Chapitre 6
La demoiselle regardait tranquillement le paysage qui se défilait devant elle, composé d'une vaste étendue d'eau salée, située derrière une plaque de verre garnissant la fenêtre, tandis que la lumière du soleil caressait sa peau douce. Ses paupières venaient de faire apparaître ses iris, alors que son corps ne bougeait pas vraiment. Elle n'en avait pas réellement envie, ce qui était bien compréhensible, mais elle savait que d'un moment à un autre, ses obligations allaient la bousculer de ce lit si ouaté.
Triste réalité.
Ainsi, elle se mit enfin en mouvement, lentement, se levant doucement de son matelas, avant d'étirer tous ses membres, lâchant ensuite un petit gémissement d'aise à la fin. Echo soupira doucement, bailla, avant qu'elle ne se rende compte qu'elle était devant une glace. La jeune femme s'avança vers celle-ci, se positionnant face à elle, avant d'observer l'apparence qu'elle avait. Cet instant allait être l'un des rares, puisque cela faisait un moment qu'elle n'avait pas vu son visage, le secret de ces traits étant primordial dans ce jeu. C'était une règle, et un droit. Dès qu'ils se trouvaient dans un espace fermé, et tranquille, ils avaient la possibilité de réclamer une surface intime de quelques mètres imposée par les organisateurs qui évalueront la situation et décideront d'accepter ou non la demande. Le quémandeur n'avait qu'à lever l'une de ses mains, précisément celle où l'on a implanté une puce en-dessous de la poignet, du côté de la paume, utilisée aussi afin d'absorber l'énergie des cristaux trouvés et d'être d'actualité sur le déroulement du Diamant Hors-La-Loi. De ce fait, les drones qui se baladaient dans l'atmosphère, avec un appareil permettant de filmer, avaient l'écran énormément flouté lorsqu'ils étaient en contact cet espace protégé.
Elle se regarda alors un moment, parcourant les marques caractéristiques de sa physionomie, ainsi que sa longue chevelure blanche s'arrêtant au niveau de sa poitrine. Son visage exprimait l'indifférence, tandis que ses iris avaient des éclats de détermination, apparence qu'elle aimait observer par sa force de motivation. Ses paupières s'abaissèrent ensuite, sa respiration devenant brièvement audible, puis, machinalement, ses mains se tournèrent vers une plateforme lisse sur laquelle elle avait posé ses affaires. Elle prit tout d'abord en main son pantalon qu'elle enfila convenablement, et fit de même avec son haut, ses chaussures et enfin son manteau ample, ne possédant pas de manches mais un capuchon qu'elle n'avait pas encore mis à cause de son bonnet, désormais disparu. Avec ses mains enveloppées par des gants, elle prit son masque qu'elle mit doucement au niveau de sa lèvre du haut, avant de terminer sa tenue par des armes que ses alliés lui avaient fourni et ce qu'ils avaient trouvé, les mettant sous ses vêtements et dans ses bottes.
— Je suis prête.
Elle était toute seule, mais cette phrase prononcée par ses propres lèvres lui étaient surtout adressées, comme pour se reprendre en main et s'encourager, continuer d'avancer quoi qu'il arrivait. Enfin prête, elle sortit de la pièce, respirant ainsi une nouvelle fois l'air frais de l'extérieur, tandis que le vent touchait le peu de sa peau recouverte. Cette sensation lui faisait du bien, ce qui lui décrocha un sourire inconscient.
La demoiselle prit un moment à observer le paysage, son regard retombant dans l'eau et le ciel, avant qu'elle ne se tourne vers la barre où elle trouva son chef, qui semblait ne pas avoir quitté son poste depuis le début. Le concerné la remarqua au bout de quelques secondes, et lui adressa un message de salutation par un hochement de la tête, accompagné d'un petit sourire à moitié artificiel, avant qu'il ne rapporte son attention à l'océan. Après ce court échange, elle se retourna et se dirigea de l'autre côté du navire, marchant tranquillement tandis que le bruit de ses pas exprimait la sérénité, un calme dont aurait besoin un bon nombre des participants de ce jeu.
— L'Esculape ?
D'une petite voix, la gymnaste interpella son acolyte qui se trouvait désormais à quelques mètres d'elle, assise sur le garde-corps d'une manière totalement imprudente, mais dont cette précaution lui semblait négligeable. L'intéressée ne se tourna pas, mais avait l'oreille tendue, de sorte à entendre le mieux que possible ses propos, tandis que son regard restait perdu dans l'eau.
— C'est à ton tour d'aller te reposer.
L'interlocutrice avait dit cela d'une manière si circonspecte, à croire qu'elle avait peur d'être brutale dans ses mots, alors qu'elle ne disait rien de bien grave. Cela faisait un moment qu'elles n'avaient pas eu de conversation vivante, et la dernière fois que c'était le cas, ces femmes inspiraient plus le conflit qu'autre chose. De ce fait, Echo ne savait plus vraiment de quelle façon elle devait lui parler. La réponse ne l'aida pas, puisque son alliée ne réagit pas, se contentant de garder sa position, silencieusement. Elle contempla son associée à la magie verte, l'expression actuel de son visage étant tellement rare qu'elle ne put s'en empêcher. Pour la première fois depuis un bon moment, elle ne voyait plus de la haine dans ses yeux, mais de la mélancolie, sûrement par la mémoire du passé qui devenait désormais envieux. Un petit sourire apparut même sur ses lèvres, surprenant la gymnaste qui n'en avait même plus eu le souvenir.
Elle soupira doucement, hésitant un petit instant, avant de s'avancer vers la barrière, s'installant à son tour, la différence étant que ses pieds touchaient le sol. Elles étaient à un mètre de distance l'une de l'autre, et ne se regardaient pas, leurs yeux restant rivés devant elles, comme un couple d'automates. Ce moment dura une bonne quarantaine de secondes, un temps qui devenait de plus en plus long, jusqu'à ce que la soigneuse se mette en mouvement, se retournant doucement. L'autre demoiselle se poussa légèrement sur le côté, afin de lui donner une meilleure facilité pour reposer ses jambes de l'autre côté du garde-corps.
D'un coup, elle se retrouva attirée, ce qui faisait qu'elle se retrouvait à la position d'avant, mais un peu plus encore en direction de l'Esculape, cette dernière l'ayant ramené avec l'une de ses mains, positionnée sur son avant-bras. Précédemment distantes, elles se retrouvaient désormais collées, tandis qu'elles avaient encore la tête tournée, l'une des femmes à la physiologie de l'étonnement.
— Il va falloir que l'on se sert les coudes.
Automatiquement, Echo se tourna vers elle, les sourcils froncés, tandis que son attention lui fut clairement donnée. L'autre demoiselle fit de même au bout de quelques secondes, plantant son regard dans le sien, alors que ses iris faisaient passer un message, certainement dans l'inconscience. Son acolyte paraissait plongée dans la nostalgie et la langueur, comme si dire cela avait été un énorme effort pour elle, en sachant qu'elle avait une fierté qui était loin d'être infinitésimale. C'était le genre d'expression du visage qui rendait la gymnaste admirative face à cette personne, celle de quelqu'un qui arrivait à prendre du recul, peu importe la situation où elle se trouvait.
— On oublie les erreurs du passé, et on avance ensemble jusqu'à ce qu'on s'en sorte.
Sa voix était faible, ce qui était tout aussi rare puisqu'elle était habituellement bien audible à plusieurs mètres. Elle soupira doucement, ne quittant pas ses yeux, avant qu'elle ne retire délicatement sa main pour ramener ses doigts à son propre cou, à l'arrière, faisant de petits mouvements non visibles à la plus jeune d'entre elles. L'Esculape écarta ensuite ses deux membres, de part et d'autre de sa tête, tandis qu'une petite chaîne avait apparu autour de ses appendices, accompagnée d'un pendentif représentant une gerbe de blé dorée. La femme en fit un lien en collant ses index et ses pouces, avant de le mettre que d'une seule main, puis de prendre celle de son alliée et de la placer sur la paume, avant de la serrer fortement.
— A l'égard de l'âme aux sept pétales.
Echo continuait à la regarder, tandis qu'elle sentit le corps de son acolyte supporter un léger tremblement, ainsi que des larmes menaçant de couler sur ses joues. C'était un geste très significatif chez eux, inspirant une grande confiance. Il suffisait qu'une personne fournisse un objet qui lui était cher à un autre individu, lui confiant ainsi cette importance, lorsqu'elle sentait que c'était devenu une situation complexe. Cela voulait tout simplement dire que malgré le fait qu'ils étaient en plein dans la sophistication, elle avait encore foi en eux, même avec les hauts et les bas qui avaient pu les éloigner. Le but de cet acte était de rappeler que quelqu'un comptait sur elle, avait un estime non-négligeable de sa fiabilité et surtout, que c'était réciproque, que sa loyauté ne l'avait en aucun cas quittée.
Un bruit soudain atteignit ses tympans, alors qu'elle affichait une mine surprise, sans bouger la tête. C'était son amie qui venait de frapper le garde-corps avec son poing, près d'elle, avec une force qui l'avait elle-même surprise. Echo connaissait la raison de ce brusque geste. Sa compère avait encore un arrière-goût d'amertume, mais qui semblait être dominé par la mélancolie, puisqu'elle se mit à tout d'un coup éclater. Des sanglots parvinrent aux oreilles de la gymnaste, tandis que la soigneuse avait la tête posée sur les genoux de son associée, pleurant sur elle, et faisant tomber toute sa figure de carême dans son asthénie. Elle évacuait tout.
— A l'égard de l'âme aux sept pétales.
C'était la réponse qu'avait donnée la gymnaste face aux paroles et aux gestes de son ami qui continuait à sangloter. Elle se mit à délicatement poser une main sur sa longue chevelure brune attachée de part et d'autre de sa raie, avant de se mettre à caresser la racine, avec un mouvement qui se voulait tendre. Cette scène était loin d'être rare, ce qui était surprenant était le changement de rôle. Le fait que ce soit elle qui devait la consoler était une première, ce qui fut la raison pour laquelle elle semblait être emportée par la maladresse tandis qu'elle tentait de faire les mêmes actions qu'avait fait la trentenaire à son égard, lorsqu'elle n'était pas dans le bien-être mentalement.
Ainsi, elles restèrent un moment sur ce garde-corps, l'une se reposant sur les cuisses de l'autre, tandis que cette dernière s'occupait de l'apaiser comme elle le pouvait. La demoiselle devinait que son alliée avait les yeux fermés cachés derrière son masque d'anonymat, mais qu'elle était restée éveillée, tandis qu'elle devait de son côté, surveiller les alentours du navire en cas de mauvaise surprise. Cependant, son attention fut rapidement tournée sur le paysage qui s'était défilé devant elle, passant par la vaste étendue d'eau salée au firmament qui recouvrait sa vision. Cela faisait un moment qu'Echo n'avait pu profiter d'un instant comme celui-ci, où régnaient la tranquillité et le réconfort dans les bras de l'océan.
Et en soi, il fallait qu'elle garde les pieds sur terre.
— Il est préférable que tu ailles te prélasser dans la cabine, conseilla-t-elle. Je t'assure, c'est plus agréable.
Par sa manière d'avoir dit cette phrase, elle semblait prendre à cœur ses paroles. Il faut dire qu'elle en était sortie très satisfaite de sa sieste, aussi bien de cet assoupissement que de l'intimité qu'elle avait enfin eu depuis le début de ce jeu.
De ce fait, son acolyte se redressa lentement, s'étirant ensuite avec délicatesse, hochant la tête en signe de remerciement avant de balancer ses pieds de l'autre côté du garde-corps, les posant sur le sol. La demoiselle pouvait tout d'abord entendre un petit silence, puis ensuite des bruits de pas qui s'éloignaient de ses tympans. C'était au bout d'un certain temps qu'elle avait compris qu'elle était désormais seule.
La criminelle soupira doucement, se mettant à mouvementer afin de se retrouver face aux flots, et alors, les jambes rencontrant le vide mais le fessier sur la plateforme de la barrière du navire. Elle resta ainsi, les cheveux et la pensée au vent, dans une solitude pourtant adoucissante, alors qu'elle était toujours vêtue de tous ces vêtements pas forcément nécessaires à cet instant-là, ainsi que de son masque qui cachait le bas de son visage. C'était un moment agréable, mais cette quiétude allait être plus ou moins renversée par l'apparition d'une machine qui se baladait dans les airs, ce qu'on appelait un drone. Il ne la dérangeait pas directement, ne la touchait aucunement, mais le simple fait de connaître la raison de sa présence l'irritait. Son isolement devenait désormais titillant, car elle avait beau être physiquement seule, des milliers d'individus savaient actuellement ce qu'elle faisait, ce qu'elle disait et probablement ce qui se passait autour d'elle, ce qui était bien loin d'être réciproque.
De toute manière, elle ne s'en intéressait guère.
Elle soupira doucement, et se souvint soudainement de quelque chose. La jeune femme libéra l'un de ses avant-bras de sa manche, où se trouvait la puce qu'on lui avait transmise avant qu'elle ne mette les pieds dans cet endroit. La demoiselle appuya sur son poignet durant plusieurs secondes, avant qu'un écran apparaisse devant ses yeux. C'était le même qui était brusquement survenu lorsqu'elle était dans la grotte, se battant contre l'homme qui volait dans les airs. Ce cadre lui permettait d'être d'actualité sur la situation, c'est-à-dire les informations données par les organisateurs du jeu, notamment la mort des participants et la découverte d'identité de ces derniers par le public. En somme, c'était loin d'être une utilisation négligeable, bien au contraire, c'était presqu'indispensable pour sa survie.
Le premier renseignement qui avait apparu était un fait auquel elle se doutait déjà. L'individu avec qui elle avait eu un moment d'hostilité avait décédé sous les rochers qui s'étaient brutalement écrasés sur lui tandis qu'elle avait réussi à s'échapper. C'était un homme encore assez jeune, allant dans les alentours de la trentaine et qui était père d'une petite enfant d'une dizaine d'années désormais orpheline. Il ne s'était volontairement pas occupé d'elle, ne désirant pas être un poids pour son éducation, mais volait des médicaments pour sa survie. C'était d'ailleurs pour cette raison qu'elle avait décidé de rejoindre un groupe de criminels.
Un soupir s'échappa des lèvres de la demoiselle, alors qu'elle abaissait ses paupières en levant légèrement la tête vers le haut.
— Paix à ton âme, Leonty.
Ce nom sortit de sa bouche n'était autre que celui de l'homme désormais décédé. C'était bel et bien son ennemi, mais elle n'avait plus le droit de le considérer comme tel, mais comme le sang d'une nouvelle personne entre ses mains. Ce n'était pas ce qu'elle souhaitait, loin de là, mais l'avis d'une délinquante ne comptait aucunement. De toute façon, Echo n'en avait que faire de ce que pensait les autres. Sa position était semblable à celle que l'on adoptait lorsque l'on souhaitait envoyer un sorte de message, des excuses adressés à sa famille ainsi qu'à ses proches, malgré lui. C'était bien ironique, étant donné que c'était par sa faute qu'il les avait quitté, mais elle ne pouvait s'en empêcher, les mains liées et la tête baissée.
Quoi qu'il arrivait, elle avait tout de même une part d'humanité en elle.
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