Le jour du repas de famille est là. Elles ne pourront bientôt plus reculer face à leur décision. Alors pour être sûr de leur choix, les deux femmes se remémorent en détails le début de leur relation.

Après le premier vrai contact dans les toilettes de ce restaurant, elles avaient remis le couvert une seconde fois. Sans savoir que c'était le début de tout. La deuxième fois, le deuxième contact fut intense.

La fin d'une émission leur avait permis de se revoir, et leur lieu de rendez-vous fut toujours les toilettes. Tout s'était enchaîné d'une façon si évidente.

Ce matin, pas le temps de traîner plus longtemps. Il est déjà 10:00 et à midi elles ont rendez-vous chez Alan.

Gialla porte son manteau de fourrure qui fait tant craquer Sera, tandis que celle-ci se vetit d'une veste en cuir laquée.

C'est dotées d'une fausse confiance affichée sur leur visages que les femmes se rendent chez le producteur.

Elles longent les rues, leurs bottes frappant le sol, sans pouvoir se prendre la main. Ni même laisser le loisir à leurs yeux de briller de trop. Pas de tendresse qui rassure tellement et qui permet d'affronter le monde entier. Mais à la vue de cette épreuve les amoureuses se sont bien rattrapé la nuit dernière niveau tendresse.

Les paumes moites, elles font face au grand jardin qui leur reste à franchir. Les grilles sont ouvertes. On ne distingue pas l'allée qui est trop enneigée.

Au même moment, une femme aux cheveux noirs, vêtues de peu de tissus pour un hiver pareil, sort de la maison. Elle à l'air terrifiée. Qui est-elle ? Que fais t-elle ici ?

Si les flocons ne formaient pas un mur empêchant une vision correcte, on pourrait distinguer les larmes qui perlent aux coins des yeux de la femme.

Cependant on peut clairement voir, son body rose brillant et sa jupe patineuse, ainsi qu'un long manteau en fourrure blanc...

Elle est habillée comme nos deux chanteuses. Dans un style presque identique, à quelques détails près, que celui de Gialla lorsqu'elle est sur scène pour certaine chansons où elle danse. Du disco. Ou d'autres rythmes qui lui collent à la peau. Sera n'est pas en reste à ce niveau mais les habits de la femme font bien référence à ceux de Gialla.

La femme poursuit son chemin afin de ne devenir qu'une ombre qui s'éloigne. Un détail. Alan accueil les deux femmes. Ils s'assoient tous les trois autour de sa table, tandis qu'il sert le repas. Les meubles sont épurés. Tout le salon est chic. On se croirait dans un magasin de décoration à l'intérieur duquel on ne doit rien toucher.

Il dépose la salade ainsi que le gratin de pomme de terre dans les assiettes. Avant de poser la question à laquelle se prépare les filles depuis deux jours.

-- Vous avez réfléchie à ma proposition ?

-- Oui et je pense que l'on va accepter, avance Sera soutenue du regard par Gialla.

-- Je trouve que c'est une bonne décision les filles. Mais une fois que c'est fait on ne peut plus retourner en arrière et je vous préviens ça passe ou ça casse...

-- On en est conscientes, dit Gialla.

Alan est un producteur redoutable et souvent ses idées fonctionnent à merveilles. En effet, avant Gialla il a lancé bien d'autres carrières dont les noms sont encore partout. Il ne vit que pour son métier et celui-ci lui rend bien.

-- Bon très bien. Si votre décision est prise... alors on va commencer les choses sérieuses demain, ça vous va ? Demain dans mon bureau, pas la peine de prendre rendez-vous avec la secrétaire. Je me charge de tout. On signera les papiers, et tout le bazar et hop. Ça redémarre.

-- Merci Alan, s'exclame Sera.

Après cet entretien en petit comité, les amoureuses ressortent le sourir aux lèvres et l'inquiétude au ventre. Ont-elles bien fait ? Il est encore temps de tout annuler tant que rien n'est signé...

En refranchissant les grilles, leurs regards croisent celui de la femme aux cheveux noirs. Elle s'approche des deux chanteuses afin de les saluer.

-- Bonjour. Je m'appelle Anna. Je... Je voulais vous dire que je vous adore...

-- Enchantée Anna. Tu a attendu dans ce froid durant des heures pour nous voir ?

Anna hoche la tête timidement.

-- Mais j'ai autre chose à vous demander...

Les deux femmes convient Anna, à boire un café pour qu'elle puisse parler tranquillement, qu'elle soit plus à l'aise car ça a l'air important.

Le café c'est tout de même plus prudent que chez elle. Les trois femmes s'assoient sur des chaises en bois, autour d'un chocolat chaud et un café pour Gialla.

Et Anna se confie.

-- Je suis fane de Sera depuis ses débuts, et ensuite Gialla est arrivée et j'ai eu la même passion... (elle attrape sa tasse). L'autre jour, alors que j'étais aux alentours de la maison de Sera puisque j'aime me promener dans ce coin, j'ai aperçu un homme... J'ai d'abord cru que c'était Stéphane... que j'avais vu dans une émission deux jours plus tôt... j'ai essayé de l'aborder pour faire l'éloge de votre travail mais il a commencé à hurler que vous n'étiez que des "putes".
Oh je suis désolée de dire ça mais je ne peux plus le garder pour moi.

-- Non ce n'est rien, je t'en prie continue Anna.

-- Donc il vous a insulté.. mais je vous ai défendue... il a voulu m'emmener dans une ruelle en me demandant les tarifs...

Anna fond en larme. Sera s'empresse de la prendre dans ses bras.

-- Heureusement j'ai pu me dégager de lui avant l'irréparable. Je ne pouvais plus garder ça pour moi et j'avais honte d'en parler à mon entourage... ils ont déjà un problème avec mon homosexualité... tout le monde dit que mon style fait "fille de joie" mais je m'habille seulement avec ce que j'aime... mais après j'ai peut-être cherché ce qui m'est arrivée...

-- Ne dit pas ça ma belle, chuchote Sera en tentant de la consoler.

-- Tu as le droit de t'habiller comme tu le souhaite sans qu'on te juge.. ce n'est pas de ta faute la bêtise des hommes. Tu n'es coupables de rien, il ne faut pas inverser les rôles, s'emporte Gialla, convaincue et convaincante mais sûrement pas vaincue.

Suite à cette conversation les deux femmes proposent à Anna de loger chez elle le temps qu'elle souhaite.

Pendant ce temps, l'heure du repas de famille approche.