Chapitre 3




Je contemplais la splendide créature magique.

« Il est beau, dis-je.

-C'est vrai, acquiesça en souriant mon cousin, mais ne lui dis pas trop, il est déjà assez orgueilleux comme ça. »

Le taureau renâcla.

« Tarkor, je te présente Hardex. C'est mon cousin qui vit chez nous, désormais. »

La bête regarda Sirius dans les yeux.

« Ne me dis pas que tu as oublié, dit-il agacé. Je t'en ai reparlé hier !»

Il se tourne vers moi.

« Ça y est, il s'en souvient. Parfois, j'ai vraiment l'impression qu'il le fait exprès ! »

Je souris et lui demanda :

« Est-ce qu'il comprend vraiment tout ce que tu dis ?

-Oui, répondit-il et même tout ce que TU dis.

-Il me comprend ? m'étonnais-je.

-Bien sûr ! À cet instant précis, il me demande si tu es vraiment aussi stupide que ça. En revanche, moi seul peut le comprendre, ainsi que les autres éclateils, bien sûr.

-Est-ce qu'il peut parler aux animaux ordinaires ?

-Évidemment ! Mais il paraît que ce n'est pas exactement la même langue. Tarkor m'a même affirmé que c'était un langage bien moins raffiné. Enfin, c'est ce qu'il dit. »

Je me tus, impressionné par toutes ces nouvelles informations. Le jeune homme brisa le silence en me demandant :

« Comment se fait-il que tu ne connaisses pas tout ça ? Personne n'avait d'éclateil dans ta famille ?

-Oh, si, si, bien sûr, mais mon père partait souvent en mission avec son lynx. On ne voyait pas souvent papa et Taches-de-Neige. »
L'espace d'une seconde, je crus revoir mon père caresser les oreilles de son éclateil, et Yohito le serrer dans ses bras.

« Quel était le surnom de son lynx ? Taches-de-Neige c'est son vrai nom, pas vrai ?

-On l'appelait « Tache ».

-Le vrai nom de Tarkor, c'est Traqueur, précisa-t-il. Est-ce que ta mère avait invoqué?

-Oui, une Licorne...

-Une Licorne ? Ta mère avait une Licorne ? demanda-t-il, surpris. C'est la créature la plus rare de tout Fallen Wörtt ! »
Je souris.
« Tout le monde lui disait. »
Je me tournai vers mon cousin.
« Mais j'ai toujours pensé que c'étaient les dragons.
-Si tu veux mon avis, expliqua-t-il, ils n'existent pas du tout.
- Je vois... Oui, ma mère avait une licorne...mais ce qu'on ne dit jamais c'est que les licornes sont aussi associables qu'elles sont belles. Reflet vivait seul dans son champ, elle n'aimait pas les autres éclateils, ni les animaux, ni les humains, à part Maman évidemment. Donc on ne pouvait pas l'approcher, et nous la voyions seulement de loin.
-Et Yohito ? demanda Sirius.
-Il n'en avait pas. Nous n'avions pas de quoi nous occuper d'un troisième éclateil, et puis, même si mon frère aurait adoré en avoir un, il avait peur de ne pas trop aimer l'animal qu'il allait invoquer.
-Et ça se comprend... »
Si parler de mes parents me donnaient envie de pleurer, évoquer mon frère faisait monter en moi un désir de m'enfuir loin de tout, de briser tout ce qui tombait sous ma main, de la même façon que ce lâcheur m'avait brisé.

« Et toi, enchaînai-je pour alimenter la conversation, comment as-tu trouvé la Pierre d'Invocation de Tarkor ? Sur un stand du marché ?
-Non, répondit-il. J'étais chez un de mes amis qui possède un Rayon d'Appel. Nous étions en train de discuter quand soudain, il a dit qu'il avait oublié quelque chose, et il a disparu dans une autre pièce pendant quelques minutes. Quand il est revenu il tenait dans ses mains une roche terne, d'environ 5 centimètres, marron avec une petite tache blanche en bas il me l'a tendu. Je l'ai pris, et je l'ai senti vibrer sous mes doigts. Quand je le touchais, il irradiait une lumière inhabituelle, signe que l'éclateil m'avait choisi. Je ne sais pas trop comment il a su que cette Pierre d'Invocation était faite pour moi. Ceux qui ont un Rayon d'Appel ont souvent ce genre d'intuition. »

Sirius fit une pause dans son récit. L'odeur du foin était apaisante. J'écoutais la respiration tranquille de la bête qui mâchonnait son dîner.

« Tous les animaux sont attirés par le Rayon d'Appel ? demandai-je.

-Les Pierres d'Invocation apparaissent régulièrement, un peu partout dans les zones sauvages, expliqua-t-il. Quand un animal en trouve une, il l'apporte près d'un Rayon d'Appel, car son instinct l'y attire. C'est ainsi que les détenteurs d'un Rayon récoltent les Pierres déposées près de chez eux, s'en occupe et les expose sur un stand du marché, pour qu'un jour, un humain trouve la sienne. »
Je commençai à m'intéresser à ce sujet. Tous les gens que j'avais croisés avec un éclateil semblaient partager un lien particulièrement fort avec ce dernier.

« Comment fait-on pour invoquer un éclateil, une fois qu'il nous a choisi ?
- Il suffit de tenir la Pierre dans sa main, répondit-il simplement. »

J'étais surpris. C'était si facile que ça ? Je cherchais une autre question intéressante.
« Que se passe-t-il si un passant caresse une des Pierres d'Invocation et que l'éclateil le choisit, mais qu'il n'a pas de quoi payer ?
-Les éclateils ne sont pas payants ! C'est l'éclateil qui choisit son humain, donc on ne vend pas les éclateils. Les possesseurs de Rayons d'Appel sont payés par le chef du village. »
Est-ce que je pourrais en avoir un, moi aussi ? Invoquer un animal... j'avais hâte que ce jour arrive.

« À ton avis, me testa Sirius, combien de temps est-ce qu'un éclateil peut rester dans la Pierre ? S'il attend jusqu'à ce qu'il trouve un humain qui lui convienne, certain peuvent en avoir pour des siècles, tu ne crois pas ? »

J'essayai de deviner, mais comme je ne trouvais pas, il me donna la réponse.

« Au bout d'un certain temps, expliqua-t-il, s'il ne trouve pas le bon humain, son corps ne pourra plus attendre pour grandir, et il éclatera la Pierre. Le possesseur de la Pierre d'Appel qui gardait cette œuf le relâche dans un endroit sauvage comme la forêt par exemple, où il devra survivre seul. On l'appelle « abakeil », qui signifie « seul, perdu », en langage elfique. En général, il est plus résistant que les autres animaux, et se débrouille très bien pour survivre. »

Je regardais le taureau qui avait fini de manger.

« Je peux toucher ses cornes ? le questionnai-je.

-Demande lui, répondit Sirius. »

J'approchai ma main de Tarkor et lui demandai.

« Je peux ?»

En réponse, il inclina doucement la tête, et courba légèrement l'échine, m'invitant à le faire. Les cornes d'or brillaient faiblement, comme les étoiles qui apparaissaient dans le ciel nocturne, par la petite fenêtre de la grange. Mes doigts glissaient silencieusement sur l'ivoire lisse.

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Un soir, j'étais assis dans ma chambre, sur mon matelas, à côté d'Altaïr.

« Grand-frère, demanda-t-il avec insistance, raconte-moi une histoire.

-Je te les aie déjà toutes racontées, répondis-je désolé de ne pas pouvoir le satisfaire.

-Oh, c'est vrai, murmura-t-il, déçu. »

Je n'arrêtais pas de penser à Yohito. Je voulais l'oublier, le faire sortir de ma vie. Seulement, je n'y arrivais pas. J'essayais de passer le plus de temps possible avec le petit garçon pour me changer les idées, mais je n'avais plus d'histoires à raconter. Chaque jour, j'en voulais un peu plus à mon frère. L'innocence et la gentillesse de l'enfant me redonnait toujours le sourire. Il fallait que je trouve quelque chose pour lui redonner le sien. Soudain, il s'exclama :

« Je sais ! Tu n'as qu'à me raconter TON histoire. Parle-moi de ton ancienne vie."

Je soupirai, croisant le regard de la demi-lune qui brillait par la fenêtre.

« Mon père s'appelait Wargen, commençais-je. C'était un guerrier solitaire, enfin presque, car il accomplissait ses missions avec Tâche, son lynx. Son pouvoir lui permettait de tirer de la force et de l'énergie du soleil couchant. Sa femme, Eternalia, faisait partie de l'escouade d'exploration ou d'éclairage pour contrôler et vérifier qu'il n'y a pas de pièges ou de danger dans les endroits où la Harde veut aller.

-C'est quoi la Harde ? me demanda-t-il de sa petite voix.

-C'est l'armée que forment tous les guerriers qui protègent Fallen Wörtt des Chevaucheurs.

Anticipant sa prochaine question, j'enchainai :

« Les Chevaucheurs sont des pillards qui ont tous un éclateil. Tous ensemble, ils forment la Grande Armée. Ils sont très puissants. Ils détruisent tout sur leur passage, dis-je avec un air grave. Ce sont eux qui ont attaqué le village. Bref, ma mère faisait partie de la Harde avec Reflet, sa licorne. »

Mon neveu ouvrit des yeux ébahis :

« Ça existe vraiment ?

- Bien sûr, répondis-je, c'est juste très rare. Grâce à son pouvoir, ma mère pouvait créer de la lumière. La plupart du temps, elle illuminait son épée pour éblouir son adversaire. Elle pouvait aussi explorer plus facilement des endroits sombres.

-Comment s'appelait ton frère ?

-Yohito, répondis-je en essayant de ne pas montrer ma haine.

-Il était gentil ? Il jouait souvent avec toi ? »

Je continuai de fixer la lune intensément. Je soupirai. Je n'avais aucune envie de parler de lui. Mais, bon... Puisqu'il le fallait...

« Il ETAIT très gentil. »

Je me forçais à continuer.

« Il avait une intelligence hors du commun, pour son âge. Il était à l'école Athéna, pour devenir guerrier. Il était très fort. »

Je sentais son regard vert profond posé sur moi.

« Quand il n'était pas à l'école, nous passions tout notre temps dans la forêt, à l'explorer construire des ponts, récolter des baies, observer les animaux... Il m'apprenait des milliers de choses. »

Je fus pris d'une soudaine nostalgie...jusqu'à ce qu'il me demande :

« Pourquoi tu dis qu'il ETAIT gentil, qu'il t'APPRENAIT des milliers de choses, il n'est quand même pas mort ? »

Je laissai mon dos s'affaler sur le matelas.

« Non. Il m'abandonné. Le jour de l'attaque du village, mes parents ont été tués, et lui, au lieu de s'occuper de moi, il s'est enfui. »

Peut-être parce qu'il remarqua les larmes que je retenais au fond de mes yeux, il s'allongea lui aussi, et appuya sa tête contre mon épaule.

« Ne t'en fais pas, Altaïr ; maintenant, c'est toi mon frère. »

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