32.La forêt des assassins
Même si elle était inquiète pour Allen, Noria se força à ne pas se retourner. Le groupe venait de s'arrêter dans une cavité qu'Ozia avait vue sur les plans. Elle permettait de rejoindre la forêt des assassins, l'endroit où se trouvait le quartier général des espions d'Elekya. Un endroit dangereux qu'ils devaient traverser sans se faire repérer. Le but était de semer leur poursuivant le plus rapidement possible.
Noria, Ozia et Nagrir s'enfoncèrent dans la grotte. Les parois creusées par l'homme étaient renforcées par des poutres de bois. Quelques lanternes de cristaux à essence illuminaient leur passage. Sur leur garde, les trois Titanomanciens avançaient avec prudence. Les assassins n'étaient forcément pas loin. Mais que pouvait-être cette galerie ? Un moyen de partir en mission ? Ou de fuir en cas de problème ? Cette question tarauda l'esprit de Noria alors qu'elle avançait aux côtés d'Ozia, pendant que Nagrir ouvrait la voie.
Bientôt, ils débouchèrent dans une cavité où des piliers parsemaient un gigantesque terrain. Des fils et des ponts de bois les reliaient, tandis que plus bas, des pièges à pic étaient installés un peu partout. Dans les hauteurs, Noria remarqua des cavités qui permettaient à quelqu'un d'observer, ou bien d'attaquer de loin.
– On dirait un terrain d'entrainement, annonça Nagrir. Je n'en avais jamais vu des comme ça, mais cela y ressemble fortement.
– Je suis assez d'accord, avoua Ozia. Nous sommes dans le quartier des assassins. Ce que nous avons sous les yeux parait adapté à leur entrainement.
Nagrir hocha la tête. Noria n'aurait pas aimé participer à des entrainements capables de la tuer. Les pièges ne semblaient pas mis en place juste pour blesser. Mais ce qui l'inquiétait, c'était de devoir traverser le pont de bois et de cordes branlant qui se trouvait devant eux. En espérant que personne ne vienne les attaquer.
– Restez à l'affut, prévint Nagrir. On ne sait pas s'ils sont ici.
Évidemment, ils parlaient des assassins qui pouvaient les attendre dans la caverne. Nagrir prit la tête et emprunta le pont avec assurance. Ozia suivit et Noria ferma la marche. Elle gardait un œil sur les cavités dans les hauteurs, tandis qu'Ozia scrutait le sol avec méfiance. Personne ne semblait les attendre et le silence oppressant ne les aidait pas à se sentir tranquille. L'idée de se faire attaquer par des assassins sur leur terrain d'entrainement ne l'enchantait guère.
Une fois sur l'îlot central, ils ne leur restaient qu'une corde bien épaisse à traverser pour se rendre de l'autre côté. Chacun leur tour, ils se suspendirent dans le vide pour passer, alors que des pics s'hérissaient en dessous. Noria n'était pas habituée à ce genre d'aptitude, si bien que la corde lui faisait mal aux mains. Sans parler des muscles de ses bras qui devaient supporter son poids. Elle garda une respiration régulière, alors que la traversée lui semblait longue. Nagrir arriva le premier, suivi d'Ozia. L'une après l'autre, les mains de Noria se succédaient pour avancer vers le bord de la prochaine plate-forme. Ozia lui faisait signe d'avancer, mais elle ne parvenait pas à aller plus vite. Elle accéléra tant bien que mal, mais une de ses mains céda face à la douleur. Le cœur de Noria s'emballa, alors qu'elle se cramponnait. Le visage tordu de douleur, elle jeta un œil vers les pics de bois prêt à l'empaler.
– Ne regarde pas en bas ! cria Ozia. Concentre-toi et avance ! Tu peux y arriver !
Noria se serait bien aidée de sa magie, mais elle préférait l'économiser pour les combats à venir. Tout était bien plus difficile quand on n'en faisait pas usage. Elle pesta avant de rattraper la corde. Les dents serrées, elle continua d'avancer vers Ozia qui lui tendait une main amicale pour l'aider à remonter. Petit à petit, elle se rapprocha et, malgré la difficulté, arriva enfin. Ozia lui agrippa le bras et la tira vers elle pour l'aider à remonter.
Le souffle court, Noria reprit sa respiration avant de se remettre en route.
– Ils font vraiment ça tous les jours ? demanda la jeune femme en regardant ses paumes devenues toutes rouges.
– J'en ai bien peur, avoua Ozia. Je n'aimerais pas être dans ce quartier.
– Moi non plus, soupira Noria. Bon c'est bon, on peut continuer.
Ils s'aventurèrent dans une nouvelle galerie. Cette fois, celle-ci se resserrait de plus en plus, jusqu'à ce que les Titanomanciens durent se contorsionner dans une faille. Nagrir avait dû retirer son arc de son dos pour se mouvoir entre les parois rocheuses. Noria sentit la roche lui frotter le dos, alors qu'elle grognait de devoir subir ça pour retrouver sa mère.
Une fois passés, ils eurent une fâcheuse surprise. Cette fois, ils étaient face à un grand bassin d'eau gelée.
– Je commence à en avoir assez, se plaignit Noria.
– Ne bouge pas, lui dit Nagrir.
Il posa la main sur la surface de l'eau. Une aura d'un bleu givre émana de son corps, et petit à petit, l'eau gela. Le spectacle était incroyable. Au fur et à mesure que le liquide prenait sa forme solide, un froid s'installa dans la cavité. Noria frissonna alors que de la buée sortait de sa bouche à chacun de ses souffles. Nagrir se redressa quand le lac fut totalement gelé.
– Faites attention de ne pas glisser, conseilla-t-il.
Noria arqua un sourcil face à ce conseil. Elle avait l'impression d'être traitée comme une enfant, mais elle se garda ses réflexions. Au lieu de ça, elle avança avec prudence aux côtés d'Ozia jusqu'à l'autre côté. Elle scruta à travers la glace, quand elle vit des mouvements dans l'eau qui était restée liquide bien en dessous.
– Qu'est-ce qui nage là-dedans ? demanda-t-elle.
– À mon avis, commença Nagrir, des poissons carnivores.
Noria devint livide.
– Quoi ?
Le Wolftang haussa les épaules.
– Vu la difficulté des tests, je dirais que celui-ci sert à nager le plus rapidement possible. Quoi de mieux pour motiver les troupes que le risque de se faire dévorer vivant ?
Noria grimaça. Il fallait vraiment être tordu pour inventer un entrainement pareil. Qu'allait-être la suite ? Sa question a obtenu rapidement une réponse. La lumière du jour filtrait enfin, mais pour réussir à retourner dehors, il fallait remonter par un trou béant avec très peu de prise.
– Sérieusement ? se plaignit Noria.
Ozia posa les mains sur les hanches.
– J'avoue que j'en ai marre moi aussi...
– On grimpe, ordonna Nagrir.
Noria secoua la tête.
– Non !
Le Wolftang se retourna, surpris de voir quelqu'un lui parler sur ce ton. Mais Noria avait déjà déployé ses ailes, tout comme Ozia.
– On ira plus vite comme ça, lui dit Noria.
Les deux femmes agrippèrent Nagrir qui soupira.
– Et moi, j'en ai marre qu'on me porte... murmura-t-il.
Les deux jeunes Titanomanciennes s'élevèrent dans les airs jusqu'à la surface, puis déposèrent Nagrir au sol. Une fois de retour sur la terre ferme, Noria fut soulagée de sentir le vent caresser son visage. Elle huma la bonne odeur dégagée par les arbres de la forêt. Ils possédaient des troncs épais et leurs grosses racines sortaient du sol. Leurs immenses feuilles étaient aussi grandes qu'un humain, et pendaient de toute part. De belles fleurs mauves poussaient à leur pied.
– Surtout ne toucher pas les fleurs, conseilla Ozia.
Noria se tourna vers elle.
– Pourquoi ?
– Ce sont des Rizel, expliqua Ozia. Rien que de sentir leur parfum et tu te retrouves paralysé pour des heures.
– Génial, quelle bonne idée d'en faire pousser partout, railla Noria.
Le soleil arrivait difficilement à percer la cime aux vues de la taille imposante de la végétation. Nagrir sauta sur les branches l'une après l'autre, comme s'il était habitué à grimper dans les arbres. Il prit de la hauteur, sous le regard impressionné des deux jeunes femmes.
– Alors ? demanda Noria. Tu vois quelque chose ?
Il redescendit en vitesse après quelques instants. Il montra du doigt l'horizon vers le nord.
– Il faut qu'on aille par là pour rejoindre le prochain îlot. J'ai vu des structures en bois dans un coin, sûrement le village des assassins. Et par contre, on a un problème. Le Sage Odiango est là avec des troupes. Ils sillonnent la forêt et ils vont bien y pénétrer. Impossible de passer inaperçu.
Noria blêmit. Cela signifiait-il la fin de la route pour eux ? Elle se mordit les lèvres à la recherche d'une solution. Mais pour l'instant, Nagrir l'invita à le suivre. Ils coururent à pleine vitesse en direction du nord, tout en prenant le soin de rester dans l'ombre des arbres immenses. Un sport dont le Wolftang avait l'habitude. Noria avait dû mal à suivre son rythme, mais elle tenait bon. Après tout, ils étaient poursuivis par un Sage, elle ne devait pas flancher.
Ils arrivèrent devant un immense lac. Encore une fois, la rivière de l'îlot au-dessus tombait dedans dans une magnifique cascade.
– On va passer par là, leur dit Nagrir.
– Par la cascade ? demanda Ozia.
Il hocha la tête.
– Elle va vous cacher en la remontant par-derrière.
– Attends, coupa Noria en fronçant les sourcils. Tu ne viens pas ?
Pour seule réponse, Nagrir regarda sa main avant de fermer son poing et de le serrer.
– Je vais les attirer ailleurs, avoua-t-il. Cela va vous laisser le temps de remonter.
Noria lui agrippa le bras. Il se tourna vers elle, surpris de voir l'inquiétude se lire sur son visage.
– Arrête ! C'est un Sage cette fois !
– Raison de plus. Vas-y, dit-il, en se dégageant gentiment. Retrouve ta mère et dévoile à tout le monde ce que cachent les Sages.
Noria ne voulait pas le laisser seul. Même si Ozia la tirait vers le rebord pour partir, Noria ne put s'empêcher de verser une larme pour ce nouvel ami. Elle ne le connaissait que depuis peu de temps, mais il était déjà prêt à se sacrifier pour les autres. Si tout le monde s'en sortait, elle se jura de rembourser sa dette comme il se doit.
Noria et Ozia formèrent leurs ailes et s'élancèrent dans les airs, en prenant le soin de se dissimuler derrière la cascade.
***
Nagrir se demandait encore pourquoi il faisait tant d'effort pour quelqu'un qu'il connaissait à peine. Mais il devait l'avouer, alors qu'il courait en direction des troupes du Sage, que Noria était une personne d'une grande bonté. Elle avait sauvé sa sœur et son peuple par la même occasion. Impossible pour lui de l'aider en retour, même si cela risquait de lui couter cher. Il redoutait le combat qui l'attendait. Il triturait du doigt l'anneau de l'Ayashim. Peut-être que ce bijou allait pouvoir l'aider dans ce combat. Dreyimir lui avait donné pour faire appel à ses pouvoirs, il espérait qu'ils soient suffisants pour battre Odiango.
Nagrir s'arrêta quand il entendit les premiers soldats. Il dégaina son arc, encocha une flèche, et tira. Le carreau se ficha dans sa jambe, le mettant hors combat dans un hurlement de douleur. Grâce à ça, le reste des troupes furent rameutées. Nagrir décocha des flèches sur les Titanomanciens qui volaient, tout en évitant les projectiles de divers éléments. Contrairement à ses amis, ils n'étaient pas très fort au niveau magie, mais il esquivait facilement en sautant d'un arbre à l'autre. Sans aucune fatigue, et grâce à des pirouettes, il envoya ses pointes sur eux en faisant attention de les blesser seulement.
À court de flèches, il se transforma brutalement en loup. Cette fois, sa vitesse se démultiplia et il s'élança rapidement dans leur rang pour envoyer de gros coup de griffe. Blessés, les Titanomanciens hurlaient de douleur, alors que le sang éclaboussait les troncs d'arbre. Personne n'arrivait à le toucher, et il continuait de mettre hors d'état de nuire les différents soldats. Il espérait juste ne pas se fatiguer avant la venue d'Odiango.
Nagrir continuait d'avancer en attaquant toute personne sur son chemin. Puis bientôt, il se retrouva face à Odiango. Ses pupilles ambre fixaient Nagrir d'un air sombre.
– Te voilà, Sage, grogna Nagrir.
Odiango fit signe à ses troupes de ne pas approcher et de continuer à chercher le reste du groupe.
– Que vous prend-il ? demanda-t-il. Vous venez ici pour libérer votre amie, puis ensuite, vous nous attaquez ?
Nagrir fronça les sourcils.
– Nous n'avons attaqué personne, signala-t-il. Nous venons libérer la mère de Noria, prisonnière de vos griffes dans un laboratoire secret.
Odiango secoua la tête.
– Ridicule. Cette personne ne peut sortir de prison.
Nagrir se mit en position de combat.
– Alors vous le saviez ? s'énerva-t-il.
– L'équilibre ne doit pas être rompu. Vous risquez de détruire, non seulement Elekya, mais le monde dans sa totalité.
Nagrir cracha par terre.
– Comme si j'allais faire confiance à des menteurs !
Même s'il ne le croyait pas, Nagrir eut un instant d'hésitation. Après tout, Odiango semblait confiant. Son ton calme et posé ne laissait pas de doute possible. Mais tant pis, il préférait garder sa loyauté envers Noria. Quoi qu'il arrive.
– Puisque je n'arrive pas à vous résonner, nous allons mettre fin à cette absurdité. La justice sera rendue.
La justice ? Ce mot dans la bouche de cet homme énerva davantage Nagrir. Odiango joignit les mains et ferma les yeux. Une aura violette émana de son corps et l'instant d'après, quatre éclairs s'abattirent autour de lui. Bizarrement, ceux-ci restèrent sur place sans jamais disparaître, et petit à petit, il dessinait quatre piliers d'un bon mètre. Faits de pierre indigo avec des représentations dessinées tout autour, ils lévitaient autour d'Odiango. D'un geste de la main, il les envoya dans les airs. Nagrir les suivit des yeux alors qu'ils virevoltaient, toujours à la verticale, autour de la zone de combat.
Nagrir s'élança sur Odiango. Il avait besoin de tester sa force avant de savoir s'il devait utiliser l'anneau. Une façon un peu bête de penser pour lui, car il faisait face à un Sage. Mais il ne connaissait pas la limite de leur puissance. Une fois à sa portée, il tenta de lui asséner un coup de griffe, mais le Sage disparut et réapparut quelques mètres plus loin. Odiango tendit la paume en avant et un puissant rayon électrique en sortit. Nagrir utilisa les arbres pour l'éviter et se rapprocher du Sage.
Mais une puissante décharge lui percuta le dos. Il hurla de douleur alors qu'une odeur de poils brulés se répandait jusqu'à ses narines. Il s'écroula par terre et se redressa d'une roulade. Il pesta en jetant un œil derrière lui. Pourtant, personne ne se trouvait proche de lui. Qui avait bien pu attaquer ? Il écarquilla les yeux en voyant passer un pilonne. Il tournait autour de l'arène et des éclairs crépitaient encore dessus.
– Il renvoie ses propres éclairs ? se demanda-t-il.
Son attention se porta à nouveau sur le Sage. Celui-ci préparait déjà sa prochaine attaque. L'énergie électrique fendit l'air dans un tonnerre suffisamment puissant pour faire trembler le sol. Nagrir se mit à courir, sautant d'arbre en arbre. Cette fois, il garda à l'œil les pilonnes. Comme prévu, son rayon percuta l'un d'eux qui le renvoya vers Nagrir. Dans un sourire narquois, il évita cette nouvelle attaque, et continua de s'approcher d'Odiango.
Le Sage forma une sphère entre ses paumes. Il l'envoya dans les airs et celle-ci se mit à léviter juste devant le Sage. Nagrir bondit au sol et glissa sur la terre pour frapper le Sage aux jambes. Mais quand il arriva au niveau de la sphère, celle-ci s'illumina vivement avant de lâcher des éclairs sur une large zone circulaire tout autour d'elle. Nagrir se les prit de plein fouet. Ils traversaient son corps douloureux, meurtri par toute l'électricité.
Quand tout s'arrêta au bout de quelques secondes, il vacilla. Il se rattrapa du pied droit et bondit en arrière. La respiration saccadée et les muscles douloureux, Nagrir commençait à entrevoir la différence de niveau entre lui et le Sage.
– Tout effort est inutile, lui dit calmement Odiango.
Il forma une nouvelle sphère et, l'une après l'autre, il en envoya partout autour d'eux. Toutes les trente secondes environ, elles déchargeaient une série d'éclairs dans un fracas assourdissant. Leur lumière éclairait toute la forêt où les deux hommes se fixaient. Cette fois, Nagrir n'avait pas le choix. Il tritura l'anneau et ferma les yeux.
– Dreyimir, ma déesse, j'ai besoin de tes pouvoirs... murmura-t-il.
Odiango tendit la paume en avant.
– Je ne sais pas ce que tu racontes, avoua-t-il. Il est temps d'abdiquer face à la justice.
Nagrir sentit un souffle glacial derrière son oreille. C'était bien la voix de Dreyimir. Il ouvrit les yeux, alors qu'Odiango préparait sa prochaine attaque.
– Tu sais comment demander mes pouvoirs, murmura Dreyimir. L'incantation est ancrée dans ton esprit depuis que tu as l'anneau.
Oui. Il le savait, mais il ne comprenait pas pourquoi. Nagrir serra les poings et leva les yeux vers le ciel. Le tonnerre gronda de nouveau et un jet d'éclair sortit de la paume d'Odiango.
– Dreyimir, Ayashim de l'eau, répond à mon appel ! cria-t-il.
Alors que la foudre allait s'abattre sur lui, un jet de lumière tomba du ciel pour l'envelopper. Surpris, Odiango observa la scène avec curiosité. Quand celle-ci s'amenuisa, il se retrouva face à un énorme cocon de glace. Enfermé à l'intérieur, Nagrir sentait le froid de Dreyimir l'envahir, sans pourtant lui faire le moindre mal. Au contraire, il avait l'impression que ses blessures disparaissaient.
Il était prêt. Le cocon se fissura petit à petit, puis ses parois explosèrent. Les morceaux de glaces s'éparpillèrent dans la forêt, tandis que Nagrir se laissa retomber au sol. Ses habits avaient disparu. Vêtue maintenant d'une belle robe blanche aux liserés bleus, elle possédait un haut col richement décoré de bijoux aux tons céruléens. Derrière lui, deux ailes d'eau s'étendaient dans son dos, alors que son physique s'était de nouveau convertit en l'humanoïde loup qu'il était. Sa transformation s'était annulée, mais en même temps, il sentait bien plus de puissance couler dans ses veines.
– Quelle est cette transformation ? demanda Odiango. Vous n'avez pourtant aucun tatouage au cou. Vous n'être pas un Titanomancien.
Nagrir ferma le poing et darda un regard déterminé à son adversaire.
– Aucune idée, mais elle est là pour m'aider. Tiens-toi prêt !
Odiango se mit en position de combat, comme s'il craignait cette nouvelle forme. Nagrir s'élança avec ses ailes. Il comprenait maintenant la folie d'Hirelda. C'était tellement enivrant d'avoir la possibilité de s'élancer dans les airs. Nagrir virevolta entre les arbres, esquivant toutes les attaques électriques d'Odiango qui devenait légèrement plus lente à ses yeux. Il arrivait à les voir venir, et surtout, à anticiper les pylônes. Comme si cette forme avait augmenté sa concentration.
En approchant, il envoya une salve de griffes de glace. Le Sage les détruisit d'un geste du bras, comme s'il s'agissait d'un vulgaire fétu de paille. Mais Nagrir n'avait pas que ça dans sa botte. Dans son esprit flottaient les différentes techniques de Dreyimir. Elle lui soufflait à l'oreille pour savoir ce qu'il devait utiliser au bon moment. Après la prochaine salve d'éclairs, Nagrir s'élança au-dessus d'Odiango. D'un geste de la main, il fit apparaître une énorme tête de loup de glace qui tenta de dévorer Odiango. Ses crocs pourfendirent la terre, soulevant un nuage de poussière alors que la roche céda face à leur puissance.
Mais Nagrir n'était pas dupe, Odiango venait de s'envoler dans les airs et Nagrir lui suivit. Au-dessus de la cime des arbres, les deux adversaires se faisaient face. Odiango, surpris, rappela ses piliers qui les encerclaient. Ce fut au tour des sphères de revenir dans les cieux, et comme à leur habitude, toutes les trente secondes, elles déversaient des éclairs grondants autour d'elle dans un certain périmètre.
– Quel est ce pouvoir ? grinça Odiango.
Nagrir ne comptait pas lui répondre. Au lieu de ça, il tendit les mains sur les côtés, et deux épées à la lame fine et légère apparurent. Le pommeau de la première était une tête de loup, la deuxième une fleur aux pétales bleus rutilants. Il s'élança sur le Sage sans répondre à sa question, et cela l'énerva davantage. Il envoya ses chaines d'éclairs, qui rebondirent sur les pilonnes et les sphères, mais Nagrir parvenait à tous les éviter sans problème. Agacé par le combat qui prenait trop de temps, Odiango en lança d'autres. Bientôt Nagrir se retrouva submerger par le nombre d'éclairs qui rebondissait absolument partout.
Un nouveau murmure à son oreille. Il attendit que tous les éclairs convergent sur lui. Il tendit les épées vers les cieux et une immense fleur aux pétales pointue se forma tout autour de lui. Elle grandissait à une vitesse fulgurante, baissant nettement la température des environs. Les éclairs se fracassèrent contre les parois glacées des pétales, alors que Nagrir restait soigneusement protégé à l'intérieur. Quand il fut enfin sûr qu'il ne restait aucun éclair, il claqua des doigts.
Cela provoqua le détachement des pétales qui s'élancèrent avec surprise sur Odiango. Il n'eut pas le temps de les éviter. Ceux-ci se refermèrent sur lui pour l'écraser. Conscient que cela n'allait pas suffire, Nagrir s'élança sur son adversaire. Et il avait bien raison. La glace explosa dans un déluge d'éclair crépitant dans les airs. Mais cette fois, Odiango était une cible facile pour sa dernière attaque.
– « Tsunami aux mille pointes » ! cria-t-il.
De l'eau se forma au bout de ses lames après avoir prononcé cette incantation. Il tendit les épées en avant, et quand leurs pointes se rejoignirent, un tourbillon d'eau en sortit. Suffisant pour engloutir toute une ville, Odiango n'avait pas la possibilité de l'éviter. À l'intérieur de cette eau glaciale, des pics de glace venaient lacérer son adversaire pour en finir. Le puissant tsunami le traversait, puis retombait plus loin dans l'océan qui s'étendait sous Elekya.
Nagrir s'arrêta, le souffle court. Sa limite était atteinte. Il savait qu'il était capable d'autres choses, mais sa condition ne lui permettait pas d'utiliser tous les pouvoirs de Dreyimir. Néanmoins, il pesta en voyant Odiango toujours debout. Blessé, certes, mais il était toujours prêt à se battre. Les bras croisés devant son visage, il se redressa en le fusillant du regard.
– Toi... Ton niveau de puissance n'est pas acceptable. Il va falloir te juger !
Nagrir ricana.
– Ah oui ? Et toi ? C'est tout ce dont tu es capable ?
Odiango joignit les mains à nouveau.
– Ne me sous-estime pas, jeune homme. Je suis un Sage.
Il ferma les yeux et Nagrir sentit la tension palpable. Au-dessus de lui, les nuages devinrent subitement noirs et le tonnerre grondait. Odiango rouvrit les paupières.
– Voie de la condamnation, dit-il calmement.
À ces mots, une immense balance violette se forma derrière lui.
– Jugement.
Ce nouveau mot envoya une onde dans les environs, détruisant ses propres pylônes et ses sphères. Néanmoins, Nagrir sentit que l'air devint plus lourd. Il crépitait même. Il essaya de bouger, mais il avait dû mal. Il avait l'impression que ses membres se retrouvaient enlisés dans de la boue.
– Dreyimir ! J'ai besoin d'autres pouvoirs !
– Tu ne peux plus... Tu n'es pas assez fort... murmura-t-elle à son oreille.
– Ma déesse ! J'en ai besoin !
Plus de réponse. Il pesta. Il ne pouvait compter que sur les techniques qu'il possédait déjà. Il essaya de refaire ce tourbillon d'eau, mais ses bras arrivaient difficilement à répondre.
– Inutile, déclara Odiango. « Emprisonnement ».
Cette nouvelle incantation déclencha des éclairs autour de Nagrir. Il était maintenant enfermé dans une cage électrique. Brusquement, des éclairs sortirent des barreaux pour traverser son corps. Hurlant de douleur, cette fois, il était complètement paralysé. Impossible de bouger le moindre muscle. Les dents serrées, il essayait tant bien que mal de bouger ses armes.
– Tu ne peux rien face à cette attaque, continua le Sage. Il va falloir apprendre à rester à ta place. Voilà la différence de pouvoir entre un Sage et un gamin.
Nagrir écarquilla les yeux. Sur l'immense balance, il y avait un tube de lumière sur le soutien. Il se remplissait rapidement et bientôt, il allait remplis de magie. Quelque chose lui disait de se libérer avant. Il se concentra et fit appel à tous les pouvoirs qu'il possédait. Dans un hurlement de rage, il arriva à mouvoir son bras droit de quelques centimètres, mais plus il luttait, plus la douleur devenait insupportable. Mais le tube fut rempli. La balance se mit à pencher d'un côté.
– Peine de mort, déclara Odiango. Que le châtiment divin s'abatte sur toi.
Nagrir ne pouvait pas lever la tête, mais il vit une lumière venir du ciel. Il ne pouvait plus rien faire pour aider Noria. Son chemin s'arrêtait ici. En un instant, une onde de lumière électrique venue des cieux s'abattit sur lui. Il n'arrivait même plus à hurler tellement son corps encaissait toute cette déflagration. Sans les pouvoirs de Dreyimir, il aurait été désintégré en quelques instants. Les éclairs le pourfendaient de la tête au pied, et cela ne semblait jamais s'arrêter.
Quand la magie d'Odiango disparut enfin, le corps de Nagrir n'en pouvait plus. Sa transformation disparut, et inconscient, ses paupières se fermèrent alors qu'il sombrait dans les ténèbres...
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top