20 - Celui qui court et qui se jette
Le réveil sonna et Chris ouvrit lentement ses yeux. Il avait la boule au ventre : le jeune blond s'apprêtait à vivre sa deuxième journée de travail. La veille, il avait prit connaissance des lieux et de son patron, un homme d'âge moyen qui avait la voix grave et parlait toujours fort. Il avait aussi rencontré son collègue, Elvis. Ils travailleront tous les deux en temps que commis de cuisine. Cette idée n'enchantait pas vraiment le jeune homme, mais s'il voulait vite retrouver ses amis à New-York, il devait travailler afin de pouvoir payer le billet d'avion. Ce fut cette raison qui le motivait à se lever.
Il mangea rapidement un bout de pain, histoire de ne pas commencer la journée le ventre vide, puis alla se doucher. Il se rasa de près pour éviter qu'un poil ne tombe dans la nourriture. Lui qui avait l'habitude de porter une légère barbe se sentait nu.
Il arriva à l'heure dans les cuisines et retrouva Elvis. Ce dernier, un petit brun avec les cheveux mi-longs et légèrement ondulés, semblait stressé. Il se mangeait les lèvres et transpirait. Ils se saluèrent rapidement, puis les deux hommes exécutèrent les ordres de leur chef sans rechigner. Ils allaient devoir éplucher des oranges.
Les deux hommes profitèrent de cette simple mission pour discuter et faire connaissance.
– Tu as l'air très motivé ! osa Chris en voyant que son collègue ne perdait pas de temps.
– Je prends cette première mission comme un défi !
– Un défi ?
– J'aime les défis. Ils vous gardent jeunes, répondit Elvis sans lever les yeux de son orange.
– Hum... Pourquoi tu es là toi ?
– Je fais mon stage ici. Je suis dans une école de restauration et c'est ici que j'ai choisi de faire mon stage.
Cette réponse étonna Chris, qui manqua de se couper.
– Dans la cuisine d'un hôtel ? Pourquoi ?
– La carte est petite et simple, ça me permet d'être sur le terrain et de faire ce que j'ai appris, mais sans avoir trop de pression. Moi je suis quelqu'un de nerveux. Je suis tellement nerveux. J'ai toujours été nerveux, depuis que je suis gamin. Alors pour cette première expérience je voulais éviter au maximum d'être nerveux.
– C'est dommage tu avais l'occasion d'aller dans une vraie grande cuisine réputée...
Pour la première fois, Elvis marqua une pause dans son action.
– Je sais, j'ai pas osé. Je ne suis pas très doué. Bien que je sois dans une école, je ne connais strictement rien à la cuisine. Je suis l'un des plus mauvais de ma classe. Mais ici pour ce que je fais, je n'ai pas besoin de connaissances. N'importe qui peut faire ce qu'on fait, même le plus idiot. Regarde, toi tu y arrives bien, rajouta Elvis avec un sourire et un clin d'œil.
– Mais si tu avais été dans une grande cuisine tu aurais pu apprendre beaucoup de choses ! Tu ne veux pas devenir un grand cuisinier ? Il faut avoir un peu d'ambition !
– Je sais. L'ambition est un rêve avec un moteur a injection. Mais je ne suis pas très courageux... Tu sais, je savais pas que j'allais travailler avec toi ici, mais je suis content. Tu es un peu mon modèle.
– Ah oui ?
– Tu as vraiment l'air très courageux et j'aimerais bien être comme toi...
– Oh tu sais, on est comme on est, tu dois t'aimer comme tu es ! Tu dois avoir une bonne image de toi !
– L'image est une chose, l'homme en est une autre. C'est très difficile d'être à la hauteur de son image.
Chris ne savait pas quoi répondre à ça. Il trouvait qu'Elvis avait toujours le mot pour le contredire, mais il parlait avec une forme de sagesse qui l'impressionnait. Le jeune homme se concentra sur son orange. Alors qu'il est toujours en train d'éplucher son premier fruit, Elvis en avait déjà fini deux.
– Tu as un plat préféré ? demanda Chris qui trouvait le silence long.
Elvis réfléchit un instant.
– J'aime vraiment les glaces.
Chris hocha la tête. Tout en continuant de travailler, il réalisa que la dernière glace qu'il avait mangé n'était pas un très bon souvenir. Il avait prit un cornet deux boules, pêche-citron, ses parfums préférés. Malheureusement, alors qu'il ne l'avait qu'à peine entamée, il perdit l'équilibre en se prenant les pieds dans la racine d'un arbre. La glace s'étala sur ses vêtement neufs ; impossible de les laver correctement. Depuis cette mauvaise expérience, Chris n'a plus jamais mangé de glace.
– Il faut en faire quoi des oranges quand on a fini ? interrogea soudainement Elvis
– Je sais ne pas.
– Tu pourrais demander au chef s'il te plaît ?
Elvis était soudain tout timide, ce qui surprit le jeune blond.
– Tu peux pas le faire toi même ?
– Il me fait un peu peur...
– Bon...
Chris tourna la tête vers son supérieur.
– Chef, Elvis demande ce qu'il faut faire des oranges maintenant !
Leur patron mit quelques secondes à répondre ; il devait être concentré à une autre tâche.
– Elvis, presse-les !
Le brun s'exécuta, tandis que Chris continuait d'éplucher son orange. Alors que ce dernier était bien concentré sur ce qu'il faisait pour éviter de se couper, son chef apparu.
– J'ai une nouvelle mission pour vous.
Chris posa l'orange et regarda son supérieur.
– Nous n'avons pas assez de concombre. Prenez la camionnette du restaurant et allez en chercher. Il y a un petit commerce pas loin d'ici. Allez-y.
Chris trouvait cette demande étrange mais ne se fit pas prier et se dirigea vers le véhicule pour aller faire les courses.
****
Pendant ce temps, à Los Angeles, dans une petite habitation à la périphérie de la ville, Luke était plongé dans un livre. Un livre absolument pas intéressant, qui
Heureusement, sa sœur le sortit de cet enfer en entrant dans sa chambre.
– Il est bien ton livre ?
– Non mais j'ai que ça à faire.
– Tu vas pouvoir te changer les idées quelques minutes. J'ai de la compagnie.
Le médecin qu'ils avaient déjà vu à l'hôpital entra à son tour dans la chambre. Contrairement à leur dernière rencontre où il avait sa blouse de médecin, il était cette fois habillé en civile, avec un jean et une chemise marron. Il tenait dans sa main une mallette, sans doute remplie de matériel médical.
– Bonjour jeune homme !
Son grand sourire était communicatif. Luke, qui avait le moral dans les chaussettes, ne pu s'empêcher de sourire à son tour. Puis il tourna la tête vers sa sœur d'un air interrogateur.
– J'ai appelé le docteur Westbrow et par chance il était disponible pour venir tout de suite, expliqua celle-ci.
Le médecin posa sa mallette sur le bureau et l'ouvrit.
– Je vais vous examiner et vous dire si votre état s'est amélioré ou pas depuis la dernière fois. Wendy, je vais vous demander de sortir, dit-il tout en fouillant dans ses affaires.
– Ok.
Elle resta plantée dans la chambre.
– Qu'est-ce que vous attendez ?
– Ben, que vous me demandiez de sortir.
Le médecin ainsi que son frère la regardèrent d'un air incrédule.
– Vous avez dit "je vais vous demander de sortir" mais c'est au futur, continua Wendy. Ça annonce que vous allez me demander de sortir, mais que vous ne l'avez pas encore fait.
Le médecin sourit, conscient de la bêtise qu'il avait fait.
– Wendy, pouvez-vous sortir s'il vous plaît ?
– Bien sûr.
Elle resta plantée dans la chambre.
– Vous attendez quoi cette fois ?
– Vous m'avez demandé si je pouvais sortir, pas si je voulais sortir.
L'homme aux cheveux gris se pencha vers Luke.
– Votre sœur a déjà songé à consulter pour son cerveau ? lui chuchota-t-il.
– Elle a toujours été comme ça, je crois qu'on peut rien y faire, répondit le jeune homme avec humour.
Le médecin se retourna vers Wendy et prit une grande inspiration.
– Wendy, voulez-vous bien sortir s'il vous plaît ?
– Oui.
Elle reste plantée dans la chambre.
– Wendy casse-toi ! hurla tout à coup son frère.
– Oui ! sursauta la jeune fille.
Wendy s'empressa de quitter la pièce.
– Enfin seuls ! soupira le médecin.
– J'espère que vous n'êtes pas un pédophile homosexuel.
– Non rassurez-vous ! Bon, enlevez vos vêtements.
– Pardon ?
– C'est pour la pesée, rassura Westbrow.
– Ah, oui... Mais il va falloir m'aider... Et je ne veux pas que ça soit vous...
– Pas de soucis.
– ...
– ...
– Wendy, tu peux revenir s'il te plaît ? appela Luke.
La jeune fille ne tarda pas à arriver.
– On peut pas se passer de moi à ce que je vois ! s'exclama t-elle, heureuse.
– Faudrait que tu me déshabilles.
Wendy regarda tour à tour Luke et Westbrow, gênée.
– Heu, je repars.
– Attends c'est pas la première fois que tu fais ça ! Tu le fais tous les jours, et chaque matin tu m'aides à faire ma toilette !
– Justement, j'aimerais avoir un peu de repos, et puisque le médecin est là et qu'en plus c'est son boulot de faire ça, je lui confie cette mission. En plus, honnêtement, entre hommes c'est normal de se serrer les coudes, ne pensez pas que la femme doit vous obéir et vous aider sans arrêt. Je sais bien que je suis indispensable à vos yeux, mais il faut que vous appreniez à vous débrouiller sans moi. Si je suis toujours là pour toi Luke, comment tu feras le jour où je ne serais plus là ? Tu dois, dès maintenant, apprendre à te passer de moi. Et c'est avec un immense plaisir que je passe pour aujourd'hui le flambeau à monsieur Westbrow, qui ne fera que son devoir de médecin, et de citoyen. Il t'aidera, t'accompagnera et te soutiendra dans cette dure épreuve qu'est le déshabillage. Allez, bisous frérot.
Elle sorti tranquillement de la chambre, sous le regard ébahit des deux hommes.
– Bon, je vais enlever votre pantalon...
***
C'est tout essoufflé que Chris arriva dans la cuisine. Plus d'une demi-heure après son départ, le revoilà avec la cagette de concombres voulue par son chef. Celui-ci s'approcha de son salarié pour vérifier la commande. Tout en regardant la cagette de légumes, il demanda à Chris pourquoi il a mit autant de temps.
– Vous n'allez jamais croire ce qu'il m'est arrivé chef. J'ai pris la camionnette, tout allait bien, jusqu'au moment où un pneu a crevé. Je me suis tout naturellement arrêté sur le côté de la route pour changer le pneu. C'est là que je me suis aperçu que je ne savais pas faire. J'ai du attendre de longues minutes avant que quelqu'un daigne s'arrêter pour m'aider. En repartant, j'ai eu la malchance de tomber dans un bouchon. Il y avait eu un accident, alors la route était bloquée quelques minutes. J'ai du prendre mon mal en patience. J'ai finalement pu repartir pour aller jusqu'au fameux magasin.
Chris marqua une pause en buvant quelque gorgées de la bouteille d'eau qui était près de lui.
– Ah oui, sacrés aventures ! s'exclama le chef.
– Attendez, ce n'est pas fini. Quand je suis arrivé au magasin, j'ai vu qu'il était fermé. C'était indiqué que le patron se marie aujourd'hui donc que le commerce ferme exceptionnellement. J'ai donc du aller ailleurs. Je sais qu'il y a un grand marché au centre ville aujourd'hui, alors j'y suis allé. Bon, c'était difficile de trouver une place pour garer la voiture, mais j'ai fini par trouver. Ensuite, j'ai tourné un bon moment avant de trouver le stand des concombres.
– Tant mieux si vous avez trouvé, vous avez donc pu rentrer rapidement après.
– Non, pas vraiment. L'achat fait, j'ai été incapable de retrouver la camionnette. J'ai encore perdu un temps précieux. Je l'ai finalement trouvé, non sans peine.
– Tant mieux...
– Ce n'est pas tout ! En rentrant, j'ai encore perdu quelques instants en laissant passer toute une classe d'enfants qui traversaient la route. Ils étaient au moins trente, et j'ai trouvé qu'ils avaient mis vraiment longtemps à traverser cette route.
– Ah, les enfants...
– Donc voilà, après toutes ces péripéties, je suis enfin là avec les concombres, chef ! déclara Chris, à bout de souffle mais content de lui.
– Eh bien, je vois que vous vous êtes vraiment donné du mal pour acheter les concombres que je vous ai demandé Chris, et c'est très bien... Mais ce que vous avez ramené là, ce sont des courgettes...
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Bonjour à tous, je voulais vous dire un petit mot car ce chapitre est un peu particulier. Au début, lors de la conversation entre Chris et Elvis, j'ai essayé de mettre quelques citations d'Elvis Presley ! Je me suis dis que ça serait amusant. D'où des répliques un peu inutiles du style "J'adore les glaces." (la vraie citation est d'ailleurs "J'adore Vegas.")
Voilà, je termine en vous remerciant pour votre lecture ! Ça me touche de voir que des inconnus suivent les aventures de mes personnages :D
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