Chapitre 18

Le lendemain matin, je courais sur le chemin de l'académie. J'avais hâte de présenter Ace à mes amis. D'ailleurs, celui-ci était toujours agrippé à mon épaule droite, et passait sur la gauche de temps en temps pour ne pas trop me faire mal.

Hier soir, Sirius et Kirielle avaient été très étonnés de voir que mon éclateil était un dragon... Mais ils avaient surtout beaucoup ri. La grange était assez grande pour accueillir Tarkor et le dragon, c'était donc là que nous l'avions installé, après l'avoir nourri de quelques morceaux de viande et d'une pomme qu'il croqua avec plaisir. J'avais donc préféré dormir à côté de mon éclateil, cette nuit-là, au milieu de la paille, contre son petit corps roulé en boule qui me réchauffait. D'ailleurs, chose étrange, j'avais sursauté au contact glacial du bout de sa queue, qui ressemblait à un morceau de glace, ce qui contrastait avec la douce chaleur de ses écailles. Quant à Altaïr, il avait attendu mon retour avec impatience, et m'avait sauté dessus à mon arrivée. Il ne ressentait pas une pointe de jalousie malgré son désir évident d'avoir lui aussi un éclateil et d'entrer à l'académie. Pour le consoler, je lui avais promis une balade à dos de dragon quand Ace saurait voler.

Je frissonnais en pénétrant dans la cour, et remarquai que quelques flocons commençaient à voltiger.

« Hardex ! » s'écria Max en courant vers moi, ses cheveux blonds parsemés de neige. Idori, voyant son ami s'élancer, me fixa un instant avant de le suivre. Quand ce dernier courait, où même marchait, il y avait toujours un petit vent qui l'entourait, faisant voleter les feuilles mortes, les flocons... Son pouvoir lui permettait de créer du vent, et même s'il ne le maîtrisait pas encore très bien, il s'amusait souvent avec, en envoyant des bourrasques dans la tête de Max, par exemple...

« J'y crois pas ! fis Max. Je savais même pas que les dragons existaient vraiment...

-Stylé ton éclateil ! complimenta l'autre. Tu penses qu'il pourrait devenir copain avec Royal ? D'ailleurs, où il est cet oiseau ? » ajouta-t-il en scrutant le ciel.

À ce moment précis, le cri de l'immense faucon gerfaut résonna dans l'air glacial, et ce dernier piqua à quelques mètres de nous, en direction de Zalden le loup tout aussi grand de Max, qui jappait comme un fou. Ces deux-là s'entendaient très bien et jouaient beaucoup ensemble. Les deux éclateils s'approchèrent en dévisageant le dragonnet avec curiosité. Je le sentais trembler légèrement sur mon épaule.

« Royal, Zalden, dis-je, je vous présente Ace. »

Je le posai par terre, et, malgré ses craintes, il s'approcha timidement du loup et du faucon, qui le saluèrent chacun à leur façon : Zalden d'un coup de langue, et Royal en le caressant de son bec. Ace, quant à lui, répondit en plaquant sa tête contre eux, rassuré.

Quelques instants plus tard, Kod, Téméria et Elta arrivèrent tour à tour dans la cour. Le premier fut ébahi, la deuxième émerveillée, et la dernière impressionnée. Mes deux amies avaient en commun ce côté responsable, intelligent et travailleur, mais aussi compétitif, déterminé, et compréhensif, à la différence qu'Elta était plus énergique, plus patiente et plus méticuleuse, même si elle en devenait parfois perfectionniste, avec une pointe d'arrogance qui la rendait unique ; quant à Téméria, elle aimait plus rire, semblait plus détendue, modeste, et possédait surtout une sensibilité très forte, ce qui était à la fois une qualité et un défaut. Ses yeux semblaient être une porte ouverte sur son cœur, par laquelle on pouvait voir tout ce qu'elle ressentait, contrairement à l'apprentie-guerrière au longs cheveux clairs, dont le regard reflétait la beauté mystérieuse du calme d'un lac, pouvant se déchaîner à tout instant. Le sang-froid de Téméria compensait le fait qu'elle puisse se montrer téméraire ou extrêmement têtue.

Durant la journée, je ne pus compter le nombre d'élèves qui s'approchaient de moi pour m'interroger au sujet d'Ace ou même le caresser. Ce qu'on m'avait demandé le plus souvent, c'était si mon dragon pouvait cracher du feu, et s'il savait voler ; ce à quoi je répondais qu'il ne pouvait pas encore produire de flamme, et qu'il ne s'était pas encore entraîné pour voler. (mais quand il sautait de mon épaule, il ouvrait grand ses ailes et planait sur quelques mètres.)

J'avais enfin compris à quoi servaient les espèces de larges creux sur les murs du fond de la classe : ils permettaient aux éclateils plus imposants d'avoir suffisamment de place dans l'allée, là où ils s'installaient ; même si pour le moment, Ace ne dépassait pas la hauteur de mes genoux.

Dans la semaine qui suivit, j'assistais aux cours d'éclateils de façon différente, puisque je pouvais m'entraîner avec lui, et affronter mes amis en testant nos aptitudes. De plus, mon éclateil insistait toujours pour m'accompagner durant les séances de Parkour, et même s'il était incapable d'accomplir certains mouvements, je remarquai qu'il apprenait beaucoup, et se musclait rapidement. Il m'arrivait maintenant presque aux hanches, et je dus bien vite abandonner l'idée de le porter sur mon épaule. De plus, le dragonnet rouge parlait presque parfaitement, désormais, et c'était agréable de bavarder avec lui, sur la falaise. Nous regardions le soleil se coucher, tous les soirs après notre entraînement dans la forêt. Je pratiquais de nombreux exercices de musculations, d'agilité et de rapidité, pendant qu'Ace grimpait tout en haut d'un des 3 pins le plus rapidement possible, puis en sautait en planant. Là, il essayait de voler, et musclait ses ailes. Il tentait aussi de comprendre comment cracher du feu, comme le font tous les dragons des légendes, tout en ignorant s'il en était vraiment capable. Mais il n'abandonnait jamais. Recommençait sans cesse... Il avait beau battre des ailes, et souffler tous l'air chaud de ses poumons, il échouait. Alors, il se relevait et disait de sa voix grave et posée que ce n'était rien, qu'il allait y arriver... c'est ce qui me rendait le sourire, quand moi non plus je n'y arrivais pas, que je ne me trouvais pas assez rapide, pas assez fort... alors je redressai ma tête, lui souriait et lui soufflait avec détermination :

« Ouais...hhhh...on va...y arriver. hhhh... »

Quand je marchai dans la rue, les gens se retournaient souvent et fixaient Ace avec des yeux ébahis. Mais même si ça me mettait un peu mal à l'aise, je m'y étais habitué rapidement, tandis que mon nouvel ami s'amusait à les fixer en grognant et en montrant les dents pour les effrayer.

Avec mon dragon, nous nous préparions surtout en vue du prochain tournoi du début de la saison des Neiges Froides. Maître Sitex, qui nous donnait des cours d'armes et de combat, l'avait organisé pour que chacun choisisse son arme de prédilection. Selon lui, c'est dans un combat qu'on voit nos vrais capacités. Chaque apprenti-guerrier de la classe allait devoir affronter des adversaires, avec une arme différente à chaque combat. Nous avions donc la permission de ramener chez nous des armes de l'école en attendant d'avoir les nôtres, pour s'entraîner avant cet événement. Je répétai donc des enchaînements, j'inventai des coups, tout en sachant que pendant les affrontements, rien ne serait comme je l'avais imaginé. Même si les éclateils ne combattraient pas, Ace n'était ni jaloux ni désintéressé de l'événement pour autant, et ne cessait de me motiver et de me défier.

« Grrr...menaça-t-il. Je parie que tu n'es même pas capable d'esquiver mes griffes et ma queue en même temps. »

J'avais hâte, même si ce n'était qu'un entraînement, de vivre mon premier combat.

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