12- L'interrogatoire


La pièce était presque vide. Seule une table rectangulaire était placée au centre de l'espace, avec une chaise de part et d'autre. Greg était sur l'une d'elles. Il avait vue sur une porte. En tournant la tête, il s'aperçut que c'était la seule de la pièce. Il n'y avait aucune fenêtre ; Greg se sentait piégé et oppressé. Il ne comprenait pas ce qu'il se passait, ni où il était et pourquoi il se trouvait là. L'endroit était sombre, seule une petite ampoule pendait au dessus de la table. Il n'y avait aucun bruit, sinon celui de son cœur qui battait fort, et de sa respiration haletante. Il se sentait faible. Pas seulement parce qu'il venait de se réveiller. Il devina qu'il avait passé du temps sans manger, peut-être même sans boire. Certainement plusieurs jours. Sa gorge était sèche et ses yeux lui procuraient une légère douleur qu'il n'avait jamais ressenti auparavant. Ils manquaient sûrement d'humidité. Il réalisa aussi que son dos le faisait légèrement souffrir. C'était comme si on l'avait frappé. Il ne pouvait pas le voir, mais Greg se dit qu'il y avait certainement plusieurs bleus dans son dos – et peut-être aussi ailleurs. Il se sentait sale, son crâne le démangeait. Mais il ne pouvait se gratter ; ses mains étaient attachées, jointes derrière la chaise.

-Il y a quelqu'un ? hurla Greg le plus fort possible.

Aucune réponse, comme il s'y attendait. Il avait quand même prit le risque de s'informer, testant en même temps sa voix. Il n'avait pas pu crier aussi fort qu'il le pouvait.

La porte s'ouvrit enfin, peu après son appel. Deux hommes entrèrent. Ils étaient tous les deux dans la même tenue : une chemise bleue claire, un gilet noir, un pantalon noir également et des chaussures épaisses, sans oublier une casquette bleue. Ils avaient à la ceinture une arme à feu.

L'un était plus âgé que l'autre. Le vieux avait les cheveux grisés, des bourrelets dépassaient du pantalon et son air était plutôt sévère. Il était le premier à entrer. Suivait un homme plus jeune. Il devait avoir environ trente ans. Plus grand, il était aussi plus mince, et plus costaud. Son air était tout aussi dur,mais Greg imaginait que le plus âgé était le chef.

« Des policiers... » pensa le jeune homme en les voyant.

Le plus âgé s'assit sur la chaise libre en face de Greg. Ils se regardèrent quelques instants, qui paraissaient interminables pour le jeune homme.

-Vous savez pourquoi vous êtes ici ? demanda enfin le policier.

Venant à peine de reprendre ses esprits, Greg ne savait pas quoi répondre.

-Vous n'avez rien à faire au Bhoutan. Nous n'avons pas trouvé votre laissé passer. Il est obligatoire d'en avoir un pour venir dans notre pays.

Greg avait donc été fouillé ? Il n'en avait aucun souvenir. Il ne se rappelait pas avoir été capturé par qui que ce soit. Il se souvenait parfaitement de sa vie, de pourquoi il est au Bhoutan, mais il ne se souviens pas des tous derniers événements.

-Je ne sais pas comment vous avez pu venir dans notre pays, continua lepolicier d'une voix calme, mais sans laissé passer, vous nous allons devoir vous renvoyer dans votre pays et payer une lourde amende.

Greg n'était pas serein : il n'avait pas argent sur lui. Et difficile d'expliquer que pour retourner dans son pays d'origine, il fallait remprunter un portail spatio-temporel.

Petit à petit, des éléments lui revenaient en tête, notamment son expédition avec des jeunes hommes de la tribu... Toan et Susumu. Il ne pu s'empêcher de sourire en repensant à ces prénoms, mais se calma vite en remarquant que la petite plaque cousue sur le t-shirt du policier, au niveau de la poitrine, portait l'inscription « Susumu Tedja »... C'était apparemment un prénom courant dans cette région du globe.

Greg intervint.

-Attendez, je peux tout vous expliquer, tenta-t-il.

-Dites moi ce que vous faites ici.

Alors Greg raconta tout. Mais pas la vérité. Les policiers l'auraient pris pour un fou s'il disait qu'il venait d'un monde parallèle. Il inventa donc un gros mensonge et essayait d'être le plus convainquant possible, sans trop hésiter et en paraissant sûr de lui. Il dit alors qu'il était venu en urgence dans le pays pour venir rendre visite à un membre de sa famille qui avait de gros problèmes de santé et assurait que si ce n'était pas urgent et important, il aurait prit le temps de venir dans les règles.

Le policier le regarda dans les yeux, comme quand il s'est installé, plus tôt. Greg ne su dire si le policier l'avait cru ou non.

-Alors expliquez-nous pourquoi nous vous avons trouvé en pleine campagne, loin de toute civilisation, accompagné de deux individues ?

Greg sursauta. Il se sentait honteux de ne pas y avoir pensé plus tôt.

-Qu'est-ce que vous avez fait d'eux ?

Il espérait que ces policiers n'avaient attrapés que lui et avaient laissé ses deux compagnons tranquilles. Mais, lors de sa capture, ils ont bien du s'interposer ? Ils l'ont certainement protégé, après tout Greg était un invité de marque, en tout cas il en avait l'impression, ils ne pouvaient pas le laisser se faire capturer sans rien faire ! Mais, s'ils s'étaient interposés, ils ont peut-être été capturés eux aussi, voire blessés ? Peut-être étaient-ils dans une autre pièce, tout près d'ici ?

Les questions se bousculaient dans sa tête.

-Ils sont morts.

Greg ne bougeait pas. Même son cœur cessa de battre une seconde. Ses deux nouveaux amis, si jeunes et si joyeux, avaient perdus la vie.

Dès lors, il se souvint de tous les derniers moments qu'ils avaient passés ensemble. Il se rappela de petits détails qu'il avait oublié.

-Ils ont essayé de s'interposer, ils ont prétendus que vous étiez amis, dit le policier. Ils étaient donc ami avec un étranger hors la loi. Nous avons été obligé de les tuer.

Greg espérait qu'ils n'aient pas trop soufferts.

-Et votre tour viendra bientôt.

C'était ce qu'il redoutait. Il ne pouvait pas mourir maintenant, pas comme ça. Pas sans avoir parlé à ses amis, pas sans avoir accompli la mission que lui avait confié en personne le Président Hooper.

Il devait rester en vie.

-Laissez-moi vous raconter ma présence ici, avec ces deux personnes, s'il vous plaît.

Le vieux policier en face de lui le regarda mais ne dit rien. Cela dura plusieurs secondes, insoutenables pour Greg. Enfin, il entendit des pas derrière lui, jusqu'à voir le jeune policier à ses côtés. Greg l'avait presque oublié, il s'était fait discret.

-On peut le laisser raconter son histoire, dit-il à son collègue. On n'a rien à perdre.

Le vieux réfléchit un instant, puis inclina la tête de haut en bas.

***

Afin d'aller chercher un ingrédient pour un plat typique d'ici, Toan, Susumu et moi-même devions parcourir un long chemin. La première étape était la forêt. Nous devions en sortir. Entre ronces, lianes, branches mortes, trous et ruisseaux, la marche est compliquée. C'était une véritable épreuve, mais j'étais content de voir ce que la nature m'offrait. Toute une palette de couleur était là. Pas seulement le vert des arbres et le marron du bois, mais aussi les différentes couleurs des fleurs et des quelques animaux, surtout des oiseaux, que j'apercevais de temps en temps. Mais il faisait chaud et humide, et je n'avançais pas vite, contrairement à Toan et Susumu qui avaient l'habitude de ce chemin.

Nous marchions depuis environ une heure et j'étais déjà en sueur. Puis le premier obstacle apparu.

-Attention ! Sables mouvants droit devant ! annonça Toan. Nous bloquent chemin. On doit les contourner.

-Comment ? En grimpant dans les arbres ? dis-je en rigolant.

-Oui.

J'ai cru que Susumu continuait ma plaisanterie, mais Toan confirma.

-On va utiliser les lianes pour passer au dessus des sables mouvants.

-Ah ouais trop bien ! Un peu comme de la tyrolienne !

J'ai toujours aimé les sports à sensation.

-Quoi ?

-Heu, un sport de chez moi.

-Ah d'accord. Tu sais faire alors. Bien.

-Je veux bien quand même une démonstration.

-Je vais passer en premier, dit Toan.

Comme Tarzan, Toan serra fort dans ses mains une liane, choisie au hasard parmi toutes celles qui pendaient au dessus de nos têtes. Puis, alors qu'il reculait afin de pouvoir prendre de l'élan pour sauter, je l'ai coupé.

-Attend !

-Quoi ?

J'étais à plusieurs mètres de la liane. Je me rapprochais en trottinant, les yeux grands ouverts, le regard fixé sur la liane .Dans ma course, alors que j'étais encore à plusieurs mètres de Toan et de sa liane, je dis :

-Il ne faut pas prendre cette liane, elle va se casser sous ton poids !

-Tu sais comment ? demanda Toan, perplexe. Elle a l'air très bien. Et si moi tirer dessus, elle se casse pas.

-Parceque tu ne la tire pas assez fort. Mais je vois qu'elle est un peu déchirée tout en haut. Elle se cassera sous ton poids et tu tomberas dans les sables mouvants.

Toan et Susumu ont tous les deux levés la tête pour regarder le haut de la liane, sans rien dire.

-Vous voyez ? Demandais-je.

-Pas du tout.

-Je vois pas qu'elle est déchirée. Pourtant, moi bonne vue, dit Susumu.

Ça commençait à m'énerver. J'étais sûr de ce que je voyais. Mais les deux compère disaient que je rêvais sûrement, à cause de la fatigue. Certes, j'étais très fatigué, mais je n'avais jamais été aussi sûr de moi.

A contre cœur, j'ai suivi de Susumu, et nous nous sommes écartés de plusieurs mètres.

Toan, armé de sa liane, recula de quelques pas. Il se figea une petite seconde, puis se mit à courir et à sauter en s'approchant des sables mouvants. Lorsque qu'il fut en l'air, au dessus de l'obstacle, je pouvais voir un sourire sur ses lèvres. Il avait l'air d'aimer ça. Mais tout à coup, la liane se déchira complètement. Sans qu'il ai eu le temps de comprendre ce qu'il lui arrivait, Toan se retrouva à moitié dans les sables mouvants.

-Oh,non ! s'écria Susumu à mes côtés. Vite il faut prendre un bâton long et solide !

-Il y en a un là à mes pieds. Tiens.

-Merco.

Susumu a tenu le bâton comme une lance et l'a dirigé vers son ami. Heureusement, il avait gardé son sang froid et n'avait pas eu le temps de beaucoup s'enfoncer. Ses bras étaient encore dégagés et il a pu attraper le bâton facilement. En quelques secondes il était revenu sur la terre ferme.

Je n'avais jamais vu de sables mouvant, ni même quelqu'un dedans. C'était impressionnant de voir cette opération.

-On aurait du écouter le petit blanc, dit Susumu à son ami.

-Oui... Toan se tourna vers moi. Écoute Grog...

-Greg.

-Grog. Tu avais dit que cette liane avait problème et nous pas cru. Mais, tu avais raison. Désolé. Maintenant, on te fera confiance quand tu diras que tu vois quelque chose. Que ce soit un danger, ou un trésor.

-Tu as un pouvoir, continua Susumu. Tu arrives à voir ce que les autres ne peuvent pas voir.

J'étais flatté par tous ces compliments. Je ne comprenais pas comment j'avais pu voir cette minuscule déchirure, mais sur le moment je ne me posais pas vraiment la question. Nous avons rapidement continué notre chemin.

A la sortie de la forêt, il y avait un immense lac que nous devions traverser. Le contourner prendrait beaucoup trop de temps. J'avais été prévenu : nous devront le traverser à la nage.

-Heureusement, il fait beau, donc eau chaude, dit Toan.

J'étais plutôt réticent à l'idée de devoir traverser ce grand lac à la nage. J'étais fatigué et je ne m'en sentais pas vraiment capable.Surtout qu'avec notre sac à dos, la tâche serait encore plus compliquée.

-Tu vas devoir être fort, me dit Susumu en me fait une tape amicale dans le dos. Allez on y va. Il faut se jeter à l'eau.

Je regardais autours de moi. Tout était tranquille. Rien ne bougeait et il n'y avait presque aucun bruit. Des arbre à perte de vue se tenaient tout autours de moi. C'est alors que j'eus une idée.

-Attendez il y a plein d'arbres ici, il n'y a pas moyen de construire un radeau ?

Les deux compères se sont regardés, l'air perplexe.

-Ne me dites pas que vous n'y avez jamais pensé ?!

-On est habitué à nager, alors...

J'éclatta de rire. Sans doute la pression qui se relâchait. Je ne trouvais pas vraiment cette situation très drôle.

-Vous me surprendrez toujours !

-Mais on n'a pas d'outils pour fabriquer un radeau.

-Ne vous en faites pas on peut se débrouiller avec ce que la nature nous offre !

J'avais appris à tout faire seul, et vivant dans la campagne pendant plusieurs années, je savais utiliser les ressources de la nature à bon escient.

Sous mes directives, nous ramassâmes quelques troncs d'arbres qui étaient déjà tombés, mais étaient encore en bon état. Je me suis servis des lianes comme des ficelles. Et avec un minimum de bon sens, nous nous sommes retrouvé avec un petit radeau solide en quelques minutes. Encore un fois, Toan et Susumu étaient impressionnés par mes connaissances et mon savoir faire.

Nous avons donc pu traverser le lac très rapidement,sans effort ni stress.

Ensuite, sans même prendre le temps de nous reposer un instant, nous avons commencé à traverser la prochaine étape : la plaine. C'était une immense étendue d'herbe, très plate, avec aucun relief. Malgré la chaleur qu'il faisait, l'herbe était très verte. C'était sans doute grâce aux nombreux petits ruisseaux que nous apercevions de temps en temps.

Toan et Susumu ne voulaient pas que nous faisions de trop longues pauses, car nous étions pressés. Lorsque nous passions près d'un ruisseau, nous prenions quand même quelques minutes pour boire une gorgée et nous rafraîchir. Dans la forêt, les deux compères avaient pensé à cueillir des baies et autres petits fruits qu'ils avaient trouvé. Ainsi, nous avons pu marcher tout en grignotant, et étouffer la sensation de faim que nous ressentions.

Toan et Susumu discutaient beaucoup entre eux, dans leur langue, ce qui faisait que je ne comprenais rien. A force, cela me donnait mal à la tête et j'ai décidé de m'écarter d'eux de quelques mètres.

Rapidement, j'ai recommencé à me sentir bien. Je ne sentais pas vraiment la fatigue, même si j'étais épuisé. Ces magnifiques paysages que je traversais m'apaisaient et m'occupaient l'esprit.

Et soudainement, j'ai senti une immense douleur dans le dos. Comme si j'étais électrocuté. La douleur est partie du milieu du dos et s'est très vite répandue dans tout mon corps.

***

-C'est la dernière chose que je me souvienne. Quand je me suis réveillé, j'ai découvert cette salle. C'était il y a quelques minutes.

Les deux policiers l'avaient écouté attentivement, sans dire un mot. Il n'y eu aucune réaction sur leur visages, ils étaient totalement impassibles.

Finalement, le plus âgé mit son coude sur la table et se caressa sa barbe mal rasée. Manifestement, il réfléchissait.

Greg commença à transpirer. Tout se jouait ces secondes là. Lorsque l'un des policiers ouvrira la bouche, Greg saura s'il aura la vie sauve, ou s'il sera condamné à mort.

Mais ça ne se passa pas comme il l'imaginait.

Aucun n'ouvrit la bouche. Les deux policiers se contentèrent de sortir doucement de la pièce, sans dire un mot ni adresser un signe de tête au jeune homme, qui était perdu.

Il allait encore devoir attendre pour connaître son destin.

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