Chapitre 10 - Eiko
Je soupirai et me massai les tempes alors que Mei se remettait à hurler dans la chambre d'à côté. Elle était particulièrement imbuvable en ce moment, et sapai surtout tous mes moments de calme et de concentration en s'énervant contre nos parents. Je tentai de comprendre quelque chose à mon cour de maths alors qu'un coup sur le mur séparant nos chambre fit tomber un tableau sur mon lit.
Je relevai la tête, furieuse. C'était la goutte de trop. Je me dirigeai vers sa chambre à grand pas et envoyai sa porte cogner contre son mur. Elle était allongée sur son lit, la main à mi chemin entre sa tête et le mur et il n'y avait aucun doute quant à sa destination.
- Mei, soupirai-je en tentant de contenir mes tremblements de rage, j'essaie de travailler, est-ce que tu pourrais te calmer s'il te plait ?
Elle haussa les épaules et eut un sourire angélique.
- Je te dérange ?
En me pinçant l'arrête du nez, je désignai son poing et le mur.
- Tu allais frapper sur le mur volontairement pour faire du bruit, alors oui, effectivement, tu me dérange.
Elle s'assit en tailleur avant de hausser les sourcils.
- Ce n'est pas ma faute si tu te retrouves à travailler un vendredi soir plutôt que d'étendre ta vie sociale...
Refusant de lui donner ce qu'elle attendait, j'enfonçai mes ongle dans ma paume.
- Je te demande une chose Mei : de rester calme, tu peux le faire non ?
Ma petite sœur fit mine d'y réfléchir en se tapotant le menton avec l'index.
- Ça peut se négocier.
J'eus un sourire crispé et lui lançai un dernier regard d'avertissement avant de fermer la porte derrière moi. Je soupirai lourdement dans le couloir avant de repartir vers ma chambre. Au même moment mon portable vibra dans ma poche. Je le sortis et, vérifiant que ma mère n'était pas dans les parages, je rentrai dans ma chambre.
C'était Clotilde qui tentait de me joindre par FaceTime. Je me jetai sur mon lit en acceptant l'appel et gémis en sentant le cadre qui était tombé suite aux coups de ma sœur, sous mes côtes. La tête inquiète de ma meilleure amie apparut soudain.
- Ça va ?
- Ouaip je...
Je dégageai le tableau et le posai par terre avant de revenir au téléphone.
- Voilà. J'avais un tableau qui me faisait mal.
Sa tête blonde pixelisée haussa les sourcils.
- Je vois.
Je me retournai sur le dos et coinçai un oreiller saumon sous ma tête.
- Pourquoi tu m'as appelée ?
Un long soupir lui échappa puis, par mouvements saccadés à cause de la mauvaise connexion elle approcha la caméra de son œil.
- Il me faut une excuse pour appeler ma meilleure amie ?
Un rire m'échappa.
- Mais non... C'est juste que là je sais que tu en as une !
Sa tête entière réapparut dans le champs de la caméra et elle fit une moue.
- Tu me déçois, tu as une si mauvaise opinion de moi...
Sans répondre, je me tortillai pour atteindre mon stick à lèvre posé sur ma table de nuit et m'en appliquai une couche sur mes lèvres gercées. Elle finit par lever un bras, l'autre ayant le téléphone.
- Ok, j'avoue, j'avais une raison. Ça va pas te plaire.
Je grimaçai en creusant mes méninges pour tenter de deviner ce qu'elle allait me dire.
- Rien de ce qui ne s'est passé dans ma vie cette dernière semaine m'a fait plaisir alors bon...
Au tour de ma meilleure amie de grimacer. je me sentis soudainement très seule, dans cette chambre, sans avoir personne à qui m'attacher.
- Je vais me réconcilier avec Rose.
A l'évocation du prénom de la brune, mon stupide cœur loupa un battement. Pourtant, depuis l'officialisation de sa relation avec Alex, je ne l'avais plus aperçue. En même temps un seul jour s'était écoulé, mais là n'était pas le problème. Parfois, je me disais que c'était mieux si je ne la revoyais jamais, ou alors que nous devrions mettre cette situation au clair. Et pourtant, jeudi, parfaitement au fait de la situation, je n'avais rien fait, je m'étais contentée de l'observer au loin sortir son petit cinéma qui avait eu l'air de tromper tout le monde, sauf ses amis proches. Je l'avais aussi sentie m'observer. Je m'étais sentie particulièrement fière d'avoir réussi à capter son attention, mais au final à quoi ça avait servi ?
Clotilde s'éclaircit la gorge, me ramenant au problème présent. Je me passai une main dans les cheveux.
- Et bien... Que veux-tu que je te dise ? Félicitation ? A quand les gosses ?
Mon ton amer me surpris moi-même. Je vis le visage de mon amie se fermer et je m'en voulus aussitôt.
- Désolée. C'était injuste. Fais ce que tu veux, je ne suis personne pour juger tes fréquentations... Et puis c'est ta cousine. La famille c'est sacré. Et moi-même si je pouvais je le ferai donc... Qui suis-je pour critiquer ?
Un soupir de soulagement s'échappa de mon téléphone et je souris faiblement.
- Ouf. J'avais eu peur que tu le prennes mal.
- Comme ce que j'ai fait au début ?
Elle rit de bon cœur.
- Un peu oui.
- Tu sais que tu n'as pas à t'inquiéter pour ça. En tout cas de ma part.
- Je sais.
Un silence s'installa. Elle disparut, me laissant avec une vue privilégiée sur son plafond blanc avant de réapparaitre avec un cookie.
- Juste... Pourquoi ?
Elle ouvrit la bouche mais sa réponse ne me parvint jamais alors que le symbole de reconnexion apparaissait à l'écran.
- Tu disais ? demandai-je quand je la vis à nouveau.
- Elle va mal. Enfin je le sais, toi aussi, Nour, Solal et même Victor l'ont vu. Je veux l'aider, je ne peux pas la laisser seule comme ça. Je ne sais pas pourquoi elle s'est décidée de sortir avec... Machin, mais je veux le savoir. Je veux la soutenir comme je peux, parce que je ne suis pas sûre que Victor puisse le faire tout seul, tu sais comment il est...
Je laissai échapper un ricanement. Je savais très bien qu'elle ne lui faisait aucune confiance, même si ce n'était pas forcément justifié.
- Clo... Tu sais très bien qu'il tient à elle et qu'il fera ce qu'il peut...
- Ce n'est pas la question enfin, c'est surtout ce qu'il ne peut pas faire, c'est à dire une grande majorité de choses il n'a pas la subtilité féminine.
Je levai les yeux au ciel.
- Fais lui confiance Clo, il peut gérer. Enfin, si tu veux te réconcilier avec elle pour lui soutirer des infos vas-y...
- Je lui fais confiance ! Qu'est-ce que tu crois ?
Je lui lançai un regard entendu.
- Bref. Il faut que j'y aille avant que Paul ne rameute toute la famille. Tu fais quoi ce week end ?
- Rien de spécial... Je vais bosser un peu. Ah ! Si ! Je vois Elias et Yseult demain, ils vont passer à la maison.
Elle fronça les sourcils et je m'enjoignai à rester calme, pressentant ce qui allait arriver.
- Qui ça ?
- Yseult et Elias. Des potes de ma classe. Je les connais pas depuis longtemps mais...
Elle haussa les épaules, feignant l'indifférence.
- Je croyais que tu n'avais pas de potes de ton niveau ?
J'accusai le coup en silence. Clotilde dut remarquer qu'elle m'avait blessée car elle se dépêcha de se rattraper.
- Mais c'est cool que tu t'en sois fait ! C'est avec eux que tu étais lundi ?
J'acquiesçai.
- Bon bah à lundi du coup !
J'entendis des coups à sa porte et elle se retourna soudainement.
- Paul. devinai-je. Je te laisse ! Bisous !
Je raccrochai sans lui laisser le temps de répondre.
La sonnette me fit sursauter alors que j'étais en train de lire un livre pour les cours au lieu de regarder le film, pour une fois. Ma mère leva les yeux de l'ordinateur et haussa les sourcils. Mei, elle, apparut en haut des escaliers en attendant que quelqu'un fasse un mouvement.
- J'y vais, soupirai-je, ça doit être Elias ou Yseult.
En réalité mes deux amis se tenaient devant le portillon de chez moi, un parapluie ouvert au dessus de leur tête. Je leur fis signe de s'avancer, en restant sous le porche pour me protéger de la pluie fine, et jetai un coup d'œil derrière moi en faisant comprendre à Mei que cela ne la concernait pas.
- Salut Eiko ! s'exclama Yseult en arrivant à ma hauteur, les joues rouges, les yeux pétillant.
Je remarquai sans véritablement le voir le bras d'Elias enroulé autour de sa taille. Ce dernier m'adressa un petit sourire et ils pénétrèrent dans ma maison. Après qu'ils eurent ôté leur chaussures, je les guidai jusqu'à ma chambre. En la découvrant, Yseult battit des mains et s'écroula sur mon lit.
- J'aime trop ta chambre Eik' !
Elias, plus calme, s'assit à califourchon sur ma chaise de bureau et m'observa me diriger vers mon étagère qui débordait de vinyle.
- Je mets quoi ? leur demandai-je.
- T'as quoi ? répondirent-ils d'une seule voix.
Je les vis échanger un regard complice.
- Un peu de tout.
Ils haussèrent les épaules en concert. Je haussai les sourcils et les dévisagèrent chacun leur tour.
- Depuis quand vous êtes siamois au juste ?
Yseult eut un léger sourire qu'elle s'empressa de dissimuler. Pourtant la réponse me vint aussi clairement que de l'eau de roche.
- Je reformule : depuis quand est-ce que vous vous parlez et envisagez d'être en couple ?
L'idée ne me dérangeait absolument pas, j'étais même heureuse pour eux, mais quelque chose me perturbait.
- Depuis que tu nous as présenté... avoua Elias.
Il lança un coup d'œil protecteur à la blonde sur mon lit, et je sentis mon ventre se tordre de jalousie devant son intensité.
- Ça fait... Même pas une semaine, fis-je remarquer en comptant sur mes doigts.
Yseult s'allongea sur le ventre alors que je lâchai enfin mon étagère, décidée à tout savoir de leur relation.
- Ce n'est que le début, on apprend à se connaître tu sais.
J'acquiesçai lentement.
- Du coup ça fait cinq jours que je tiens la chandelle sans même le savoir, c'est ça ?
Ils échangèrent un regard contrit, alors que je poussais les jambes de la jeune fille pour m'asseoir derrière elle.
- Un peu oui.
Yseult gloussa, et je ne pus m'empêcher de faire de même. Je pris un air dramatique, décidée à en rire plutôt qu'à en pleurer.
- Quel dommage que ce soit Elias et non pas Tristan franchement... On devrait passer à l'Etat civil et te changer de nom !
Il sourit.
- Sans vouloir te vexer Ysy...
Je haussai les sourcils devant le surnom. Apparemment, ils étaient encore plus proche que je ne le pensais.
- Je déteste ce prénom, acheva-t-il.
Mon amie haussa les épaules.
- Ce n'est pas moi qui ait écrit l'histoire, j'aurai peut être choisi Elias comme prénom à la place...
Je me cachai les yeux avec ma main, dramatique.
- Mon dieu trop d'amour pour mes pauvres yeux de célibataire endurcie, s'il vous plait ayez pitié de moi...
- Célibataire endurcie, se moqua Yseult en se tournant vers moi, je te rappelle que pas plus tard que la semaine dernière tu embrassais la femme de ta vie et depuis tu n'en parles plus...
Je grimaçai, n'ayant absolument aucune envie de discuter de ce qui avait pu se passe rentre Rose et moi.
- Elle est en couple. J'essaie de passer à autre chose, point.
Elias se pencha soudainement en avant, une drôle d'étincelle dans le regard.
- Mais attends, elle s'est mise en couple cette semaine ?
Je me mordis la joue, en cherchant une réponse adéquate qui ne la trahirait pas.
- Samedi dernier. Pourquoi ?
Je sentis mes joues chauffer à cause du mensonge et je voyais bien dans le regard du brun qu'il n'était absolument pas convaincu, mais il eut la délicatesse de ne rien dire et de relancer la conversation sur un autre sujet.
LES QUICHES PARISIENNES
Vic : comme je suis un génie en plus d'être génial, j'ai décidé d'honorer notre merveilleux nom de groupe si bien choisi par Eiko.
Moi : Merci de reconnaitre ma grande plume.
Vic : de rien. Je disais : pour honorer notre nom de groupe et puis les vacances au passage, sortons à Paris vendredi soir !
Nour : Mais... Je ne sais pas si je pourrai...
Vic : Allez ! C'est même pas ton anniversaire encore !
Soso : C'est bon pour moi !
Rose : J'annule un plan et je suis OK.
Moi : Je demande aux darons mais je vois pas de problème.
Clo : Je verrai.
A la sortie de la bouche de métro, je clignai des yeux pour tenter de m'habituer à la luminosité étrangement élevée.
- Eiko tu regardes un lampadaire, tu ne dois pas y voir grand chose...
Je me retournai sèchement et jetai un regard noir à Victor qui m'observait en se mordant une joue. A côté de lui, Solal taquinai Clotilde, et Nour et Rose observaient la Seine.
- De rien. Je sais que je t'ai sauvé la vie.
- N'exagérons rien, grommelai-je, ce n'est pas comme si tu étais formé aux gestes de premiers secours...
Il se mit à ma hauteur et leva l'index.
- Mettre une brûlure sous l'eau froide et attendre ! Désinfecter les blessures superficielles ! Mettre en position létale de sé...
- latérale, l'interrompit Rose en se mettant à sa gauche, létale ça veut dire mortelle. Ça serait dommage...
Je me mordis la lèvre, déterminée à ne pas lui donner le plaisir de rire. Victor croisa les bras et fit la moue.
- Vraiment ? Eiko t'en penses quoi ?
J'évitai le regard attentif que Rose posa sur moi, et roulai des épaules pour me débarrasser du fourmillement dans mon dos.
- Je crains qu'elle n'ait raison...
- Ah ! Enfer et damnation !
Interloquée, je jetai un coup d'œil à mon ami.
- Tu as fait quoi dernièrement au juste Victor ?
Il haussa les épaules et sautilla pour arriver à hauteur de Solal et Clotilde qui nous avaient dépassé.
- J'ai lu !
Je levai les yeux au ciel, et, sans réellement m'en rendre compte, me tournai vers Rose qui était toujours à mon niveau. Un sourire rêveur flottait sur ses lèvres, et je songeai avec une pointe de jalousie qu'elle devait penser à Alexandre.
- Ton copain a accepté de te laisser sortir ? Étonnant, vu les crises de jalousie qu'il me faisait...
Elle ne répondit rien mais son visage s'était fermé et ses yeux étaient devenus durs. Incapable d'arrêter le venin qui me sortait de la bouche, je ralentis pour mettre plus de distance entre nous et les autres qui s'était arrêtés regarder une devanture, et lâchai :
- Tu as perdu ta langue ? Ou alors tu as oublié de la récupérer quand tu t'es barré je ne sais pas trop...
- Eiko...
Sa voix était menaçante. Mais c'était trop tard, et je vidai mon cœur.
- Tu sais quoi ? Oublie, j'en ai plus rien à faire, juste, petit conseil pour la prochaine fois, parce que je présume qu'il y en aura d'autre, vu comment tu es partie, évite...
- Eiko !
Sa voix claqua dans le silence de la nuit parisienne. Nous étions seules, les autres avaient disparu au coin d'une rue, et le fantôme de la cathédrale Notre-Dame semblait rire de nous, sur l'autre rive de la Seine. Les quais étaient déserts, sûrement à cause du temps peu clément et de l'heure, et seuls les échos de la musique des bars au loin venaient troubler le silence de plomb qui s'était abattu sur nous. Rose tremblait en face de moi, mais je ne savais pas pourquoi.
- Je suis désolée, ok ? J'aurai du faire quelque chose, dire quelque chose, mais je me suis dégonflée.
- Comme il y a deux semaines, marmonnai-je.
Elle leva les bras en soupirant.
- Qu'est-ce que tu veux Eik' ? Qu'est-ce que tu veux que je te dise, que je fasse, pour te faire comprendre que je regrette ce qui s'est passé ?
- Que tu le dises. C'est bon, j'ai compris. Je vais t'éviter de le dire, je vais le faire moi-même : t'es désolée mais ça ne pouvait pas marcher tu ne sais pas ce qui t'as pris mais c'était une erreur surtout que tu es hétéro, tu es vraiment désolée que ça soit venue interférer avec notre amitié parce que tu ne veux pas que ça change notre relation, qu'on continue à faire des conneries toutes les deux. Tu es vraiment désolée de ne pas avoir été claire avec moi et de m'avoir donné des faux espoirs. Mais tu sais quoi Rose ? Moi aussi je suis désolée.
- Ei...
- Allons rejoindre les autres, la coupai-je en me dirigeant vers la rue où ils avaient disparu quelques minutes plus tôt, et pas de soucis, on en reparlera plus.
Je lui tournai le dos et me mis à marcher, la laissant seule et désemparée derrière moi.
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