Chapitre 38
Résignée, je m'assois à côté d'Alira et en face de Léna. Elle me sourit mais ce dernier s'estompe quand je la regarde avec froideur.
Et moi qui croyais que ça allait être une conversation entre soeurs, j'avais tout faux.
Alira m'a piégé. En fait, elle voulait que je rencontre à mon insu cette folle qui me sert de génitrice.
Je ne vous explique même pas la tension palpable de cette table, c'est vraiment angoissant.
— Mira...
— C'est Almira pour toi, déjà ! je claque en feuilletant la carte du menu. On est pas assez proche pour que tu m'appelles par mon surnom.
Je lui daigne un simple regard et la veille folle pince ses lèvres, visiblement mal à l'aise.
—Je m'excuse pour mon comportement envers toi. Je n'ai pas été honnête avec toi depuis le début, reprend-t-elle calmement.
J'esquisse un sourire en coin, agacée par tant d'hypocrisie de sa part.
— Mais tu n'as pas regretté pendant une seule seconde de me manipuler par les sentiments.
— Mira...
— Almira, je rectifie durement. Tu as profité que je sois faible pour t'approcher de moi. Je croyais que tu... vous vouliez nouer des liens avec moi, mais en fait vous m'avez tendu un piège pour que je me marie contre mon gré. Tu étais au courant, Alira ?
Cette dernière détourne les yeux, me confirmant mes craintes.
Je ris, froissée que ma soit disante soeur était dans le plan machiavélique de notre génétrice.
Un serveur nous accoste et nous demande ce que nous désirons. Léna commande des tapas pendant que je jette un dernier coup d'oeil à la carte.
— Un cocktail à la passion s'il-vous-plaît, je commande en même temps qu'Alira.
Le serveur nous observe, perplexe puis nous laisse.
J'ignore ce qu'il de se passer, mal à l'aise aussi. C'est donc cette connexion que Niguel me parlait plus tôt ? Ou bien est-ce tout simplement une coïncidence ?
Pourtant, c'est la deuxième fois que ce genre de scénario se produit.
—Mi... Almira tu restes tout de même une Gonzalez. Ton père et moi étions forcés à se marier puis on s'est aimé. Il ne faut pas que tu voies le mauvais côté de ce mariage. Tu peux me traiter autant de fois de mauvaise mère mais je le fais pour toi et pour le bien de tous, explique Léna, aggravant plus la situation.
Calme-toi Mira... ne saute pas sur elle.
Elle reste toujours ta mère.
— Je sais à quoi tu penses, intervient Alira avec un ton prudent. Maman n'est pas ce genre de personne. Pendant vingt-deux ans, elle a espéré te retrouver et il n'y a même pas un jour qu'elle ne pense pas à toi.
Je roule des yeux.
— Elle t'a aussi imposé un mariage avec un type dont tu ne connais pas ? je rétorque aussitôt alors qu'elle baisse la tête. Je me disais bien. En fait, ta mère a voulu me prendre comme sacrifice, voulant te protéger parce que tu es sa préférée et moi non étant donné elle n'a ma jamais connu. Bon sang ! Est-ce que vous vous rendez compte qu'on parle de mon futur ? Vous vouliez que je me marie avec type relou !
— Il n'est pas relou, Almira, rectifie Léna tandis que le serveur revient avec nos commandes.
— Si. Santiago est désormais un type relou pour moi. Depuis qu'il m'ait menti droit dans les yeux, il est relou pour moi.
— Santiago ? répète Alira d'un ton offusqué.
Le serveur sursaute, évitant de justesse de renverser mon cocktail sur moi.
Je lui fais un signe de tête et il nous laisse seules.
— Oui, Santiago est promis à moi, j'articule lentement avant de siroter ma boisson. Il est peut-être beau mais il ne m'intéresse pas. Tu n'étais pas au courant ?
— Je... non. J'étais au courant de rien, bafouille-t-elle en tapant nerveusement son pied contre le sol.
Je fronce les sourcils, intriguée par son changement d'humeur. Elle évite soigneusement mon regard et reste silencieuse, savourant son cocktail.
— Tiens.
Je me focalise à nouveau sur Léna qui glisse une pile de feuille sur la table. Méfiante, je feuillette avant d'être prise d'un fou rire.
Mais je ris.
Je ris si fortement que les clients se retournent vers nous, curieux de mon comportement.
Mais je ris d'angoisse mêlée à la rage. En plus elle ose me ramener des dossiers du mariage. Si je signe, je suis foutue. Comment peut-elle me faire un truc pareil ? À sa fille ?
— Almira, calme-toi, chuchote Léna en me faisant des gros yeux.
— Que je me calme ? je répète en essuyant une larme au coin de mon oeil. Tu te pointes devant moi avec le dossier du mariage, en espérant que je les signe afin de soulager ta conscience et gagner de l'argent sur mon dos ? Mais ta place ne doit pas être parmi nous mais à l'hospice, ma vieille.
— Si tu ne les signe pas les Vargas ne vont pas te lâcher. S'il-te-plait, signe ce dossier, me supplie-t-elle en fronçant les sourcils. Pour le bien de tous.
Cette fois-ci, je retiens difficilement mes larmes face à elle, blessée qu'elle puisse croire que ma vie lui importe peu. Et moi telle une conne, je croyais qu'on allait devenir proche et entretenir une relation mère-fille. Où j'avais la tête pour croire à ces conneries ?
Ce genre de rêve n'existe pas, je me suis fait leurrée par mes rêves profondes.
— Comment tu peux me regarder dans les yeux sans aucune once de regret, Léna ? À partir d'aujourd'hui, ne me contacte plus, ne croise plus mon regard sinon je ne pourrai pas retenir ma colère.
— Mais le dossier ?
— Les Vargas ne me peuvent rien faire étant donné je travaille désormais pour Espen Reyes. J'ai un droit de protection, comme celui de papa, je lui explique sèchement.
Je l'entends déglutir difficilement et me lève de table, les yeux qui me picotent et adresse la parole à Alira toujours muette :
— Si tu veux me revoir, tu peux me contacter.
Elle lève son regard brun vers moi et lentement elle acquiesce avec une moue.
Je retourne à la maison, l'esprit embrouillé. Je gare ma voiture sur le parking du manoir, et reste encore dans ma voiture, exhalant un souffle désespéré. Prise de lourdeur, je sors du véhicule et entre à l'intérieur de la villa qui est plongée dans l'obscurité.
Il est presque vingt-deux heures et je n'ai pas encore mangé de la journée à part une barre de céréale et ce cocktail à la passion. Cependant, je n'ai pas faim parce que tous ces derniers évènements turbinent dans ma tête.
J'ôte mes chaussures et mes yeux tombent sur un petit paquet rouge sur la table à manger. Je l'attrape avant de m'assoir au bord de la piscine les pieds dans l'eau. D'un geste hésitant, j'ouvre le paquet de cigarette et en attrape une avant de le porter à ma bouche.
— Quelle conne, il n'y a même pas un briquet, je peste en m'apprêtant à la ramasser.
— Tiens.
Elsie prend place à côté de moi, me tendant un briquet. Elle a enfin décidé de m'adresser la parole ?
Je lui un marmonne un merci et allume enfin la cigarette. Je crache la fumée avec un goût amer.
— J'ai revu Léna et elle est toujours entêtée avec ce mariage.
— Tu l'as frappé ?
— Non mais crois-moi si je serai restée un peu plus longtemps, j'aurai oublié qu'elle était ma mère, je réponds d'un ton acerbe. Regarde ce qu'elle a osé me donner.
J'attrape le dossier et lui tends. Elsie l'attrape tandis que je prends une autre bouffée du fumée et la coincer dans mes poumons pendant quelques secondes et la recracher à nouveau.
— Le formulaire du mariage, souffle Elsie avant de me piquer ma cigarette. Pourquoi tu l'as gardé ? Si j'étais toi, j'aurai balancé le dossier dans sa face.
Je ris et pousse un petit cri de frustration avant de m'allonge sur le carrelage.
— Je voulais le lire dans les moindres détails.
— Tu as l'intention de signer ? Ne le fais pas !
— Il faudrait me menacer pour signer. Je voulais le lire et le garder en souvenir. C'est le dernier souvenir que j'ai de Léna, désormais, je réplique d'un ton badin. Je ne veux plus la voir.
Elsie fume le reste de la cigarette et ramène ses genoux contre sa poitrine, pensive.
Au fond de moi, je sais que cette histoire n'est pas finie. Léna sera toujours à mes trousses, voulant à tout prix que je signe ce maudit dossier.
J'ai la rage qui coule dans mes veines quand je la pense à nouveau. Je hais cette femme.
La prochaine fois quand je la verrai, il n'y aura plus de pitié.
— Avant-hier, j'ai rencontré à nouveau Angelo et après quelques réflexions, je me suis dit que c'est ma destinée, s'exclame-t-elle d'une petite voix.
Je me redresse, et ouvre grand mes yeux, sachant ce qu'elle s'apprête à me révéler.
— Elsie, non ! Ne me dis pas que...
— Si Mira. J'accepte le mariage.
La bouche grande ouverte, je cligne plusieurs fois les yeux. Je l'observe en espérant qu'elle rigole mais ces larmes qui roulent sur ses joues roses m'affirment que c'est la vérité.
— J'ai préféré qu'on avance le mariage qui est dans deux semaines, ajoute-t-elle tristement.
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