29.Plans

Installés dans un parc de la ville d'Uril, Noria et ses compagnons grignotaient et buvait de l'eau après avoir passé du temps dans la région de Ra-Ossara. Noria sentit le liquide la faire revivre après une chaleur si intensive. Mais cela ne lui passa pas le gout de la trahison des Sages. Savoir que sa mère se trouvait en vie quelque part et que, potentiellement, Gavion le savait, cela la mettait hors d'elle. Encore fallait-il croire Varas, mais le grimoire qui leur avait laissé était sans équivoque.

Le journal d'un chercheur corroborait avec toutes les révélations de Varas. Hormis celle des Titanomanciens infectant leurs paires avec la corruption pour éviter que leur magie ne retourne à leur Titan d'origine. Mais si tout le reste était vrai, il n'avait sûrement pas menti pour ça non plus.

Un silence régnait entre les jeunes Titanomages alors qu'Hirelda finissait de lire le journal avec Ozia. C'était un terrible coup pour tout le monde. Allen essayait de rassurer la femme qu'il aime. Il la gardait dans ses bras, alors que Noria restait les yeux dans le vague, à réfléchir à la façon de retrouver sa mère.

Hirelda referma brutalement le livre, ce qui la fit sursauter. La colère se lisait sur son visage.

– Je n'en reviens pas ! s'énerva-t-elle. Ces enfoirés nous mentent depuis toujours ?

Sa question se perdit dans la nature, avec le vent frais qui soufflait en ce doux matin. La ville s'animait à mesure que le temps passait. Non loin de là, le petit village de défense d'Elekya les attendait, mais avant toute chose...

– Il nous faut un plan, décréta Ozia.

L'attention se focalisa sur elle.

– Nous ne pouvons pas nous rendre à Elekya et demander où se trouve la mère de Noria au premier Sage venu.

– Et pourquoi pas ? demanda Hirelda en faisant de grands gestes. Nous n'avons qu'à leur mettre la vérité dans la tronche ! Ils auront l'air fins !

Ozia soupira. Noria savait que ce n'était pas une bonne idée. S'ils avaient pris autant de soin à dissimuler toute cette histoire, ce n'était pas pour qu'une bande de gamins rétablissent la vérité.

– Les Sages ne nous laisseront pas faire, et nous ne sommes pas de taille contre eux, avoua la Titanomage de foudre. Il nous faut donc être prudents et discrets.

Noria remit une mèche rebelle dans sa chevelure agitée par le vent. Heureusement, tout le monde avait pris le soin de remettre leur ancien vêtement une fois de retour dans cette région. Il aurait été difficile de passer inaperçu avec les tenues de Ra-Ossara. Grâce à ça, ils pouvaient de nouveau se mêler à la foule sans attirer l'attention.

– Il nous faut les plans du laboratoire pour savoir où aller, proposa Nagrir.

Ozia prit un air morose. Noria écoutait, non sans penser à sa mère qui l'attendait peut-être quelque part. À son père, qui malgré lui, avait tout fait pour protéger sa famille. Avec les éléments qu'elle détenait en sa possession, Noria comprenait l'aversion de son paternel pour les Titanomanciens. Voilà pourquoi il préparait un coup d'état contre Elekya. Finalement, elle se sentit triste, honteuse et en colère contre elle-même. Elle avait tué son père pour l'avoir maudite et privée de sa vie, mais finalement, s'il l'avait aidé, elle l'avait tout simplement assassiné. Et cette idée la détruisait de l'intérieur.

Allen enroula son bras autour de ses épaules et la colla contre lui. Elle leva la tête vers son beau visage d'ange. Rien qu'à le voir, Noria sourit, heureuse de l'avoir à ses côtés en ces moments difficiles.

– Quoi ? demanda Hirelda. Il a raison, non ?

– Ce ne va pas être si simple. Si ces expériences sont tenues secrètes, je ne pense pas que les laboratoires se trouvent sur le premier plan venu, expliqua Ozia.

Noria était entièrement d'accord avec elle. À mesure de leur explication, elle ne trouva qu'une seule chose à faire avant de commencer leur expédition.

– Il nous faut les plans d'Elekya, décréta-t-elle. Mais pas ceux mis à la disposition de tout le monde... Il va nous falloir des plus précis que ça.

Ozia acquiesça.

– Et je ne vois qu'un seul endroit où l'on va pouvoir trouver ça...

Tout le monde comprenait qu'ils allaient devoir voler la Sage Serah, la bibliothécaire. Quoi de mieux pour garder un plan.

– Ils ne vont pas être faciles à trouver, surenchérit Nagrir. Ils ne doivent pas les laisser à la vue de tous.

– Toute bibliothèque a le droit à ses archives secrètes, expliqua Ozia. Il va juste falloir les dénicher.

– On ne peut pas aller faire de la reconnaissance ? demanda Hirelda.

– Pour que tout le monde sache qu'on est revenu et nous demande ce que l'on a appris ? demanda Nagrir. C'est trop risqué.

Noria soupira longuement. Ils n'avaient plus qu'une chose à faire.

– Dans ce cas, cette nuit on s'infiltre dans la bibliothèque tous ensemble et on la fouille, expliqua-t-elle. Nous n'avons pas le choix. Une fois qu'on aura les plans, on retourne dans la grande ville. On va à l'auberge prendre une chambre et on voit où se trouvent les laboratoires.

Tout le monde acquiesça. Maintenant, ils n'avaient plus qu'à attendre la nuit avant de commettre leur méfait. C'est ainsi que les Titanomanciens se séparèrent pour profiter de la ville avant de partir en chasse.

Noria et Allen restèrent ensemble, parcourant la rivière qui coupait la ville en deux. Quelques ponts permettaient de relier les deux rives. Noria scrutait l'eau claire d'un regard perdu, incapable de savoir si elle prenait la bonne décision. Ils croisèrent des Titanomanciens ignorants, qui pourraient se révolter s'ils apprenaient toutes les vérités qu'ils venaient de découvrir.

Un long soupir s'échappa de sa bouche, alors que son père revenait dans son esprit. Elle avait l'impression de le voir à chaque coin de rue. La culpabilité la rongeait et elle avait une furieuse envie de pleurer.

– Tout va bien ? demanda Allen.

Noria avait beau lui sourire, cela n'effaçait pas l'inquiétude du jeune homme. Finalement, Noria se laissa aller, et sans comprendre, son compagnon la prit dans ses bras. Elle s'accrocha fermement à sa tunique blanche aux liserés bleus alors qu'elle pleurait toutes les larmes qu'elle pouvait.

Allen prit son visage entre ses douces mains et releva sa tête.

– Qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-il. Tu sais que je serais toujours là pour toi.

Noria caressa sa joue. Elle le savait. C'était la seule chose stable dans sa vie. L'amour qu'elle lui portait et celui qu'elle recevait en échange.

– J'ai tué mon père, avoua-t-elle la voix tremblante. Il voulait me protéger...

Allen déposa un baiser sur son front. Un instant de douceur qui aida son corps à contenir cette souffrance qui la dévorait.

– Tu ne pouvais pas savoir, rassura Allen. Il ne t'avait jamais rien dit.

– Mais pourquoi ? Quel...

Sa colère la poussait à vouloir l'insulter de tous les noms. S'il avait été honnête dès le départ, tout ceci ne serait pas arrivé. Et Gavion... Cet homme avait osé venir avec eux alors qu'il savait pertinemment que son père voulait la mort des Sages. Il s'était joué d'elle et savoir cela l'énervait davantage.

– Je ne sais plus où j'en suis... Je ne sais pas quoi faire... Je...

Allen posa les mains sur ses épaules et sa poigne devint plus ferme.

– Écoute, dit-il d'un ton plus dur que d'habitude. Nous ne pouvions pas deviner ses intentions et nous nous sommes battus pour que tu vives. Le passé est derrière nous. Maintenant, nous allons finir ce que ton père a commencé, c'est-à-dire retrouver et sauver ta mère. Nous lui devons bien ça.

Noria l'écoutait, les yeux écarquillés. Les larmes coulaient toutes seules le long de ses joues, mais elle ne pouvait pas détourner le regard de ce jeune homme gagné par une détermination à toute épreuve.

– Ne flanche pas, assura Allen d'un ton plus doux. Je serais toujours là pour te soutenir dans tes choix et je t'aiderai à faire les bons, quel qu'en soit le prix. Nous sommes proches d'en terminer, alors tiens le coup. On va retrouver ta mère et tout sera terminé, d'accord ?

Noria acquiesça. Même si elle se sentait toujours responsable, les mots d'Allen lui réchauffèrent le cœur. Elle essuya ses larmes et reprit sa respiration. Ils continuèrent de marcher un peu sous le soleil, alors que les quelques arbres qui agrémentaient la ville viraient aux couleurs de l'automne.

Petit à petit, le soleil se couchait à l'horizon, signe qu'ils allaient bientôt se mettre en route vers Elekya. Cette fois, pas besoin de passer par le village de défense grâce à leurs ailes. Lorsque le ciel devint noir et que l'océan d'étoile s'empara de la voute céleste, Noria et ses amis s'envolèrent vers Elekya en silence.

Une pression insoutenable oppressait leur équipe. Ils allaient droit vers Elekya pour commettre un vol, et sûrement, avoir les Sages les plus puissants du monde sur le dos. Noria ne cachait pas sa peur. Non seulement de ne pas réussir à libérer sa mère, mais de voir l'un de ses compagnons mourir par sa faute. Pourtant, elle avait beau leur demander de ne pas l'accompagner, car cela n'était pas leur combat, ils n'arrêtaient pas de continuer à la soutenir.

Des têtes brulées. Voilà ce qu'ils étaient. Mais elle les aimait. Même Nagrir qui les avait rejoints depuis peu de temps commençait à être un ami à ses yeux. Il semblait lui aussi animé et motivé par une colère contre les Titanomanciens. Il n'aimait pas les vérités qu'ils apprenaient au fur et à mesure de leur avancée. Et comme il le disait si bien, il voulait découvrir ce que cachait Elekya.

La nuit, Elekya brillait grâce à la magie Titanique. Des cristaux lévitaient dans les cieux pour offrir des couloirs de vols aux Titanomanciens. Heureusement, peu nombreux en cette heure tardive. D'ici, ils pouvaient voir les rues éclairées par des lanternes, tandis que les gens rentraient chez eux après leur journée de travail.

Alors qu'ils survolaient la grande ville sur le continent principal, ils remarquèrent quelques animations dans les auberges, les restaurants et sur la place. Des endroits où ils pouvaient se mêler à la foule pour disparaître en cas de poursuite. Noria remarqua deux forêts aux extrémités, ce qui pourrait leur permettre de dissimuler aux regards des autres.

La fraicheur de la nuit faisait frissonner le corps de Noria, alors qu'ils s'élançaient vers le bâtiment où les engrenages continuaient de tourner. Les Titanomanciens atterrirent au bord du continent, loin du monde. D'ici, ils remarquèrent quelques étudiants et chercheurs. D'un coup d'œil vers Nagrir et il comprit qu'il devait aller faire de la reconnaissance.

Tapis dans l'obscurité, Noria et ses amis attendirent en scrutant le bâtiment. Peut-être pouvaient-ils passer par l'une des nombreuses fenêtres qui en faisaient le tour ? Où par une trappe qui mènerait dans la salle des machines au vu des rouages. Noria se sentait mal de voler Serah, alors qu'elle leur avait été d'une grande aide. Mais elle aussi devait connaître l'histoire de sa mère, et rien que d'y penser, cela l'énerva davantage.

Quelques instants plus tard, Nagrir revint au pas de course.

– Il y a une fenêtre encore ouverte à un étage. Sinon, on peut tenter de se rendre vers le bureau de Serah. J'ai entendu dire qu'elle était partie.

– Et si les portes-fenêtres sont fermées ? demanda Hirelda.

– Il faudra les forcer. On saura que quelqu'un est passé.

Noria soupira.

– De toute façon, on va savoir que l'on est venu rapidement. Et je pense qu'on aura plus de chance de trouver des archives cachées vers le bureau de la Sage.

Tout le monde approuva ce plan. Ils attendirent encore une bonne heure, jusqu'à ce que le nombre de personnes quittant les lieux était vraiment minime. Sûrs de ne plus trouver grand monde, Noria et ses amis s'envolèrent jusqu'au chemin suspendu qui faisait le tour de la structure.

De retour près de l'endroit où ils avaient rencontré Serah, Noria et ses compagnons se posèrent, à l'affut des gardes qui restaient. Mais pour l'instant, personne. Hirelda utilisa sa force pour casser les verrous des portes, en essayant de faire le moins de bruit possible, mais cela semblait au-dessus de ses compétences.

Grâce aux souvenirs de Noria, les Titanomages se glissèrent dans la bibliothèque et profitèrent de l'obscurité pour se rendre jusqu'à la porte du bureau de Serah. Nagrir et Ozia s'attelèrent à surveiller les alentours pendant qu'ils fouillaient les lieux, mais avant ça, Allen frappa à la porte. Noria arqua un sourcil, curieuse.

– Pour être sûr qu'il n'y a personne, chuchota-t-il en haussant les épaules.

Une idée pas si bête que ça. Ne voyant personne leur ouvrir, Hirelda força la porte à nouveau et ils pénétrèrent dans le bureau de la Sage. Parfaitement rangé, il offrait un large meuble pour travailler, ainsi que des bibliothèques privées remplies de livres. Hirelda s'occupa d'allumer les lampes à essences avec son briquet, tandis que Noria se jeta sur la collection de livres.

Pendant ce temps, Allen fouillait des armoires où Serah gardait des tonnes de papiers. De son côté, Hirelda opta pour le bureau. Elle émit un rire victorieux quand elle tomba sur un tiroir fermé à clé.

– Elle doit avoir la clé, marmonna Noria une fois à son niveau.

Hirelda l'observa avec surprise.

– Je n'ai pas besoin de clé, avoua-t-elle.

D'un coup sec, et grâce à sa magie, elle le força et le verrou céda. L'objet métallique tomba bruyamment par terre, et une grimace gagna le visage d'Hirelda. Mais pour l'instant, Ozia et Nagrir ne revenaient pour leur dire que quelqu'un arrivait. À l'intérieur, ils dénichèrent une nouvelle clé.

– Tu crois que c'est l'accès aux archives ? demanda Hirelda.

Noria saisit l'objet et l'observa sous toutes ses coutures.

– Possible... On va mettre un temps fou à savoir ce qu'elle ouvre...

Hirelda continua de fouiller le tiroir, quand ses doigts remarquèrent un renfoncement.

– Attends... dit-elle.

Elle se mit à quatre pattes pour scruter l'intérieur, mais impossible de savoir ce qu'était cette chose. Tout ce qu'elle pouvait faire, c'était d'appuyer dessus. Son doigt s'enfonça et un cliquetis retentit. Les Titanomanciens entendirent des engrenages se mettre en route, quand brusquement, le bureau et le sol autour se mirent à coulisser vers le bas. Allen les rejoignit à la hâte, alors que la plateforme descendait dans un frottement rocailleux.

– C'est quoi ce bazar ? s'étonna Allen.

– Les archives secrètes ? proposa Hirelda en haussant les épaules.

Finalement, les Titanomanciens gardaient bien leur secret. Qui pouvait se douter qu'un tel endroit existait ? Leur descente fut très longue et, au bout d'un moment, elle s'acheva dans un bruit sourd, dans les bas-fonds de la bibliothèque. Noria ne savait même pas s'ils étaient encore à la surface, où à l'intérieur du continent flottant.

Éclairée par des lampes à essence, une porte n'attendait qu'à être franchie. Sans attendre, Noria récupéra la clé du bureau pour la mettre dans le verrou et la tourner. Un flot d'engrenage et de cliquetis métallique résonnèrent, puis elle s'ouvrit d'elle-même.

C'était exactement ce qu'ils cherchaient. À l'intérieur, les murs de pierres accueillaient des étagères parfaitement entretenues, garnies de livres, de rouleaux de papier et de parchemins vieux de plusieurs siècles. Hirelda s'occupa d'allumer les torches, comme à son habitude, puis ils explorèrent les alentours.

Vu la méthode de rangement de Serah, il n'était pas compliqué de retrouver quelque chose. Tout était soigneusement rangé par catégorie et par ordre alphabétique, donc ils n'eurent pas besoin de beaucoup de temps pour dénicher les plans d'Elekya. Noria le déplia rapidement pour être sûre de ce qu'elle tenait entre ses mains. Il y avait bien des structures sous le bâtiment de la recherche. Un sourire s'étira sur son visage face à ce trésor. Elle aurait bien aimé fouiller davantage, mais elle entendit Ozia arriver en volant.

– Vite ! Quelqu'un arrive ! signala-t-elle.

Noria se redressa et activa le bouton pour remonter. Cela prenait néanmoins trop de temps. Ils utilisèrent leurs ailes pour retourner dans le bureau de Serah où Nagrir les attendait. Au moment de sortir, ils croisèrent le regard effaré de Clara. Elle les reconnut et leur cria dessus pour leur demander de s'arrêter. Mais au lieu de ça, Noria usa de sa magie pour lui bloquer la route avec des ronces. Ils s'envolèrent de la bibliothèque le plus rapidement possible. Le cœur battant la chamade, ils s'élancèrent vers le continent principal pour se dissimuler dans une auberge, comme Noria l'avait proposé, en passant par la forêt à l'ouest, histoire de ne pas se faire trop remarquer.


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