Chapitre 74


— Putain, t'es pas croyable !

De retour à la maison, mon frère n'a pas l'intention de me lâcher la grappe. Il me tient si férocement mon bras qu'il coupe la circulation sanguine. Il me pousse dans ma chambre et sans crier gare, il lève sa main et celle-ci se dirige droit vers moi.

Par réflexe, j'intercepte sa gifle et le pousse avec rage.

— T'es qui pour me gifler ? T'es qui même pour crier sur moi ? je m'énerve à mon tour.

Effaré, Matteo recule avec les sourcils froncés.

— Seul papa a le droit de me gifler mais ce n'est pas un type comme toi qui osera.

— On s'était mis d'accord pour que tu restes à la maison ! Est-ce que tu t'en rends compte qu'on était tous morts d'inquiétude quand on a appris que tu avais disparu ?! Si tu voulais sortir, tu pouvais simplement nous prévenir mais madame a voulu faire sa grande.

— Putain ! J'en ai marre de rester cloitrée ici ! Tous ça pourquoi ? Pour des bâtards !

— Ces bâtards ont failli t'enlever !

Je me pince les lèvres et m'assois sur le bord du lit en croisant les bras.

Si Espen et Matteo ne seraient pas intervenu à temps, cet homme qui travaille pour les Rodriguez m'aurait facilement mis K.O et m'enlever.

— J'ai l'impression que tu ne saisisses pas qu'un clan entier veut te kidnapper, Mira. Il faut que tu restes vigilante, c'est de ta vie qu'on parle ! reprend de plus belle mon frère d'une voix colérique. Pourquoi tu t'es enfuie ?

— Parce que j'avais envie, je mens en détournant le regard.

Je sens toujours ses yeux sur moi mais j'espère qu'il me laisse tranquille. Je ne veux pas qu'il me force à tout avouer. Pour l'instant, je veux garder pour moi ce petit secret, c'est-à-dire, que papa est toujours vivant et caché quelque part sur cette Terre.

Est-ce que c'est mesquin de ma part ? J'ai pleinement conscience mais je m'en fiche.

— Tu me caches des choses, Mira. Je sais que tu trames quelque chose avec Espen et maintenant ça. Si tu ne veux pas le dire, très bien mais un jour, j'obtiendrai la vérité.

Mon dos se tend tandis que mon organe vitale prend une autre allure beaucoup plus dangereuse.

— Mais pour l'instant, tu resteras...

— Laisse-nous, intervient une autre voix grave.

On se retourne vers Espen qui vient d'entrer dans ma chambre et l'atmosphère devient plus saturé. Matteo l'interroge du regard mais il a fallu un seul regard pour qu'il comprenne et nous laisse seuls. Une fois la porte fermée, je m'approche de lui mais il me coupe dans ma lancée.

— Donne-moi une seule raison pour ne pas t'abattre sur le champ, claque-t-il sévèrement.

— Tu tiens à moi, dis-je au tac au tac.

Il tique et fourre ses mains dans ses poches.

— Ce n'est pas ça je voulais entendre mais ça marche quand même. Ton frère t'a déjà passé un savon et je veux pas rajouter une couche mais c'est la dernière fois que nous fait une chose pareille. J'avais l'impression devenir... fou.

— Ce sont les conséquences pour m'avoir m'enfermé ici. Je n'ai plus de droit de prendre de l'air, de voir Elsie, je ne peux plus rien faire ! Cette situation m'épuise, Espen. J'ai l'impression d'être un objet précieux, dis-je d'un air mécontent. Oui, j'ai conscience que tout un clan veut me faire du mal mais je suis un électron libre, j'ai du mal à rester sur place et à rien faire.

— Tu n'as pas le choix, bordel ! Personne ici souhaite que tu sois kidnappée, particulièrement moi, claque-t-il en m'attrapant la main. Fais ce qu'on te dit et tout ira mieux.

Je soupire de frustration en observant nos mains liées. À contre cœur, je sépare nos mains et m'éloigne de lui. Peut-être il est temps de lui évoquer le sujet...

— Espen, qu'est-ce qu'on est ? je lui demande subitement.

J'ancre à nouveau mes yeux dans les siens. Comme à son habitude, il ne laisse rien paraître de son état d'esprit. Parfois, j'ai même l'impression de discuter avec un arbre mais c'est sa personnalité et je dois m'y faire même si c'est parfois déroutant.

— Tu veux qu'on soit quoi ? me demande-t-il en retour.

— Espen, tu es marié avec Alexa et moi dans toute cette histoire, j'ai l'image de maîtresse qui me colle à la peau et j'avoue, c'est vraiment dérangeant.

— Et donc ?

Il s'avance au centre de la pièce avec un calme olympien et son comportement me laisse sur le cul.

— Je ne veux pas ce genre de relation. Ce n'est pas bien d'embrasser un homme marié et...

Je m'arrête pour prendre un grand souffle avant de continuer avec une voix certaine :

— Divorce avec Alexa.

Espen m'adresse un regard tandis que des frissons parcourent tout mon être quand il esquisse un sourire sadique. Son sourire m'effraie, ce n'était pas du tout la réaction que j'attendais.

C'est vrai que ma requête est audacieuse mais ce qui tente rien n'a rien comme le dit ce fameux proverbe.

Espen reste silencieux et limite, je commence à regretter mes mots. Pourquoi il ne parle pas ? Putain, ça me stresse !

— Espen, tu...

— Est-ce que tu te rends compte de ce que tu me demandes, Almira ? me coupe-t-il d'une voix dénuée de chaleur.

Son ton me surprend alors que mes mots restent bloqués dans ma bouche.

— Est-ce que tu penses même à tes propres mots ? Divorcer avec Alexa... c'est la petite blague du jour, non ?

Il ricane. Une douleur physique apparaît au niveau de ma poitrine mais j'espère juste qu'il rigole, enfin j'espère qu'il bluffe !

— Enfin... Espen... tu ne veux pas divorcer ou bien tu ne peux pas ? je bredouille en triturant mes doigts.

— Réfléchis, putain ! On n'est pas dans ces putains de novelas que tu regardes le samedi après-midi ! Un divorce est bien plus compliqué que ça et ce mariage me rapporte beaucoup d'avantages. Il est évident que je ne peux pas permettre à me divorcer avec cette salope, rétorque-t-il entre les dents. Oui, Alexa s'est mal comportée avec toi mais elle m'est bénéfique sur les affaires. Toi, tu m'apportes du réconfort et sans plus.

Chaque mot est comme une flèche enflammée qui perfore la peau. C'est lancinant, c'est douloureux, c'est terrifiant.

Je me sens obliger de m'assoir sur le bord du lit, me mettant dos à lui.

«  tu m'apportes que du réconfort et sans plus »

— Mais nous ? Tous ce qui s'est passé comptait pour du beurre ?

Je pivote légèrement la tête.

— Non mais tu dois comprendre où se trouve ta place. Jamais je divorcerai pour te faire plaisir et jamais je ferai partie de ton avenir. Les choses sont beaucoup plus complexes que tu y penses. Ce qui se passe entre nous c'est juste un passe-temps et tout cela cessera.

Je suis qu'un passe-temps.

Un passe temps.

Un sentiment désagréable apparaît au milieu de ma poitrine et je refoule ces larmes qui me menacent de me ridiculiser face à lui.

Qu'est-ce que j'y attendais venant un type comme lui ? Je savais que cet homme ne savait pas aimer mais pourtant, j'ai fermé les yeux comme une grosse conne.

Finalement, il n'est pas mieux que Santiago.

— T'es vraiment un fils de pute, Espen, je siffle entre les dents.

Je me lève et me mets face à lui et remarque son air fermé.

— Un gros fils de pute abandonnée par sa mère, j'ajoute amèrement.

— Ne me tente pas...

— Je comprends aussi le choix de ta mère. Elle savait que t'étais un cas perdu d'avance, elle savait que tu es bon à jeter parce que tu es pourri de l'intérieur ! Tu mérites qu'elle t'ait abandonnée comme un pauvre chien galeux.

— Tu te prends pour qui pour évoquer ma mère en face de moi ?!

J'esquisse un sourire.

— Ça fait mal, n'est-ce pas ? Bordel, j'ai été si idiote pour me laisser berner par un con de ton genre ! J'ai envie de me tirer une balle dans la tête !

Nerveusement, je passe une main dans mes cheveux.

Il faut que je sorte d'ici.

Il faut que je m'éloigne de lui.

Rageusement, j'attrape ma clé de voiture et me dirige à grand pas vers la porte avant qu'une main m'attrape brusquement. Rageusement, ma main frappe sa joue le faisant reculer de moi. Interdit, il me fixe en touchant la joue. Je regrette mon geste mais je me persuade que ce connard le mérite.

Il le mérite.

Il s'est joué de moi comme si j'étais une simple poupée de chiffon.

J'étais une merde à ses yeux.

Je suis rien pour lui.

Mais lui, il était tout pour moi.

J'étais même prête à confronter mon frère pour lui et je me suis même imaginé de fuir avec lui. Quelle conne...

— Touche moi encore une fois et je broierai tes couilles dans un mixeur, je le menace.

— Tu ne peux pas partir d'ici, les Rodriguez...

— Je m'en bats les couilles des Rodriguez et au contraire, tu vas me regarder partir d'ici ! Je ne veux plus votre aide, je peux me défendre toute seule !

— Ne fais pas l'idiote, Almira. Tu n'es rien face à eux ! s'emporte-t-il.

Je souffle longuement.

— Te odio, Espen, je déclare sèchement avant de quitter la pièce.

Je ne pourrai pas le pardonner.

Je te déteste, Espen...

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top