9.Une vérité qui dérange

Elekya était une véritable splendeur. Une succession de morceaux de roches flottaient dans les airs, reliés par des escalators conçus à l'aide de la magie. Lorsqu'elle posa le pied sur le premier îlot, le plus imposant, elle et ses amis traversèrent plusieurs arches de pierres blanches jusqu'à des portes en métal. Une fois passé les battants, des soldats, reconnaissables par leurs uniformes blancs, terminant en robes et les masques qui dissimulaient parfaitement leurs visages, fouillaient les arrivants avec minutie.

Argas et ses compagnons ne faisaient pas exception. Ils furent rapidement interrogés pour connaitre les motifs de leur venue, puis ils présentèrent un badge qui les autorisait à entrer. Quand Noria se retrouva face aux protecteurs de la cité, ils lui demandèrent le fameux insigne qu'elle ne possédait pas.

– Des nouveaux venus ? s'étonna la personne en face d'elle. Bienvenue chez vous, Titanomancien.

Noria hocha la tête pour le remercier. Installée derrière un bureau, une employée s'occupait de préparer leur carte qui leur donnerait accès à toute la ville, et entre temps, il devait s'enregistrer dans un registre. Noria y inscrit son nom, l'endroit où elle avait reçu le rituel pour devenir Titanomancien et la personne qui l'avait accompagné dans cette démarche. Quand ils lurent le nom du Sage Gavion, un visage surpris s'empara de la dame d'âge mûr aux longs cheveux de feu.

– Par un Sage ? demanda-t-elle. C'est assez rare.

– Ah oui ? Le Sage Gavion nous a beaucoup aidés tous les trois, expliqua Noria.

– C'est quelqu'un de bien, dit-elle avec le sourire. Voilà vos badges. Gardez-les, vous devrez les présenter ici à chaque entrée.

Grâce à cela, et après les avoir fouillés, Noria et ses amis purent passer des portiques de sécurités. Argas les attendait près de la sortie, seul.

– Où sont passés Egel et Civine ? demanda Allen en fouillant les lieux bruyants de monde du regard.

Il fit un signe du doigt vers l'extérieur.

– Ils sont partis à l'hôpital, la pauvre Civine a besoin de meilleur soin.

Ainsi, même Elekya possédait son hôpital ? Noria avait tant à découvrir ici. Mais elle s'attendait à tout sauf à ce spectacle en passant le sas de sortie. À l'extérieur, elle remarqua une allée bordée de somptueux jardins. Dans les cieux, six autres continents flottaient dans les airs, et d'ici, elle pouvait voir les immenses cascades d'eau claires plongées d'une île à l'autre. Plus haut encore, une sphère encerclée d'ailes mouvantes brillait aux lueurs du soleil.

– C'est l'académie d'Elekya, expliqua Argas. Tout le monde passe par cette étape obligatoire, cela nous permet d'apprendre à utiliser nos pouvoirs.

Noria aurait bien aimé s'y rendre. Peut-être que grâce aux enseignements de ces professeurs, elle pourrait devenir suffisamment forte pour combattre tous les adversaires qui se dressaient face à elle. Mais pour l'instant, elle devait trouver Ozia au plus vite.

Argas les guida le long de l'allée, où peu de monde circulait. Néanmoins, l'animation prenait de l'ampleur au fur et à mesure qu'ils approchaient de la Grande Ville. Des bâtiments de pierres blanches et aux toits de briques s'étalaient à perte de vue, tandis que des tuyaux de cuivre acheminaient la vapeur nécessaire pour les habitants. Des lampadaires de cristaux à essences bordaient les rues piétonnes empruntées par les nombreux Titanomanciens.

– Voici l'îlot central. C'est ici qu'habite une grande partie des Titanomages. Vous y trouverez des magasins, des usines, et surtout des habitations...

Noria écarquilla les yeux en voyant le moyen de transport. En fait, chaque Titanomage possédait une paire d'ailes de leur élément, leur permettant de voler vers leur destination. D'un coup, Noria se sentit bête de n'avoir jamais pensé à en concevoir pour se déplacer dans les airs.

– Euh... Noria ? appela Hirelda. On aurait pu faire des ailes nous aussi, non ?

Noria pouffa.

– Je viens de penser à la même chose que toi.

– Pourquoi Gavion ne nous en a pas parlé ?

– Il va falloir lui demander. Encore un secret ? soupira Noria.

Ils pénétrèrent dans la ville. C'était incroyable de voir autant de leur congénère réuni dans un même endroit. Noria ne savait même pas comment trouver les prisons, le tout sans dévoiler à Argas la raison de leur présence. En marchant, l'odeur de la nourriture attira leur attention. Des restaurant profitaient de leur terrasse bruyante pour appâter d'autres clients. Au menu, des plats venus du monde entier étaient servis. L'estomac de Noria se réveilla face à ces odeurs alléchantes. Mais elle ne pourrait pas encore en profiter. Au détour d'une rue, des soldats leur firent face et une Titanomage à la peau sombre et au crâne rasé leur fit signe de s'arrêter. Son regard noir perçait Noria et ses compagnons. Elle portait une veste mi-longue et un pantalon noirs rapiécés grâce à des coutures d'un orange citrouille.

– Noria Orwyn ? demanda-t-elle d'un ton impérieux.

Noria s'arrêta et pâlit sur place. Ses yeux cherchaient quelqu'un pour l'aider face à tous ces soldats, mais des murmures s'élevaient déjà dans la rue. À peine arrivée à Elekya, que les problèmes commençaient déjà. Elle se demandait si elle n'attirait pas les ennuis, tel un aimant, pour avoir des soucis à chaque fois qu'elle se rendait quelque part.

– Oui, répondit-elle à mi-voix.

– Veuillez me suivre.

– Attends, Leela, interpella Argas en s'approchant d'elle. Qu'est-ce qui se passe ?

La dénommée Leela le toisa de son œil d'aigle. Une main posée sur son torse, elle le repoussa gentiment pour qu'il s'écarte de son chemin.

– Ils sont demandés par les Sages Gavion Tyderis et Odiango Assmalt.

D'entendre ces noms, Argas se tourna vers ses compagnons de fortune, un air ahuri sur le visage. Noria, elle, comprenait pourquoi on venait les chercher. Après tout, Gavion avait expliqué qu'il prendrait les devants pour faciliter leur arrivée à Elekya et sauver leur amie. Même si cela allait nuire à la visite de la ville, ils allaient revoir Ozia bien plus rapidement que prévu.

– Qu'est-ce que vous avez fait ? demanda Argas en reculant.

– Rien, avoua Noria. On est venue voir quelqu'un. Désolée de ne rien t'avoir dit, regretta Noria.

Argas acquiesça d'un hochement de tête. Il semblait les croire sur parole, surtout après avoir sauvé la vie de Civine dans le train, mais un doute subsistait dans son regard. Néanmoins, il leur promit de les retrouver plus tard pour leur faire visiter le reste d'Elekya, et Noria accepta avec plaisir.

Une fois éloigné, Leela Katsu, chef de la sécurité, se présenta avant de les escorter en direction de l'est.

– Vous ne savez pas voler ? demanda-t-elle de son ton glacial.

– Non, avoua Noria. Nous ne connaissons pas tous les rudiments de la Titanomagie.

– Alors, suivez-moi.

Elle ne semblait pas encline à discuter. Au contraire, murée dans son silence, Leela traversait la ville sans dire un mot. L'automne accompagnait aussi Elekya dans cette nouvelle saison. La population décorait les rues de guirlandes aux couleurs des feuilles, tandis que les icônes de Navagard, que ce soit en papier ou en pierre, voir même tailler dans des citrouilles, inondaient les maisons des riverains. Un léger vent soufflait à travers les rues bondées de monde du quartier commerçant. Quelques arbres épars offraient de l'ombre aux passants, tandis que la nature avait le droit à un traitement de faveur dans la ville. De temps à autre, ils passaient devant de petits étangs à l'eau claire, où les Titanomanciens pouvaient se détendre sur des bancs, ou sur des carrés d'herbe fraichement coupée. Non seulement Elekya proposait des produits venus du monde entier, mais certaines présentaient les dernières nouveautés sorties des industries de la cité. Hirelda souhaitait en voir bien plus, mais les soldats lui demandèrent de ne pas quitter le rang, ce qui n'était pas pour déplaire Noria.

Plus ils avançaient vers l'est, plus ils se rapprochaient d'Ozia. Après une bonne heure de marche, ils traversèrent une forêt d'arbres aux feuillages d'un bleu azur, puis arrivèrent devant un autre escalator menant à un nouveau morceau de terre, flottant non loin au-dessus de celui-ci. De l'eau tombait en cascade jusqu'à leur îlot dans un brouhaha incessant pour y remplir la rivière.

Noria continuait de suivre Leela, qui, une fois sur le continent du dessus, les mena dans une nouvelle forêt, mais cette fois le feuillage des arbres prenait les teintes de l'automne. Bien plus épais et feuillus que les autres, les cimes filtraient davantage les rayons du soleil. Quelques oiseaux virevoltaient à travers les branches pour retourner dans leur nid, tandis que des animaux se promenaient librement sans avoir peur de se faire chasser. Quelques Titanomanciens de terre s'occupaient d'eux avec plaisir. Comme s'ils étaient en harmonie avec la nature, et que celle-ci leur rendait leur bienveillance. Des fruits de diverses tailles poussaient sur les branches, et les cueilleurs les récupérait dans des paniers.

En sortant du bois, un petit village les attendait. Noria observa les alentours et remarqua, plus loin au sud, des bâtiments plus grands s'étendant dans les plaines.

– Qu'est-ce qui se trouve là-bas ? demanda Allen.

Leela ne se retourna même pas pour l'observer.

– Le quartier industriel.

Son ton froid ne permettait pas la discussion, même si elle consentait à leur répondre. Après encore une bonne marche, impossible de ne pas reconnaître ce qui servait de bâtiment pour la justice. Fait de pierres noires, il s'élevait vers les cieux avec ses deux grandes tours dont les pointes tentaient de percer la voûte céleste. Sur la façade, une balance ornait les grandes portes que les soldats ouvrirent en voyant arriver Leela.

L'intérieur donnait dans un hall carrelé de blanc, très propre, avec un tapis noir orné d'or et d'icône représentant la justice. Il menait vers une autre porte au fond, alors qu'un comptoir sur la droite accueillait les visiteurs. Comme prévu, beaucoup de soldats gardaient cet endroit, et dans un coin, Noria remarqua une porte qui menait sans doute dans les sous-sols où se trouvait les cellules.

Après les deux battants, le tapis offrait trois nouvelles entrées. Leela expliqua qu'il s'agissait des salles du jugement, là où les criminels se voyaient octroyer leur sentence. Au lieu de ça, ils montèrent des escaliers en colimaçon pour rejoindre le sommet d'une tour. Dans la salle que leur présenta Leela, un homme à la peau sombre attendait assis en tailleur sur un tatami. De l'encens diffusait une odeur boisée, tandis qu'une grande balance ornait le mur derrière lui. Les mains jointes, les yeux fermés, l'homme ne bougeait pas malgré cette intrusion. Comme il était chauve, il était impossible de connaître les éléments du Sage.

– Sage Odiango Assmalt, voici les Titanomanciens invités par le Sage Gavion Tyderis.

Lorsqu'il ouvrit les yeux, ses pupilles ambre rutilantes scrutèrent Noria et ses compagnons. Vêtu d'une longue veste indigo avec un haut col aux extrémités reliées par une chainette en or, il dissimulait habilement les tatouages de son cou. Un collier de perles tombait sur son torse recouvert d'une tunique noire aux liserés d'or.

– Merci, Leela, dit-il d'une voix grave. Tu peux disposer.

Noria et ses amis s'avancèrent et firent une légère révérence en respect à son rang. Il baissa la tête, signe d'acceptation.

– Vous êtes venu ici à la demande du Sage Gavion Tyderis, commenta-t-il. Vous désirez votre amie Ozia Azuri avant son exécution. Est-ce correcte ?

Noria acquiesça, mais elle n'allait pas en rester là.

– C'est en partie exact, répondit-elle.

Sa réponse piqua Ogiango au vif. Il plissa les yeux, attendant la suite de sa tirade.

– Mais nous venons mettre un terme à cette fausse accusation, continua Noria en rassemblant tout son courage.

Odiango soupira longuement.

– Savez-vous de quoi est-elle accusée ?

Noria resta muette. Elle ne savait encore rien de toute cette histoire.

– Nous aimerions justement le savoir, railla Hirelda. On n'a pas fait tout ce chemin pour voir notre amie mourir.

Odiango scruta la jeune femme avec défiance, n'appréciant guère le ton qu'elle prenait pour lui parler. Mais au lieu de la rabrouer, il expliqua le cas d'Ozia.

– Ozia est accusée d'avoir assassiné son frère, Itaki Azuri, il y a plusieurs mois.

Noria écarquilla les yeux. Les explications données par le Sage Odiango ne semblaient qu'être une vaste blague. Cette jeune femme avait tout fait pour l'aider contre sa malédiction, et malgré son ton parfois glacial, elle faisait tout pour aider les autres. Alors comment pouvait-elle assassiner son propre sang ?

– C'est une plaisanterie ? s'énerva Allen. Ozia ne ferait jamais une chose pareille !

Odiango le dévisagea un instant.

– Nous avons toutes les preuves qu'il s'agit de son méfait.

– Et qu'est-ce qu'elle en dit ? s'énerva Hirelda. Parce que ça m'étonnerait que ce soit Ozia l'assassin !

Odiango allait leur répondre quand la porte de la pièce s'ouvrit à la volée, crachant une personne qui leur tardait de voir : Gavion Tyderis.

– Qu'elle est innocente, termina-t-il d'un ton bien trop jovial.

Noria avait toujours dû mal à le cerner. Son air enfantin laissait entendre qu'il en savait davantage, mais au lieu de tout leur révéler, il restait énigmatique et entra pour rejoindre Noria.

– À vrai dire, je trouve ça étrange qu'elle ait tué son frère. Surtout au vu des risques qu'elle a pris pour sauver une amie, expliqua-t-il en posant une main sur l'épaule de Noria.

Odiango fronça les sourcils.

– Les preuves montrent qu'il s'agit bien d'elle. La justice lui sera donnée.

Gavion, toujours en train de sourire, tendit l'index et le bougea de gauche à droite.

– Mais un appel pourrait retarder cette exécution le temps de trouver des preuves du contraire.

Il s'agissait maintenant d'un jeu de lois entre deux Sages. Même si Odiango représentait la justice d'Elekya, il ne pouvait que se plier aux lois de leur ville. Or, Gavion les connaissait tout aussi bien que lui et s'apprêtait à les utiliser pour sauver leur amie.

– Je suis sûr qu'elle pourra nous apporter des éclaircissements sur cette affaire, continua Gavion. N'est-ce pas ? Car je suppose qu'elle a été interrogée ?

La mâchoire d'Odiango se crispa un instant.

– Évidemment. Mais Ozia Azuri a refusé de répondre à toutes nos questions.

– Dans ce cas, je pense qu'elle parlera à ses amis.

Plus question de tergiverser. Noria savait que tout allait se jouer dans les quelques minutes qui arrivaient. Quand Odiango se leva et acquiesça d'un hochement de tête, il accepta de les guider jusqu'aux cellules. Ils prirent les portes gardées du rez-de-chaussée, puis descendirent dans les entrailles de la terre. Éclairés par des lanternes à cristaux, les murs gris gravés de symboles guidaient les Titanomanciens à travers une série de cellules.

Puis quand ils virent Ozia, assise sur son lit dans son uniforme de prisonnière, le regard éteint, le cœur de Noria rata un battement. Elle agrippa les barreaux et l'appela. Celle-ci leva les yeux vers elle et un léger sourire se dessina sur son visage. Mais elle ne bougeait toujours pas, comme si elle avait accepté son sort.

– Ozia Azuri, appela Odiango en ouvrant la porte. Vous allez être entendu une nouvelle fois. Tâchée de répondre aux questions si vous espérez un jugement adéquat.

Même avec ça, elle ne bougeait pas. Noria ne comprenait pas son mutisme. Pourquoi ne se défendait-elle pas ? Personne n'osait braver le silence, tout le monde rivé sur la prisonnière. Odiango secoua lentement la tête, en résignation, alors qu'il savait très bien qu'elle ne broncherait pas d'un pouce. Tout ce chemin pour la laisser dans cette prison sans fenêtre ? Noria ne pouvait pas l'accepter.

D'un pas hâtif, elle franchit la porte sous les grognements d'Odango, puis attrapa son amie par les épaules. Vêtue d'une tenue de prisonnier d'un bleu ciel uni, elle tira son col pour la forcer à la regarder droit dans les yeux. Son air abattu fendit le cœur de Noria, mais elle n'était pas venue pour assister à une exécution sans avoir pris la peine de la défendre.

– Ozia, interpella Noria. Arrête de rester là sans rien dire ! Nous sommes venus pour t'aider, alors dis-nous ce qui se passe !

Toujours pas de réponse. Son regard restait éteint, fixant le sol sans oser croiser celui de sa partenaire. Pourtant, après tout ce qu'ils venaient de traverser, elle ne comprenait toujours pas ses réticences de leur dévoiler son passé. Mais son mutisme l'énervait davantage, et elle la secoua à nouveau.

– Ozia ! Tu vas me faire croire que tu as assassiné ton frère ?

Cette question l'interpella. Les sourcils froncés, son regard devint bien plus dur. Piquée au vif, Ozia se redressa et retira les mains de Noria. Mais voir Odiango juste derrière eux semblait l'empêcher de parler. Il était néanmoins impossible qu'il accepte de les laisser seuls pour discuter avec elle. Les lèvres d'Ozia bougèrent, sans pour autant laisser un son sortir de sa bouche, encore hésitante.

– Ozia... murmura Noria.

Elle soutenait son regard. Jamais elle n'abandonnerait celle qui avait risqué sa vie pour la sauver. Un long soupir s'échappa d'Ozia avant qu'elle ne s'installe à nouveau sur son lit.

– Je vais vous expliquer, même si cela ne changera rien...

Noria s'installa à côté d'elle, contente que son amie ait accepté de se dévoiler.

– Quand j'étais jeune, mon frère Itaki et moi avons été vendus dans un clan de Titanomanciens qui usait de leur pouvoir pour nous faire travailler dans des mines de Titanites. Les Sages sont intervenus bien plus tard pour les exterminer et sauver les esclaves tels que nous. Grâce à ça, nous avons eu une famille d'accueil, avons été à l'académie puis nous avons pris notre envol.

Outrée par son passée d'esclavagiste, Noria baissa les yeux, attristée par leur sort. Mais elle fut tout aussi surprise d'apprendre qu'elle avait été à l'académie, après avoir soutenu le contraire.

– Tout allait bien dans le meilleur des mondes, puis mon frère à découvert une conspiration au sein d'Elekya.

Cette fois, Ozia avait toute l'attention du Sage épris de justice. Les bras croisés, il s'avança d'un pas, prêt à contredire ce qu'elle allait annoncer. Il ne semblait pas vouloir y croire, surtout dans un monde aussi beau et magique, habité par des Titanomanciens soudés.

– Alors qu'il allait tout révéler, il a été assassiné une nuit. Quand je suis arrivé, son ravisseur était là et avait tout préparé pour me faire inculper à sa place. Une fois m'avoir avoué sa faute, il est parti. Mais au vu de son rang, ma parole ne vaut rien.

– Qui était-ce ? s'exclama Noria.

Son cœur battait la chamade. Elle était déjà prête à bondir du lit pour s'occuper de cette personne, mais Ozia baissa les yeux. Elle se triturait les doigts, une jambe tremblante, et n'osait pas aller plus loin dans son discours.

– Ozia ! tu dois le dire ! poussa Noria. Nous sommes là pour t'aider, alors ne te renferme pas. Je ne t'abandonnerai pas, quoi qu'il arrive.

Les encouragements de Noria l'interpellèrent. Ses yeux vairons ambre et gris fixèrent Noria, comme si elle était son dernier espoir. Bouche bée, elle resta quelques instants de marbre avant de toiser Odiango. Noria sentit son sang affluer dans tout son corps. Se pourrait-il s'agir d'un Sage ? Pourtant, Odiango semblait une personne droite, dont la justice lui tenait à cœur.

– Azim Al-Vassar, finit-elle par avouer.

La prononciation de ce nom cloua Odiango sur place. Les yeux écarquillés, il décroisa les bras et serra les poings. La mâchoire crispée, il foudroyait Ozia du regard. Ainsi, cet homme venait de perdre tout le sang-froid dont il faisait preuve depuis le début de leur entrevue.

– C'est impossible, croassa-t-il. Azim est mon bras droit. Jamais il ne ferait une chose pareille.

Ozia soupira en pointant Odiange d'un geste nonchalant.

– Tu vois ? demanda-t-elle à Noria. Personne ne peut rien pour moi, cet assassin sera protégé par son Sage.

Odiango, interdit, scruta les personnes présentes dans la pièce. Il ne pouvait pas nier les accusations d'Ozia avec tous les témoins présents, et surtout avec celle de Gavion, qui souriait toujours. Noria le soupçonnait d'en savoir bien plus qu'il ne laissait entendre, et elle avait l'impression d'être un pion dans son jeu. Mais pas le temps de tergiverser, il fallait tout faire pour le retrouver.

– Où est-il ? demanda-t-elle. Il faut entendre sa version.

Odiango secoua la tête.

– C'est déjà fait. Il était le premier à arriver sur les lieux avec des soldats, suite à une plainte d'un voisin.

– Comme c'est pratique, railla Hirelda. Et ? C'est tout ?

Odiango se trouvait face à un mur. Maintenant que le nom d'Azim était sorti devant tant de témoins, l'enquête devait reprendre.

– Mais toutes les preuves montrent ta culpabilité, Ozia Azuri, trancha Odiango. Les faits sont là.

Noria, qui jusque-là ne voulait pas s'emporter face à un Sage, se leva d'un bond et s'approcha de lui. Face à face, elle leva la tête pour le scruter malgré sa taille. Aucun des deux ne bougeait et l'atmosphère devint subitement suffocante dans la pièce.

– Ozia n'a pas assassiné son frère ! gronda Noria entre ses dents.

Odiango allait répondre, quand Gavion s'interposa entre eux. Il les sépara d'un geste de la main, puis tapota le torse musclé d'Odiango.

– Mon p'tit Sage de la justice, sachant tout cela, nous pouvons quand même laisser le bénéfice du doute, non ?

Odiango marmonna quelque chose d'inaudible en détournant le regard. Quiconque serait troublé d'entendre des accusations sur son meilleur élément, surtout quand il s'agissait du département de la justice. Aussi, le Sage pesta et croisa à nouveau les bras.

– Que proposes-tu ? demanda-t-il d'une voix forte.

– La potion de Dreyimir, dit-il simplement.

Le Sage de la justice semblait offusqué et prêt à refuser sa proposition. Mais son visage s'assombrit.

– Tu sais bien que nous ne possédons pas cette fleur. Il est impossible de concocter cet élixir.

– Il suffit d'aller en chercher...

En se tournant vers Noria et ses compagnons, tout prit subitement son sens. Noria ne savait pas ce qu'il préparait, mais apparemment, ils allaient repartir à l'aventure dans une partie du monde.

– De quoi parlez-vous ? demanda Allen.

Odiango soupira.

– Il existe une potion de vérité qui fonctionne à tous les coups. Les autres n'ont pas autant de succès, mais celle-ci pourrait faire pencher la balance pour votre amie. Elle était utilisée pour les procès à Elekya, mais il nous faut une feuille de fleur de Dreyimir.

Il laissa sa phrase en suspens. Les doigts sur le menton, son regard se fixa au sol pour réfléchir.

– Et ? s'impatienta Hirelda.

– Il n'est plus possible de se rendre dans cette partie-là du monde à cause de la corruption. D'ailleurs, les Titanomanciens de la région d'Enheleim ont construit une nouvelle ville et le royaume d'Alneim a dû s'occuper des réfugiés.

– Justement, mes p'tits Titanomanciens vont s'y rendre pour aller la dénicher, proposa Gavion.

Odiango sembla outré.

– Et pourquoi les envoyer eux ?

– Parce que nous on veut la sauver, non la condamner, soutint Noria. Je n'ai pas confiance aux personnes d'Elekya, surtout si l'un de vous est un traitre.

Cette perspective ne plaisait pas du tout à Odiango. De son côté, Gavion se réjouissait de la motivation de Noria et il la montra d'un geste de la main. Il savait déjà qu'elle allait accepter sa proposition. Acculé, Odiango n'avait d'autre choix que d'accepter.

– Très bien. Je vais m'occuper de faire venir Azim en toute discrétion à votre retour. Néanmoins, aller voir la Sage Serah Invidia. Elle est originaire de cette contrée et vous aidera dans votre quête.

Hirelda tapa du poing dans sa paume.

– Génial ! On va voir cette nana et on se tire !

Gavion objecta.

– Serah est occupée aujourd'hui. Nous la verrons demain matin et nous partirons dans la foulée.

– Comment peux-tu être sûr qu'elle acceptera de vous aider ? demanda Odiango, surpris.

– T'inquiète pas, je m'occupe de tout, ricana Gavion.

Il s'éclipsa dans le couloir, faisant signe à Noria et ses amis de le suivre. Décidément, l'énigme de cet homme poussait Noria à se méfier de ses agissements. Ils le suivirent hors de la prison, après avoir pris le soin de saluer Ozia qui devait malheureusement rester enfermée dans sa cellule.

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