13- Le poisson inattendu


L'ambiance dans la Chambre était toujours moins agréable quand Paola y est. Cette fois-ci, Chris et Gary devaient faire avec les caprices de la jeune brune, qui ne supportait plus d'être ici. La jeune fille aimait se dépenser, il était donc difficile pour elle de rester coincée dans une petite salle presque vide, et sans moyen de sortir.

« Pince-moi », avait-elle demandé à Chris un peu plus tôt. Ce qu'il fit avec un certain plaisir : Paola est bagarreuse, alors quiconque la touche le regrette dans la foulée. Et Chris en avait fait les frais au début de leur amitié. Depuis, il a toujours eu énormément de respect pour elle. Pas seulement à cause de sa force, mais parce que derrière ces allures de dure à cuire, se cache une personne très gentille.

Cette fois-ci, Chris pu la pincer et ne cacha pas sa joie, ce qui irrita Paola mais ne dit rien. Ce qui agaçait surtout la jeune fille, c'est ce qu'il se passa après : rien du tout. La petite douleur nel'a pas sortie de son sommeil. Déçue, elle alla s'allonger sur l'unique canapé de la pièce, se mettant à l'écart de Chris et Gary.

-Comment se passe ton travail Chris ? demanda le jeune garçon, qui savait que son ami avait été embauché dans la cuisine d'un hôtel.

-Plutôt bien pour le moment.

-Je ne savais pas que tu étais doué en cuisine.

-Je ne le suis pas vraiment, avoua Chris, gêné. Mais mon chef ne nous a pas donné de tâches très compliquées.

- « Nous » ? répéta le jeune garçon.

-Oui, j'ai un collègue. Elvis a commencé hier, en même temps que moi.

-Vous vous entendez bien ?

-On a pas encore eu vraiment l'occasion de discuter encore, mais il a l'air sympa. Je le connaîtrais mieux demain.

La conversation fut interrompue par l'arrivée d'April dans la Chambre. Celle-ci, en voyant qu'elle n'était pas seule, se tourna vers les garçons.

-Il faut que je vous dise quelque chose !

-Oui ?

-J'ai rencontré quelqu'un...

-Vous allez vous marier et avoir plein d'enfants, fin de l'histoire, dit Paola d'un ton ennuyé.

April sursauta. Elle n'avait pas vu son amie, couchée sur le canapé et donc cachée par le dossier.

-Non c'est pas un mec !

-Chacun ses goûts, on va pas te juger.

-C'est une petite fille.

Un petit silence gêné empli l'espace.

-Je crois que tu vas un peu trop loin là..., dit Paola en se redressant.

Gary fronça les sourcils.

-C'est pas illégal ?

-Arrêtez c'est pas ce que vous pensez !

-Explique nous tout ça, lança Chris.

April raconta alors en détail ses aventures dans le désert, ce qui eu le don d'agacer Paola qui fit exprès de bailler fort à plusieurs reprises. Gary et Chris, quant à eux, écoutaient attentivement l'histoire racontée par leur amie. April mentionna Frida, la fille qu'elle a rencontré. Elle expliqua que cette demoiselle d'une quinzaine d'année, et sa mère, avaient bien prit soin d'elle, en la soignant et en lui redonnant des forces. Elle rappela qu'elle avait passé deux jours dans un désert aride, sans manger ni boire. De plus, elle avait de nombreux coups de soleil et plusieurs piqûres d'insectes.

-On a appris que les personnes vivant dans les déserts chauds et remplis de sable, comme là où tu étais, sont généralement très bronzées, et on même la peau noire. C'était le cas avec elles ? la coupa Chris.

-C'est là que c'est intéressant. Elles ne sont pas du tout comme les gens qui habitent dans ce coin normalement.

-Ah oui ?

-Frida m'a expliqué qu'on était dans un désert en Afrique. Rappelez-vous, on avait appris à l'école que les personnes vivant là-bas avaient la peau plus sombre que nous.

-Et donc ce n'est pas le cas ?

-Pas avec elles. Elles sont blondes aux yeux bleus et la peau très blanche.

-Génial, intervint Paola. Vous avez des nouvelles de Greg ?

Personne ne fit attention à la jeune brune.

-Attends, réfléchit Chris. C'est comme si ils venaient de...

-Ils ont totalement le physique des personnes venant du nord, de la Scandinavie, continua April qui voyait ce qu'il voulait dire.

-C'est de là qu'ils viennent ?

-Non.

-Alors d'où ?

-D'un monde parallèle. Ils viennent d'un monde parallèle.

***

Dans sa chambre, Luke pensait. Il réfléchissait au passé.

Coincé dans son lit, il avait tout le temps de penser.Il a passé du temps à se documenter sur les mondes parallèles, et maintenant qu'il a les informations qu'il voulait, il pouvait se laisser distraire. Alors, il ne filtrait plus les pensées qui lui venaient. Il les laissait venir dans son esprit sans s'interposer.

La première chose à laquelle il pensait... ce n'était pas vraiment une chose. C'était ses parents. Il se remémorait les bons moments qu'il a passé avec eux, alors qu'il n'était qu'un enfant et Wendy dans la poussette.

Il n'y avait pas encore la guerre. Les gens étaient heureux et sereins. Son père était absent la journée car il devait travailler, mais sa mère restait à la maison pour garder sa sœur ainsi que d'autres petits enfants : c'était son métier. Luke,lui, allait à l'école et faisait de son mieux pour travailler le mieux possible. Il savait qu'avec des bonnes notes, il pourrait faire le métier qu'il voulait. Son rêve était de devenir météorologiste. C'est ça qu'il souhaitait faire de sa vie : prévoir le temps qu'il ferait. C'était sa motivation pour rester régulier à l'école. Il travaillait beaucoup, au dépit de sa vie sociale ; il avait peu d'amis. Mais ce n'était pas important pour lui. Son objectif était d'avoir des bonnes notes afin de pouvoir être admis plus tard à l'école pour devenir météorologiste. Mais ces écoles se faisaient rares, et la plus proche de chez lui se trouvait à plusieurs centaines de kilomètres. Aimants, ses parents lui avaient toujours permis de croire en son rêve. Ils lui avaient dit que même s'il serait loin, ils l'aimeraient toujours, et qu'ils lui donnerait un peu d'argent pour qu'il puisse trouver un lieu où loger.

Mais quelques années plus tard, la guerre éclata. Et son rêve vola en éclats lorsque le Président interdit quiconque de sortir de sa ville. Impossible alors pour lui d'aller dans cette école qu'il attendait depuis de longues années.

Allongé dans sa lit, Luke essayait d'imaginer la vie qu'il aurait eu si il n'y avait pas eu de guerre, s'il avait pu devenir météorologiste.

Il n'y arrivait pas.

Cette vie était bien trop loin de la réalité. Sa planète était maintenant sous une horrible guerre, lui était dans un monde parallèle, paralysé. Il n'aurait jamais imaginé cela, même en cauchemars.

Enfermé dans sa nouvelle chambre, il entendait de temps en temps la maison vivre. Des cris, des pleurs, des rires. La télévision, la radio, la voiture. Le vent, la pluie, la grêle. Et il ne participait à rien de tout cela.

Il commençait à profondément maudire cette nouvelle vie lorsque la porte de sa chambre s'ouvra.

-Qu'est-ce'tu fais là ? lança-t-il à sa sœur.

-Oh on se calme, pourquoi t'es si mal lunée ?

-Excuse moi... Ça m'énerve de pas pouvoir sortir de ce lit...

-C'est normal.

-Au moins je suis content de ma découverte.

-Ta découverte ?

-Tu te fous de moi ?

Luke ne concevait pas que sa sœur ai déjà oublié ses révélations de la nuit-même, à propos des mondes parallèles et de la Chambre.

-Désolé, je sais que tu m'en a sûrement déjà parlé mais... Tu t'en rend pas compte mais je suis très occupée moi aussi... J'ai sympathisé avec les gens de cette famille. J'ai une vie.

En disant cette dernière petite phrase, Wendy réalisa qu'elle en avait trop dit.

-T'es en train de dire que moi je n'en ai pas ?

-Non... Je me suis mal exprimée....

-Non mais tu as tout à fait raison. Depuis qu'on est arrivé ici je n'ai pas bougé de cette chambre. Je connais à peine nos hôtes.

La jeune fille s'assit sur le bord du lit de son frère, et lui prit les mains.

-Arthur, et sa femme Hannah, sont vraiment géniaux ! J'ai hâte que tu ailles mieux pour que tu puisses passer un peu plus de temps avec eux.

-Moi aussi... Si tu savais, j'ai tellement envie de me déplacer à nouveau, de marcher, de sentir mes jambes... J'ai envie d'un autre environnement, j'en peux plus de cette chambre.

Wendy regarda son frère un instant, puis se leva et marcha un peu partout dans la chambre, comme pour l'examiner. Il est vrai qu'elle n'avait jamais vraiment attention à la chambre de son frère. Les murs étaient peints en bleu clair et le plafond en blanc. Il y avait quelques affiches ça et là, surtout de paysages ou de films qu'elle ne connaissait pas. Une fenêtre éclairait la pièce. Le lit était placé contre le mur de droite, tandis que devant le mur de gauche se trouvent une commode et une étagère. Celle-ci est presque vide ; Wendy se rappela que cette chambre appartenait au fils d'Arthur et Hannah avant que celui-ci ne prenne son envol quelques mois plus tôt, emportant sans doute la plupart de ses affaires. La jeune fille se tourna vers le petit bureau qui était sous la fenêtre, contre le mur. Elle y vit une petite lampe, deux livres, un cahier, quelques stylos, mais son regard se posa sur un petit bout de papier rectangulaire, avec une inscription dessus.

-Le médecin qu'on avait vu nous avait donné sa carte. Je pourrais l'appeler pour qu'il vienne t'examiner à nouveau.

-Ça servira à rien. Il avait dit de rester allongé pendant 7jours. On en est au cinquième.

-Ça ne coûte rien d'essayer !

Devenue soudainement toute joyeuse,Wendy se dirigea vers la sortie de la chambre avec un grand sourire.

-Tu n'as pas répondu à ma question.

Wendy se retourna et regarda son frère, décontenancée.

-Qu'est-ce que tu fais là ?

-J'étais venue te dire que cet après-midi on devra s'absenter, tu restera tout seul ici un petit moment. On va aller rendre visite au père d'Arthur.

***

April se réveilla en sueur. La chaleur était difficile à supporter pour elle, même dans une tente à l'abri du soleil.

Elle resta allongé à l'ombre quelques instants, puisse décida à sortir. La lumière du soleil l'aveugla. Elle prit la direction de la tante de la mère de Kira, à quelques mètres de la sienne. April savait que cette femme l'avait soigné, mais elle ne l'avais jamais vu. Elle voulait rencontrer la mère de sa nouvelle amie, mais aussi avoir des informations sur le monde d'où ils viennent, et pourquoi ils sont sur Terre.

La tente était vide. En la contournant, April aperçu celle qu'elle cherchait. Elle avait une longue tunique bleue ciel et blanche. Celle-ci cachait même ses cheveux, mais April vit une mèche blonde dépasser. Ses cheveux étaient apparemment aussi dorés que ceux de sa fille. Elle avait également la peau très blanche, plus encore que la jeune rousse. Ses yeux étaient d'un bleu parfait, aussi bleus qu'un ciel d'été sans nuage. Cette femme semblait vraiment jeune, elle ne devait pas avoir plus de trente ans. April pensa qu'elle avait du avoir sa fille très tôt, et se demanda si c'était un choix. Puis elle réalisa que ça ne la concernait pas et chassa cette pensée de son esprit. Elle s'approcha de la femme qui était à quelques mètres d'elle et qui ne l'avait pas encore vue. Elle était accroupie et semblait ôter la peau d'un poisson. April cru rêver. Où avait-elle trouvé ce poisson ? A sa connaissance, il n'y en avait pas dans les déserts comme celui-ci.

Elle continua de s'approcher, et finalement, la femme leva la tête. April se figea. Quelle allait être sa réaction ?

La femme regarda April d'un air neutre pendant une ou deux secondes, puis rebaissa la tête vers son poisson.

-Il me semblait bien avoir senti une présence, dit-elle.

Sa voix était douce et amicale. April ne voyait pas vraiment son visage, mais elle imaginait que la femme souriait.

-N'ai pas peur, approche toi, continua-t-elle.

Le jeune fille alla s'asseoir en tailleur à ses côtés, et regarda le poisson. Il était cru et sentait plutôt mauvais, mais semblait frais. April n'a jamais vraiment aimé ce qui venait de l'eau.

Elle ouvrit la bouche pour demander d'où venait cet animal, mais la femme la devança.

-Tu pourrais m'aider à faire du feu s'il te plaît. Je dois faire cuire ce poisson.

April la regarda d'un air ébahi. La femme lui indiqua deux cailloux et lui expliqua comment les frotter de façon à ce qu'une flamme se produise.

La jeune femme aimait la nature et avait déjà appris à faire du feu avec ce qu'elle pouvait trouver sur place. Mais elle n'en avait jamais fait dans un désert aride. Sans bois, elle pensait que cette tâche serait compliquée, voire impossible. A sa grande surprise, avec l'aide des conseils de cette femme, une flamme surgit en quelques minutes à peine. April sourit, impressionnée. Mais la chaleur était tellement intense que la flamme prit de la hauteur et grossit, jusqu'à se multiplier. Très vite, sous les yeux catastrophés des deux femmes, ce petit coin cuisine ressembla à l'enfer, avec rien d'autre que des flammes qui crépitaient à quelques centimètres d'elles. Puis elles réalisèrent qu'elles étaient prises au piège. Coincées entre la tente et le feu, elles ne pouvaient pas s'enfuir. La tente était solidement fixée au sol et il était impossible de s'en servir pour étouffer les flammes. Le tissu était épais et elles ne pouvaient pas même le déchirer. Le feu progressait à vue d'œil et la chaleur, déjà très importante, s'intensifiait de plus en plus. April commençait à tousser à cause de la fumée, et ses yeux lui piquaient. De plus, il y avait maintenant une forte odeur de poisson cramé. La fumée l'empêchait de bien voir, mais il lui semblait que la femme s'était évanouie. Elle ne l'avait pas entendue tomber, mais aperçu quelque chose sur le sol. April savait que rien ne pourrait maintenant la sauver. Elle avait lu quelque part que mourir brûlée vif était la plus atroce et la plus douloureuse des morts.

« Il paraît que quand on est sur le point de mourir, on revoit défiler dans notre esprit les moments les plus marquants de notre vie... » pensa-t-elle en suffoquant.

Mais rien ne lui venait.

« Alors cette histoire n'était que légende ? Je vais mourir sans même penser aux plus beaux moments de ma vie ? »

Une larme coula sur sa joue. Elle ne su dire si c'était à cause de la fumée ou à l'idée de mourir. Sans doute un peu de tout ça.

La flamme n'était maintenant qu'à une trentaine de centimètres d'elle. April ferma les yeux et pensa à une petite mélodie qu'elle écoutait pour dormir quand elle était petite.

Soudain, la chaleur disparue, et laissa place à un froid glacial. Elle eu des frissons. Tout devint calme.

« C'est donc cela qu'on ressent quand on est mort ? » se dit-elle, toujours les yeux fermés.

Elle se décida à les ouvrir.

Le désert était là, la tente aussi. La femme était debout et semblait en bonne santé. Frida se trouvait à quelques mètres d'elles.

Et en face d'April, à la place des flammes se tenaient de gigantesques blocs de glace.

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