Chapitre 4 - Chaud.
Chaud. Il faisait chaud. Encore, et toujours.
Pourquoi fallait-il qu'il fasse si chaud en été ?
Élodie en traînait les pieds. Ses jambes étaient lourdes, et elle sentait les bouts de ses doigts comme s'ils avaient gonflé, comme si le sang qu'ils contenaient avait soudain eu la merveilleuse idée de tripler de volume. C'était comme si elle portait des boules de pétanque au bout de ses doigts. Elle tenait donc ses mains en l'air, pour que le sang redescende de leurs extrémités et arrête de torturer la pauvre fille, sa blessure à la main droite n'arrangeant évidemment rien. Sa tête lui faisait affreusement mal : des piques semblaient s'enfoncer dans son cerveau au rythme de son pouls, qui frappait régulièrement ses tempes. Elle comprenait d'un coup on ne peut mieux les spots publicitaires de l'État informant de la nécessité de boire de l'eau en cette saison.
Elle avait donc tout naturellement très soif. Alors, pour voir le bon côté des choses, elle se répétait bêtement qu'au moins, elle n'avait pas faim.
Cela faisait très certainement plusieurs heures qu'elle se traînait ainsi dans la forêt, tel un mort-vivant errant entre les arbres. Elle s'était encore perdue, mais cette fois-ci intentionnellement. Si elle-même ne savait pas où elle se trouvait, on aurait du mal à la débusquer.
Les chemins, tordus, sillonnaient entre les millions de troncs, rigides et droits, qui s'alignaient de tous côtés. Le sol, sans cesse, montait, descendait, tantôt couverts d'herbe, tantôt nu de toute vie. Le paysage changeait tout en restant le même.
La lycéenne avait l'impression de revivre sa matinée, mais à l'inverse. Plus elle se perdait, mieux c'était.
Alors, pour passer le temps et oublier la douleur et la chaleur qui l'accablaient, elle pensait à ce que devaient être en train de faire ses amis. Elle arrivait à ne pas trop penser à Alexis, même si la nausée continuait de la suivre et arrivait parfois à la rattraper.
Ils devaient très sûrement vivre une journée ennuyante, pareille à toutes les autres, avec pour seule différence l'absence de leur amie. Puis après, ils rentreraient chez eux, bien au frais, pour passer leur soirée à regarder des vidéos YouTube. Élodie songea qu'elle aurait peut-être dû attendre le retour de ses amis pour aller se réfugier chez l'un d'eux.
« Ouais, mais non. Parce qu'il y aurait leurs parents, et je peux pas vraiment leur expliquer que des inconnus veulent ma peau, et surtout pourquoi ils veulent ma peau. Et puis aussi, si je vais chez Léna, Liam ou Lucas et qu'on me retrouve, je risque de les mettre en danger, et ça c'est un peu bof, quand même... »
Puis, sans savoir comment, ses tournées se tournèrent inévitablement vers son ex-petit-ami. Lui aussi était en classe, aujourd'hui. Lui aussi avait une journée comme les autres. Lui aussi vivait très bien l'absence d'Élodie. Lui aussi renterait chez lui, soulagé par la fin des cours. Mais l'adolescente se demandait seulement une chose : comment se sentait-il ? Ou plutôt, comment réagissait-il face au fait qu'elle soit obligée de fuir pour ne pas qu'on l'attrape ? Était-il satisfait de faire de sa vie un enfer ? Cela le rendait-il heureux ? Était-il con à ce point ? Qu'est-ce que ça lui avait apporté, exactement, de la dénoncer à une sorte d'organisation de chasseurs d'hommes ? Ou peut-être n'était-il pas encore satisfait. Peut-être était-il furieux que l'on ne l'ait pas encore attrapée, qu'elle soit toujours en fuite.
Une boule se forma dans la gorge d'Élodie, sa nausée reprit de plus belle et ses yeux s'alourdirent. Comme si ses problèmes dus à la chaleur ne suffisaient pas ! Alexis était vraiment immonde... La jeune fille pleura quelques larmes. Elle avait une telle envie de le frapper, de le brûler, de le foudroyer. Qu'il souffre. Qu'il meure.
Puis elle se reprit. Non, elle n'avait pas le droit de penser ça. Oui, ce qu'il avait fait était horrible, mais elle n'avait pas le droit de souhaiter sa mort. Elle devait passer outre, elle devait lui pardonner, comme son père lui avait appris. Elle devait s'ouvrir, laisser partir le mal, le laisser couler. Elle ne devait pas le retenir contre elle de cette manière. Aussi difficile que cela soit, elle devait ne plus en vouloir à Alexis.
Quand elle fut calmée, Élodie songea qu'elle devrait commencer à sérieusement chercher un abri. Ce n'est qu'après un long et silencieux voyage qu'elle le trouva : c'était une vieille cabane, en haut d'une pente. Elle était plutôt bien camouflée, uniquement visible depuis une certaine position, en contrebas. Bien qu'abandonnée -on le voyait notamment aux quelques trous pratiqués dans le sol et les murs par l'humidité- elle était encore en assez bon état. Le plancher et le toit étaient encore bien solides, et c'était là le principal.
Elle s'installa donc. Il faisait frais, et le soleil ne parvenait pas jusqu'à l'entrée. Elle pouvait enfin un peu se reposer. Elle se laissa lourdement tomber par terre, et se déchaussa lentement, pour éviter de faire plus mal à ses pieds déjà réduits à un état de bouillie. Ils pouvaient enfin respirer librement. Elle se coucha graduellement, ses articulations endolories grinçant de fatigue, utilisant son sweat-shirt comme un oreiller. Elle resta ainsi étendue ce qui lui sembla une éternité de silence, de fraîcheur et de détente. Une éternité de quiétude dans un éternel océan de malheur.
Puis, après ce repos bien mérité, Élodie se redressa. La douleur avait cessé. Une légère nausée persistait cependant toujours, comme témoin de son malheur. Elle avait aussi bien sûr encore soif, et une petite faim commençait à apparaître, lentement. Mais pour le moment, elle se sentait bien et avait l'esprit clair. Elle se rechaussa et sortit de la cabane, en y laissant son sweat-shirt, dont elle n'avait pour l'instant pas besoin. Le soleil commençait à redescendre, entre les arbres, et la chaleur, un peu moins lourde, était plus facile à supporter. La lycéenne regarda sa montre. Il était cinq heures et demi.
Puisque tout paraissait tranquille et qu'elle n'avait rien d'autre à faire, elle s'éloigna progressivement de son abri en veillant à bien noter chaque étape de son parcours. Elle cherchait à nouveau une ville ou un village pour acheter à boire et à manger.
Elle descendit dans le vallon dans lequel elle se trouvait et tomba bien vite sur une route, de temps à autre bordée de maisons, qui déboucha sur Rimbach. Et, comme si la fortune se décidait d'un coup à lui sourire, Élodie trouva quelques mètres plus loin un petit restaurant. Elle commanda deux bretzels de bonne taille, chacun à un euro cinquante, et demanda une carafe d'eau, gratuite. Elle vida ainsi deux carafes, avant de payer et de repartir, les bretzels à la main. Elle prévoyait de les manger plus tard, quand elle aurait faim, ou de les garder pour le lendemain matin.
Le soleil tendait à se coucher, quand elle rentra à sa cabane. Elle s'assit, et, tout en mangeant un de ses bretzels, se laissa admirer à travers les branches des arbres les dernières lueurs du jour.
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Hey ! Comment ça va ? Moi ça va bien 😄
Comme prévu, voici le chapitre 4 ! (Et cette fois, je ne vous ai pas menti : j'ai pas tardé à le sortir 😛)
J'espère qu'il vous aura plu, et que vous aurez maintenant une grosse envie de manger un bon bretzel 😁
Bref, comme toujours, n'hésitez pas à participer, pour me dire comment m'améliorer !
La bise, et à la prochaine ! 😊
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