Chapitre 3

— Je viens du Texas...

— Rien à foutre d'où tu viens mais honnêtement, conseil d'une meuf qui vit ici depuis ses premiers pas, fais gaffe aux mecs d'ici. Les seuls mecs en qui tu peux avoir confiance sont Matteo, les jumeaux, Antonio et mon frère. Sinon les autres, c'est obligé qu'ils taffent pour un gang ou encore pour un réseau. Bref, tu veux aller où ?

Je lui indique le magasin qui m'intrigue et Elsie m'accompagne pratiquement toute la journée. Elle est mon ombre et son attitude de je m'en foutisme m'agace un peu. Elle attire le regard sur nous parce qu'elle parle trop fort ou encore elle ne cache pas ses critiques émis pour les allants et passants.

Et si elle avait raison, si les clichés étaient vrais ? Mais si c'était vrai, pourquoi elle m'accompagnerait ? Elle fait aussi partie d'un gang ou bien elle sait se battre contre un type hyper baraqué ?

J'ai du mal à la percevoir se battre contre un homme, sa silhouette est tellement fine qu'on croirait qu'elle va se briser en deux. Bon j'exagère, mais pas trop.

— Eh Almira ! Tu vois le type avec la capuche verte à côté du banc ?

Elsie m'attrape par le bras et me pointe du doigt un mec avec des allures d'un drogué.

— Lui, c'est un traficante. Tous les vendredis il est ici et tu sais comment il procède ? me demande la rousse en se tournant dans ma direction.

— Il va a la rencontre des filles ? je suppose avec une voix incertaine.

— Exactement. Il vend du rêve aux filles. Tu sais, la plupart des filles d'ici souhaitent se refaire les seins et se marier à un type riche. Bah lui, il vend ce genre de rêve, il leur dit qu'il a les moyens pour refaire leur poitrine et le cul et qu'un type friqué les attend au Venezuela et ça c'est suffisant pour qu'elles deviennent aveugle.

— Mais... mais pourquoi elles rêvent des choses pareilles ? On se croirait dans un film disney.

Elsie esquisse un rictus mauvais avant de toiser le trafiquant d'un mauvais oeil.

— Parce qu'elles sont pauvres, Almira. Elles n'ont pas grandi dans un bon foyer. Je t'explique, si la mère était une pute alors c'est évident qu'elle va nourrir sa fille avec des illusions et quand ces filles vont croire leurs rêves se réaliser, la chute sera très dure. Elles vont passer la moitiée de leur vie dans un bordel du sud. Ici, toutes les nanas veulent vivre comme les héroïnes des télés novelas. Regarde ! Le mec s'approche d'une meuf !

En effet, le traficant s'adresse à une jeune femme plutôt jolie. Mince, les cheveux longs avec un beau sourire... je comprends nettement quels sont les critères que les trafiquants cherchent. Mais cette fille finira dans un bordel, elle sera un jouet sexuel et moi, je regarde cette scène sans intervenir.

Ma conscience me gifle durement et je décide de retourner dans la voiture. Une émotion étrange me submerge et je me sens mal tout d'un coup. C'est sûrement la culpabilité et la honte.

Culpabilité parce que je trouve horrrible le destin de ces jeunes femmes qui ont pratiquement le même âge que moi.

La honte parce que j'ai rien fait et je n'ai pas le droit d'intervenir dans ce merdier.

— Je lui donne trois mois avant de la retrouver dans un bordel, pouffe Elsie avant de démarrer en trombe. J'espère que tu comprends mieux pourquoi il faut éviter sortir le vendredi.

— Il me semble que j'ai compris...

— Et je pense que tu dois avoir une conversation sérieuse avec ton frangin. Il ne t'a pas dit toute la vérité sur ce pays exotique qui est le Mexique.

Je ne réplique rien et appuie ma tête contre le vitre qui tremble. De retour à la maison, Elsie s'est réfugiée dans sa chambre sans m'adresser la parole ni me daigner un regard comme si rien ne s'était passé entre nous. Je n'arrive pas à la cerner. Elsie est aussi mystérieuse que la Lune.

Mais malgré son comportement, c'est vrai que je me suis sentie en sécurité à ses côtés et sa présence n'est pas si désagréable que ça... cependant sa grande gueule me casse les couilles !

*
**

Matteo sort tout juste du travail et on dirait qu'Elsie l'a rapporté notre petite virée car il souhaite s'entretenir avec moi. J'entre dans sa chambre avec une petite crainte. J'ai peur de ce qu'il va encore me balancer en pleine tronche et si ce qu'Elsie a dit est vrai... j'avoue que ça va m'effrayer sortir toute seule en ville.

Je ne sais même pas me défendre ! J'ai peur tuer une simple mouche alors imaginez mon petit gabarit contre un malabar... seigneur.

J'entends l'eau coulée depuis sa salle de bain et pendant ce temps, je fouille un peu dans ses affaires par pure curiosité. Quand je tire le tiroir de sa table de chevet, je reste coi devant cette arme à feu. J'ai l'impression d'être un cauchemar pourtant quand j'attrape ce putain de flingue entre mes doigts, elle pèse très lourde et ce n'est pas un cauchemar !

Pourquoi Matteo a un flingue ? Il est en danger ?

L'eau cesse de couler et maladroitement, je mets cet objet dangereux à sa place avant de m'éloigner de sa table de chevet. Carrément, je décide de sortir de sa chambre en trombe et retourne dans la mienne mais mes pas s'arrêtent quand je distingue que j'ai trompé de pièce. Ma chambre n'a jamais été rouge d'après mes souvenirs...

J'hésiste à m'aventurer dans cette chambre car après tout, je ne sais pas à qui l'appartient mais ma curiosité maladive remporte et je m'avance lentement au centre la pièce avant de remarquer un petit cadre photo posé fièrement sur la table de chevet Je reconnais entre mille Elsie entre les bras d'un ado qui a une tête de constipée. Ça doit sûrement être son frère.

Donc je suis dans la chambre de son frère.

Il n'y a que lui que je n'ai pas encore eu l'honneur de rencontrer mais selon Matteo, il reviendra dans quelques jours. Pour l'instant il est à l'étranger.

— Ne touche pas à ça !

Je sursaute et me retourne vivement face à mon frère dont son regard est lourd de reproche. D'un coup, il s'élance dans ma direction et m'attrape par mon bras avant de m'escorter dans ma chambre. Il claque la porte de la chambre et je m'assois sur le bord de mon lit, mal à l'aise qu'il m'a mis la main dessus comme une voleuse.

— je ne volais rien ! je me justifie avec un sourire crispé.

— Je sais que tu n'es pas une voleuse mais on entre pas dans la chambre des autres et encore dans celle de mon pote. Remercie à ton Dieu qu'il est n'est pas ici car s'il était là et qu'il t'a surpris... je ne pourrai rien faire pour toi.

— Bah Matteo, d'un côté c'est ta maison. Donc...

— Mira, je dois te dire un truc. Ce n'est pas ma maison, annonce-t-il gravement, ses yeux clairs me transperçant. La maison appartient au frère d'Elsie et il a accepté que tu viennes vivre avec nous.

J'ai l'impression qu'on m'a versé un sceau d'eau sur le haut de ma tête parce que ma respiration s'est bloquée dans mes poumons. Non... dites moi que c'est un rêve parce que ce n'est pas drôle. Mais la mine grave de mon frère disparaît tous mes espoirs.

— Matteo tu prends vraiment pour une de tes putes ?  je m'énerve.

— Ne parle pas comme ça...

— La ferme ! Tu savais que je n'aurai jamais accepté si tu m'aurais dit que cette maison appartenait à un des tes potes et qu'on allait vivre comme des colocataires. Bon sang, Matteo ! On ne peut pas oublier un détail comme ça ! Je veux que tu me dises la vérité !

— Et si je te disais la vérité, tu ne serais pas ici mais plutôt sous un pont en train de croupir avec des sans-abris ! s'emporte Matteo.

Je me raidis et les mots se perdent dans ma bouche car malheureusement, mon frère a raison. Si je savais la vérité, je ne serai pas ici.

— J'ai fait ça pour toi, Mira. Putain, on se prend la tête pour des putains de détail. Tout le monde est sympa ici, surtout avec toi alors je ne vois pas pourquoi ça te dérange autant de vivre avec d'autres gens.

— Parce que je n'aime pas les gens, Matteo. Tu sais quoi ? Pour toi et uniquement toi, je suis obligée de me coltiner une putain de rousse qui a envie de m'égorger alors j'imagine déjà le caractère de son autre imbécile de frère, je crache en croisant mes bras.

Il m'observe longuement avant de pousser un long soupir.

Si j'avais su, si j'avais su qu'on jouait sur ma tête...

— Tu ne les connais pas encore Mira...

— Mais c'est ça le problème, Matteo. J'ai foutrement aucune envie de les connaître.

Cette fois-ci, Matteo s'en va en claquant violemment la porte. Putain ! Et c'est lui qui est en colère ? C'est moi la victime dans cette histoire !

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