Alors que mon cœur tambourinait dans ma poitrine et que je me relevais lentement, je réalisais encore lentement que j'allais devoir abandonner ma fille. Ma propre chaire, mon propre sang. J'allais devoir l'abandonner à nouveau, et pour de bon. Ce que je voulais éviter par-dessus tout. Je ne voulais pas la rendre orpheline. Je ne le voulais pas.

Mais surtout, il fallait qu'Harry et moi mourions. Ni Voldemort, ni Harry, ni moi ne devions survivre. Il fallait accueillir la mort comme une amie. Rien de plus. Je ne pouvais pas. Je ne l'avais peut-être jamais vraiment admis, mais la mort faisait partie de ces choses qui m'effraient le plus. Elle était mystérieuse, silencieuse, frappait quand rien ne bougeait, quand la foule était en délire. La mort était à la fois horrible et apaisante. Mais dans cette situation, elle avait été plus horrible qu'apaisante. Et savoir que j'allais devoir l'approcher et ne pas la laisser me frôler cette fois-ci me fit frissonner.

Alors que je venais de fermer mes yeux, je les rouvris si violemment que je commençais par voir flou. Harry.

Il était peut-être déjà parti dans la forêt. Il était peut-être déjà parti là où la mort l'attendait. Il était déjà parti, peut-être pour m'éviter un spectacle macabre devant lequel je ne pourrais rien faire pour le protéger, car c'était ce que nous devions faire tous les deux, ou pour s'éviter à lui-même la vue de ma mort. Je ne pouvais pas me résoudre à le laisser seul là-bas. J'avais promis de le protéger, et même devant la mort, je n'allais pas le laisser sombrer avant moi. J'étais née la première, j'allais mourir la première.

Je m'empressai de rejoindre l'extérieur. Le château était vide et je croisai une Hermione en pleurs et un Ron tentant de la réconforter sans succès. Ses larmes dévalaient ses joues sans qu'il ne puisse rien y faire.

Je m'approchai d'eux et, à peine à leur hauteur, demandai.

"- Où est Harry ?"

Ils tournèrent leurs têtes vers moi.

"- Il y est parti ?"

Hermione hocha la tête en essuyant une larme, me regardant, prête à en faire couler d'autres.

"- Je suis désolée... Prenez soin d'Amelia. Faites-lui comprendre pourquoi j'ai fait ça. Et tuez ce maudit serpent. Tuez-le, je ne veux pas que nous ayons fait tout ça pour rien.

- Alexis !"

Préférant ne pas m'éterniser en adieux et soupirant en passant devant la Grande Salle dans laquelle un rouquin n'attendait que mon retour pour s'assurer que j'étais saine et sauve, je m'enfuyai en courant vers la forêt interdite dans laquelle devait nous attendre Voldemort.

Je ne pouvais pas profiter de ce qui m'entourait. Je ne pouvais pas m'éterniser en larmes. Je devais retrouver Harry le plus vite possible et le voir vivant une dernière fois. Si c'était la dernière chose que je devais voir, j'aimerais voir Harry. Sentir sa main dans la mienne. Car je savais que voir Amelia m'était impossible. Mais si j'avais eu le choix, j'aurais voulu les voir tous les deux.

Alors que j'entrai dans la forêt et que je m'y enfonçai de plus en plus, je vis plusieurs silhouettes mi-fantômes, mi-humaines autour d'une seule et même silhouette. Mon cœur se serra si fort que j'en gémis de douleur, ce qui fit tourner toutes ces têtes vers moi.

Papa fut le premier que je remarquai. De la même taille qu'Harry, il portait les mêmes vêtements que le jour de sa mort. Ses cheveux étaient désordonnés, hérissés, et ses verres de lunettes déformés. Sirius et Remus étaient plus jeunes tous les deux. Tandis que Maman... Son sourire semblait illuminer l'endroit. Elle était belle. Merlin, j'avais oublié comme elle était belle. Et je m'en voulais d'avoir pu oublier sa beauté, son sourire, ses cheveux longs... Seuls ses yeux verts étaient restés ancrés dans ma mémoire. Ancrés grâce à Harry qui, à chaque regard qu'il me lançait, semblait voler ses yeux pour me fixer. Ancrés grâce aux miroirs dans lesquels je me fixais dans mes nuits de tristesse pour essayer de voir au fond du reflet de mes prunelles la tendresse avec laquelle elle me regardait maintenant.

Mais pourquoi je les voyais ? Je n'avais pas la pierre de résurrection. S'ils étaient là, c'est qu'Harry l'avait.

"- Ma chérie... Viens..."

Je me rapprochai lentement, croyant rêver, avant de m'arrêter à la même hauteur qu'Harry.

"- Quel courage vous avez montré, mes chéris." Annonça ma mère.

"- Pourquoi vous êtes là ?" Demanda Harry alors que je tournais la tête pour fixer mon père au sourire bienveillant. "Vous tous ?

- Nous ne sommes jamais partis."

Je sentis mes yeux s'embuer de larmes alors qu'Harry commença à changer d'interlocuteur.

"- Est-ce que... Ca fait mal ? De mourir ?" Demanda-t-il à Sirius alors que j'essayais d'attraper la main invisible que me tendait ma mère.

"- C'est plus rapide que de s'endormir.

- Vous y êtes presque, mes enfants." Affirma Papa.

"- Je suis désolée..." Murmurai-je. "On n'a jamais voulu qu'aucun de vous meure pour nous."

Je me tournai vers Remus qui me souriait doucement.

"- Et Teddy ?" Demandai-je. "Il n'a plus de père. Plus de mère. 

- D'autres lui diront pourquoi Tonks et moi sommes morts, Alexis. Un jour, il comprendra. Et il sera fier, comme sa marraine me l'a déjà dit, d'être notre fils."

Une larme roula sur ma joue alors que je tournai la tête vers Sirius. Mes yeux passèrent de lui à maman, à papa, puis de nouveau à Remus.

"- Vous resterez avec nous ?" Demandai-je en me retournant vers mon père.

"- Jusqu'à la fin.

- Et il ne pourra pas vous voir ?" Demanda Harry.

"- Non." Affirma Sirius. "Nous sommes là, vous savez."

Il pointa la poitrine d'Harry, à gauche. Là où bientôt, son cœur ne battrait plus. Cette fatalité m'arracha de nouveau une larme. Je tournai la tête vers Maman. Elle me manquait tant. Des tas de gens me manquaient tant.

"- Reste près de nous..." Murmurai-je, un sanglot dans la gorge.

"- Toujours."

Harry, alors, ouvrit la main qu'il fermait depuis plusieurs minutes et laissa tomber la pierre qu'elle contenait. Maintenant libre, il attrapa de celle-ci ma main gauche, ce qui me fit tourner la tête vers lui. Ses yeux me fixèrent, m'observèrent une dernière fois, alors que les miens firent de même. La mort avait séparé notre famille seize ans auparavant, et elle allait terminer ce travail inachevé dans moins de dix minutes.

Nous avançâmes, main dans la main, jusqu'au centre de la forêt dans lequel Voldemort nous attendait. J'entendis une voix lointaine dire qu'ils n'avaient aucune trace de nous. Puis, je l'entendis dire qu'il pensait que nous viendrions. Mon pied marcha sur une branche qui cassa et Voldemort se retourna pour nous voir apparaître dans son champ de vision. Il en était heureux. Ses yeux de serpents brillaient d'excitation, nous pouvions le voir de là où nous nous trouvions.

"- Harry ! Alexis ! Non ! Qu'est-ce que vous faites ici ?" S'exclama Hagrid.

"- Silence !" Ordonna un Mangemort.

Il y eut un silence qui me parut durer longtemps. Voldemort le coupa.

"- Harry et Alexis Potter... Les enfants qui ont survécu... Préparez-vous à mourir."

Je lâchai alors la main d'Harry pour me placer devant lui alors que la baguette de Voldemort se levait doucement.

"- Alexis, qu'est-ce que tu fais.. ?" Me chuchota Harry.

"- Je te protèges jusqu'au bout." Répondis-je.

Alors que Voldemort commençait à hurler son Avada Kedavra, j'entendis Harry me murmurer répétitivement des "Non" de plus en plus forts alors que le rayon vert se dirigeait vers moi. Alors, cette phrase me revint en tête. Cette phrase que j'avais dit la première fois que j'avais voulu protéger mon frère de ce sortilège de la mort qui me terrasserait dans moins d'une demi-seconde. Cette phrase que je murmurai alors que la voix d'Harry me demandait encore de reculer.

"Pas touche à mon petit frère ! Tu lui fera pas de mal, espèce de moche !"