10- Révélations


En convalescence suite à sa paralysie aux jambes, Luke était contraint de rester au lit. Ses hôtes, un couple d'une cinquantaine d'années, lui avaient prêté la chambre de leur fils, vide depuis qu'il est partit de la maison. Luke était prisonnier de ces quatre murs mais ne semblait pas malheureux pour autant : livres, ordinateur, télé, il avait de quoi s'occuper.

Cependant, ce jour là, il avait la tête ailleurs et semblait grognon. C'est l'impression qu'a eu sa sœur en entrant dans sa chambre pour lui apporter son plateau repas. Des abricots, des brochettes de bœuf, un épi de maïs et un brownie en dessert. Tout ce qu'il aimait.

Luke se sentait malgré lui comme un prince, tout le monde était aux petits soins avec lui. Arthur et Hannah lui préparaient deux fois par jour un bon repas, que sa sœur lui servait, non sans rechigner.Il faut dire qu'habituellement, les rôles sont inversés. Wendy, en pleine crise d'ado, n'en faisait toujours qu'à sa tête. Chez elle, ses parents n'étaient pas très présents, ce qui donnait à Wendy l'impression d'être libre comme l'air et de faire ce qu'elle voulait, comme elle le voulait. Luke s'obligeait à veiller sur elle pour qu'elle ne fasse pas de bêtise. Plusieurs fois elle est passé à côté de ce qu'il considérait comme « l'irréparable » en consommant de la drogue et de l'alcool. Il l'en a toujours empêché. De ce fait, leurs relations n'étaient pas toujours très bonnes et ils se disputaient souvent. Néanmoins, ils s'aimaient l'un et l'autre. Luke occupait bien son rôle de grand frère en protégeant sa sœur mais aussi en lui expliquant des choses sur la vie. Comme lorsque Wendy pleurait en voyant constamment son père sur le canapé, dans le noir, une bouteille à la main, et que sa mère mangeait des bonbons et autres sucreries tout le long de sa journée, au tel point que sa prise de poids se voyait à vue d'œil.

En larmes, Wendy ne comprenait pas pourquoi ils se comportaient ainsi.

- A cause de la guerre, ils ont perdu leur emploi, leur passion, lui expliquait Luke en la prenant dans ses bras. Maman était assistante maternelle. Pendant que les autres femmes travaillaient, maman s'occupait de leurs enfants. Mais maintenant que les femmes n'ont plus le droit de travailler, elles restent chez elles. Du coup maman, n'a plus de travail. Quant à papa, il était architecte. Il adorait créer des bâtiments que des hommes construiraient ensuite. Il avait beaucoup d'imagination et il aimait beaucoup son métier. Il passait ses journées et parfois même ses nuits entières à dessiner des véritables chefs d'œuvres. Tu n'as jamais vu ses dessins, mais je t'assure qu'il avait un vrai don. Alors c'est pas étonnant qu'il ait de la peine aujourd'hui de voir le monde se détruire, bâtiment par bâtiment, bombe après bombe.

La jeune Wendy était encore enfant ce jour là, et Luke n'avait jamais prit le risque de lui raconter cette histoire, pour ne pas l'inquiéter. Mais cette fois-ci, il trouvait que c'était le bon moment. Après cela, Wendy commençait à changer de caractère. Plus rebelle, elle était aussi moins timide et moins sensible. Elle ne prenait plus de pincette en parlant aux gens, sans qu'elle s'aperçoive qu'elle pouvait vexer. Ses fréquentations changeaient également. Cela, Luke le voyait et il faisait de son mieux pour la protéger sans pour autant intervenir directement, ni contrôler sa vie.

Mais sur Terre, les choses avaient changés. Les rôles s'étaient presque inversés. Wendy devait être là pour son frère, qui ne pouvait rien faire.

En entrant dans sa chambre avec le plateau de nourriture, Le jeune fille remarqua la sombre mine de son frère. Il semblait perturbé.

-Ça va pas ? Quelque chose te tracasse ?

-J'ai pas beaucoup dormi cette nuit, répondit-il d'une faible voix.

-Oh non, tu as mal quelque part ? Tu aurais du m'appeler je serais venue t'aider !

Luke sourit légèrement en voyant sa sœur s'inquiéter autant pour lui.

-Tout va bien, j'ai mal nul part. Mais j'ai découvert quelque chose.

-Comment ça ?

-Hier j'ai beaucoup lui et je me suis documenté sur Internet. Et j'ai appris une chose qui nous concerne tous.

-Ah oui ?

-C'est sur les mondes parallèles. Je sais ce que les Terriens savent des mondes parallèles.

-Vraiment ? Dis moi je veux savoir !

-Je peux pas te dire, pas maintenant. Je voudrais le dire à tout le monde en même temps.

La jeune fille semblait déçu, et Luke le voyait. Habituellement, quand elle n'a pas ce qu'elle veut, Wendy insiste jusqu'à arriver à ses fins. Mais cette fois-ci, elle ne dit rien. Elle ne voulait pas déranger son frère.

- Je t'expliquerais plus en détail quand je le dirais aux autres. Ce soir il faudrait qu'on s'endorme en même temps tous les deux, comme ça on arrivera ensemble dans la Chambre, et tu pourras écouter les explications que je donnerai. Mais il faudra être concentré !

-Compte sur moi.

****

Chez Diego, Gary se sentait comme chez lui. Il passait la journée à regarder la télé et il était très heureux comme cela. Son hôte était peu aimable mais Gary a prit l'habitude de sa mauvaise humeur permanente.

Tous les deux assis sur le canapé en face de la télévision, ils ne se sont pas échangé un mot depuis plusieurs heures. Timide, Gary n'osait pas prendre la parole. De toute façon, il n'avait rien à dire. Il avait l'habitude de vivre seul. Depuis la mort de ses parents, il était solitaire. Même s'il passe beaucoup de temps avec ses amis, il aime bien être seul chez lui.

Alors que le son de mauvaise qualité de la télé occupait l'air depuis longtemps, quelqu'un toqua à la porte, faisant presque sursauter Gary.

-Qui c'est ? Cria Diego sans détourner le regard de la télé.

- C'est ta mère. Viens m'ouvrir !

-Maman, je t'ai donné les clefs ! dit Diego après avoir soupiré un coup.

- Je me fais vieille, je les ai perdues. Viens m'ouvrir !

Après un long soupire, Diego se leva lentement et alla ouvrir la porte à sa mère. Celle-ci, en passant le pallier, fit une drôle de grimace.

-Ça pue ici ! Ça fait combien de siècles que t'as pas aéré ?

- Bonjour maman. Tu connais déjà Gary.

-Je t'aurais pas reconnu, dit-elle en regardant le jeune homme. T'avais meilleure mine quand on a discuté l'autre jour dans le bus ! Allez fiston vas ouvrir les fenêtre, ça empeste le chien mouillé. Quand à toi petit, sers moi un verre de jus de fruits.

La vielle femme se dirigea vers le canapé et s'assit difficilement.

-Heu désolé madame, on n'en a plus, annonça Gary, embêté.

-C'est pour ça que vous vous nourrissez de bière et de chocolat toute la journée ? critiqua la femme en regardant la table basse en face d'elle. Allez mon p'tit gars, vas en chercher au magasin du coin. Ça te fera pas de mal de prendre un peu l'air.

Sans chipoter, Gary se dirigea vers la porte de sortie. Avant qu'il n'ai eu le temps de sortir, Diego lui indiqua qu'il pouvait prendre les quelques pièces qui traînaient sur la table.

Pour la première fois depuis qu'il est arrivé chez Diego, il y a 3 jours, Gary sorti de la maison. Ou plutôt de la cabane. Gary déambula dans les rues à la recherche d'un commerce. Heureusement qu'il n'a pas plu depuis plusieurs jours, parce que sinon les chemins de terre sur lesquelles marchaient Gary auraient été boueux. Dans le quartier, toutes les habitations ressemblent à celle de Diego. C'est un quartier très pauvre, mais il y a quand même l'électricité. Il réalisa qu'il eu de la chance de tomber dans un quartier où il pouvait regarder la télé autant qu'il le voulait.Cependant, les rues étaient remplies de déchets en tous genres et il n'y avait pas un seul endroit vert. Tout était marron et noir. Gary croisa plusieurs rats et autres petits rongeurs. Certains étaient morts et traînaient en plein milieu du chemin. Pourtant, enlevant la tête, il aperçu les sommets des grattes-ciels, ceux du centre-ville, à seulement quelques kilomètres de là.

D'abord réticent à l'idée de devoir sortir, il était maintenant heureux de respirer le bon air et de se dégourdir les jambes. Il en avait bien besoin. De plus, il ne faisait ni trop chaud, ni trop froid. Le temps était parfait.

Au cours de sa petite promenade, Gary vit plusieurs familles qui étaient à l'extérieur. Il ne put s'empêcher de regarder une maman avec son petit garçon : cela lui rappelait des souvenirs d'enfance. Il écoutait discrètement leur conversation en passant près d'eux, mais se rappela que les gens ici parlaient espagnol entre eux.

En continuant son chemin, il passa près d'une femme qui s'occupait de son jardin. Elle était l'une des seules du quartier à avoir planté quelques fleurs ; la plupart des jardins étaient laissés à l'abandon. Cette femme avait planté des fleurs, ce qui mettait de la couleur dans le quartier. Gary n'aime pas particulièrement cela, mais ça faisait longtemps qu'il n'en avait pas vu et il prit quelques minutes pour s'arrêter et les regarder. Il était à plusieurs mètres d'elles, mais il pouvait quand même sentir leur bonne odeur. Il fit le compliment à la propriétaire,qui compris ce qu'il dit. Elle était apparemment assez éduquée pour comprendre le terrien.

-Merci beaucoup, dit-elle avec un grand sourire, mais moi je ne sens aucune odeur !

-Pourtant je les sens, et c'est vraiment très agréable ! Vous pouvez être fière de votre travail madame.

-Merci infiniment jeune homme ! Comment pourrais-je te remercier ?

Cette question gêna Gary.

-Oh je ne cherche pas de remerciement, je disais simplement cela parce que c'était la vérité et je pensais que vous le saviez.

-Figure toi que toutes les personnes qui passent par ici s'arrêtent pour regarder mes fleurs. Comme tu l'a vu, il n'y en a pas beaucoup par ici. Alors, dans un premier temps, ils sont contents de voir de la couleur. Mais en s'approchant, même en mettant le nez près des fleurs, ils disent ne rien sentir et sont déçus. Certains m'insultent même. Tu es le premier à me dire qu'elles sentent bon. Et cela me fait extrêmement plaisir alors je voudrais te remercier.

-Non c'est pas la peine...

-J'insiste.

-Bon... Heu, vous avez une bouteille de jus de fruits ?

***

La dernière fois qu'il a marché sur du sable, les circonstances n'étaient pas les mêmes. Chris était piégé sur une minuscule île déserte et n'a pas eu le choix pour s'en aller : il devait nager. Beaucoup nager. Entre fatigue et inquiétude, il a aussi du gérer le requin qui l'a poursuivi. Mais il s'en est finalement sorti.

Après avoir passé toute une journée de repos, il a décidé ce matin là de faire son habituel footing sur la plage. Vêtu d'un short de sport et de ses baskets, il est parti pour une bonne heure de course sur le littoral australien. Le soleil était à peine levé : il profitait de la fraîcheur matinale pour se dépenser. Il n'y avait pas grand monde sur la plage, même les sauveteurs n'étaient pas encore là. Ainsi, la plage était à lui.

Enfin, pas totalement.

Alors qu'il courait depuis une petite demi-heure, il vit un homme se diriger vers lui et lui faire des signes. Chris commençait à être essoufflé et se permit cette petite pause.

Le petit homme se rapprocha. D'une cinquantaine d'années, il était en costard malgré la chaleur qui arrivait. Pas très grand et assez gros, il avait le crâne rasé à cause de sa calvitie. Il était bien rasé et n'avait aucune ride. Chris se demandait ce que lui voulait cette personne.

Celui-ci, souriant, était maintenant devant Chris, et lui tendait la main.

-Bonjour, excusez-moi, vous êtes bien Chris Tauphe ?

-Oui c'est moi.

-Je m'appelle Harry Botland, je suis le maire de la ville. Comme tout le monde, je sais ce que vous avez fait, toutes mes félicitations.

-Merci beaucoup.

Chris se forçait à rester aimable, mais il commençait sérieusement à avoir ras-le-bol que toutes les personnes qu'il croise le reconnaissent et le félicitent. Ça lui faisait plaisir au début, il était flatté, mais à la longue, il en était lassé. Il ne pensait pas qu'il allait faire le buzz, et encore moins que le maire se déplace en personne pour le congratuler.

-Je me demandais si vous étiez d'accord pour travailler pour la ville en tant que secouriste. Vous travaillerez quelques heures à la plage pour sauver les gens de la noyade ou d'autres problèmes qu'ils pourraient rencontrer sur la plage et dans l'eau. Nous avons vraiment besoin de personnes comme vous.

Le jeune homme ne s'attendait pas à cela. Il était heureux de cette proposition, mais savait qu'il devait refuser. En effet, il devait au plus vite se rendre à New-York pour retrouver ses amis.

-Oh, merci mais je ne recherche pas de travail, je suis juste de passage ici.

-Oui j'ai écouté votre interview à la télé, mais sachez que vous n'aurez jamais d'avion gratuitement.

C'était en effet ce que lui avait affirmé la journaliste qui l'avait interviewé.

-L'aéroport se fiche complètement que vous soyez sorti vivant d'une attaque de requin, continua le maire. Si vous souhaitez aller à New-York, vous devrez payer votre billet comme tout le monde. Et croyez-moi, ce n'est pas donné. Vous aurez besoin d'argent. Avec ce boulot, vous en gagnerez.

-Hum, admettons que vous ayez raison... je devrais travailler ici tous les jours, quelque soit la météo ? Ça peut être dangereux s'il fait mauvais temps.

-C'est justement votre mission de veiller à ce qu'il n'y ai pas d'accident.

-Mais il pourrait y avoir un accident avec moi.

-De toute façon vous savez, ici à Sydney il fait presque toujours beau.

Voyant Chris hésiter, l'homme continue.

-Si vraiment le métier de secouriste ne vous plaît pas, j'ai autre chose à vous proposer.

-Ah oui ?

***

-Et du coup tu vas faire quoi ?

En s'endormant le soir, Chris apparu dans la « Chambre ». April, Paola, et Gary  y étaient déjà. Si certaines personnes, comme Paola, n'aimaient pas cet endroit, Chris, lui, appréciait venir ici à chaque fois qu'il dormait. Ça lui permettait de revoir ses amis et de leur parler, de savoir comment ils se débrouillaient sur Terre.

En arrivant, il trouva ses amis et leur raconta sa rencontre avec le maire.

-Je lui dirais demain que j'accepte son offre de commis de cuisine,répondit-il à April.

- C'est la cuisine de l'hôtel dans lequel tu dors c'est ça ?

- Oui donc c'est parfait.

- Oublie pas qu'on doit vite se retrouver à New-York, ne prend pas goût à ta nouvelle vie, lui rappela Paola.

-T'en fait pas je prends l'avion dès que j'ai assez d'argent !

Ils furent surpris par Luke et Wendy qui arrivèrent en même temps. Ils saluèrent leurs amis puis se félicitèrent de s'être endormis en même temps, comme ils l'avaient prévus. Luke était vraiment fier de sa sœur, qui a l'habitude de s'endormir tard. Elle avait cette fois tenu sa promesse.

-J'ai quelque chose à vous dire, annonça Luke.

Wendy regarda son frère en grimaçant.

-Nous avons quelque chose à vous dire, corrigea Wendy.

Luke tourna la tête vers sa sœur puis laissa échapper un petit rire.

-Comme je disais, j'ai quelque chose à vous dire.

-Tu ne me crois pas capable de leur dire ce qu'on doit dire ? S'agaça Wendy.

Paola s'impatientait.

- Bon dites ce que vous avez à dire !

- Hi hi, elle a dit "vous", chuchota Wendy à son frère.

- J'ai lu un livre, commença Luke.

- C'est vrai ? Ouah c'est extra, champagne ! l'interrompit Paola

- En fait j'en ai même lu deux... Bref, je me suis documenté et j'ai appris ce que savent les Terriens sur les mondes parallèles.

- Mais... On le sait déjà... fit remarquer Gary.

- Ben oui, confirma April. Avant de partir, le Président nous a dit c'était seulement les plus instruits qui connaissent leur existence...

-En effet, mais j'ai des informations complémentaires, dit Luke avant de remarquer que Greg n'était pas là.

Il hésita à continuer son histoire : il voulait que tout le monde l'écoute en même temps. Mais les autres insistaient pour qu'il continue sans Greg. Tant pis pour lui.

-En fait, même les plus bêtes pensent que les univers parallèles existent. Ils ne peuvent pas le prouver, mais ils le pensent. Ils ont plusieurs théories. Alors je vous préviens, elles sont vielles, elles datent au moins des années 2000 ou même avant.

-C'était il y a hyper longtemps !

-Oui, mais depuis il n'y a pas grand chose de nouveau. Alors, d'après eux, un monde parallèle pourrait être 4 choses différentes : des mondes identiques mais où une même personne a un destin complètement différent ; des mondes qui se ressemblent beaucoup mais qui ont des légères différences...

-Si ils pensent vraiment ça, ils ont un peu raison, intervint April.

-Ce sont en effet les bonnes définitions, c'est au moins le cas pour notre planète et celle là. Mais ils ont d'autres hypothèses. Ça pourrait être un monde dans lequel on va quand on meurt, ou bien un monde dans lequel on va... quand on dort.

- Quand on dort ? répète Gary.

- Oui.

- Mais... En ce moment même, on est censé dormir... Mais on est ici et on ne dort pas... réfléchit April à voix haute.

- Exactement.

-Ça veut dire que... que...

-Ça veut dire que cet endroit, cette "Chambre" dans laquelle on est systématiquement envoyé quand on s'endort, pourrait être un autre monde parallèle.

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