Chapitre 71
— Muñeca ? répète-t-elle avec un sourire gêné. C'est nouveau ça. Depuis quand Espen Reyes donne des surnoms adorables ?
Je me lève et m'approche d'elle tel un félin. Elle recule et se trouve bloquée entre le plan de travail et moi. Mon sourire s'agrandit davantage quand la gamine semble perdre ses moyens. Elle ne sait même pas où regarder ! Alors, j'enveloppe son visage de mes mains tatouées.
— C'est toi qui me fais changer, je souligne en effleurant sa lèvre inférieure avec mon pouce. C'est toi qui provoques tout ça, muñeca.
— Je... Tu...
— Tu devrais surveiller la marmite, il y a une odeur de brûlée.
Je rigole quand elle opine en s'éloignant de moi. Je la laisse tranquille et m'affale sur le canapé avant de surfer sur mon téléphone. Je réponds à l'arrache les messages de ma frangine puis, je pars sur un navigateur et tape dans la barre de recherche :
« Cadeau idéal pour une femme »
Ben quoi ? Je ne suis pas le seul à être né en mois de juillet ! Depuis le début, je sais que la gamine est née en fin du mois de juillet parce que son frère me cassait les couilles sur ce sujet. Qu'est-ce qui pourrait lui plaire ? En vrai, Almira est plutôt simpliste. Elle ne demande pas des choses aux prix exorbitants. On lui offre un bouquet de fleurs cueillies dans un champ et elle sera la femme la plus heureuse de monde.
Bon après tout, j'ai encore le temps. Son anniversaire est uniquement le 29 juillet.
Je l'aide à mettre les couverts sur la table jusqu'au moment quelqu'un sonne à la porte. Méfiant, je jette un coup d'oeil dans la direction et cette cinglée se dirige tout droit vers la porte, avec la conviction de l'ouvrir.
Mais elle cinglée, ma foi !
— Almira, n'ouvre pas...
Elle actionne la poignée et quelques secondes plus tard, un groupe d'hommes vêtus de vêtements traditionnels entrent bruyamment dans la pièce telle une fanfare. Certains jouent de la trompette, d'autres de la guitare et bordel, ça me casse les tympans! Un type chelou s'approche de moi en me chantant cette maudite chanson à la noix et Almira le joint en tapant des mains, souriant comme une conne.
Qu'est-ce que...
— Compleaños feliz, Compleaños feliz, Compleaños feliz Espen...
Abasourdi et gêné sur le moment, je n'arrive plus à bouger. Je contracte ma mâchoire alors que l'orchestre reprend de plus belle avec une autre chanson à la con. La gamine se poste à côté de moi en ricanant et un autre type déboule avec un muffin qui a une bougie allumée. Il me la tend en m'incitant de souffler et j'ouvre la bouche, ahuri par tout ce qui se passe.
Enfin, les mariachis se calment et l'heure est fatidique. Tout le monde a le regard rivé sur moi et pour la première fois de ma foutue vie, je me sens terriblement honteux, gêné et embarrassé. À ce moment même, je voudrais m'enfuir loin d'ici.
Cette gamine va me le payer !
— Tu dois souffler sur la bougie, me chuchote-t-elle joyeusement.
Je penche ma tête dans sa direction et l'effet est immédiat. Elle perd son sourire quand elle détecte mon regard sombre.
Sans blague !
Après un soupir, je souffle d'un air insolent sur cette bougie à la noix et tout le monde crie puis quelqu'un balance des confettis sur mon tronche.
C'en est trop !
— Alors toi, fuis avant que je t'égorge vif ! je hurle auprès d'un con qui perd son sourire colgate.
— Mais monsieur...
Rageusement, j'attrape ce maudit muffin et le balance dans la gueule du type au grand chapeau et outré, il m'observe. Un silence gênant plane entre nous et nous entendons uniquement mes respirations bestiales.
— Euh tenez, vous avez aussi un pourboire. Merci pour votre prestation, intervient la gamine en tendant à un mec des liasses de billet. Laissez-moi vous raccompagner.
Le groupe la suit et d'un geste vif, je m'assois en prenant ma tête entre mes mains. Mais qu'est-ce qui s'est passé, là ? C'est une putain de blague j'espère !
Une assiette remplie de bonnes choses apparaît sous mon champ de vision et mollement je redresse ma tête et lance un merci à peine inaudible à la gamine. Je regrette instantanément ma réaction excessive. Almira voulait tout simplement me faire plaisir, non ? Peut-être elle ne s'attendait pas à une réaction si violente de ma part.
Enfin bon, maintenant elle saura que j'aime pas ce genre de festivités à la con.
Elle s'installe à côté de moi avec une tête de constipée et d'un coup, elle éclate de rire, ce qui me surprend. Ça vient de nul part.
Maintenant, elle rit toute seule ? Je savais qui lui manquait un boulon là-haut !
— Mais pourquoi tu ris ? je peste en fronçant les sourcils.
Elle pose ses yeux brillants sur moi.
— Si tu voyais la tête que tu faisais... c'était hilarant ! C'était à mourir de rire !
Grossièrement, je roule des yeux et mords un bout de ma viande.
—C'était gênant. C'était plus gênant que les anniversaires surprises d'Elsie. Plus jamais tu me fais un truc pareil ! Tu croyais que j'allais aimer ce genre de fantaisies ?!
— J'avais un doute que tu n'allais pas aimer mais j'avoir espoir que tu allais aimer.
— Eh bien, maintenant tu le sais ! je réplique durement.
— Attends ! J'ai une autre surprise ! s'écrit-elle en se levant de table.
Elle s'éclipse et je crains le pire à venir. Seigneur, faites que ce ne soit pas un groupe d'hommes turbulents...
Elle revient avec une petite boîte et me la tend avec un sourire timide. Plus méfiant que j'étais au début, je l'attrape et la déballe lentement. J'ai peur de qu'elle peut contenir. Dans cette boîte pourrait contenir un insecte, un serpent ou pire !
Mais je baisse vivement ma garde quand mes yeux posent sur cet objet brillant, posé sur un petit coussin. Lentement, je l'attrape et l'examine de près quand je détecte une écriture gravée sur l'émouture de la dague.
E.A.
Un sentiment indescriptible m'envahit et les mots se perdent dans ma bouche.
— J'espère que ce n'est pas too much. Ton silence me fait peur, s'inquiète Almira en posant une main sur mon épaule.
— Non. Je ne sais pas quoi dire, c'est tout.
Mes doigts se serrent autour de la manche en cuir tressée et me sens de suite à l'aise pour la manier.
— Elle est double tranchante et est faite en acier de carbone. Non seulement elle sera résistante mais tu peux aussi empoisonner facilement ta lame parce que l'acier le permet, explique-t-elle. J'espère qu'elle te plait.
— Elle me plait beaucoup, muñeca. Merci, dis-je sincèrement.
Je lui serre sa main et dépose la dague dans sa boîte.
— Tu fais chier ! Si on était pas en train de manger, je t'aurai pris sur la table à manger, je déclare au tac au tac.
Je lui adresse ensuite un regard et elle comprend trop rapidement. Elle rigole et m'incite à terminer le repas.
Plus tard dans la journée, chacun vaque à ses occupations. Je me retrouve à nouveau dans ma chambre, passant des coups fils à mes subordonnés. C'est ennuyant, extrêmement ennuyant. Ce taf commence à me saturer.
Je met fin à un appel et songe de nouveau la question que la gamine m'a posé l'autre fois :
« Si tu n'avais pas écouté ton père, qu'est-ce que tu serais actuellement ? »
Si je n'avais pas écouté ce bâtard de démon, qu'est-ce que je voudrais être ? Putain, c'est une question si simple mais à la fois si difficile à répondre. C'est mon père qui s'est chargé de mon éducation tandis que ma mère se contentait à nous épier, impuissante face au vieux. Il ne m'a jamais appris à s'amuser, à penser à soi et réfléchir pour soi. Non, il m'a inculqué que la mafia passera toujours avant toute chose. La mafia, la mafia, encore la mafia.
Je vis pour la mafia, je meurs pour la mafia.
« La mafia, c'est elle qui rythme ton quotidien et c'est elle ton avenir. Tu ne dois pas penser à autre chose sauf à elle »
Je rigole sarcastiquement. Quand j'y pense, mon daron était instable mentalement !
Qu'est-ce que je voudrais être ? Aucune idée mais la supposition de la gamine me fait réfléchir. Une chose est sûre, être un planteur de café est beaucoup plus excitant qu'être un mafieux.
Et puis, ma folie me dit que je m'y plairais en tant que planteur de café.
Je m'approche de la fenêtre et l'observe plonger ses pieds au bord du rivage puis elle s'aventure davantage jusqu'à l'eau lui arrive aux creux de ses reins. Il m'a fallu peu de temps pour la rejoindre mais je préfère rester au bord de l'eau avec les bras croisés.
La gamine me remarque enfin et s'approche de moi avec un sourire aux lèvres. Je lutte contre moi-même pour ne pas poser mes yeux sur ses formes généreuses sinon elle va penser que je suis un pervers narcissique.
— Un jogging ? Tu peux faire l'effort quand même !
— Jamais je porterai un short, je dis bien jamais !
Almira roule des yeux.
— Aller, personne ne te verra à part moi. Tu dois apprendre à te relaxer, dit-elle avant de m'éclabousser avec de l'eau.
L'eau salée entre mon oeil et par réflexe, je le ferme avant de pousser des violentes insultes.
— Putain, ça me brûle ! je peste tandis que j'entends ses éclats de rire.
Une sensation désagréable m'empêche d'ouvrir tout de suite mon oeil mais n'oubliez pas, j'en ai un encore en parfait état. Elle va me payer, cette gamine !
D'un geste précis, je la pose sur mon épaule comme un vulgaire sac et ses rires se transforment en supplication alors que je m'enfonce dans l'eau claire. C'est à mon tour de rire malicieusement.
— On ne rit plus, señora Perez ? je lui demande avec malice.
— Espen, ne fais surtout pas ça ! Je suis encore blessée et...
Plouf !
Je la jette sans ménagement dans l'eau et son corps disparaît pendant quelques secondes avant d'apparaître à nouveau. Almira prend un grand souffle, les yeux grands ouverts et franchement, je n'ai pas pu me retenir à ricaner face à cette petite vengeance.
— T'es chiant ! Mon lissage brésilien !
— T'as les sous pour en refaire, c'est pas la fin du monde.
Elle tente de me pousser, en vain. La gamine souffle de frustration et me pousse une dernière fois. Je crois mes bras et fais mine de bailler pour la narguer encore plus et enfin, elle cède.
— Tu vas payer mon lissage brésilien, je te le dis déjà, me prévient-t-elle en me pointant du doigt.
— Je paierai tous ce que tu veux, muñeca. T'es belle à voir quand tu es énervée, je lui avoue en enlevant une algue coincée dans sa chevelure.
Almira semble déstabilisée et je profite d'attraper son visage en coupe et l'embrasser encore une fois. Elle répond à mon baiser et je sens ses bras entourer mon dos. Je profite de la porter et nous diriger jusqu'au lit de plage où je la dépose délicatement, tel un bijou sur son écrin.
Nos lèvres se séparent pendant quelques secondes mais se retrouvent avec passion. Ses lèvres ont un don à me rendre fou.
Ardeur.
Passion.
Intense.
Ce sont les trois mots qui décrivent ce baiser. Nos lèvres entament une danse suave entre elles tandis que je me mets au-dessus de muñeca et caresse le creux de ses reins. Je sens cette chaleur monter progressivement en moi et ses mains se posent sur mon torse, me provoquant des milliers de frissons.
J'ignore la sonnerie de mon téléphone et approfondit notre échange mais encore une fois, mon téléphone nous interrompt. Almira se sépare de moi en reprenant son souffle.
— Tu devrais répondre.
— putain de merde ! je peste en décrochant l'appel. Antonio, j'espère que tu as une bonne raison pour me déranger sinon t'es un homme mort !
— Espen, c'est grave. Ça ne va pas te plaire, s'exclame-t-il laissant l'inquiétude refléter dans sa voix.
— Accouche, frère !
— les Rodriguez sont au Mexique et ils ont pour but de trouver Mira. Il faut que tu reviennes à la maison. Moi, je vais rejoindre Mira et lui demander de revenir à la maison...
— Pas la peine, je ferai moi-même. Ne préviens pas Matteo.
Je raccroche et balance mon téléphone sur le sable. Putain !
Je pousse un soupir de colère et contrôle cette dernière qui tente prendre possession chaque membre de mon corps. Je me tourne dans la direction de la gamine qui s'empresse à se lever en se couvrant d'une une serviette.
— Fais tes affaires, il faut qu'on parte.
— Mais... mais qu'est-ce qui se passe ? Partir où ? s'inquiète-t-elle.
— J'ai dit fais tes affaires, il faut qu'on parte, je répète avec froideur.
Elle recule, médusée.
— Je ne te suivrai pas avant que tu me dises ce qu'il se passe !
— Les Rodriguez sont au Mexique et ils veulent ta peau.
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