Chapitre 9
Ce matin-là, il faisait plutôt clair et chaud, mais en cette saison, le soleil diffusait toute la journée une lumière particulière qui donnait l'impression d'être toujours en pleine soirée d'été, juste avant le coucher de soleil.
"Tu me raconteras tout, hein ?
-Ouais, promis. À ce soir, Altaïr !"
Après avoir dit au revoir à mes tuteurs, je sortis de la maison, et pris la direction d'Athéna en courant, car je ne voulais pas être en retard pour le jour de la rentrée...
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Une semaine plus tôt, je courrai à travers les bois. Je venai de me souvenir de quelque chose de super important. Pourquoi n'y avais-je pas pensé plus tôt ? Je pris plein Ouest en longeant la rivière, jusqu'au gué. Après avoir traversé la rivière, je continuai au Nord, jusqu'à la cabane. Cela faisait maintenant 4 ans que je n'y étais pas retourné. Je grimpai l'échelle de corde en m'égratinant un peu les mains, car je n'étais plus habitué à la rugosité de celle-ci. Le parchemin de Yohito gisait toujours sur le sol en rondins lisses. Je relus avec avidité le petit mot qui l'accompagnait.
Petit frère,
ne m'en veux pas, un jour, tu comprendras. Je sais que tu ne veux pas écouter ce que j'ai à te dire, mais quand le moment sera venu, quand tu te sentiras prêt, quand tu feras face au destin, lis le parchemin.
Yohito, ton grand frère.
Cette écriture me rappelait trop de souvenirs dont je ne voulais pas me souvenir. Pourtant, après un moment d'hésitation, je saisis le message qui m'avais attendu pendant plus de 4 ans, et que jusqu'à présent, j'avais toujours refusé de lire. Je le déroulai, sans prêter attention au bruit caractéristique du papier qui se froisse légèrement.
Petit-frère,
Si tu lis cette lettre, c'est que tu dois avoir eu 12 ans il y a 22 lunes**(presque 1 an)**. Joyeux anniversaire ! Je suis vraiment désolé de ne pas être là pour le fêter avec toi...J'aurai tellement aimé te voir grandir... En ce moment-même, les Chevaucheurs arrivent...ils seront là d'ici quelques minutes... je dois me dépêcher de t'écrire cette lettre. Papa et Maman vont bien ? Enfin, je suis désolé, mais... les Chevaucheurs arrivent de l'Ouest, et comme la maison est un peu isolée des autres, c'est elle qu'ils attaqueront en premier. Et connaissant nos parents, au lieu de se réfugier au cœur du village, ils se battront et nous protègeront jusqu'au bout, ainsi que Valtarden. Oh...je suis vraiment désolé. Mais toi, toi tu dois survivre. Bientôt, nous serons orphelins, et moi, tout ce que je trouve à faire, c'est t'abandonner...Je me déteste...Je perds mon temps... je dois revenir à l'essentiel. Je disais donc que si tu lis cette lettre, c'est que tu as 12, et que tu ne sais pas dans quelle école t'inscrire. J'en suis sûr, je te connais mieux que personne...Tu t'es sûrement demandé ce qu'en penseraient les parents, et évidemment, ils t'auraient dit de choisir quelque chose qui te plaît vraiment, et qui correspond à tes compétences. Mais tu ne les connais pas, pas vrai ? Moi, en revanche, je sais très bien qu'elles sont tes capacités... Je les aie vues quand on jouait dans la forêt, quand je t'apprenais à te battre, quand on faisait des parcours dans les ronces et que tu n'abandonnais pas, quand on explorait sans peur les bois inconnus...je te connais mieux que toi-même. Tu ne devines toujours pas ? C'est pourtant évident... Tu es un guerrier, Hardex. Tout comme moi, Papa, Maman, Elta... Quoi, ne me dis pas que tu n'avais pas remarqué... elle aussi deviendras une guerrière. D'ailleurs, pourrais-tu lui dire...Non, rien, oublie... Je t'en supplie, fais-moi confiance... va à l'école Athéna, (surtout pas chez Mars, ce ne sont que des gros crâneurs...) **(depuis des générations, Athéna et Mars, les deux écoles formant des apprentis guerriers sont en concurrence, et les élèves entretiennent les mythes et les défis autour de ce sujet)**... Je sais que tu ne veux pas m'écouter, mais dis-toi que ce n'est pas ce que je souhaite, mais ce que Papa et Maman auraient voulu...
J'espère sincèrement de tout mon cœur que je me suis trompé, que Papa et Maman vont bien, que la maison n'est pas détruite, que tu n'auras pas besoin de lire cette lettre, que tu as un éclateil et que tu vas rentrer à Athéna de ton propre chef. Quoique tu fasses, je serai toujours fier de toi...
Ils arrivent...Protège bien le village...
Yohito, ton grand-frère.
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Arrivé à l'entrée, j'observai un instant les élèves qui discutaient par petits groupes avant d'entrer dans la cour. Je cherchai Elta du regard.
"Ah, t'es là, toi ! J'ai cru que tu ne viendrais jamais...
-Salut Elta, moi aussi je suis content de te revoir," me moquai-je, aussi amusé que surpris, car elle venait de surgir derrière moi.
Nous nous installions à droite de l'entrée, appuyés contre le mur.
"Tu connais d'autres personnes ? la questionnai-je, voyant qu'elle scrutait la cour.
-Non, répondit-elle simplement, pas encore."
Je remarquai que certains avaient un éclateil à leurs côtés, comme ce garçon assez grand, aux cheveux entre le châtain clair et le roux, qui caressait machinalement le pelage de son jeune tigre ; ou comme cette fille à la chevelure tressée en couronne aussi noire que les tâches de son panda. D'un accord tacite, nous nous dirigions vers le garçon et son tigre.
"Salut, commençai-je, il est beau, ton tigre.
-Merci. Il s'appelle Crust. Et moi, c'est Kod, fit-il avec un grand sourire. C'est quoi vos noms ?
-Hardex.
-Elta, "répondit à son tour mon amie.
Son sourire était sincère, et ses yeux saphir semblaient prendre du plaisir à être avec nous. Il portait trois cicatrices sur sa joue gauche, qui faisaient pensaient à des moustaches, où des rayures de tigre. Elles ressemblaient à des griffures.
"Comment tu t'es fait ces cicatrices, me devança Elta.
-En fait, c'est Crust qui me les as faites en jouant, il y 5 ans, avoua-t-il.
-Tu l'as invoqué il y a 5 ans ?
-Oui !
-Et il n'a toujours pas atteint sa taille adulte ?" remarqua-t-elle avec étonnement.
Sa question était intéressante. J'étais toujours content d'en apprendre plus sur les éclateils. Et en effet, celui de Kod semblait encore jeune.
"En fait, révéla-t-il, certains éclateils grandissent au rythme de l'humain qui les a invoqués.
-Ahhh...comprit-elle."
Soudain un rugissement sonore résonna dans la cour. Je me retournai vivement. Devant la porte à double battant, un superbe lion au pelage doré secouait sa crinière. À ses côtés, un homme à la stature imposante croisait les bras en nous regardant. La brise fit voleter les quelques mèches marron clair qui retombaient sur son front. Je vis que Kod et Elta le fixait aussi avec attention. Crust avait dressé les oreilles, les yeux grand ouvert, dévorant du regard l'autre félin.
" Apprentis guerriers, bienvenue à Athéna. Le rugissement de Thélos a sans doutes surpris les première année, avança-t-il en enfouissant sa main dans la crinière de son éclateil. C'est le signal qui indique le début des cours. "
Sa voix grave et forte résonnait autour de nous. Elle était plutôt belle, et reflétait une forme de confiance et d'empathie, mais aussi de maîtrise et d'expérience.
"Je me présente : je suis Maître Arkor, le directeur de l'académie. Et, vous l'avez sûrement deviné, lui, c'est Thélos. C'est le chef des éclateils. Il est gentil, mais il sait se faire respecter. Ne vous avisez surtout pas de lui tirer la queue. Il déteste ça. En revanche, une caresse dans la crinière de temps en temps ne lui fera pas de mal... Bref, veuillez gagner vos classes respectives. Les 1ères années, suivez-moi."
Je suivis Elta et Kod qui rejoignaient les autres de notre âge, et entraient dans le bâtiment. Les gens parlaient entre eux, riaient, échangeaient des murmures étouffés, certains lançaient des regards pleins d'intérêts vers les quelques éclateils qui montaient les escaliers avec nous. Maître Arkor nous conduisit dans la salle où nous étions venus, il y a une semaine, avec Sirius. Le garçon et son tigre filèrent prendre des places au fond, et je le rejoignis. Mon amie blonde me suivis. Nous nous assîmes à un grand bureau 3 places, et pendant que les autres s'installaient, je pus les observer.
Mon attention se porta sur les apprentis guerriers qui avaient un éclateil. Il y avait tout d'abord Kod, puis la fille avec son panda, assis dans l'allée, tournant doucement la tête de tous les côtés, surpris de tant d'agitation. Il y avait ensuite un jeune lion, presque encore un lionceau, qui n'avait pas encore sa crinière, dont la tête m'arrivait à peine à la taille ; et enfin, un cheval... oui, oui, un magnifique frison noir comme la nuit, docilement couché dans l'allée, comme les autres éclateils. Mon regard cherchait son propriétaire, et s'arrêta sur une fille dont les cheveux noirs étaient simplement retenus en chignon décoiffé. Les coudes posés sur le bureau, ses yeux ambrés semblaient détailler avec attention chaque chose dans la pièce. Le silence mit du temps à s'installer, mais le directeur déclara enfin :
"Cette salle vous servira de classe pour cette année."
L'éclateil rayé dévorait du regard les autres animaux présents autour de lui, tout comme les autres, d'ailleurs. Le lion du directeur fixait avec intérêt et froideur l'autre lion bien plus jeune, et Crust.
"Je commencerai par vous parler des différents parcours que vous pouvez effectuer dans cette école. À la fin de votre première année, vous aurez deux choix possibles : premièrement rejoindre une escouade, composée de 6 membres dont un maître qui vous commandera. Vous effectuerez des missions ensemble, et peut-être même que vous travaillerez pour la Harde... c'est pour cela que les escouades doivent être composées avec soin. Les talents de leurs membres doivent être complémentaires. Et deuxièmement, vous pouvez continuer de suivre les cours dans cette école, pour, à partir de votre troisième année, vous spécialiser dans un domaine, comme les éclateils ou la stratégie..."
J'avais vraiment hâte de commencer les vrais cours... mais je me forçais néanmoins à me concentrer sur les paroles de Maître Arkor. Il parla pendant longtemps de tous les projets de l'académie, des différents cours, des règles pour les éclateils, (qui apparemment, pouvait nous suivre partout, sauf les jours où ils auraient des cours dispensés par Thélos !), des valeurs de l'établissement, et de l'importance de l'esprit d'équipe...
J'étouffai un fou rire quand Elta secoua Kod qui commençait à somnoler... Ce dernier poussa un soupir de soulagement quand le Maître annonça en fixant un étrange sablier :
"Bon, vous avez 20 minutes de pause avant votre cours de Parkour..." (le Parkour ne correspond pas exactement à la même chose dans ce monde)
Quelques exclamations de joie s'ensuivirent, et les apprentis guerriers se précipitèrent vers la porte. Les allées étaient très larges, pour permettre aux éclateils de s'y installer pendant les cours, et pour qu'on puisse y circuler sans être gênés par ces derniers. Je vis que la propriétaire du frison attendait que tout le monde soit sorti pour se diriger vers la porte, à cause de son grand cheval qui risquait de bousculer pas mal de monde sans le vouloir.
Dans la cour, la brise fraîche caressa mon visage et fit voleter les feuilles. Elta et Kod partirent chacun de leur côté parler à d'autres gens. Je fermai un instant les yeux, profitant de ce moment de repos après tant de temps enfermé dans une salle. Je n'étais pas habitué. En ouvrant les yeux, je remarquai deux garçons qui se dirigeaient vers moi. Le premier avait l'air confiant et avançait les mains dans les poches, ses mèches noirs voletant harmonieusement sur son front, les feuilles s'envolant sur son passage. Le deuxième riait joyeusement, une main derrière sa tête blonde.
"Hé ! Salut toi ! m'aborda le premier qui semblait plutôt direct.
-Salut ! répondis-je de la même façon. Je m'appelle Hardex.
-Moi c'est Max ! Enchanté ! ajouta timidement le blond en me tendant son poing, pouce et petit doigt déplié. (ce check, le Razen, est très courant à Valtarden, et est un signe d'amitié)
J'entrechoquait doucement mon poing avec le sien, en repliant mes deux doigts sur les siens. Je répétai l'opération avec l'autre qui ajouta :
"Idori
-C'est marrant, on n'a rien fait de la journée, et pourtant, je suis complètement crevée...remarquai-je.
-Tu l'as dit, il abuse de nous parler aussi longtemps le vieux..."
Sa façon de qualifier Maître Arkor me fit sourire, car je savais qu'elle ne partait pas d'une mauvaise intention.
"C'est vrai, acquiesça Max avec entrain et optimisme, mais l'heure de Parkour devrait être plus cool..."
Bientôt, le sujet dévia et nous parlâmes de tout ce qui nous passait par la tête.
Idori était confiant et audacieux. Il était du style dynamique, combatif et plutôt têtu. Même si son tempérament direct et impatient pouvait se révéler agressif et râleur dans les moments difficiles, le garçon savait se montrer discret quand il le fallait, et était très convaincant, ce qui lui permettait inconsciemment d'influencer les gens et de les entraîner à sa suite.
Quant à Max, bien qu'il soit plus timide, il restait franc et ouvert. Toujours souriant, il semblait infatigable. Son caractère aussi bien compréhensif, optimiste, et dévoué que consciencieux lui donnait un côté très attachant. Sans oublier sa naïveté, et quelque fois même, son étourderie.
Les deux garçons s'étaient rencontrés il y a peine quelques jours dans les rues de Valtarden, et depuis, Idori entraînait Max dans toutes sortes d'aventures plus ou moins permises et plus ou moins dangereuses. Le garçon aux cheveux noirs me raconta comment il volait de la nourriture dans les étals des marchandes pour se nourrir, lui, sa mère et sa petite-sœur. Idori avait acquis un certain talent pour dérober une pomme ou un morceau de pain, et avait tenté de l'apprendre à Max qui avait failli les faire repérer. Heureusement, ils s'étaient enfuis en courant au milieu de la foule.
Il ne connaissait pas son père qui avait disparu un peu avant la naissance de sa sœur. Sa mère travaillait donc seule dans un restaurant, et avait économisé pour lui payer une année à l'académie. J'appris aussi que la timidité de Max disparaissait bien vite, tandis qu'Idori devenait discret et réservé au bout de quelques minutes.
Ils allaient tous les deux tenter leur chance auprès des Pierres d'Invocation ce soir. La plupart des parents attendaient que leur enfant entre dans une académie pour le lui permettre. Je me promis de demander à Elta si elle aussi le ferait. Je ne savais pas si Sirius et Kirielle accepteraient d'accueillir un autre éclateil. J'attendrai qu'ils me le proposent, même si je me rendis compte que j'aurais adoré en avoir un. J'étais un peu déçu, mais tant pis...il suffisait de penser à autre chose comme d'habitude quand je suis triste. Je ne voulais pas causer de soucis à mes tuteurs. Je revis un instant la complicité de mon père et de Tache, son lynx. Ce souvenir m'humidifia les yeux et m'embruma le regard l'espace d'un instant. Comme les deux amis me fixaient l'air légèrement dérouté, j'enchaînai sur un autre sujet.
"Roaaaarooorrrrr" Encore une fois, le rugissement de Thélos me fit sursauter.
C'était la fin de la pause. Celui qui devait être notre professeur de Parkour apparu derrière le lion dont le bout de la queue (je l'avais remarqué) était brun. Il s'agissait du maître que nous avions vu il y a une semaine, avec Sirius et Elta.
"Rejoignez-moi, s'il vous plaît, lança Maître Tenk, donc, assez fort pour que tout le monde l'entende.
Les élèves se rassemblèrent autour du jeune homme assez fin qui les fixait tranquillement. Je me joignis à la classe, suivi par Max et Idori.
"Dans ce cours, vous allez apprendre et vous entrainer à franchir ou escalader des obstacles, et pouvoir vous déplacer rapidement sur n'importe quel type de terrain, ce qui vous donnera toujours en avantages considérables sur l'ennemi," expliqua-t-il.
Il nous emmena dans la deuxième cour, derrière le premier bâtiment, qui comportait des obstacles, des rochers, et des grandes structures de différentes formes et matière. Il nous apprit donc comment bien se mettre sur ses appuis pour sauter et s'accrocher rapidement sur une construction faite de grosses poutres en bois disposées comme un énorme échelle.
"Bien, fit le maître d'une voix qui capta mon attention, maintenant que vous savez répartir votre énergie et votre force dans vos pieds et votre corps pour sauter en hauteur, on va se concentrer le niveau d'au-dessus, à savoir : la même chose, mais avec des directions et des hauteurs différentes.
-Chuis déjà crevé... souffla Kod.
-Courage, lui répondit Max en souriant malgré sa fatigue apparente, bientôt, on pourra faire des heures sans se fatiguer.
-Ouais, renchérit son ami aux cheveux noirs, avec un peu d'entraînement, on sera super fort, et on explosera ces crétins de chez Mars.
-Euh... Les gars, c'est bien d'être à fond, comme ça, mais ce serait mieux d'écouter, non ?"
C'était la fille qui avait un frison comme éclateil. Son ton mi-exaspérée mi-amusé n'eut pas l'effet escompté, et le blondinet ajouta d'un ton moqueur :
"Rabat-joie !"
Puis, nous commencions l'exercice, en demandant les consignes à Elta, qui, comme d'habitude, avait tout écouté. Les éclateils ne participaient pas vraiment au cours, car ils étaient peu nombreux ; bien que certains leur demandaient de les accompagner durant quelques parties de la séance, comme Kod, ou l'apprenti guerrier et son jeune lion, par exemple.
Mes muscles étaient mis à rude épreuve, la fatigue écrasait lentement mes tempes, mais il fallait tenir bon, et garder la tête froide pour se concentrer et faire les exercices correctement.
Faire glisser le pied droit en arrière sans trop l'écarter de l'autre, en pivotant légèrement la jambe, puis, le genou gauche plié, pousser sur l'extérieur du pied droit, en déroulant le deuxième pied vers le talon. Et répéter, encore et encore, échouer, oublier, se relever et recommencer une autre fois, sans jamais rien lâcher jusqu'à maitriser parfaitement le mouvement ; pouvoir le dérouler les yeux fermés.
Après deux heures d'effort intensif, la pause déjeuner s'imposa. Les élèves avaient alors l'habitude de déjeuner au village, en s'achetant un repas. Je rejoignis Elta qui parlait avec la fille passant la main dans les crins de son majestueux cheval.
"Eh ! Elta ! Tu viens manger ? Oh... Salut ! ajoutai-je à l'intention de l'autre apprentie-guerrière. Moi c'est Hardex.
-Kayato ! Je m'appelle Téméria, répondit-elle d'une voix posée.
-J'arrive, Hardex, fit la blonde. Dis-moi, ça te dérange si Téméria déjeune avec nous ?"
J'aurai préféré être seul avec mon amie d'enfance, car c'était la seule qui me connaissait vraiment, et c'était vraiment agréable de parler avec elle. Mais je ne me sentais pas de refuser devant Téméria. Et puis de toute façon, ce n'est pas en me refermant sur moi-même que je serai plus heureux.
"Pas de problème."
Nous partîmes donc au cœur du village pour se trouver un menu qui nous plaisait (plats à base de pain, de brioche, de viande, de fromages...). Nous croisions sans cesse des élèves, de notre école ou d'une autre. Et c'est ainsi que je fis la connaissance de Téméria. Compétitive et déterminée, elle restait malgré tout modeste, responsable et travailleuse ; et même si son caractère téméraire, têtu et parfois très sensible prenait le dessus, elle restait toujours compréhensive, drôle et sympa.
L'apprentie-guerrière aux yeux ambrés nous expliqua qu'elle aurait bien aimé que son cheval nous prenne tous les trois sur son dos, mais comme elle l'avait invoqué il y a seulement un mois, et bien qu'il soit robuste, transporter un poids aussi lourd risquait d'abîmer ses jeunes os, et de le fatiguer.
"Ouais, ajouta-t-elle en caressant affectueusement le garrot du brave cheval qui hennit doucement, il risquerait de m'en vouloir à vie.
-Ça m'étonnerait, rétorquai-je avec envie, vous avez l'air de bien vous entendre.
-Ça, c'est sûr, renchérit Elta, et je suis certaine que votre duo sera imbattable en combat."
L'intéressée rit en regardant Rébélior, qui avait l'air d'être d'accord avec elle. "Ah oui "me rappelai-je soudain. Me tournant vers la fille aux longs cheveux clairs, je lui demandai :
"D'ailleurs, Elta, tu vas essayer d'invoquer, ce soir ? D'un coup, son visage s'illumina.
"J'avais complètement oublié !!! Au coucher du soleil, j'aurai un éclateil ! Depuis le temps que j'attends ça..."
Elle poussa un cri de joie qui résonna jusque dans les nuages dorés du ciel de Brume d'Or. Son excitation était telle qu'elle ne pouvait plus se contenir. Sa joie était si enfantine, si spontanée et si sincère... J'étais tellement content pour elle. Avec Téméria, nos regards se croisèrent, comme l'ombre et la lumière, alors, le temps s'arrêta, et la joie déborda de nos cœurs trop plein ou trop vide. Pour la première fois depuis 4 ans, je laissai rien que pour un instant le bonheur prendre le dessus sur ma peine, sans pour autant l'effacer. Sensation oubliée. Souvenir douloureux, à peine étouffé, à peine noyé, qui refait surface ; le reflet de ma famille, que je devais oublier le temps d'une respiration, avant de replonger dans ma triste souffrance, submergé par l'incertitude. Profiter du moment qui s'offrait à moi...encore une fois... j'aurai aimé que mes pensées arrêtent de tourner dans ma tête, comme le soleil autour de nous, et la lune dans la nuit, le vent autour des feuilles, j'aurai voulu que tout s'arrête pour que je puisse revivre ce moment à jamais. Mais nos rires montèrent au ciel une dernière fois, avant que le rugissement de Thélos se répercute dans les ruelles, nous informant que nous étions en retard pour le cours d'Éclateil.
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