La douce pâleur de la lune éclairait les visages pensifs et fatigués de mes amis, assis près de moi. Je passais machinalement la main sur les écailles tièdes de mon dragon. Il faisait plutôt frais en cette fin de la période des Nuages, mais je savais que dans quelques jours à peine, le temps se réchaufferait, pour laisser place à la saison du Zénith Froid. Une feuille morte fauve tomba sur ma main, et glissa à terre, interrompant le cours de mes pensées.

Cette nuit, c'était la deuxième fois que ça me le faisait depuis mon départ de Valtarden. Mon pouvoir s'était manifesté, mais je n'arrivais toujours pas à le comprendre. La première fois, c'était la nuit où nous avions initialement combattu des Felthorns, durant laquelle j'étais parvenu à ressentir sa présence, mais, effrayé, je l'avais étouffé au plus vite. ; et la deuxième, c'était cette nuit même, pendant une embuscade que nous tendions à une unité de Chevaucheurs. J'avais alors senti comme une force étrangère qui tentait de m'aider, une énergie qui cherchait à me pénétrer. Il me semblait qu'elle provenait du ciel, de plus haut.

« Tu dis qu'elle venait d'où, cette force ?me questionna Idori, pensif.

-Des étoiles, répondis-je. Enfin je crois. Je les aie même vu briller plus fort que d'habitude, pas vous ?

-Pas du tout ! » fis Max avec excitation.

Pourtant, j'étais sûr de leur avoir trouvé un éclat particulier à ce moment-là.

Je ne comprendrai jamais comment le petit guerrier blond faisait pour ne jamais être fatigué. Heureusement qu'il était là pour mettre un peu de joie de vivre quand personne d'autre n'en avait la force !

Téméria releva sa tête, auparavant posée sur l'encolure de son cheval couché à ses côtés.

« À partir de quel moment as-tu senti cette énergie ?

-Comme la dernière fois, quand j'ai été en danger. »

Cette force inconnue venant d'ailleurs me faisait un peu peur. Elle s'imposait à moi, et je craignais que si je l'acceptais complètement, elle me detruise. Lorsque la lame de mon adversaire avait fendu l'air vers ma tête à une vitesse folle, dans un accès de panique, j'avais laissé un peu de cet énergie me pénétrer, et une forme noire avait jailli de ma paume, et repoussé l'épée. Cette ombre était incontrôlable, et avait presque abattu un arbre, avant que je renferme mon esprit sur lui-même, la faisant disparaître. Ce n'était pas pareil que durant la mission de survie à l'école Athéna, lorsque j'avais éveillé mon pouvoir : une énergie nouvelle m'avait envahi, pleine de vigueur, de vitesse et d'aisance, et m'avait permis de deviner les coups de mon adversaire ; mais rien de semblable à ce que j'avais vécu cette nuit.

« Au fait, petit, à chaque fois que tu as senti ton pouvoir, il faisait nuit, non ? »avança Maître Haken, qui écoutait la discussion, assis un peu plus loin.

J'acquiesçai, surpris.

« Oui, pourquoi ?

-Dans ce cas, il se pourrait bien qu'il vienne des étoiles. »

Dit comme ça, ça paraissait vraiment bizarre, mais notre maître avait l'air sérieux.

« Et ça expliquerait aussi pourquoi tu ne peux pas t'en servir le jour. »

Je n'y avait pas pensé. C'était pourtant si simple.

« Je n'ai pas encore tout compris, enchaîna-t-il, mais le mieux pour trouver des explications, c'est toujours d'essayer. »

Sur ce, il nous laissa pour le reste de la nuit. Nous décidâmes rapidement d'aller nous coucher, car le combat de ce soir-là nous avait épuisé.