Prélude: le vieil ami de Paul
Un réveil sonna.
Bientôt, une silhouette s'étirait dans la lumière crépusculaire du matin; quittait une pièce pour une autre plus vaste; ouvrait la fenêtre.
Au dehors, hommes et femmes de tout âge, de toute condition s'étaient rassemblés.
Chevelures et robes ondoyaient au gré du vent, donnant une allure specrale à ce public placide.
Bientôt, un nez pâle apparut à la fenêtre, suivi d'une bouche fine et de grands yeux verts.
Bientôt, Paul apparut à la fenêtre. Applaudissements et acclamations s'élevèrent alors.
Le jeune homme gratifia d'un sourire sincère, empreint de gratitude, cet entrain collectif.
Puis, il rejoignit son plus vieil ami et grand allié, son confident et porte parole de toujours, qui l'attendait immobile, silencieux, au centre de la pièce.
Il lui ôta précautionneusement son chapeau, et s'assit face à lui.
L'ami, toujours silencieux, dévoilait à présent des dents jaunis par le temps.
Paul tendis les mains, enfonça une dent, puis deux... animant son ami.
Un nouveau monde surgit alors dans le salon du jeune homme:
un ailleurs enchanteur, paisible, ondoyant, liquoreux. Un ailleurs éphémère cependant, mais que Paul avait le pouvoir de faire durer, cesser, de précipiter, alentir, proroger, mesurer, tempérer, accentuer... un ailleurs, en sommes, entièrement à sa merci.
Cette univers vaste, faste, tenait dans le premier mouvement de la Sonate au Clair de Lune de Beethoven, que Paul interprétait avec plus d'enthousiasme, plus d'euphorie qu'au premier jour. Car, enfin, après douze ans, il acceptait son sort, et retrouvait Beethoven, plus proche de lui que jamais, plus proche de lui que personne.
Pour la première fois depuis douze ans, il se sentait entier, vivant.
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