Chapitre 12
— Je suis Dominique Rocher, responsable de cet endroit. Vous devez être le neveu de Katy. Votre mère m'a prévenu de votre éventuelle visite.
Je serre sa main tendue mécaniquement, abasourdie par ses paroles et bercé à la fois par sa voix rassurante. Je réalise qu'il me regarde attendant une réponse.
— Je suis PEM ! Je... je désirais la rencontrer.
Nouveau sourire rassurant.
— Katy a été informée de votre arrivée, elle se préparer pour vous accueillir dans son appartement. Comme toutes les femmes, elle a besoin d'un peu de temps, la justifie-t-il.
— Tant mieux, murmuré-je. J'en ai besoin aussi, constaté-je.
— Voulez-vous patienter avec moi dans mon bureau ? Nous y serons plus tranquilles pour répondre à vos questions.
J'écarquille les yeux et le suis docilement. Quelques pas et je m'effondre à moitié sur le fauteuil où Monsieur Rocher m'a invité à m'asseoir. Étais-je si tendu que ça à l'idée de cette rencontre ?
— Voulez-vous que je vous parle des Lilas ou de Katy ?
— Katy ! sortit spontanément. Comment est-elle ? précisé-je.
— Coquette, gentille, généreuse. C'est un cœur immense, un vrai rayon de soleil pour tout le monde. Sans elle, la villa ne serait pas ce qu'elle est. Mais vous devez le savoir ?
— Quoi ? Mais je ne l'ai jamais vu... affirmé-je.
— J'en suis sûr. Je me rappelle de vous. Vous étiez tout petit et accompagné parfois votre Maman. Vous étiez très mignon. Un vrai petit d'ange avec vos cheveux bouclés et vos yeux clairs, c'est même ainsi que vous avez surnommé la directrice de l'époque.
J'ai un drôle de flash. Une dame en tailleur bleu ciel avec un chignon doré et de grandes lunettes, des doigts chauds qui serraient ma petite main et une voix douce qui me susurrait « Bonjour petit ange ». Non, c'était juste moi qui ai une imagination trop fertile.
— Vous êtes sûr que ce n'était pas un autre enfant, mon frère par exemple ?
L'idée était saugrenue. Charles-Xavier a toujours eu les cheveux raides et noirs comme la nuit comme ses yeux. Pour moi, Père et lui, affichent leur côté sombre dans le regard.
Le directeur pointe mon visage. Je porte mes doigts à ma joue. Je sais de quoi, il va parler.
— les deux grains de beauté sont assez uniques pour être remarqué, affirme-t-il.
Je suis donc déjà venu ! Je suis abasourdi par cette révélation. Pourquoi ne m'en rappelé-je pas ? Mon passé ne semble qu'une succession de mensonges et d'absences. J'en discuterais avec Maman, j'ai besoin d'explication. Demain ! me promets-je. J'ajoute cela à la liste mentale des choses à faire. Je passe ma main dans les boucles de mes cheveux et les repousse vers l'arrière. Je dois me concentrer sur une chose à la fois. Là, c'est Katy mon point de mire et notre « Première » rencontre, quoi qu'en pense ce Dominique.
Il m'énerve finalement à me couver d'un regard attentif. Je ne vais pas exploser enfin pas maintenant ni ici jamais devant lui ou des inconnus.
Le directeur consulte sa montre.
— Je pense que Katy a eu assez de temps. Je vous accompagne chez elle.
Je le suis dans l'escalier, silencieusement. Je me concentre pour me mémoriser le parcours pour ne pas avoir à ses services pour repartir. Premier étage, couloir de droite, deuxième porte à gauche. Facile !
— Je vous laisse ici. Si vous désirez me voir après, je serais à mon bureau jusqu'à dix-neuf heures trente.
De la double-porte s'échappe un air de musique. Une vieille chanson qui parle à l'enfant que j'étais. Qui déjà me chantait « Tout simplement » de Bibi ? Je ne sais plus. J'attends qu'un nouvel air démarre pour frapper. Allez PEM, un peu de courage. À trois, je frappe. Un, je lève le poing. Deux, j'inspire. Trois... la porte s'ouvre.
Un visage rond, encadré de boucles anglaises blondes foncées éclairé d'un grand sourire. Des yeux noisette, derrière des grandes lunettes qui commence à glisser sur son nez couvert de taches de rousseur. Elle remonte de son doigt avant de me tendre la main. On se fixe, on hésite quelques instants puis on fait ce geste comme si nous étions deux étrangers. Non, ça me révolte, je ne peux pas me contenter de cette froide poigné de main. Je garde ses doigts enserrés, je me rapproche et me baisse pour lui déposer un timide bisous sur la joue. Voilà, c'est beaucoup mieux !
— Bonjour, ma tante, dis-je en reculant.
— Bonsoir PEM !
Je referme la porte d'un geste mais je reste bloqué devant. Cette pièce me parle, cette vue sur ce chêne. Je suis vraiment venu ici avant ? Cette impression de déjà-vu et les dires du directeur confirme cette réalité que j'ai oublié.
— Entre, entre, m'invite-elle en se retournant vers le coin salon.
Je suis cette petite femme, car elle dégage la même énergie que Maman, celle qui fait qu'on ne pouvait qu'obéir.
— Merde ! lâché-je.
Plusieurs de mes tableaux que j'avais peint quand je vivais encore au Manoir. Ils sont là, accrochés sur l'un des murs. J'avais passé des heures à ces tentatives de marines abstraites. Plein d'essai : des couples ou des trios de bateaux aux voiles colorées qui se reflétaient dans des eaux bleus gris. Mon père les avait mises à la poubelle devant moi cassant les cadres pour que j'arrête ses enfantillages et me concentre sur mes études. Depuis, je n'ai plus approché un tube de gouache ou d'huile. Je m'approche. Sur l'une, on va encore PEM de signé en bas. Ce n'est pas possible. Elles sont là, réassemblée, restructurée, réparée. J'avance mes doigts pour les toucher mais recule finalement.
— J'ai fait de mon mieux ! dit-elle en zozotant légèrement, tout en posant sa main sur mon bras. Tu aimes ?
— Je comprends pas ! Comment ?
Je vois des photos encadrées de Charles-Xavier, de moi ou de nous deux sur le buffet. Des dessins d'enfant sous-verres sont aussi accrochés au-dessus d'un coin bureau. Des bouts de moi sont partout, affichés fièrement comme une mère pourrait le faire pour ses enfants.
— Simplement car tu es ma famille, PEM ! Et je n'aime pas ce que ton.... Elle bloque un instant, souffle un grand coup et reprend. Ce que ton père a fait. Alors je l'ai réparé pour toi pour que tout aille mieux.
Elle me sourit.
— Et ça va pour toi ! ?
Je ne sais pas si c'est une question ou une affirmation. Mais elle affiche dans le regard, un tel espoir que je peux que répondre que oui timidement.
Elle m'invite à m'asseoir dans le canapé. J'en profite pour réfléchir un instant. Suite à la destruction mes œuvres et de mon atelier, j'avais juste accepté finalement que je n'obtiendrais jamais l'affection de mon père. J'avais compris que seule ma soumission à sa volonté l'intéressait. C'est alors que j'avais décidé de m'accepter et de me rebeller à ma façon, autrement. Oui, ça allait mieux surtout depuis qu'ils m'avaient fichu dehors, alors je souris franchement car la réponse était juste finalement.
Assis à côté de Katy, je réalise que sa chevelure est striée de cheveux blancs et non de mèche comme je le pensais. Cela marque sa différence d'âge avec Maman. Mais quelle est-elle exactement ? Encore une question de plus à liste de celles que je dois poser à ma mère, comme celle sur sa santé de sœur.
— Tu veux boire quelques choses ? Je peux te propose des boissons chaudes comme un thé ou un café ou fraîches.
Enfin, c'est ce que je comprends, tout est sortie si vite. Trop nerveuse, sûrement. Je dois la rassurer.
— Un café.
Et c'est repartie, elle se lève et continue de babiller trop vite proposant un déca ou un expresso ou un café allongé ou un déca.
— C'est trop facile avec cette machine ! affirme-t-elle en désignant le dernier modèle de cafetière à capsule dont le beau Georges Clooney faisait la pub.
J'opte pour le décaféiné. Elle bouge sans arrêt, n'arrive pas à se poser. Trop de stress, sur ce point on se ressemble mais on ne gère pas de la même manière. Je pose ma main sur la sienne, stoppant ses doigts qui tapotaient sa cuisse. Je lance la conversation.
— Je suis déjà venu ici ? demandé-je. Quand j'étais petit ? insisté-je.
Elle hoche la tête.
— Jusqu'à ce que tu rentres en maternelle. Clo t'amenait avec elle chaque fois qu'elle venait. Elle aimait t'amener ici, car tu aimais faire tes première fois ici.
Mon regard interrogateur lança la suite.
— Ton premier sourire volontaire quand je te chantais une berceuse. Tes premiers pas dans le jardin entre elle et moi. Je ne remercierais jamais assez Anne-Catherine d'avoir filmé ça avec son caméscope. PEM, tu aimais chanter et dessiner surtout des lunes. Surtout une.
Elle s'arrête un instant puis fredonne :
Doucement, doucement
Doucement s'en va le jour.
Doucement, doucement
À pas de velours.
Je repris spontanément.
La rainette dit
Sa chanson de pluie
Et le lièvre fuit
Sans un bruit.
Elle rit.
— Tu te souviens ! Tu te souviens de moi ?
La Dame de la lune qui chantait pour moi, c'était Katy. Pas une amie imaginaire comme l'affirmait certaines de mes nourrices. Je parlais, et rêvais souvent d'elle quand j'étais triste car elle me réconfortais avec ses sourires et ses câlins.
—Tu es Dame Lune !
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