Chapitre 89
— Tu fais venir papa ici et vous vous retrouvez. C'est sûr qu'il aura remords et il te présentera des excuses et tu te forceras à les accepter. Puis, quand tu penses qu'il pourra s'ouvrir à toi, tu lui demandes ce qu'il a appris sur les Rodriguez.
— Il va s'ouvrir à moi. Ton père est incapable de me mentir, souffle Léna en pivotant légèrement sa tête dans ma direction. Enfin presque.
Je souris brièvement.
— Et tu dois lui demander pourquoi les Rodriguez veulent le tuer. Il doit bien avoir une raison et oh attends...
Je fouille dans mon sac avant de glisser un petit sachet sur la table. Ma mère le rend avec un air sceptique.
— De la Marijuana ? Tu veux que je drogue Enrique ? dit-elle en fronçant les sourcils
— Pas vraiment et ce n'est pas de la beuh. En fait, c'est un mélange d'herbe que j'ai concocté et tu le feras infuser comme du thé. Mais tu l'utiliseras uniquement si papa reste réticent à tout t'avouer.
— Pouquoi tu ne l'as pas fait plus tôt ?
Je hausse les épaules.
— Papa est méfiant avec moi. Il refuse tout ce que je lui donne parce qu'il sait que je suis capable de faire ce genre de coups avec lui.
Léna pousse un soupir alors que mon sourire s'agrandit de plus en plus. Je lui explique quelques détails puis on passe à l'attaque. Elle téléphone papa et lui propose de lui rendre visite aujourd'hui. Au téléphone, elle grimace tellement les mots sont durs à prononcer et je lui chuchote des remerciements en lui envoyant des baisers.
— Il arrive, annonce-t-elle avec la mine sombre.
— Qui arrive ?
Nous nous retournons et découvrons Alira accompagnée de... Santiago. Tel un automatisme, mes yeux lèvent au ciel, signifiant mon ennui.
Et il ne manquait plus que lui...
Pourquoi a-t-il ramené sa fraise ?
— Ton père.
— Attends, pourquoi il vient ici ? Vous allez vous remettre ensemble ? s'écrit ma jumelle, les mains sur les joues.
— Quoi ? Non ! Pour...
— Santiago, tu ne te sens pas en plus là ? je lui lance sur un ton espiègle.
L'intéressé pose ses yeux sur moi avant de me foudroyer.
— Je fais partie de la famille, que tu le veuilles ou non, me répond-t-il avec un sourire horrifique.
— Dans tes...
— Ouais, il fait partie de la famille, ça te pose un problème ?! intervient ma jumelle en se mettant entre son clébard et moi.
Elle le défend comme s'il le méritait...
De base, j'arrive à contenir ma colère mais le fait de revoir sa tronche de papaye, ça me fait sortir de mes gonds. Nous parlons quand même du type qui m'a forcé à l'épouser en ignorant royalement les sentiments sincères de ma jumelle !
J'évite de foutre mon nez dans leur ménage mais ça fait tellement chier qu'ils soient ensemble. Ma sœur l'aime mais lui non. Il va la manipuler.
— Occupe toi plutôt de Reyes, crache ma soeur.
— Les filles, je...
— Espen va très bien. Si j'étais toi, je surveillerais ce Santiago. Il n'est pas aussi sain qu'il nous laisse croire, je siffle avec un sourire froid.
— Almira...
— Ferme ta gueule, Santiago ! Et n'ose même pas prononcer mon nom sinon t'auras la même sentence que ton connard de frère.
— Les filles...
— N'y pense même pas d'abîmer ses couilles ! Avant que tu t'apprêtes à le faire, je cramerai tes cheveux, me menace ma jumelle en me pointant du doigt.
— QU'EST-CE QUE CE FILS DE PUTE FAIT ICI !
Nous nous retournons vers la porte et remarquons Espen se diriger furieusement vers nous avant de se poster devant moi comme pour me protéger.
Mais justement, je n'ai pas besoin de protection, je peux me défendre moi-même. Alors je me décale pour me poster à côté de lui.
— Toi la sorcière ose toucher ma femme et je te balancerai au vieux Gonzalez qui tu lui plantes un couteau dans le dos. Si ta mère est aveugle pour rien voir à ton jeu, moi je le vois très bien, gamine, tonne mon époux en lui faisant un pichenette sur le front de ma jumelle.
Celle-ci reste stoïque et je crains la suite.
C'est vrai qu'Alira manigance derrière le dos de notre oncle afin de le dénoncer. Elle essaie de démanteler son trafic de prostitution et le foutre derrière les barreau afin de lui piquer sa place. Ouais, c'est vrai, ma sœur a de grandes ambitions.
Des ambitions très dangereuses.
J'ai essayé de la convaincre de laisser tomber son plan suicidaire mais elle ne veut rien écouter. Si notre oncle est au courant que sa propre nièce tente de l'enfermer, elle va crever.
Santiago bombe son torse et s'affronte verbalement contre Espen qui prend un plaisir de le ridiculiser. Je lui tiens fermement sa main en lui faisant passer le message qu'il n'est pas nécessaire de s'énerver trop vite parce que croyez-moi, le faire calmer est une étape que j'aimerais bien éviter.
Cependant, ça ne me dérange pas qu'il rabaisse cette chose de Santiago.
Au contraire, c'est une bénédiction pour moi !
Puis il s'ensuit des échanges houleux et ma mère qui tente de nous raisonner abandonne pour siroter une tasse de café. Je m'approche de la fenêtre et... oh non !
— Qu'est-ce qu'il y a ? Aahhh ! Il y a papa qui arrive ! s'écrit ma jumelle juste à côté de mes oreilles.
— Vraiment ? Mais il est rapide ! Est-ce que je suis bien maquillée au moins ? s'affole notre mère en renversant du café sur l'ilôt central.
— Pourquoi tu cherches à être belle ? je lui demande soudainement.
Elle bredouille mais tout se passe vite.
Ma jumelle nous crie tous de nous cacher et j'ai eu le temps d'attraper la main d'Espen pour nous enfermer dans la penderie qui est en face de la cuisine.
Tous les quatre enfermés dans cette penderie. J'oublie que Santiago est à trente centimètres de moi lorsque j'entends ma mère accueillir mon père.
— Cette maison est assez grande mais il a fallu que je sois enfermée dans la même pièce de cet abruti, siffle mon époux.
Même dans le noir, je sais qu'il foudroie Santiago et je ne peux pas m'empêcher de sourire.
— D'ailleurs, pourquoi on se cache ? J'ai juste suivi le mouvement, chuchote Alira.
— Chut ! Tais-toi ! je la réprimande.
En retenant ma respiration, j'ouvre doucement la porte pour épier la scène. Comme prévu, mon père baisse sa garde et discute avec maman qui semble anxieuse.
Mince... ça s'annonce déjà mal.
Le diable se colle derrière moi pour espionner puis les deux autres zouaves se joignent à nous. On se croirait dans un film humoristique mais croyez-moi, la scène est vraiment stressante.
J'ai peur que papa nous découvre ou si l'un de nous fasse trop de bruit.
Ce plan est mon dernier espoir.
***
Une demi-heure.
Une demi-heure que nous sommes dans cette penderie hyper petite. Ma mère ne presse pas les choses afin que papa soit à l'aise.
Assise par terre, j'attends patiemment l'action que j'ai tant rêvée.
Que papa nous révèle les secrets des Rodriguez.
— Imagine... imagine qu'il a retourné sa veste et qu'il travaille avec les Rodriguez, chuchote ma sœur avec effroi.
— C'est simple, je l'étrangle, lâche Espen d'une voix calme.
Je ferme brièvement mes yeux, blasée par sa réponse.
— J'avoue que je n'ai pas pensé à ça, j'admets avec horreur.
Si c'est ça son plus gros secret, non seulement il sera un traître mais nous aussi. Les gens vont nous pointer du doigt et voudront notre tête sur un piquet.
La supposition de ma jumelle m'effraie.
Je m'attends à autre chose.
— Tiens, je t'ai fait un peu de thé, j'entends ma mère dire.
OK, elle passe à l'action.
Je joue nerveusement avec mes doigts.
— Depuis quand tu bois du thé ? T'as horreur de ça, fait remarquer mon père.
Merde...
Je me relève et ouvre lentement la porte. Ma mère croise mon regard et se concentre à nouveau sur papa qui est dos à moi.
— Alira adore le thé, ment-elle avec un sourire.
— Almira adore aussi ! Elle boit plus de dix tasses par jour. Je l'ai déjà menacé si elle continue à boire autant de thé, elle aura des dents toutes jaunes mais elle s'en fout royalement, rigole mon père.
Doucement, je me tape le haut de mon front et referme la porte.
— Mais je n'aime pas le thé, précise ma jumelle.
— Je sais.
— Mais pourquoi il y a du thé à la maison et... tu n'as pas osé !
Je sens sa main fine se serrer autour de mon bras et face à mon silence volontaire, je l'entends pester des insultes.
— T'as empoisonné papa ? Mais t'es vraiment sans limite ! Je croyais que tu...
Je sens du mouvement et suppose que Santiago a posé sa main sur sa bouche afin qu'elle se taise.
Cette fille parle trop fort ! Un mot de plus et mon plan tomberait à l'eau.
— J'adore ma femme, dit Espen d'un ton fier.
Un jour, je me suis promis de ne jamais empoisonner un de mes proches mais dans la situation dans laquelle je suis, le choix ne s'offre pas.
Ça me fait chier d'en arriver à ces mesures et je m'en veux de trahir mon père. Je m'en rappelle le jour où mon père m'a menacé de ne jamais l'empoisonner... j'ai foiré.
Les minutes passent et nous attendons que la tisane prenne effet. Normalement, les effets sont censés apparaître au bout de trente minutes et seigneur... c'est long... vraiment long.
— Maintenant, tu es libre Enrique. Si tu as des objectifs à accomplir, fonce.
Mon père rit nerveusement.
— Je ne suis pas vraiment libre, Léna. Au contraire, j'ai l'impression d'être toujours enchaîné.
— Comment ça ? demande maman.
Je me redresse vivement et tends mon oreille contre la porte.
Papa reste silencieux mais au bout de quelques secondes il s'exclame :
— Je ne sais s'il faut dire ou pas...
— Tu peux tout me raconter Enrique. Je suis la même malgré les vingt ans d'absence.
— J'ai fui les Rodriguez mais ça été la pire erreur de ma vie. Maintenant, non seulement je cours un grand danger mais vous aussi... les Rodriguez m'ont menacé de vous tuer si je m'enfuis loin d'eux vu je connais un tas de choses sur eux.
— Oh mon Dieu, il va enfin révéler, je chuchote avec le coeur battant la chamade.
J'ai peur.
Peur de ce qu'il peut bien sortir de sa bouche.
— Enrique, tu fais une drôle de tête ! Leurs secrets sont tellement sombres au point qu'ils veulent te tuer ?
— C'est compliqué, Léna...
— Alors, explique-moi !, s'emporte ma mère d'une voix colérique. Tu me dis que la vie de nos enfants est en danger mais tu ne m'avoues pas pour quelle raison. Tu sais, maintenant que notre famille est au grand complet, je ne veux pas qu'on soit à nouveau séparé.
Merde, ça tourne au vinaigre.
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