Chapitre 7 - Une journée au parc


Élodie s'écrasa par terre. Encore une fois, elle avait couru des heures durant, entre les arbres froids de la forêt vosgienne. Elle n'en pouvait plus. Sa main droite, qui avait commencé à aller mieux, lui semblait maintenant brûler intensément, à cause de l'éclair qui l'avait traversé. Il faisait toujours nuit, mais le ciel tendait à se teinter de couleurs plus claires.

La jeune fille s'assit contre un arbre, et inspira profondément pour chasser la nausée qui lui prenait l'estomac. Elle repensa à toute l'énergie, à toute la puissance qui s'était épanouie à travers son corps, qui l'avait d'un coup fait se sentir omnipotente ; à cet instant de quelques secondes qui s'était figé pour durer plusieurs éternités, durant lesquelles Élodie avait eu les idées claires, un but, un avenir. Elle repensa aussi à cette énergie qui avait laissé une marque indélébile sur sa peau. Elle n'avait pas su correctement diriger la foudre, et cette dernière s'était brièvement échappée par le dos de sa main droite, laissant un magnifique mais douloureux tatouage, une arborescence rougeâtre qui s'épanouissait de son poignet jusqu'à son majeur et son index.

Maintenant que l'énergie ne déferlait plus en elle, elle se sentait faible, nue.

Elle avait oublié dans la cabane son sweat-shirt, ainsi que son bretzel. « Hans », lui chuchota son subconscient sans qu'elle ne sache pourquoi. Elle n'avait plus rien. Plus d'abri, plus de nourriture, plus d'argent.

Une immense tristesse l'envahit. Elle enfouit sa tête dans ses bras. Elle n'avait même plus la force de pleurer.

Elle repensa à sa vie d'avant. À sa vie qui, d'un coup, s'était éteinte, en un claquement de doigts. Elle aurait dû en profiter. Et elle ne l'avait pas fait. Il était maintenant l'heure pour elle de subir sa propre existence.

Elle avait de l'espoir, encore, bien sûr, mais il s'était réfugié tout au fond de sa poitrine, et elle n'en voyait plus rien. Il ne rayonnait plus, il était juste blotti contre son cœur, là où il restait encore un peu de chaleur, pour les gens qu'elle aimait.

Quand le fait même de rester assise devint insupportable, Élodie se leva, et se mit à déambuler dans les montagnes. Elle n'avait aucun but, sinon celui de ne pas croiser ceux qui avaient tenté de la tuer.

Sa faim grandissait à mesure que le jour se levait.

Quelques bribes de sa dernière confrontation lui revenaient parfois en mémoire. Des choses dont elle ne s'était pas tout de suite aperçue. Les gens qu'elle avait foudroyés étaient armés. Et, certains avaient, –mais elle n'en était pas sûre– tout comme elle, la capacité d'engendrer un élément. Elle se souvint, lors de sa fuite, des flammes derrière elle, de leurs ombres sur les arbres, et de leur chaleur. Ce ne pouvait être autre chose que ça. Étrangement, elle n'avait pas de nom pour ça. Son père ne lui avait jamais expliqué, et elle n'avait jamais demandé. Elle avait toujours trouvé ça normal, naturel. Bien sûr, elle s'était déjà maintes fois questionnée à propos de ça, mais elle n'avait jamais fait part de ses interrogations à son père. Il lui avait juste dit de ne jamais le montrer à qui que ce soit. Alors bien sûr, elle avait fini par désobéir, par montrer ses pouvoirs à Alexis.

Puis, elle se souvint que les individus qui l'avaient attaqué avaient une lettre, en blanc, cousue à leurs habits, noirs. Un H, lui semblait-il. Elle pensa à une organisation secrète, une sorte de mafia. C'était un peu ridicule, mais cela ne pouvait être que cela.

Inévitablement, cette idée la ramena à sa première confrontation, chez elle, alors qu'elle s'apprêtait à manger.

Ces brutes avaient défoncé la porte d'entrée. Ils étaient armés. Elle avait d'abord cherché à se rapprocher, armée du couteau à pain, puis elle s'était dit qu'il valait mieux rester près d'une sortie. Elle s'était cachée près de la porte qui menait au jardin. Ils l'avaient appelée. Ils l'avaient appelée clairement, par son prénom, comme s'ils la connaissaient. Ils avaient crié des choses, pour la faire réagir, des mots qui sonnaient flou, maintenant. Ils avaient d'abord parlé d'un lieu avec des gens comme elle, puis ils avaient parlé d'Alexis. Ils avaient dit qu'il leur avait tout dévoilé. Son cœur, meurtri, s'était mis à bouillonner de colère. Mais elle n'avait pas bougé. Les individus s'étaient séparés, un par pièce. Celui qui s'approchait d'elle n'avait pas d'arme à feu. Simplement une matraque. Il était à quelques centimètres de lui. Elle lui avait planté le couteau dans le bras, et il l'avait frappé de toutes ses forces sur sa main droite. Elle avait réussi à lui échapper avant que les autres ne viennent. Elle s'était enfuie, par la porte du jardin, en courant, vite, loin. Plus vite, plus loin.

Ce souvenir lui faisait mal. Une boule se forma dans sa gorge. C'est à ce moment-là qu'elle avait commencé à détester Alexis. Elle ne pouvait pas réellement croire ceux qui lui avaient révélé cette vérité, mais elle ne pouvait faire autrement que croire la vérité en elle-même.

La matinée était maintenant bien entamée. Élodie avait continué de marcher, sans but, et s'était retrouvée un peu par hasard à se diriger vers Guebwiller. Alors elle avait suivi ses pas. Elle avait faim, beaucoup trop faim. C'était un fardeau, que son estomac portait. Un fardeau alourdi par la chaleur de l'été alsacien, en plus de la soif, qui s'ajoutaient à la liste de tous ses malheurs.

La marche lui avait laissé le temps de réfléchir. Elle ne retournerait pas à son abri. Tout d'abord parce qu'elle ne savait pas où il était, et ensuite parce qu'on l'y attendait sûrement. Retourner dans la forêt semblait la seule solution, encore une fois, mais elle avait maintenant le sentiment que c'était dangereux, qu'elle n'y était pas plus à l'abri qu'en ville. Elle s'était donc dit que quitte à se cacher, autant le faire dans un bon lit douillet. Elle avait pensé à tous les amis chez qui elle pourrait aller se réfugier, et elle avait fini par décréter qu'elle irait dormir chez Léna.

Mais Léna était actuellement au lycée. Et pendant ce temps, Élodie avait faim. Plusieurs solutions s'étaient offertes à l'adolescente : voler, faire la manche ou attendre. Mais aucune ne lui plaisait vraiment. Attendre était trop long. Si elle faisait la manche, on la reconnaîtrait bien vite. Et peu de gens marchait en ville à cette heure-ci. De toute manière, elle n'avait pas vraiment la tête d'une mendiante. Quant à voler... Il est vrai que voler un paquet de chips n'était pas très grave, mais pour une raison qu'elle ne comprenait pas, elle ne pouvait se résoudre à le faire. Peut-être était-elle trop affaiblie. Elle n'en savait rien.

Elle choisit donc la solution la plus facile et la plus dure en même temps, parce qu'il n'y avait rien à faire, mais qu'elle n'obtenait rien. Elle attendit.

Elle s'était d'abord réfugiée au Parc de la Marseillaise, laissant son esprit penser à Guebwiller, et à la vie. Elle se souvenait d'une vieille dame qui habitait une grande maison en face du parc. Cette dame lui donnait parfois des bonbons quand elle était petite. Cela faisait des années qu'elle ne l'avait pas revue. Elle se demanda à partir de quel moment elle avait commencé à ne plus la voir. Ce n'était qu'un détail de sa vie, mais il semblait lui prouver, comme tout le reste, que les choses ne sont qu'éphémères et qu'il faut en profiter.

Puis elle était allée se cacher à côté de l'entrée de la maison de Léna, dans son jardin. Elle craignait d'être repérée, en restant trop longtemps au parc. Midi était passé, et il faisait encore plus chaud qu'en matinée. Élodie avait faim, chaud, soif, et mal. Tout lui semblait insupportable. Même le léger vent, dans les feuilles, qui pourtant la rafraîchissait, était une torture.

Elle commença presque à devenir paranoïaque. Elle s'était blottie derrière un buisson, contre le mur de la maison, de sorte qu'on ne puisse la voir de nulle part. Elle était on ne peut mieux cachée, et pourtant, au moindre passant qu'elle entendait, elle se disait que, ça y est, c'en était fini, il s'apercevrait de sa présence, et, coincée dans le jardin, elle ne pourrait s'enfuir et resterait pétrifiée, avant d'être tuée violemment. Mais à chaque fois, le passant continuait sa route, sans ralentir.

Les heures coulaient. Élodie allait de moins en moins bien. Elle angoissait. Elle était en sueur, suffoquait presque. La pression qu'exerçaient sur elle le temps et la chaleur était insoutenable. Elle n'en pouvait plus. Elle allait craquer. Chaque minute était une douleur de plus, une larme de plus qu'elle n'arrivait pas à pleurer. Elle n'espérait qu'une chose, c'était Léna.

Les passants se succédaient, séparés par de longs intervalles inégaux. Mais l'un d'eux ne continua pas sa route. Élodie, qui ne pouvait le voir de là où elle était, l'entendit s'arrêter devant le portail, et l'ouvrir. Il marchait, lentement, faisant crisser le sol sous ses pas. Il s'approchait d'elle, toujours plus. Elle, s'étouffait, essayant de faire le moins de bruit possible. Elle était prise de haut-le-cœur, de chaud-et-froid. La nausée lui serrait les côtes, et un mal de tête lui comprimait le crâne.

Ce n'est que lorsqu'il arriva à la porte d'entrée qu'Élodie put voir son visage.

C'était Léna.


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Et non, vous ne rêvez pas ! Effectivement, Élodie va enfin parler à quelqu'un ! Il y a enfin un deuxième personnage à cette histoire ! 😂

Je pense que vous êtes en train de vivre un moment historique. Sérieusement. 😆

Et à propos de la cicatrice qu'Élodie a maintenant au poignet, ça existe vraiment, ça s'appelle des figures de Lichtenberg, et je sais pas si je l'ai très bien dessiné sur l'image du chapitre, mais je trouve ça trop joli 🤩 ! (même si pour les gens qui l'ont sur la peau à cause de la foudre ça doit pas être très marrant 😅)

Bref, au risque de me répéter, j'espère que ce petit (oui, c'est de l'ironie) chapitre vous aura plu, et que, bien évidemment, vous aurez envie de lire le prochain !

N'hésitez pas à me donner votre avis, comme par exemple votre personnage préféré (alors, oui, je sais, Léna n'a pas vraaaaaiment encore fait grand chose... 😝) !

Plein de bisous, et à la prochaine ! 😁

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