Chapitre 20

Je serre mes poings le long de mon corps et plonge mon regard dans le sien. Je fulmine sur place et pour évacuer cette fureur, j'ai besoin de faire couler le sang. La peur se lit sur son visage mais il est bien trop tard pour faire machine arrière.

— Et toi, la plus grande des idiotes, tu pensais réelement que j'allais te demander ta main ? je ricane diaboliquement. Cesse de rêver Paola, tu sais comment on fonctionne. Tu voulais juste baiser avec moi pour de l'argent.

— Non, je...

— Tu es rien, Paola. Si tu étais futée, tu verrais que je te donne une chance de quitter cette maison et refaire une vie. Alors pour la dernière fois, casse toi.

Les larmes lui montent les yeux et rapidement elle se change avant de claquer la porte.

Les narines frémissantes, je me précipite sous la douche afin d'évacuer cette colère qui me consume. Je sens ce venin couler dans toutes mes veines et il m'aura fallu une dizaine de minutes pour la calmer. Je croise mon reflet dans le miroir. Mes yeux sont sombres tandis qu'une rictus est fiché sur mes lèvres.

Je suis méconnaissable.

J'ai horreur qu'on se proteste contre moi et cette Paola, elle a bien de la chance que j'arrive à canaliser cette colère grandissante.

Sinon, à l'heure actuelle elle ne serait plus en vie.

J'entre d'un pas lourd dans mon bureau où Gaël et Matteo m'attendent. Du coin de l'oeil, je les vois s'échanger à voix basse mais je pose brutalement mon poing sur la table, les faisant sursauter.

— Comment s'est passé la réunion avec les Gonzalez ?

— On a le contrat dans la poche. Ils sont d'accord de nous filer trente cinq pourcent de leur trafic d'arme. Cependant, je doute que ça ne va pas plaire au Hernandez quand ils sauront de cet accord.

Le Mexique est un grand pays et est toujours victime de vengeance entre les familles mafieuses. Vingt-ans plus tôt, les vieux ont signé un pacte stipulant qu'il y a uniquement quatre grandes familles qui pourront régir la criminalité mexicaine.

Les Gonzalez, les Hernandez, les Vargas et les Reyes, ma famille.

Après, il y a des petites familles qui régissent des petits territoires mais ce sont ces quatre famille qui détiennent le pouvoir et l'influence. Il y a d'autre lois qui lient nos famille comme par exemple, les mariages arrangés entre nos familles afin que la paix perdure.

— Ils vont se démerder, ce n'est pas mon problème. Si les Gonzalez cherchent la provocation, signalez-moi. J'aurai hâte de les remettre à leur place.

— Je ne pense pas que ça soit une bonne idée. On est déjà en froid avec eux...

— Par ta faute, Gaël, par ta faute ! je claque sèchement. Tu es mon bras droit, tu dois me substituer quand je ne suis pas là. Mais tu sais quoi ? Tu as foutu de la merde.

Il baisse les yeux et je me concentre sur Matteo.

— Et toi, ça serait bien que tu remettes ta soeur sur le bon chemin. Elle devient folle, elle croit que votre père est toujours vivant. Au lieu de retrouver son père, sa folle de mère et sa soeur débarquent comme des fleurs ! Décidement, vous êtes une famille de bargo, je réplique les yeux grands ouverts.

— Il faut que tu la comprennes, Espen. Almira a du mal à faire son deuil, soupire mon ami avec un regard compatissant.

Je ris, amusé par la situation. Et qu'est-ce que j'en ai à foutre qu'elle n'arrive pas à faire son deuil ? À cause de sa connerie, j'ai dû mettre mon empire dans les mains d'un incapable qui a failli à tout faire sauter en l'air.

— Ce n'est pas mon problème mais il faut qu'elle se ressaisisse ! Si elle n'arrive pas à faire son deuil, elle ne pourra jamais intégrer notre cartel parce qu'elle n'a pas l'esprit d'une combattante. Tu es son grand frère, Matteo, parle-lui avant qu'elle perte vraiment les boules.

Il se contente d'acquiescer mes propos et je tique avant de me lever. Je leur file d'autres directions avant qu'ils me laissent seuls avec mes pensées sombres. Je faillis me servir un verre d'alcool mais aussitôt je me ravise et je jette toutes les bouteilles à la poubelle, peur que cette sorcière ait encore foutu un poison ou une connerie de ce genre.

Et quand je m'accoste près de la baie vitrée, je la vois, assise sur le sol terreux, habillée telle une clodo. Je grimace, écoeuré de la scène où elle plante une espèce de plante aux fleurs bleus sans prendre la peine de mettre des gants.

Depuis deux jours, Elsie m'a supplié de lui donner un coin du jardin afin qu'elle puisse batifoler avec ces plantes empoisonnées. J'ai voulu refuser car je croyais que j'avais rien à foutre mais... j'essaie de la comprendre et d'être compatissant même s'il s'avère une mission compliquée.

Elle a perdu son père.

Elle n'est pas comme moi. Elle ressent des émotions tandis que, depuis bien longtemps mon coeur a cessé d'être heureux. Il y a bien longtemps que j'ai renié mes émotions.

Je penche ma tête sur le côté, songeur avant que la porte de mon bureau s'ouvre.

— Espen, les Gonzalez sont là, m'avertit Gaël.

Je pivote ma tête dans sa direction et lui fait signe de s'approcher un peu plus.

— Achète le nécessaire pour la gamine.

— Comment ça ? Pour son coin de jardinage ? Depuis quand tu te préoccupes pour elle ? me questionne-t-il curieux.

— Est-ce que je suis ta couille gauche pour que tu aies le droit de me poser autant de questions ? Fais ce que je te dis, bon sang !

Il grommèle dans sa barbe et tourne ses talons mais je l'arrête une énième fois :

— Et ne lui dis pas que c'est moi qui suis derrière tout ça. Elle ne doit surtout pas savoir.

— Pourquoi ? Tu as peur qu'elle te prend te prenne pour un chou ? pouffe mon ami avant que mon regard noir lui remet à l'ordre.

Non, elle ne doit pas savoir.

Pdv Almira

Comme tous les matins après mon retour au Mexique, je reste longuement sur mon lit, les yeux pointés sur le plafond, réfléchissant bien au tournant de ma vie.

J'essaie de penser à autre chose et je me dis que tous les évènements qui se sont déroulés il y a quelques jours étaient le fruit de mon imagination. C'était un cauchemar.

Elsie s'inquiète pour moi et elle me pète les couilles à venir me voir toutes les trente minutes comme si j'allais me donner la mort. Je n'aime pas toute cette attention sur moi, au contraire ça a le don de m'agacer encore plus !

Peut-être certain aime être le centre d'attention mais pas moi.

Je suis celle qui reste en retrait et qui observe tout et chaque détail de la situation.

Une fois m'être levée, je passe une bonne partie de mon temps dans le jardin où je sublime mes plantes. Pour une raison dont j'ignore, le diable me laisse planter des fleurs. Peut-être il a eu tellement pitié de moi qu'il a voulu me faire plaisir...

Ou soit il m'utilise pour ses fins.

Je me penche pour la deuxième hypothèse.

Il sait que j'ai une grande connaissance sur l'empoisonnement et la toxicité des plantes et son idée de me faire intégrer à son cartel me donne la puce à l'oreille qu'il souhaite m'utiliser.

— Tu n'en as pas marre de jouer avec tes plantes, pouffe mon frère en déposant à côté de moi un sac d'engrais.

— Et toi, tu n'en as pas marre de tuer des gens ? je réplique aussitôt en fixant le sac d'engrais. Laisse-moi deviner, c'est le diable qui est derrière tout ça.

— Espen ? Je ne crois pas...

— Inutile de mentir, je sais qu'il est derrière tout ça, je souffle avec un sourire crispé.

Peut-être que le diable ne le sait mais je le vois bien m'épier depuis la fenêtre de son bureau.

— Peut-être il fait ça parce qu'il compatit. Il a perdu son père et sa mère l'a abandonné, me chuchote Matteo d'un ton révélateur.

Je grimace et me retiens de justesse d'éclater de rire. Lui ? Compatir ?

— Cet homme est tout sauf un homme, Matteo, je peste en arrachant les mauvaises herbes. Il ne sait pas se bien comporter avec un humain et tu me racontes qu'il compatit ? Parce qu'on l'a fait le même coup ? Une mère qui était censée être six pieds sous terre a refait surface à sa vie sans oublier un duplicata de lui ?!

— Calme-toi, Mira.

Je me lève, furieuse.

— Non, je ne vais me calmer. J'ai du mal à encaisser ces nouvelles et ce pendejo cherche à me piéger ! Je ne vais pas le laisser faire. Désormais, laisse-moi tranquille Matteo. Tu piétines mon espace vitale.

Vexé, mon frère acquiesce et me laisse tranquille. Prise de remords, je me mors la lèvre inférieure et pousse un long soupir, jetant furieusement les mauvaises herbes au sol.

Qu'est-ce qu'il m'arrive bon sang ? Matteo n'a rien demandé et me voilà le gueuler dessus sans scrupule.

Dès qu'il prend la défense du diable, cela provoque un truc de mauvais en moi.

Toujours le diable qui est la cause de mes soucis.

Furieusement, je prends le sac de fumier avant de me diriger vers l'antre du diable. Il faut à tout prix poser les cartes sur la table avec lui et lui fait comprendre que je n'ai pas l'intention de me laisser faire comme son ex-pute.

J'entre en trombe dans son bureau et le trouve assis sur un de ses somptueux canapés couleur crème. Il hausse un sourcil quand je m'approche dangeureusement d'un de ses canapés et d'un geste vif, je découpe une entaille dans le sac du fumier sur le sofa.

De suite, une odeur noséabonde survient mais je ne cille pas et lui non plus.

— Que me vaux ta visite, la gamine ?

Gamine... il peut tout simplement pas m'appeler par mon prénom ?

— Je sais à quoi tu joues Espen et je te préviens de suite tous ces petits geste adorables que tu me fais, je n'ai pas besoin.

Il fait mine de rien comprendre et cela m'énerve davantage.

— Tu cherches à m'attendrir afin que j'accepte d'intégrer ton putain de cartel mais ô grand jamais, j'accepterai !

— Même si je te menace de mourir ?

— Mille fois crever que travailler pour toi.

Il rit grave en tournant sa tête sur le côté, me dévoilant sa mâchoire parfaite qui tressaille.

— Et moi j'ai compris ton jeu et personne dans cette putain de baraque ose te le dire, peur de te blesser. Tu veux savoir ce que c'est ?

D'un geste gracieux, il se lève et s'élance vers le bar où il se sert un verre de scotch. Je fronce mes sourcils.

— Tu ne veux pas accepter que ton père soit mort, Gamine. Tu refuses tellement cette vérité que tu te rends même pas compte que tu es dans un état de colère et cette putain de colère, tu la fais passer sur tout le monde ici. Ne crois pas que je vais entrer dans ton jeu et te laisser faire, explique-t-il en tournoyant le glaçon dans son verre.

Déstabilisée, j'essaie de trouver une position.

— Je... enfin...

— Ton père est mort, articule-t-il suivit d'un regard profond. Fais le bien entrer dans ta tête, gamine. Tu commences sérieusement à faire chier avec tes histoires à la noix. Ton père est mort parce qu'il s'est fait prendre par les Rodriguez.

Mon coeur s'affole tandis que plusieurs pensées se bousculent dans ma tête. Je sens mon visage se contracter et tout mon être tremble face à ces mots dures.

La vérité me frappe au visage et victime de vertiges, je m'appuies sur le canapé.

Mon père est vraiment mort.

Tous les preuves sont sous mes yeux depuis le début mais j'étais dans le déni. Je ne voulais pas faire mon deuil, je ne voulais pas avancer. Je cherchais à m'accrocher à mes souvenirs mais désormais, plus rien n'est pareil car mon père n'est plus de ce monde.

— Tu n'étais pas obligé d'être si dur...

— La douceur n'existe pas en moi, Gamine. Maintenant, accepte la vérité et fait ton deuil avant que tu perdes sérieusement les boules.

Désemparée, je ne pas quoi faire et regarde un peu partout dans le bureau, refoulant mes larmes. Je ne veux pas chialer devant lui sinon il sera satisfait.

— Si tu souhaites partir d'ici pendant quelques temps, Elsie pourra t'acompagnie mais le jour quand tu reviendras dans cette maison, tu as intérêt d'aller mieux, ajoute-t-il avec les machoires contractés.

— Pourquoi tu m'aides ? Qu'est-ce que tu mijotes ? je lui demande dans un souffle désespéré.

— Je l'ignore. Tu me donnes des envies meurtrières mais en même temps j'ai ce devoir de t'aider, dit-il d'un air absent.

Je l'observe longuement, ne comprenant pas son comportement. Comme s'il voulait se faire pardonner de toutes ses actions...

Mais pour l'instant, il a raison sur toute la ligne. Je dois lâcher prise et acepter cette terrible vérité.

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