VI

/Quelques phrases du chapitre précédent #5~










Il faisait déjà nuit dehors.


Wino passa sa tête dans le vide et me lança un dernier regard.






« Je pense que je vais aller au repère. C'est mieux pour tout le monde. »






Il enjamba la fenêtre avant que je ne m'avance vers lui pour le retenir.






« Ils savent que tu t'es échappé. Alors ils savent que tu peux te réfugier là-bas. C'est ton seul vrai chez-toi. N'est-ce pas ? »






Il ne bougea plus, le regard fixé dans le vide.






« Je sais. Mais je ne vais pas rester chez toi. Je suis... Enfin, je... Je suis un danger. Surtout pour toi.

-Où que tu sois, tu seras en danger.

-Ouais. C'est un risque que je prends. »






Il me repoussa et s'accrocha à la gouttière qui descendait le long de mon immeuble pour descendre la façade comme un singe.


J'eus un pincement au cœur. Il pouvait mourir. Et ça me faisait quelque chose.


Wino leva la tête vers ma fenêtre et se mit à courir rapidement dans la ruelle. Il disparut dans la nuit, sous une pluie nouvelle.

















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Les jours passaient et rien ne bougeait. Les interviews que je devais reprendre à la place de Jeremy, et bien je ne m'y étais pas rendue. J'avais prétendu être malade. De plus, je n'avais eu aucune nouvelle visite de quiconque. Wino avait disparu de la circulation. Les papiers qu'il avait apportés étaient cachés dans ma chambre, dans une boîte sous mon lit. Je ne voulais pas y toucher. Mon cerveau ne réfléchissait plus, comme déconnecté, encore plus que d'habitude. J'étais comme un robot : dodo, médocs, café, canapé, douche, médocs, ordinateur, téléphone, purée, médocs, fixette sur la boîte de papiers, médocs, soupe, dodo. Je ne faisais plus rien et rien de plus.

Mais ce soir, quelque chose allait changer.

























Alors que je venais de me servir un verre d'eau pour prendre mes médicaments de fin de journée, l'un de mes garde-du-corps appela sur mon téléphone portable. Un peu étonnée, comme tout était calme en ce moment, je posai mon verre pour répondre.




« Allô ?

-Bonsoir, Elie. C'est Johnny.

-Bonsoir, Johnny. Un problème ?

-Non, aucun. C'est juste que Mark et moi-même nous nous demandions... Nous savons que ces derniers temps, vous ne souhaitez pas voir grand monde. Mais, vous ne sortez plus depuis longtemps, et nous pensions qu'il serait peut-être bien pour vous de changer un peu d'air ce soir. Peut-être aller manger un morceau dans une brasserie.

-C'est très gentil de vous inquiéter pour moi, répondis-je un peu surprise par cette douce attention.

-Greeta et Kun seront là dans deux bonnes heures. Nous vous tiendrons compagnie.

-Et bien... C'est d'accord. Ça me changera un peu les idées.

-Super. Mark monte dans un quart d'heure pour venir vous chercher.

-Merci, à tout à l'heure alors. »




Johnny raccrocha, et je pus prendre mes médicaments. Mon corps s'anima dès lors. Sortir, c'était quelque chose que je n'avais pas fait depuis des mois. Mes gardes du corps étaient d'adorables hommes, très attentifs et très amicaux. Johnny et Mark étaient très attachants. Une sortie en leur compagnie était toujours la bienvenue.

Ni une, ni deux, je pris une douche pour ensuite me vêtir d'une tenue simple et décontractée : un jean avec quelques broderies de fleurs et un simple haut à manches courtes, avec une petite veste en cuir. Mes lentilles de contact, une queue de cheval, un peu de poudre sur mes imperfections, un rouge à lèvres clair et une touche de mascara : me voilà fin prête pour m'en aller. Sans oublier mon sac à main et de belles chaussures, je pus éteindre les lumières de mon appartement. En refermant la porte à clé, je vis Mark apparaître hors de l'ascenseur, habillé dans son costume habituel de garde-du-corps, c'est-à-dire en civil, mais beaucoup plus classe. Il eut un large sourire en me voyant et tendit sa main vers moi.





« Bonsoir, Elie. Vous êtes ravissante.

-Bonsoir, Mark. Merci beaucoup.

-Après vous. »




Je pris lentement sa main et montai dans l'ascenseur avec lui. Après avoir descendu les quatre étages, et avoir échangé quelques mots, nous pûmes sortir dans le hall où Johnny était, discutant avec Mr. Hubert, le concierge, à la porte de sa loge.




« Mademoiselle Gliver ! Comment allez-vous ?

-Bonsoir, ça va bien merci. Vous avez l'air en forme.

-Toujours ! »




Son sourire me fit chaud au cœur. Je sortis de mon sac un masque contre la pollution de cette ville. Comme je prenais des médicaments qui me rendaient encore plus sensibles et que je sortais très peu, je préférais me protéger, même s'il fallait cacher mon rouge à lèvres.

Johnny nous attendait à l'extérieur, lui aussi habillé comme à son habitude, en civil.





« Bonsoir. Très joli haut.

-Que de compliments ce soir !, souris-je sous mon masque. Qu'est-ce qu'il vous arrive ?

-Ah oui ! Je ne sais pas trop ce qu'il nous prend aujourd'hui... On est d'humeur... D'humeur joyeuse !

-Profitez-en, Elie. C'est pas tout le temps qu'il est comme ça.

-Vous exagérez, Mark. Vous êtes tous les deux adorables, tous les jours. »




Le taxi qu'ils avaient appelé venait de se garer dans la rue d'en face. Nous prîmes ensuite la direction du centre-ville pour aller manger un morceau.

Durant le trajet, nous parlâmes beaucoup avec le conducteur qui était très bavard. La soirée se déroulait très bien. Le fait de sortir était vraiment bénéfique pour moi. Je n'avais pas autant ri depuis... Depuis plusieurs mois. J'en avais oublié ce qu'il s'était produit il y a quelques temps.

Mark et Johnny étaient des hommes charmants et qui étaient très drôles. Nous mangeâmes de délicieuses salades et des desserts légers dans une brasserie qu'ils connaissaient bien. C'était une excellente soirée.













Il faisait bon pour un hiver, la nuit était tombée. Mark et Johnny me raccompagnèrent chez moi, où Greeta et Kun nous attendaient. Avant de rentrer dans le hall, les hommes avec qui je venais de passer la soirée me retinrent.



« Elie.

-Hm ?

-Nous voulions..., se mit à sourire Mark, un peu timide.

-Nous voulions vous dire que nous sommes très fiers d'avoir travaillés pour vous ses sept dernières années. Vous êtes une bonne personne.

-Mark, Johnny... Merci, c'est très gentil.

-Vous le savez, dans quelques jours, nous ne serons officiellement plus vos gardes du corps. Ça nous fait un peu bizarre, et on sait que pour vous, c'est quelque chose de difficile à accepter.

-Sachez que si vous avez besoin de quoi que ce soit, nous restons disponibles pour vous.

-Merci. Je ne sais pas quoi vous dire de plus, fis-je en ayant les yeux brillants. Merci.

-Et... Nous voulions vous remercier pour ces sept années. Avec un petit cadeau. »



Johnny sortit de son sac à dos une petite boîte carrée, emballée rapidement dans un papier vert. Emue, je la pris et l'ouvris. A l'intérieur, un joli collier en or, très fin et étincelant.




« Wouah... Il est très beau ! Merci beaucoup ! Il ne fallait pas...

-Ce n'est rien, voyons.

- En plus je n'ai rien pour vous en retour...

-Rho, arrêtez un peu vos manières ! C'est juste un petit cadeau ! »



Je ne pus résister de les prendre dans mes bras. Le cœur battant et le sourire aux lèvres, je me sentais tellement bien avec eux. Ils étaient devenus mes amis.


Greeta et Kun, nous ayant vu, sortirent pour nous rejoindre dans ce moment de joie.



« Il est très joli. Ça va très bien avec vos yeux, se réjouissait Greeta.

-C'est ta copine qui t'a donné des conseils, Johnny ?, taquina le jeune Kun.

-Même pas ! On a choisi comme des grands avec Mark. »



Alors que mes gardes du corps discutaient ensemble, je rangeais le cadeau et son papier d'emballage dans mon sac à main.

Soudainement, je sentais qu'il y avait un je-ne-sais-quoi qui me dérangeait, tout près. Ma tête tourna lentement sur ma droite, dans la petite impasse très serrée qui donnait sur les poubelles de mon immeuble. Une présence. Il y avait une présence.

Je me redressai et restai proche de mes protecteurs avant de finir par rentrer avec eux dans mon immeuble. Monsieur Hubert était déjà couché. Mes voisins ne faisaient aucun bruit. Johnny et Mark purent rentrer chez eux et ce fut Kun qui me raccompagna jusqu'à mon palier. Comme à son habitude, il attendit devant chez moi jusqu'à ce que ma porte soit bien verrouillée.


Épuisée, je balançai mon sac sur mon lit avant de retirer mes vêtements pour me mettre en pyjama, oubliant l'impasse sombre. Un détour par la salle de bain pour m'enlever le maquillage et me laver les dents, puis dodo.

























La nuit avait été agitée, comme d'habitude. Je m'étais réveillée vers 5 heures du matin. Assez courte nuit, mais je n'arrivais plus à me rendormir.

Prise de médicaments, petit thé avec quatre biscottes au beurre, le tout devant le télé-shopping.

5 heures 30. J'ouvris les rideaux : le soleil n'était pas encore levé. Une fois mon petit-déjeuner débarrassé, je devais sortir la poubelle qui trainait depuis des jours dans un coin. Comme ça je pourrais discuter avec mon concierge, il se levait toujours très tôt.

Un survêtement enfilé, la poubelle prise en main, je sortis de chez moi avec mon masque sur la bouche, passant par les escaliers. Aucun bruit dans l'immeuble. Le concierge n'était pas dans sa loge : il y avait le marché ce matin, il devait y être. Ou alors il dormait simplement.

Il faisait un froid de canard dehors : l'hiver était bien présent. Beaucoup plus qu'hier soir.

Je m'éloignai de l'immeuble, tournant dans l'impasse qui donnait sur les poubelles. Mon souvenir de la veille me revint et je ne pus plus avancer, plantée au milieu de l'impasse.




« Tout va bien. Y'a rien. C'était hier, tu as un peu bu. C'était normal... »




Il n'y avait rien face à moi. Juste des poubelles pleines. Débordantes même.

Je repris une démarche plus sûre, malgré le fait qu'il fasse très sombre tout autour de moi.

Arrivée face aux bennes trop pleines, j'allais balancer ma poubelle sur le dessus quand j'entendis tout près de moi un gémissement plaintif et puissant. J'hurlai puissamment, reculant du plus vite que je pus et laissant tomber mes déchets sur le tas de poubelles tombées au pied des bennes.

Terrifiée, je voulus sortir de l'impasse avant que je ne me rende compte qu'il y avait un bras qui dépassait du tas de poubelles au sol. Un bras en sang. Je compris alors.

Je me saisis de mon téléphone pour composer le numéro des urgences alors que je me précipitai vers la personne pour l'aider et retirer les déchets qui recouvraient son corps.




« Merde... Merde ! Ne vous en faites pas, les secours vont arriver ! Je les appelle ! Je... »




Alors que le corps devenait visible, je retirai la poubelle qui recouvrait la tête de la personne. En sang, les yeux fermés, les lèvres explosées et le nez tordu, la personne était recouverte de sang. Elle toussait fortement, et semblait mal en point.




« J'ai les urgences au téléphone ! Vous allez être pris en charge.

-Elie... »




Mes yeux grossirent et fixèrent l'homme en sang. Avec un peu plus d'attention, je m'aperçus qu'il s'agissait d'un visage familier. C'était Wino. Il venait d'agripper mon bras avec une main tremblante.




« Ne les appelle pas... »




Les urgences venaient de décrocher au bout du fil.




« Le SAMU j'écoute ? Quel est votre problème ? Allô ? Al-... »




Je raccrochai immédiatement.




« Wino, qu'est-ce... Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? », fis-je paniquée et stressée.




L'homme gémissait de douleur, le visage grimaçant et sa main tenant fermement mon bras. Il ne me répondait pas, souffrant.

Je ne savais pas quoi faire.




« Il faut que des médecins s'occupent de toi.

-Non ! Non... Ne les appelle pas... Ils... Ils me retrouveront... Et toi... »




Il se mit à paniquer et remua contre le reste des ordures.




« Doucement, doucement. Tu es blessé de partout... Je... »




Je réfléchis à grande vitesse pour trouver une solution. Je ne pouvais pas le laisser comme ça. Étrangement, je n'arrivais pas à me dire qu'il fallait le laisser comme ça et qu'il le méritait.

Ma tête se tourna contre l'immense mur de l'impasse qui était également un mur de mon immeuble. Une unique porte communiquait entre l'intérieur et l'extérieur, mais je savais qu'elle ne pouvait s'ouvrir que de l'intérieur. Il fallait éviter mes gardes du corps, ils ne devaient pas être au courant. Du moins pour le moment.




« Ne fais pas de bruit, je reviens dans cinq minutes.

-Elie... Tu...

-Je reviens. »




Prenant mes jambes à mon cou pour sortir de l'impasse, je repris une démarche normale pour rentrer et n'alerter personne. Aucune âme sensible n'avait entendu mon hurlement de tout à l'heure. Mes gardes-du-corps, toujours assis sur le chaises, me saluèrent de nouveau et je fis semblant de monter les escaliers. Je pris mes clés dans la poche de mon survêtement et entra prudemment dans la salle isolée qui comportait la porte donnant sur l'extérieur. Les mains flageolantes, je l'ouvris précipitamment, profitant qu'il n'y ait personne près de cette pièce-là.

Je plissai les yeux et tentai de trouver un objet pour caler la porte. Heureusement, de vieux de pots de fleurs laissés là purent m'aider à la bloquer. Un dernier regard derrière moi pour m'assurer que personne ne m'ait vu, je me lançai ensuite en courant dans l'impasse.




« Accroche-toi à mon cou, je t'emmène chez moi. »




Wino était à moitié dans les vapes. Il arriva tout de même à entourer son bras autour de mon cou, je pus le soulever et l'amener à l'intérieur de ma résidence. Je lui fis comprendre qu'il ne devait faire aucun bruit pour ne pas se faire remarquer.

Greeta et Kun étaient près de l'entrée, entrain de discuter doucement. En faisant très attention, nous prîmes l'ascenseur, qui fit tout de même un bruit, sans que cela ne dérange les deux gardes.

Wino s'affaissait sur moi, sans aucune force pour se retenir tout seul. Je n'avais jamais eu une force importante, alors le maintenir droit était compliqué pour moi.

Une fois à mon étage, je croisai les doigts pour qu'il n'y ait aucun voisin sur leur palier. Il devait être 6 heures. Certains partent à cette heure-ci au travail.

Les yeux fermés, je priai intérieurement. Les portes s'ouvrirent. Penchant ma tête à droite puis à gauche, je ne vis personne.




« Allez, encore quelques pas. »




Les clés en main, mon appartement s'offrit à nous en quelques secondes. Pour fermer ma porte, je mis un coup de talon dans celle-ci et emmena Wino dans mon salon. Je le déposai au sol, la tête sur un de mes poufs.




« Ne... Ne bouge pas. Je... »




Je me précipitai dans la salle de bain pour prendre le nécessaire afin de soigner Wino.

Il avait des hématomes de partout, des plaies ouvertes. Je n'étais pas très douée pour soigner les gens. Noah savait, lui. Il était médecin. Mais je ne pouvais pas l'appeler. C'était trop risqué.




« Il faut que je t'enlève tes habits. Ils sont imbibés de sang et puis ils sont sales. Ils ont du infecté tes plaies.

-C'est comment ?, arriva-t-il à murmurer.

-C'est... C'est vraiment pas beau à voir. »




Il garda ses yeux fermés et respira plus fort.

Je mis sous l'homme un drap plié pour éviter qu'il ait trop mal, puis je déchirai ses tissus troués pour les retirer. Son corps était ecchymosé, meurtri de toutes parts. Entre le mélange des odeurs de sang et de déchets pourris et cette vue imprenable sur son corps abîmé, j'eus un relent de vomi intérieur. Mais qu'est-ce que j'étais entrain de faire ?



















































































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N°6~

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