Chapitre 83

Mon père ne réplique rien. Je reste encore avec lui et lorsque je m'apprête à retourner à l'intérieur parce que la température semble chuter, je distingue Nico de loin, accompagné du diable. Il est séduisant dans son trench-coat sombre et je trouve que le décor lui correspond bien. Il est aussi froid et mystérieux que cette forêt de sapins.

Mon cœur s'emballe et un sourire étire mes lèvres mais je distingue encore quelques silhouettes derrière lui. Mais qu'est-ce que...

Je le rejoins et malgré son visage froid, je perçois l'ombre d'un sourire avant qu'il se dissipe. Je meurs d'envie de l'enlacer mais je sais qu'il a horreur de se montrer émotionnel devant les autres.

Je me focalise sur Matteo, Alira et Niguel.

— J'ignorais que vous alliez venir.

— On m'annonce que papa est vivant et tu crois réellement que je vais rester au Mexique ? Franchement ! s'exclame mon frère en roulant des yeux.

Il s'approche de papa pour l'enlacer. Je salue Alira et Niguel puis je questionne ma jumelle. Sa présence m'étonne, je croyais qu'elle s'en fichait de notre père et qu'elle ne voulait même pas le rencontrer. Papa vient dans notre direction et se présente à Alira qui a l'air bizarrement intimidée.

Je les laisse seuls et accoste le diable.

— Le voyage n'était pas trop dur ?

— C'était... intense, me répond-t-il en désignant discrètement mon frère.

Je soupire.

— Il t'en veut encore ?

Il hausse les épaules.

— Il fait sa meuf mais il va s'en remettre. C'est juste une question de temps et selon Antonio, Matteo s'est fâché avec sa pute du moment.

Je le frappe l'épaule accompagné un regard noir.

— Sa pute ? Tu pouvais simplement dire petite-amie ? je le sermonne en appuyant sur "petite-amie".

— Non c'est vrai, muñeca. Il change de pute comme un caleçon mais d'après Antonio, ça fait quelques mois qu'il est toujours avec la même pute. J'aimerais bien savoir qui c'est, me raconte-t-il avec les yeux plissés.

Je me rappelle l'autre soir quand mon frère n'a pas voulu me prêter son téléphone. Je me disais bien qu'il me cachait quelque chose mais je n'ai pas insisté. Tout le monde a besoin d'un peu d'intimité et si un jour Matteo franchira le cap, il me présentera cette mystérieuse personne.

— On le saura au moment voulu. Aller, rentrons ! Il caille ici !

Il opine et nous rentrons à l'intérieur suivit des autres. Papa et Alira restent en retrait et je n'ose pas les déranger. Après ces années d'absences et de malentendus, ils ont besoin de s'expliquer sans qu'on les dérange et d'après ce que j'analyse, il n'y a toujours pas de meurtre à déplorer.

C'est déjà bien.

J'attribue les chambres aux nouveaux invités mais Nico m'interrompt.

— Pourquoi le Jefe dort avec moi ? C'est ton époux, non ? Il est censé dormir avec toi, me contredit-il.

Gênée, je ne regarde pas l'intéressé et mord ma lèvre inférieure.

Avec Espen on a jamais dormi ensemble et même après que j'ai su que je suis mariée à lui, je n'ai pas eu cette idée qu'un jour on devra partager une chambre. Espen ne m'a rien imposé. Au contraire, il m'a laissé le choix d'avoir ma propre chambre.

— Je ne vais pas...

— Reyes, tu peux prendre ma place. Je vais partager la chambre avec Nico. Ça ne me dérange pas, intervient Alira avec un sourire crispé.

— Non, c'est mort ! Alira et Matteo dormiront ensemble. Le p'tit blanc sera avec moi, ordonne papa en désignant Nico.

Ce dernier hausse les épaules, s'en fichant royalement avec il pourra bien dormir. En tout cas, je lui souhaite bonne chance pour les prochaines nuits. Papa est très bruyant la nuit, beaucoup même...

Une fois les chambres attribuées, j'aide Espen à ranger ses affaires en lui racontant mes retrouvailles avec mon père. Il garde le silence mais m'écoute attentivement. Une fois ma tirade finie, j'ôte ma veste avant de m'allonger sur le matelas.

— Et comment s'est passée cette répression ? je lui demande aussitôt.

— Bien. Je pense que Ernesto Rodriguez a saisi le message. Il ne s'attaquera plus à ton père ni à toi.

— Tu n'as pas l'air satisfait, je lui fais remarquer.

Il se tourne vers moi et souffle longuement.

— Je ne me sens pas serein, admet-il avec une moue. Les Rodriguez ont quand même voulu te faire du mal et ça me fout les boules d'imaginer qu'on puisse te faire du mal.

Je lui souris et me colle à son dos pour l'enlacer.

— Tu es là pour me protéger, non ?

— Justement, ça peut arriver que je ne sois pas là et si ça tenait qu'à moi, je t'enfermerais à la maison mais tu es comme un oiseau libre. Je ne peux pas entraver ta liberté.

Je rigole légèrement.

— Tout va bien pour le moment, Espen. Maintenant, arrête de penser à ça et repose-toi un peu. Tu me sembles épuisé.

Lorsqu'il s'apprête à répondre, quelqu'un toque à la porte avant de s'autoriser à entrer. Bien sûr, c'est mon père !

Avec son air suspicieux, il nous avise avec son regard de faucon et il s'attarde longuement sur Espen. J'ai perdu mon sourire tandis que ma respiration reste bloquée dans mes poumons. Même le diable semble embarrassé, il ne sait même pas où regarder.

Attendez... quoi ?

Depuis quand est-il déstabilisé ? C'est mon père qui le rend nerveux ?

— Oh, c'est vrai, je dois cuisiner le repas, je m'exclame en jetant un cou d'oeil sur ma montre. Eh bien, à tout à l'heure...

Je lance un dernier regard à Espen qui m'envoie des signaux d'à l'aide avec ses mains mais à vrai dire, ce n'est pas trop mon problème. Mon père m'a bien prévenu qu'il aimerait entretenir une conversation profonde avec le diable.

Je ne peux pas l'empêcher et il m'a promis de ne pas le tuer donc je suis un peu sereine.

Pendant qu'ils entretiennent une discussion houleuse dans ma chambre, je me mets derrière les fourneaux et coupe les légumes. Matteo me rejoint pour m'aider et je profite pour discuter.

— Tu vas toujours lui faire la gueule ?

Il m'ignore.

— Je ne vois pas pourquoi tu nous ignores, Matteo. Ton comportement est un peu puéril, je rajoute lentement.

— Vous m'avez trahi, Almira. Surtout lui. On avait cet accord entre nous et il ne l'a pas respecté.

— Matteo, crois-moi, on avait conscience de l'ampleur de la situation et je savais pertinemment de cet accord. J'ai tout fait pour m'éloigner de lui et j'ai même essayé de le haïr mais on se retrouvait malgré tout. L'amour tombe sur n'importe qui, il faut que tu le saches.

— Mira, ce type est mon meilleur pote et je l'ai vu grandir. Il sait pas aimer, il fait souffrir tout son entourage, peste mon frère en hachant les carottes. Espen te fera souffrir.

— Tu souhaites mon malheur ? je lui demande sèchement.

Il dépose le couteau et prend une grande respiration.

— Je ne le connais pas autant que toi mais j'ai encore toute ma tête. Oui avant de l'aimer, je savais quel genre de type il est mais j'ai vu quelque chose de bon en lui. Je voulais quand même tenter...

Je baisse le regard et me concentre sur ma tâche.

— Ça ne sert à rien de te persuader, tu écouteras uniquement ton coeur, finit-il par dire. Je veux juste que ton bonheur mais si tu penses qu'Espen changera pour toi...

Je soupire fortement. Il est évident qu'il est contre notre relation et mon frère croit fermement que ça ne va pas fonctionner entre nous.

Moi j'y crois, j'espère même.

Notre relation s'est officialisée le jour lorsqu'il m'a annoncé que nous étions mariés depuis le début. C'est vrai que mon frère le connaît depuis des années et moi je le connais depuis cinq ou six mois mais j'ai vraiment l'impression que ça va marcher entre nous.

Seul le temps nous le dira.

Et si ça ne fonctionne pas, eh bien, on est dans la merde.

— Comment elle s'appelle ? je lui demande pour changer de sujet.

— Qui elle ?

Je lui lance un regard lourd de sens et remarque Alira qui se joint à nous.

— Elle parle de ta pute je pense, dit-elle en roulant des yeux.

Alira et son doux vocabulaire.

Mon frère lève les yeux au ciel avec un petit sourire en coin.

— Elle se nomme Naya et ce n'est pas une pute.

— Si elle n'est pas une pute, alors pourquoi elle se trimballe en string dans le cabaret ? Eh oui frangin, j'ai des oreilles partout, raille ma jumelle en croisant les bras.

Cette fille m'effraie. Je pense qu'elle peut savoir autant de choses sur moi que j'imagine.

— Pourquoi tu m'espionnes ? réplique notre frère en fronçant les sourcils.

— Et pourquoi pas ?

— Je...

— Elle est belle ?, je lui demande en lui coupant la parole.

— Est-ce qu'elle vient d'une bonne famille ?, questionne ma sœur, intriguée.

— C'est ta petite-amie ? je lui questionne vivement.

Matteo nous regarde à tour de rôle, la mine horrifiée.

— Quoi ? Non ! Pourquoi vous parlez en même temps ? C'est grave glauque, merde !

— Mais on veut juste savoir qui est cette Naya pour toi, dis-je simplement.

— Vous m'é...

— Laissez-le tranquille les filles ! Il va tellement stressé qu'il va nous chier un parpaing, intervient papa en prenant la défense de notre frère qui soupire de soulagement.

Alira glousse tandis que je me retiens de rire. C'est vrai que Matteo a des problèmes intestinaux s'il est trop exposé à une situation stressante. Si on allait continuer notre interrogatoire, il aurait vraiment chié sur lui.

C'est avec l'aide de Matteo que je termine de cuisiner. Alira n'était pas d'une très grande aide. Elle faisait juste acte de présence, en gros elle m'était inutile. Pendant ce temps, le diable est sorti de sa tanière et bizarrement, il discute à nouveau avec mon père, près de la cheminée. Niguel et Nico se chamaillent comme des cons et Matteo les insulte de petite merde. Quant à Alira, elle se plaint qu'il n'y pas de réseau dans ce trou paumé.

Je préfère rejoindre mon père et mon mari et ils se taisent quand ils me voient arriver.

— J'ai interrompu votre discussion ?

— Non, on parlait juste des erreurs du passé, sourit mon père.

Espen me tend la main et je l'attrape avant de m'installer sur ses genoux.

— On discutait sur mon père, souligne le diable avec un ton amer.

Je tends mon dos et grimace.

— J'ignorais que son père aurait pu devenir un démon. On s'était perdus de vue une fois quand je me suis installé au Texas mais je n'aurais pas pensé qu'il était un connard de première.

— Tu l'ignorais vraiment ? dis-je avec surprise.

Papa opine.

— Et dire que sa mort m'a attristée. Enfin bon, heureusement que son fils n'est pas du même espèce que lui, d'autant plus qu'il est marié avec une des mes filles.

Je sens le diable se tendre et discrètement, je lui lance un regard.

— Il a même changé, ajoute mon père avec un petit sourire. L'arbre de fer a enfin fleuri. Je vais vous laisser les jeunes, je vais voir ce qu'il se passent là-bas.

Papa désigne vulgairement Niguel étrangler Matteo tandis qu'Alira filme la scène en gloussant. Il nous laisse et vivement le diable s'exclame :

— Encore cette citation à la noix ! C'est quoi un arbre de fer qui fleurit ?

— Ça veut tout simplement dire qu'une personne qui est de base indifférente montre enfin des émotions, je lui explique avec un sourire en coin. Lis un peu plus de livre, ça te cultivera.

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