Chapitre 4 - Eiko
Clo : On se fait un truc ce soir ?
Clo : J'ai besoin de te parler.
Clo : toi aussi je suis sûre.
Clo : tu lui diras quoi ? Oh Rose... Si tu savais... Je t'aime depuis toujouuurs.
Moi : C'est amical, Clo, amical. Je vais rien faire du tout.
Clo : t'inquiète que j'y crois.
Moi : mais c'est vrai ! Tu ferais quoi si t'allais déjeuner avec Vic toi ?!
Clo : a ceci près que je suis PAS sur Victor.
Je secouai la tête en riant en imaginant la tête qu'elle avait dû faire en voyant mon message. Je jetai ensuite un discret coup d'œil à la prof de français, mais son analyse de texte avait l'air de la passionner.
Moi : mais bien sûr.
Clo : Tu ne me crois pas ?
Moi : parce que je suis censée le faire ?
Clo : t'es vraiment insupportable.
Moi : c'est pour ça que tu m'aimes.
Moi : mais ok pour ce soir. Enfin cet après midi non ? On est mercredi...
Clo : je fais latin. Je sors à 16. Tu me rejoindras.
Moi : latin...
Clo : tais toi je regrette assez comme ça.
Moi : Mais à quoi ça te sert...?
Clo : avoir 20 de moyenne ?
Moi : ma pote est une génie du latin...
Un coup de coude dans mes côtes me fit lever la tête. La prof venait dans ma direction. Je rangeai prestement mon téléphone et me penchai sur ma feuille en faisant un clin d'œil à Yseult. Elle sourit en retour.
- C'est elle ? demanda-t-elle en désignant mon téléphone.
Je répondai par la négative.
- Sa cousine.
Un rire lui échappa. Je lui donnai un coup de coude à mon tour, alors que la prof de français repassait à côté de nous.
- Tu récupères les cousines ? reprit-elle au bout d'un moment.
À nouveau je répondais par la négative.
- C'est ma meilleure amie.
Elle ondula des sourcils et je levai les yeux au ciel. Je cherchai une répartie.
- Tu peux toujours parler louloute, mais ils sont vraiment persuadés que je suis avec toi...
- À cause de samedi soir. compléta-t-elle.
- Plutôt dimanche matin.
- Du pareil au même.
Nous nous arrêtâmes à nouveau et je me replongeai dans l'étude de Montaigne.
- En tout cas merci. J'ai un déjeuner avec elle demain.
Elle haussa les épaules et m'adressa un sourire timide.
- Avec plaisir écoute je n'ai rien fait de spécial.
À mon tour de hausser les épaules.
- Ça peut déranger certaines personnes d'embrasser... Une personne du même sexe sans être homosexuelle...
Elle pris un air sévère et tapota du stylo la table.
- Je pensais que tu avais une meilleure opinion de moi que ça.
Je compris soudain qu'elle se sentait vexée et fis marche arrière.
- Non mais... Je ne pensais pas à toi particulièrement. C'était une généralité. Je te remerciais juste parce que grâce à toi j'ai réussi à gagner, et puis même si je l'ai pas rendue jalouse... Je sais pas. Juste merci.
Elle sourit timidement et je rougis. Ce qui était assez ridicule, par ailleurs. Je me reconcentrai sur l'étude de texte et ignorai ma jolie voisine jusqu'à la fin du cours, et avec succès.
Plus tard, je sortais du lycée presque en courant en espérant attraper le premier train.
- Bon pour demain ma Eiko je t'attendrai devant ta salle je pense. Tu sors à quelle heure ?
Je me retournai au son de la voix de Rose qui me prit par surprise. Elle se tenait juste derrière moi, son sac sur une épaule, l'autre main rentrée négligemment dans la poche de sa doudoune légère. Le temps s'était rafraîchit durant le week-end et le vent froid ne faisait rien pour arranger ça.
- Alors ?
Elle attendait ma réponse patiemment, en se calant sur mon allure. Je regardai derrière nous, persuadée de voir apparaître à un moment ou à un autre un autre membre du groupe, Rose étant rarement seule, mais cette fois, non, ce n'était que nous deux.
Ce qui n'est pas pour me déplaire.
Je reconnectai mes neurones et lui répondis enfin :
- Le dernier cours de la matinée...
Elle me donna un coup de coude en se moquant gentiment.
- Non enfin, le dernier cours de la nuit, ça me parait bien plus logique.
Je tirai puérilement la langue.
- Donc. Je disais. Je finis à midi dix. Salle B25.
- Bâtiment des premières ?
- Non celui des CM2 ça me parait extrêmement logique.
À son tour de tirer la langue. Je ricanai.
- T'es toute seule ? repris-je.
Le portail apparut et nous dûmes montrer notre carte de lycéenne ce qui l'empêcha de répondre.
- Oui. répondit-elle finalement. Ils ont encore cours, les autres. Et Solal Nour et Clo ont des options en plus.
J'acquiesçai lentement, alors que nous rejoignions le parvis. Je pensai que nous allions continuer notre conversation, ou du moins l'espérai, mais je captai un regard que je n'étais pas censée voir en direction d'un groupe de terminales que je ne connaissais pas. Je ne mis que quelques secondes à comprendre qu'elle souhaitait les rejoindre. Pour nous épargner à toute les deux le malaise de ne pas savoir quand prendre congé, je me dirigeai vers la gare à grands pas en jetant un coup d'œil derrière mon épaule.
- Bon, j'y vais, mon train arrive, à demain Rose !
Elle secoua la main alors que je m'éloignai, un sourire bien trop grand pour la situation sur son visage. Les dernières miettes d'espoir que je retenais sans vraiment me l'avouer dans mon cœur furent réduites à l'état de poussière.
Et dire que la pensée de tout lui dire demain m'a effleuré l'esprit.
LES QUICHES PARISIENNES
Moi : les gars vous commencez à quelle heure demain ?
Vic : Pourquoi, on te manque déjà ?
Moi : Humour zéro. C'est pour savoir quel train je prends et à quelle heure je me lève et donc quand je fais mes devoirs, et du coup si je mange maintenant ou plus tard et en définitive ce que je mange, ça te va ?
Soso : Ta vie me stresse Eik, et je n'ai qu'un point de vue extérieur. Franchement je n'imagine pas l'état de ton cerveau.
Moi : réponds ça l'aiderait.
Nour : Clo et moi avons maths à 8h.
Soso : R. et moi aussi. Mais on a histoire.
Vic : J'ai anglais, toi ?
Moi : Vos emplois du temps donnent pas envie d'être en terminale. Je commence à 9 heures donc je pourrai prendre le deuxième train, me coucher plus tard, donc faire mes devoirs plus tard et donc manger plus tard.
Moi : Mais vous êtes pas censé être en cours là ?
Vic : je suis déçu, je pensais que tu nous connaissais mieux.
Soso : comme si on écoutait.
Moi : Nour et Clo écoutent, ELLES.
Vic : Tu crois ça, vraiment.
Vic a envoyé une photo.
Vic : Je trouve que notre grande physicienne a vraiment l'air passionnée par son cours, non ?
Soso : Clo, fais savoir ton droit à l'image enfin !
Vic : ne t'inquiète pas pour ça elle est en train de m'insulter par message ? Apparemment je "distraits son attention en cours et décrédibilise ses heures de travail".
Clo : Victor sérieux la ferme. En plus je suis hideuse sur cette photo.
Vic : Si seulement c'était juste sur la photo.
Vous avez retiré Vic du groupe.
Clo : Eiko je t'aime.
Moi : Je sais, je sais.
Le vent soufflait et je tentai sans grands succès de m'abriter en dessous de ma capuche. De fines gouttes d'eau tombaient devant moi et brouillaient ma vision des élèves qui sortaient du portail. Encore une fois, je me trouvai devant le lycée. Clotilde m'avait dit qu'elle ne tarderait plus, et pourtant je l'attendais depuis cinq bonnes minutes, et pour le moins refroidie. J'allumai une énième fois mon écran de téléphone, à la recherche d'une notification de ma meilleure amie, mais mis à part les insultes que Victor m'avait envoyé à midi après que je l'ai viré du groupe WhatsApp, mon écran d'accueil restait désespérément vide.
- Si elle n'arrive pas dans les deux minutes qui suivent... sifflai-je entre mes dents.
- De qui parles-tu avec tant d'amour et de joie ? m'interrompit la voix de la blonde.
Je relevai la tête et assassinai Clotilde du regard.
- Est-ce-que tu as la moindre idée du temps que j'ai attendu ?
Elle haussa désinvoltement les épaules et se mit à marcher.
- De quoi tu voulais me parler ? demandai-je en lui courant après.
Elle fronça les sourcils mais ne dit rien.
- Attends qu'on soit chez moi, je ne fais pas confiance à la rue, il y a toujours des oreilles indiscrètes qui trainent, surtout pour espionner la cousine de Rose.
J'acquiesçai, parfaitement au fait que leur lien de parenté était plus un poids qu'une opportunité pour elle.
- On rentre à pied ?
Clotilde me dévisagea comme si je venais de lui proposer de tuer sa mère.
- On prend le bus espèce de malade !
Je levai les mains dans un geste défensif alors qu'un éclat de rire menaçait de me trahir.
- On se calme madame, je ne savais pas !
La porte de la maison de Clotilde m'avait toujours fait rire. Et pour cause, elle était orange, ce qui n'était pas à proprement parlé une couleur classique. Mais elle représentait assez bien la mère de ma meilleure amie, d'une excentricité certaine, et qui contrastait avec le caractère droit, presque militaire de son mari.
Ma meilleure amie m'ouvrit et me fit signe de la suivre. Je m'allongeai immédiatement sur son canapé alors qu'elle partait chercher le fondant au chocolat qu'elle avait préparé hier.
- On se regarde un truc ? demandai-je en prenant la télécommande.
Elle me répondit en criant depuis la cuisine.
- Grave ! Ce que tu veux... Mais je me sens dans un mood à me moquer des téléréalités.
Satisfaite de sa proposition, je lançai un épisode des Marseillais au hasard alors qu'elle arrivait avec le gâteau. Je me frottai les mains d'impatience.
- Ça à l'air absolument délicieux. Franchement à quoi bon devenir ingénieure quand tu peux faire ces merveilles ?
Elle leva les yeux au ciel, prit une part et bougea mes pieds pour s'asseoir sur le canapé, les genoux ramassés contre elle.
- De quoi tu voulais parler ? demandai-je une nouvelle fois en prenant une bouchée merveilleuse.
Elle soupira lourdement avant de laisser échapper un ricanement quand une candidate se retrouva avec une couche beaucoup trop importante de fond de tein.
- De Rose et... Et toi.
Je grognai. Au même moment, un groupe de candidat aussi intelligent qu'une serpillière fomentait un plan supposément machiavélique dans leur coin. Clotilde posa une main rassurante sur mon avant-bras.
- Comprends moi Eiko, je... Je connais ma cousine. Et je te connais toi. Je sais que tu es amoureuse d'elle depuis des années...
- Des années, c'est peut être un peu exagéré... protestai-je à mi-voix.
Elle soupira et se mit à décrire des cercles sur mon poignet.
- C'est pas la question Eik'. La question, c'est qu'elle t'a invitée à sortir pour une raison inconnue...
- J'ai gagné le défi.
Je me rengorgeai au souvenir de cette victoire, et de Rose qui tenait à peine debout à cause de tout l'alcool qu'elle avait ingurgité. Mais la blonde ne partageait mon enthousiasme.
- Tu sais très bien que ce n'est pas ce que vous aviez parié. Elle t'a donc invitée à sortir pour une raison inconnue mais sans aucun sous entendus et toi... Et bien je me doute que tu dois te faire des films.
- Je...
- Interromps moi encore une fois et tu n'as plus de gâteau, et tu peux être sur que je vais tenir ma promesse.
Je me tus immédiatement et attendit qu'elle reprenne. Le chantage n'avait jamais marché sur moi, mais le gâteau au chocolat de Clo... C'était une institution.
- Fais attention à toi Eik'. Tu sais comment elle est. Ou n'est pas. Dis toi que un jour ou l'autre... Il va falloir tourner la page. Elle ne t'aimera jamais comme tu l'aimes, et j'ai vraiment pas envie que ma meilleure amie soit détruite à cause de ma cousine.
- C'est bon t'as fini ?
Elle m'assassina du regard.
- Dis moi tout de suite si tu n'en as rien à faire de ce que je dis.
- Clo... Le prends pas comme ça...
Elle se renfrogna, et je me redressai pour être à sa hauteur. Je posai ma tête contre son épaule et glissai mes mains autour de sa taille, en prenant garde à ne pas trop serrer pour ne pas qu'elle se braque. Mais elle me laissa faire et posa son menton sur le sommet de mon crâne en soupirant.
- Je sais déjà tout ça. Rose est cruelle avec moi, sur ce plan là. Je me suis déjà préparée. Je ne sais pas ce qu'elle veut mais je sais qu'elle ne veut pas ça. Ne t'inquiète pas Clo, je suis blindée depuis le temps. Elle ne peut plus rien me faire.
Un long silence débuta, brisé par les bruits que faisait la télévision. Je me sentais bien dans les bras de ma meilleure amie. Comme dans un cocon. Nous n'étions pas très friant de contact physique chez moi, mais celui-ci me faisait du bien.
- Je connais ça Eiko... finit-elle par murmurer. Et je t'assures que même si ton esprit en est persuadé, ton cœur ne suit pas du tout.
Comme pour lui prouver raison, mon cœur loupa un battement alors que Rose venait une fois de plus s'immiscer dans mes pensées.
- Je sais.
Le cours de SES traînait en longueur, et l'aiguille de l'horloge semblait me rire au nez. J'étais seule à ma table, au fond de la salle, en train de répondre à des messages de Nour qui me demandait si je faisais quelque chose pour son anniversaire. En réalité, on pensait faire une fête surprise avec les autres, alors j'essayais de détourner la conversation vers des terres moins hostiles.
Soudain, j'avisai un éclair rouge dehors, et je souris doucement. Rose avait mis sa veste en cuir que j'adorais et un jean noir. Elle avait rassemblé ses longs cheveux bruns en un chignon haut et me repéra directement, le nez collé à la vitre du deuxième étage. Elle m'adressa de grands gestes enthousiastes auxquels je répondis plus sobrement, un sourire venant forcer le pli rigide de mes lèvres.
- Mademoiselle au fond, je peux savoir ce qu'il y a dehors de plus passionnant que mon cours ? demanda soudainement la prof en s'interrompant au milieu d'une phrase.
Prise en flagrant délit, je tournai la tête vers le tableau et rougis en voyant tout les regards tournés vers moi.
- Désolée madame.
Pourtant, j'étais tout sauf désolée. J'écoutai patiemment les dix dernières minutes de cours de SES, en jetant régulièrement des coups d'œil vers Rose qui m'attendait assise sur un muret, le tête plongée dans son téléphone, et un pli entre les sourcils. Et enfin, la sonnerie retentit, me libérant. Je sautai presque de ma chaise et sortis le plus rapidement possible, sans un regard en arrière.
Je m'arrêtai devant la porte vitrée pour vérifier que j'étais parfaite. Je portais une jupe noire et un collant en résille, des Doc Martens à fleurs et un col roulé orange. A mon bras pendait mon sac de cours, noir lui aussi, et une paire de créoles dorées se balançait au bout de mes oreilles. Pour la première fois depuis la fête de samedi, je m'étais maquillée, mascara et rouge à lèvres légèrement rosé.
- Bon Narcissette, je vais pas t'attendre toute la soirée !
Je sursautai violemment, alors que Rose apparaissait juste à côté de moi, les bras croisés et la mine moqueuse.
- T'es très bien, promis, mais on peut y aller maintenant ?
T'es très bien. Concentration Eiko.
- On peut y aller. Tu dois être de retour pour quelle heure ?
- On a une heure et demi. Mais il y a une petite trotte à faire.
On partit aussitôt, moi courant derrière mon amie qui avançait à toute allure. Nous dépassâmes le parvis et nous enfonçâmes dans la ville. Bientôt, seul le chant des oiseaux nous tint compagnie, nous étions dans la forêt, sur un sentier très peu passant. Rose ralentit enfin à l'approche d'un petit étang, et je pus enfin reprendre ma respiration.
- Inscris-toi au marathon, haletai-je, tu es trop rapide pour moi !
Elle jeta un regard derrière son épaule et me vit pliée en deux en train de chercher ma respiration. Un sourire ourla ses lèvres.
- C'est la danse, ça donne du cardio. répondit-elle seulement.
Elle s'assit sur l'herbe et joua avec quelques brins autour d'elle.
- On va manger ici. J'ai fait des sandwichs.
Je haussai les sourcils.
- La grande Rose a fait des sandwich ?
Elle haussa les épaules.
- Rosemonde a pleins de talents cachés.
Je pris un air dramatique et m'assis à côté d'elle.
- Si seulement on voyait plus Rosemonde !
Elle soupira, le visage d'un coup fermé, et les épaules basses, sans faire attention à mon ton humoristique.
- Ma vie serait plus simple si Rosemonde pouvait être là plus souvent.
Perplexe, je fronçai les sourcils.
- Alors laisse la...
Elle tourna la tête vers moi, des larmes au bord des yeux.
- Si tu savais comme c'est compliqué...
Bah non justement, explique moi...
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