Chapitre 88

PDV Almira

Les cris du bébé m'agacent du plus haut point et dès qu'Elsie a le dos tourné, je profite de lancer un mauvais regard au gosse. Il est chiant, tellement chiant !

C'était une mauvaise idée d'accepter la visite d'Elsie et de son bambin qui n'arrête pas de chialer.

Je n'ose pas lui dire que son bébé me fait chier par peur de la vexer. Donc je suis vouée à prendre mon mal en patience.

J'ai hâte qu'ils se barrent.

— Pourquoi tu tires un tête comme ça ? Tu as mal ? s'inquiète mon amie.

Parce que ton gosse m'énerve...

— Je suis juste épuisée, dis-je en détournant les yeux.

— Tu veux du café ? Une tasse de thé ?

— Je pense que ma fille a besoin d'un peu de silence, débarque mon père en s'asseyant à côté de moi.

Vulgairement, il pointe du doigt le petit Thiago qui a cessé de pleurnicher et Elsie sourit, mal à l'aise.

— Oh... Désolée.

— T'inquiète, dis-je d'une voix amère. Papa, tu es sûre que tu n'as rien oublié ?

— C'est la cinquième fois que tu me poses cette question ! Je n'ai aucune idée où se trouve les Rodriguez.

— Ça fait plus de dix ans que tu les espionnes et tu n'as vraiment aucune idée où se trouve leur base secrète ? Laisse-moi en douter...

— Change de ton, jeune fille. Si je le savais, je te l'aurais dit !

Je l'ignore et échange un regard avec mon amie.

Soit il me prend pour une conne ou soit il me prend pour une demeurée. Le père d'Espen l'a envoyé de l'autre côté du frontière pour une mission qui s'avère très longue. Cette mission a duré plus d'une dizaine d'années. Papa a su s'infiltrer dans les rangs des Rodriguez, il a pu sympathiser avec quelques hauts gradés, alors comment ça se fait qu'il n'a strictement aucune idée ?

Il me cache quelque chose, je le sens.

Mais qu'est-ce qu'il peut bien vouloir cacher ?

Espen et Gaël reviennent et vu leur tronche bien sombre, je déduis que la torture n'a servi à rien.

C'est un cauchemar.

Je me sens démunie et putain, ça m'agace !

Pour la première fois de ma vie, je n'ai jamais autant voulu me venger. On m'a tiré une balle ! Et j'ai failli y passer !

Mais encore...

Si je n'étais pas passé devant mon père, ça serait bien lui qui aurait pris cette balle.

Il est évident que les Rodriguez veulent sa mort et ils reviendront tôt ou tard. Ils reviendront pour tuer papa.

Les gars discutent avec Elsie mais je reste silencieuse, ruminant sur place.

Si Espen n'est pas capable de détruire les Rodriguez, alors je le ferai moi-même.

Je dois les rayer sur la carte. Ils sont une source de problèmes.

— N'oubliez pas le baptême de Thiago ! C'est dans deux semaines ! nous rappelle Elsie en portant le chialeur entre ses bras.

— T'es obligée de faire un baptême ? C'est pas comme si on est croyant, peste son frère en croisant des bras.

— Tu n'es pas croyant mais moi si. Espen, c'est vraiment important pour moi en plus tu seras le parrain.

— On viendra, Elsie, j'affirme sérieusement. Il fait le mec hésitant mais je sais qu'il est heureux face à cette idée.

L'intéressé roule des yeux.

Quelques minutes plus tard, ils s'en vont et Espen m'aide à monter les escaliers tandis que mon père a décidé de rester au salon. Nous entrons dans le bureau dans un silence religieux et je m'installe confortablement sur un des sofas disposés.

La douleur me fait grincer les dents. À chaque mouvement, quel soit brusque ou non, je sens la chair de la blessure s'étirer. Depuis que nous sommes revenus, j'ai du mal à m'endormir tellement j'ai peur de me faire mal pendant mon sommeil.

Si les points de suture sautent, on va danser la salsa à la maison.

— T'as eu aucune réponse, n'est-ce pas ?

— Du tout. Et ton vieux ? Il t'a dit un truc ?

Je secoue ma tête avec une moue.

— Il me cache un truc et j'en ai marre de comportement de con. Tant qu'il ne dit rien, on est toujours exposé aux problèmes, dis-je rageusement. Il faut que je lui fasse tirer les verres du nez.

— Si ce n'était pas ton père, je lui aurais déglingué la gueule ! J'ai l'impression qu'il n'a pas saisi que se sont bien les Rodriguez qui t'ont tiré une balle.

J'observe Espen boire son verre d'alcool, le regard dirigé vers la fenêtre. Il est tellement beau dans son costume italien que je veux le...

Euh qu'est-ce que je raconte, là ?!

— En vrai, Espen.

Enfin il se retourne dans ma direction, ses yeux verts me noyant sur place.

— Les larbins des Rodriguez ont voulu tirer sur mon père, pas sur moi, je lui avoue avant de pincer les lèvres.

— Tu déconnes, j'espère ?

Face à mon silence, il ferme brièvement les yeux alors que la colère étire les traits de son visage qui était déjà sombre

— Putain ! crie-t-il furieusement. Est-ce que tu te rends compte que t'as failli y passer, espèce d'idiote ?!

— Mais je suis toujours en vie ! Et si tu réfléchis bien, les larbins voulaient éliminer papa parce qu'il cache sans doute un truc méga important. J'en ai la conviction.

— D'accord mais pendant ce temps tu n'arrives pas à lui faire sortir les verres du nez ! Si j'étais toi, je lui aurais brisé un doigt et il serait forcé de nous avouer...

Il se tait quand il capte mon regard sombre. C'est un fou celui-là, vraiment !

— Je connais une personne qui pourrait nous aider, je souffle en tâtonnant mon pansement.

— Qui ?

— Léna.

— Juste ciel.

Ma mère pourra réussir là où nous avons échoué. Dans mes souvenirs, papa et elle se confiaient presque tout et malgré les années de séparation, j'espère vraiment que cela va marcher. Il est évident que ma mère ne veut même pas le revoir tellement elle le hait mais si je lui propose mon plan, elle va l'accepter avec les yeux fermés.

Elle sera capable de tout moi.

Le diable s'installe à côté de moi et prend ma main pour la serrer affectueusement.

— Changeons de sujet. Regarde ce que je t'ai emmené.

Il sort un dossier derrière son dos puis me tend. Confuse, je l'attrape et le feuillette. Mon coeur prend une autre allure et je lui fais les gros yeux, surprise.

Les papiers du divorce.

Et il a même signé.

— Je suis prêt à tout recommencer avec toi Mira. Si tu le veux vraiment, signe ces papiers, dit-il en me proposant un stylo.

— Espen, t'es sérieux ? Vraiment sérieux ? Sérieusement sérieux ?

— Plus que sérieux, muneca. Je veux te rendre heureuse.

Je me mords la lèvre inférieure et je le regarde une dernière fois avant de me focaliser sur ce morceau de papier.

Il est vraiment prêt à vivre ensemble.

Je n'aurai jamais imaginé que je réussirai à dompter la bête si on peut le dire ainsi...

D'un coup, sans hésitation, je déchire le document sous les yeux effarés d'Espen et dépose les morceaux sur la table basse.

— Finalement, j'ai plus envie.

— Pourtant, tu le voulais Mira. J'ai du mal à te comprendre, m'avoue-t-il avec les sourcils froncés.

Je lui souris et caresse sa joue barbue.

— En réfléchissant, c'est inutile qu'on signe le divorce pour se marier à nouveau. Le mal est fait.

— Mais ton rêve ?

— On peut organiser une cérémonie de mariage, Espen. Je veux qu'on le fasse dans les semaines qui suivent.

Il reste abasourdi pendant quelques secondes avant de m'enlacer.

— On organisera le plus beau et grand mariage. Ensuite on baisera et...

— C'est bon, je pense que j'ai compris Epsen, je l'interromps en rigolant.


Il me fixe avec une lueur étrange dans ses yeux et je me demande ce qu'il peut bien penser en ce moment même.

Qui sait ? Il doit penser dans quelle position il va me prendre...

Cette idée me fait rougir et je détourne les yeux, me focalisant sur la table basse.

— Tu as une idée pour la date de la cérémonie ? je lui demande avec un sourire en coin.

— Eh bien... pourquoi pas le lendemain du baptême de Thiago ?

— Mais c'est dans deux semaines !

— Ouais mais j'ai hâte que tu m'appartiennes réellement, déclare-t-il sûr de lui.

— Tu voulais dire que tu as hâte qu'on officialise notre amour devant nos proches, je le rectifie calmement.

— Ouais.

Le langage cru d'Espen...

Prochaine étape, adoucir son vocabulaire.

***

— Quoi ?! C'est hors de question ! s'oppose Léna face à mon idée.

Mon visage se décompose comme une merde tandis que ma mère contourne la table pour essuyer sa vaisselle.

Vaincue, je me laisse tomber sur la chaise et grimace de douleur. Merde, j'ai même oublié que j'ai une blessure !

— Et moi qui croyais que ma fille venait pour prendre de mes nouvelles ! J'hallucine !

— Mais je prends de tes nouvelles ! Enfin je m'apprêtais à le faire une fois quand tu auras accepté mon plan.

Elle se retourne pour me sermonner avec son regard brun.

J'étais convaincue qu'elle allait accepter ma demande avec les yeux fermés et visiblement, j'étais idiote ! Avec moi, Léna accepte toutes mes demandes afin qu'on se rapproche davantage et je me suis dit pourquoi pas lui demander de tirer les verres du nez du daron ? J'étais sûre et certaine qu'elle allait dire oui mais finalement, je me suis pris un gros "non" en pleine gueule.

J'ai conscience que je joue avec ses sentiments et c'est malsain mais écoutez, c'est le désespoir qui me pousse à faire ce genre de chose.

— Mira, est-ce que tu te rends compte de ce que tu me demandes ?

— Oui mais...

— Tu me demandes de sympathiser avec le diable ! s'offusque-t-elle en essuyant frénétiquement son assiette.

Un rire franchit mes lèvres.

— T'exagères quand même, je pouffe en sirotant mon verre de boisson gazeuse.

— C'est toi qui exagères, espèce de folle. Ce type a plutôt choisi d'écouter son ami que sa famille ! Et n'oublie pas qu'il t'a éloigné loin de moi pendant vingt longues années sans chercher à m'envoyer de nouvelles ! Enfin, ce que je veux dire c'est qu'Enrique t'a mis en danger avec sa mission suicide.

Je me tais et baisse la tête, mélancolique.

— Je ne peux pas me le voir et ni être dans la même pièce que lui ! S'il se trouve devant moi, Mira, je te jure que je le poignarderai avec un couteau de cuisine, continue Léna avec un ton amer.

— Maman, je comprends parfaitement ce que tu peux ressentir et crois-moi, ça me fait chier de te demander une chose pareille mais je n'ai pas le choix. Les Rodriguez vont revenir pour le tuer et je ne peux les laisser abattre papa !

Léna relève son regard triste sur moi.

— Oui papa est un beau enfoiré mais il m'a donné une bonne éducation, je ne manquais rien avec lui. Il m'a chéri et protégé ! J'ai pris cette balle à sa place parce que je l'aime mais je doute que la prochaine fois je ne survivrai pas si je prendrais une autre balle. Je te demande juste de m'aider, je déclare sincèrement.

Elle reste silencieuse et me tourne le dos.

Je dois être pathétique et heureusement qu'Alira n'est pas là sinon elle m'aurait nargué !

Mais durant toute ma tirade, j'étais sérieuse. Mon père est mon premier homme de ma vie. Il est le premier à m'aimer et à me protéger. De plus, je l'ai enfin retrouvé après de longs mois en croyant qu'il était mort.

Je refuse qu'on me le prenne à nouveau, c'est sûr que je perdrai mon équilibre.

Papa m'a tellement protégé que je veux lui rendre l'appareil. Je veux le protéger contre ces connards de Rodriguez.

Putain, je suis tellement désespérante !

— C'est quoi le plan ? me questionne-t-elle avec résignation.

Je relève la tête avec les étoiles dans les yeux. Elle accepte !

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