gros type bien potelée portant une tenue très texas, c'est-à-dire, un jean, une chemise et un chapeau de cowboy. Il croit sérieusement qu'il a du flow... Sa vue me débecte et je réprime un haut le cœur.

Il a tout sauf l'allure d'un mafieux.

— Tu vas rester plantée là comme une herbe ou bien tu vas faire ton taf ? crache-t-il, les yeux toujours fixés sur son écran.

Merde, ressaisis-toi !

Vivement, je dépose sa tasse de thé sur la table basse en face de lui.

— Reste, j'aurai besoin de toi.

Je me retourne à nouveau vers lui, confuse de ce qu'il manigance.

Qu'est-ce qu'il fabrique ? À quoi il pense ?

Bon sang, j'espère que ce ne sera rien de grave.

Je reste dans un coin et le fixe siroter le breuvage. Un sourire naît sur mes lèvres que je fais vite disparaître.

Juste une gorgée lui sera fatale. Le poison fera effet dans les dix minutes qui suivent.

— Le thé n'a pas le même goût que d'habitude. Qu'est-ce que tu as mis de plus ? demande-t-il subitement.

— J'ai mis une cuillère de miel local. J'espère que ça vous plaît, je réponds.

— Ce n'est pas mauvais, admet-il en levant les yeux sur moi. Cependant, tu ne viens pas d'ici n'est-ce pas ?

— Le Liban est mon pays d'origine.

— Tu parles avec un accent texan, souligne-t-il d'un regard sombre.

Merde, je l'ai trop sous-estimé. Finalement, il n'est pas si con qu'il en a l'air.

— Je viens au nord du pays monsieur, je nie fermement.

Il fronce les sourcils et lorsqu'il s'apprête à répliquer, on toque à la porte. Il ordonne qu'on entre et un garde ainsi qu'une jeune femme habillée en abaya d'un rouge éclatant. Son regard effrayé m'interpelle et le garde pousse la jeune femme sans ménagement. Cette dernière s'effondre au sol en gémissant de douleur.

— Mon nouveau jouet, qu'est-ce qu'elle est magnifique ! s'écrit le vieux Rodriguez. Tu peux en disposer, Roman.

Le garde s'en va et le vieux Rodriguez se lève et s'approche tel un félin vers cette jeune femme qui n'ose même pas se relever.

— Comment t'appelles-tu ? demande-t-il en prenant un ton doux.

Le jeune femme métissée reste silencieuse, sans doute tétanisée par ce vieux porc. Sans aucun doute, on l'a sûrement kidnappée et le voici face à son gourou. Elle est une des victimes du trafic de prostitution.

L'homme s'agenouille devant la jeune femme.

— Comment t'appelles-tu ? répète-t-il d'un air menaçant en crochetant la mâchoire de l'otage.

— Ru... Ruby, bégaie-t-elle.

— La prochaine fois, réponds-moi Ruby. Je ne suis pas aussi patient qu'il en a l'air.

— Je vous en supplie laissez-moi partir. Je... je n'ai rien à vous offrir et...

Rodriguez éclate de rire tout en se relevant. Je me demande quand le poison fera effet, j'ai l'impression que ça fait des lustres que je poireaute dans le coin de la chambre. Si le poison agit maintenant, cette Ruby pourra s'enfuir.

J'essaie de ne pas interférer dans leur histoire sinon le vieux saura qui je suis.

— Ne dis pas de sottises ! Tu as bien quelque chose à m'offrir et c'est toi, chère Ruby. Tu sais pourquoi je t'ai kidnappé ? Parce que je t'imagine bien tous les soirs m'attendre sur ce majestueux lit, nue et les jambes écartées.

La jeune femme hoquette de peur et elle tourne sa tête dans ma direction. Je distingue nettement son appel à l'aide mais à contre-cœur, je détourne les yeux. Si je la sauve, je serai obligée de me battre contre Rodriguez et ma couverture sera fichue en l'air.

La pauvre... elle doit juste attendre.

— Tu dois cacher un corps de déesse sous cette longue robe...

— Ne me touchez pas ! crie la jeune femme en se levant.

Elle court dans ma direction pour se cacher derrière mon dos. Je me tends.

Putain mais qu'est-ce qu'elle fout ?!

C'est à mon tour de m'angoisser quand le vieux se dirige furieusement vers nous, le visage crispé. Je sens les ongles de l'otage s'enfoncer dans mon tissu et son souffle erratique m'affole aussi. Ses doigts tiennent fermement le tissu qui dissimule la moitié de mon visage. Si elle tire un peu trop, l'autre découvrira mon visage.

— Dégage, m'ordonne l'autre connard.

Je m'apprête à l'écouter mais je le fixe droit dans les yeux. Attendez, mais à quel moment dois-je l'écouter ? Mon but était de l'empoisonner, pas d'être sous ses ordres !

Mais si je ne l'écoute pas, il aura des soupçons et à tout moment, il fera entrer ses gardes pour nous déglinguer. Mon but était de repartir en mode furtif.

Mais le hic, c'est cette fille qui déboule de nulle part. Elle ruine mes plans mais ma conscience ne peut pas laisser ce porc abuser cette pauvre femme.

Si je la sauve, ça va être la baston générale.

Si je ne la sauve pas, je partirai comme je suis venue mais cette femme... elle sera détruite.

Je dois faire un choix.

— Dégage !

Il lève sa main et arrache le tissu qui couvre mon visage. En même temps, je cogne mon plateau contre sa tronche et il recule, sonné.

— Toi ! dit-il d'un air surpris en découvrant mon visage.

— Tu t'attendais à quoi ? Que je te laisse vivre après toutes les supplices que tu as fait subir à mon père ? je crache en m'approchant de lui. Ton heure a sonné, Rodriguez.

Avant même qu'il crie à l'aide, je lui assène un coup précis dans son plexus solaire et cela lui fait couper la respiration. Pas de temps de répit avec moi, c'est avec précision que je lui assène un autre coup sous la mâchoire ce qui le fait tomber dans les pommes. Vivement, je remets le tissu.

— Vous... tu...

— Tais-toi et aide-moi à le porter, j'interromps Ruby.

Son air effaré m'amuse et elle s'avance lentement de moi. Avec son aide, je ligote ce porc et nous le portons jusqu'à la baignoire de la salle de bain.

— Vous croyez qu'il va se réveiller ? me demande-t-elle avec frayeur.

Je ne lui réponds pas et l'incite à me suivre. Maintenant, il faut sortir d'ici.

Nous passons dans le garde posté devant la porte de Rodriguez et son regard dur se pose sur la jeune femme à côté de moi.

— Monsieur Rodriguez m'a demandé de lui montrer sa chambre, j'interviens en faisant un signe de tête.

Le garde acquiesce et lentement, nous nous éloignons du couloir. Je sens la peur de Ruby et je peux la comprendre car désormais, j'ai peur de nous faire prendre. Le garde saura que quelque chose se trame et lorsqu'il verra le corps inerte de son chef, il saura que nous sommes coupables.

Il faut partir loin d'ici.

Nous quittons la propriété et une fois hors des caméras, j'attrape la main de Ruby et on se met à sprinter comme si notre vie en dépendait.

Elle se laisse faire sans poser de question. J'ai garé ma voiture à dix minutes de la propriété et là, il ne faut pas perdre de temps.

Une fois arrivées à la bagnole, j'incite la jeune femme entrer à l'intérieur et je démarre en trombe.

— Pourquoi on fuit ? Vous... vous l'avez tué ? s'écrit Ruby avec effroi.

— Oui.

— Quoi ?! Arrêtez la voiture ! Vous allez me tuer aussi !

— Je l'ai tué par vengeance, je précise en jetant un coup d'œil dans sa direction.

Son visage blêmit et elle s'attarde sur la poignée de la portière. Heureusement que j'ai verrouillé le véhicule.

— Tu n'as pas besoin de t'inquiéter. Je ne vais pas te faire de mal si tu veux savoir. Au contraire, je sauve ta vie.

— Comment en être sûre ? Vous êtes comme ce type ! Vous tuez les gens ! J'ai vraiment le don pour côtoyer les gens malsains.

— J'ai un cœur, Ruby. Bon j'avoue, c'est bizarre de dire ça après avoir tué une personne mais je ne suis pas comme ce vieux con qui viole des femmes sans défense.

Je la vois se calmer et laisse tranquille ma potière.

—Vous le connaissez ? me demande-t-elle avec méfiance.

— Il est le type qui a kidnappé et torturé mon père.

Elle garde le silence et je profite pour passer un appel à Espen afin de lui annoncer la grande nouvelle. Rodriguez ne fera plus chier à personne. Sa mort est imminente.

— Qu'est-ce que vous allez faire de moi ?

— Comment ça ? je demande, en fronçant les sourcils.

Je m'arrête sur un parking d'un supermarché et vérifie qu'aucune voiture ne nous a suivi. J'ôte enfin le tissu et je sens le regard intense de Rubis sur moi. Putain, j'étouffais sous ces tissus !

— Eh bien, vous avez moi et...

— Je t'arrête tout de suite. Je ne suis pas comme lui. La preuve, je te laisse l'opportunité de t'en aller, lui dis-je en déverrouillant le véhicule.

Elle m'observe longuement comme si elle essayait de lire mes pensées. Pourtant, je suis honnête avec elle. Jamais je kidnapperai une personne et qu'est-ce que je ferai avec elle ? Si elle souhaite s'en aller, la porte est ouverte.

— Tu t'appelles comment ?

— Almira.

— Tu viens d'où ?

— Du Mexique.

Elle reste silencieuse, l'air songeuse. Je profite de récupérer mes affaires et sors de la voiture pour me diriger vers une autre. En changeant de véhicule, les gardes auront moins de chance de nous attraper.

J'entre dans le SUV et allume le contact. Soudain, la portière du côté passager s'ouvre et la métisse entre.

— Emmène-moi avec toi. Je t'en supplie, m'implore-t-elle, le regard larmoyant.

Étonnée, je l'observe sans comprendre.

– Tu donnes ta confiance à n'importe qui ? Imagine que je suis une mauvaise personne et...

— Tu l'es pas. Tu m'as avoué il y a un instant.

Son comportement me laisse sceptique mais je ne cherche pas à en savoir davantage. Si elle veut me suivre c'est pour fuir cet endroit, où fuir autre chose. Elle a des secrets et je ne veux pas les connaître mais si elle veut fuir cet endroit, je veux bien l'aider.

Face à son regard suppliant, je soupire.

Ce n'était pas dans mes plans de rencontrer une nouvelle personne. Alors là, pas du tout.

– J'espère que t'aimeras le Mexique, dis-je finalement en détournant le regard.

Je l'entend soupirer et elle attache sa ceinture.

– Mille merci, Almira...

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