Chapitre 1


Ta franchise te perdra ! Je ne compte plus combien de fois j'ai entendu cette phrase. Il est vrai que je n'ai aucune barrière entre mon cerveau et mes lèvres. Je suis du genre spontané pour votre plus grand malheur. J'oublie trop souvent qu'il faut tourner sa langue sept fois dans sa bouche. À cause de ça, j'ai tendance à blesser les gens sans le vouloir. Si vous saviez comme je m'en veux à chaque fois quand je réalise à vos réactions : colère, tristesse, stupéfaction... Comme je regrette ce que j'ai provoqué sans le désirer.

Aujourd'hui, je n'ai pas plus réfléchi qu'hier, les mots ont été expulsés avant que je ne réalise ce que j'avais fait. Mes amis sourirent un instant à mes paroles avant de se reprendre. Ce n'est pas le moment idéal pour ce que je venais de dire. La phrase fait écho en moi, imaginant le pire.

— Je viens enfin de comprendre ce qu'est le coup de foudre !

Je suis vraiment mal, attendant la réaction du beau policier qui venait de me contrôler. L'agent me sourit un instant et s'éloigne avec mes papiers et ceux de mes amis pour rejoindre ses collègues. Je le sens mal et Malik ne me rassure pas en murmurant que j'étais bon pour un moment au post.

Rapidement, le bel agent revient, il tend leurs cartes d'identité à mes amis sans rien dire et finit par la mienne en nous souhaitant un bon après-midi. Soulagé, je pars sans demander mon reste glissant le rectangle de plastique dans la poche arrière de mon jean.

Naturellement, j'accélère suivant la cadence des pas de mes camarades de ce contrôle presque inopiné. On quitte le boulevard, pour une rue adjacente quand ils prennent enfin la parole.

— Y a que toi pour faire ça ! s'esclaffe Malik en me frappant les épaules. Tu n'as jamais eu de contrôle d'identité ou quoi ?

— Moi jamais, avoué-je. J'ai perdu les pédales.

— Oh que oui ! Allez viens, on t'offre un verre pour te remettre de tes émotions, propose Boubakar.

Je rougis tellement en m'excusant qu'ils partent dans un grand fou rire. Il est communicant, je me laisse entraîner de bon cœur puis je suis docilement mes deux comparses vers la première terrasse disponible.

Assis dans mon siège, je prends enfin le temps de ranger mes papiers dans mon portefeuille. Merde, c'est quoi ça ! Un petit mot plié est collé à ma carte d'identité. Je déplie la note griffonnée. Je suis sous le choc de ce que j'y lis : une heure, un lieu, un smiley souriant qui me fait de l'œil.

Le policier sexy m'a-t-il vraiment invité à 18 h à L'Explicite ? Non c'est une mauvaise blague, un tour de passe-passe, un piège. Je froisse le papier et le jette dans mon sac à dos. Boire avec les jeunes doctorants du département où je travaille, me permet d'oublier ma bévue et d'en sourire.

Pourquoi suis-je là, je ne le sais toujours pas. Je fixe la devanture de ce pub. L'Explicite affiche un petit drapeau arc-en-ciel à sa porte, ça me rassure. Cependant je continue de réfléchir et me pose une énième fois les questions qui me taraudent depuis que j'ai lu ce papier. J'y vais ou je n'y vais pas ? Rentrer dans ce bar pour tenter ma chance ou fuir. Si c'était un traquenard ? Un flic homophobe, ça existe ? Arrête ! Avec des si, on mettrait Paris en bouteille. Pour une fois, je réfléchis trop. Puis merde, ma franchise m'a value ce rendez-vous, faut que j'assume !

Je le fais, je pousse la porte. Un coup d'œil pour le repérer. Le beau brun de tout à l'heure est dans un coin, en tenue civil une pression devant lui, l'air un peu songeur. Il frotte sa barbe courte d'un geste nerveux avant de fixer son poignet pour consulter sa montre. J'en connais la raison. Je suis en retard d'au moins dix bonnes minutes.

Je soigne mon entrée et m'avance doucement vers lui puis me glisse sur la banquette opposée à la sienne et lui offre mon plus beau sourire espérant que le beau discours que je vais tenir, lui faire oublier ce petit « grand » défaut que j'ai.

— Désolé, j'arrive rarement à l'heure. Je loupe toujours mes correspondances et je me perds encore dans les couloirs du métro. Au fait, on m'appelle PEM et pas les prénoms que tu as lu sur mes papiers.

— Je note, moi c'est Thomas, dit-il en gesticulant, farfouillant ses poches à l'arrière de son pantalon.

Il fait quoi là ? Je contiens ma panique un instant. Ouf ! Je comprends qu'il ne me veut aucun mal quand il sort son portefeuille puis me tend sa carte d'identité.

— Pour être sur le même pied d'égalité.

Je découvre plein d'informations et plus encore que je mémorise rapidement.

Nom : Gasseau

Prénom(s) : Thomas Pierre Pascal

Sexe : M né (é) le : 19/05/1989

Un taureau comme ma mère, pensé-je avant de calculer vite fait qu'il a trois ans de plus que moi.

à Morteau (25)

Je vois ça à l'est à côté du côté du Jura, mais je ne suis pas sûr de ma géographie.

Taille : 1m80

Dommage le poids n'est pas indiqué, mais je pense quatre-vingts kilos d'une musculature appréciable au vu de son torse moulé par son t-shirt aussi noir que sa chevelure.

Le tout est paraphé de sa signature : un gribouillis nerveux et peu lisible.

Je compare rapidement la photo en noire et blanc et le modèle en chair et en os qui me sourit franchement. Une version plus jeune, sans la barbe, aux cheveux plus longs et sauvages que sa coupe actuelle plus stricte. Métier oblige. Il était tout aussi séduisant que maintenant. Quoi que ! J'apprécie les traits bien marqués, très masculins, ce grand nez droit qui prend pleinement sa place dans ce visage. Je lui rends le bout de plastique en souriant.

— T'étais mignon à l'époque !

— Je ne le suis plus ?

Je me mords la lèvre. Merde j'ai encore parlé trop vite.

— Maintenant, t'es plus...

Pourquoi, je ne trouve pas le bon mot rapidement. Il me trouble avec son regard vert foncé trop intense pour moi. Il me fixe... Je me suis perdu dans une forêt de sapin. Le beau policier viendra-t-il me sauver.

— J'attends ! Continue, je veux savoir insiste Thomas en plongeant de nouveau ses yeux dans les miens.

— Sexy... avoué-je. Mais tu le sais, m'agacé-je.

— Peut-être ! ou pas ! Mais j'apprécie trop surtout l'air troublé que tu présentes et ton léger rougissement quand tu viens de parler trop franchement. Ça me plaît, c'est rare à Paris.

Je reste quoi. Un oh muet s'est formé sur ma bouche. Thomas sourit tandis que je referme ma bouche avant de laisser ma spontanéité prendre le dessus.

— Tu désires quoi ? ajouta-t-il en levant le bras pour héler le serveur.

— Toi !

Merde ! C'est encore sorti plus vite que je ne le voulais... Mais que voulez-vous ? Il est trop beau ! 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top