Chapitre 14


Mon regard se posa sur le ciel aux reflets dorés. J'adorais les saisons des Brumes. La lumière était splendide. J'aimais particulièrement les couchers de soleil, et en cette saison, on avait toujours l'impression d'y être. En fait, j'appréciai aussi la nuit, observer la lune et les étoiles...se reposer dans le silence nocturne... Mais ces moments, sans personne avec qui les partager, n'avait plus le même sens. Cet instant de solitude était devenu un refuge pour mon cœur meurtri ; et je me sentais plus libre, libéré de toutes les soucis du quotidien, qui n'étaient en fait qu'une poussière dans l'univers comparé à ma tristesse. En fixant la lune argentée, je me disais que peut-être, de là où ils étaient, mes parents la regardaient, eux aussi. Alors, la solitude m'étreignait à la gorge, et... Une brise glacée me ramena à la réalité, et me rappela l'arrivée imminente de la saison des Neige Froides. Je continuai de marcher sur le chemin du retour de l'école. Quelques jours avaient passé depuis qu'Idori avait éveillé son pouvoir. Maître Katanor avait dit qu'il devait avoir une grande force mentale, et qu'il lui fallait encore de l'entraînement pour réussir à maitriser son pouvoir ; et que l'utilisation de celui-ci consommait de l'énergie, encore plus au début. Le vent... Idori aimait beaucoup le vent. Et désormais, il pouvait en créer. J'avais hâte d'en avoir un, moi aussi, et j'avais décidé d'intégrer cette matière à mon entraînement. J'étais déjà arrivé devant la maison de mon cousin et de sa femme. Elle était jolie, avec des colombages, des poutres solides, un toit en ardoise ; située légèrement à l'écart du village, comme mon ancienne habitation. La grange qui avait en partie brûlée lors du raid des Chevaucheurs avait été reconstruite par Sirius. Je poussai la solide porte en bois, et annonçai :

« C'est moi ! Je suis rentré. »

Kirielle, qui cuisinait quelque chose qui sentait délicieusement bon, se retourna, souriante, comme à son habitude.

« T'as passé une bonne journée ?

-Mouais, c'était cool...

-D'ailleurs, Hardex, me demanda Sirius qui s'apprêtait à pénétrer dans la grange, t'as trouvé des idées pour ton cadeau d'anniversaire, parce que c'est demain, et...

-Non, je ne sais pas encore...répondis-je.

-Bien, dans ce cas, que dis-tu de tenter ta chance auprès des Pierres d'Invocation, demain soir ? suggéra-t-il. »

Comme je restai bouche-bée devant sa proposition, sa femme ajouta :

« Je sais que la plupart des enfants invoquent leur éclateil à la rentrée, mais nous n'y avons pas pensé, alors...

-On est un peu en retard, mais si tu le veux, ça ne nous dérange pas...compléta-t-il, et puis je suis sûr que Tarkor sera content d'avoir un compagnon. »

Un meuglement grave lui assura le contraire.

Je ne répondais toujours pas, ne sachant s'il s'agissait d'un rêve. Et si c'était le cas, je ne voulais plus jamais me réveiller. Mais le sourire et le clin d'œil d'Altaïr, assis sur l'échelle, qui avait tout entendu, étaient bien trop sincères, bien trop réels.

Cette nuit-là, j'eus beaucoup de mal à trouver le sommeil qui se cachait derrière mon impatience et mon excitation. Quel animal allais-je invoquer ? Un félin, ou un chien...ou peut-être un oiseau, comme Idori...et si aucun éclateil ne me choisis... ?...

Quelqu'un me secouait. Il fallait que je me réveille. Mais je voulais profiter des dernières lueurs de sommeil qui envoûtait encore mon esprit.

« Hardex... Hardex... LEVE-TOI GROS TAS ! C'EST LE MATIN !!!! »

La douce voix de mon neveu finit de me tirer de mes rêves. J'ouvris péniblement les yeux, et vis son visage au-dessus du mien. Il avait monté l'échelle qui menait à ma chambre. Je tentais de me relever, mais c'était trop tard : Altaïr m'arrachait à mon matelas de paille et ma couverture, et me traînait hors de mon lit. Je me heurtai au dur plancher de ma chambre. Relevant la tête, je marmonnai :

« Qu'est-ce que je t'ai fait... c'est pas moi, promis, je dormais... » Je m'interrompis à la vue du garçon qui me sauta dessus en criant :

« Joyeux anniv' !!!!! »

Ah, oui, c'était mon anniversaire... Mon excitation de la veille resurgit brusquement, et je plaquai Altaïr au sol, les mains sur ses épaules pour l'immobiliser. Ses yeux vert émeraude pétillaient, et je devinais que son regard était le reflet du mien.

« Les garçons, vous venez manger ? »

L'appel de Kirielle mit fin à notre combat, et nous mit rapidement d'accord... Aux anniversaires, elle préparait toujours un petit-déjeuner bien meilleur que d'habitude. Nous dévalâmes précipitamment l'échelle, tout en nous bousculant, comme si notre vie en dépendait. Chacun voulait être le premier à goûter au délicieux gâteaux posés sur la table. La joie régnait dans la pièce principale de la maison.

Je partis en courant sur le chemin de l'académie.

« Salut Elta !

-Salut ! me répondit-elle. Eh, Blidz, dis bonjour à Tonton Hardex ! » quémanda-t-elle à sa petite once (autre nom de la panthère des neiges), qui pour toute réponse, se mit debout sur ses pattes de derrière, et appuya celles de l'avant contre ma jambe. Je caressai doucement sa petite tête blanche duveteuse tachetée de gris-clair. Elle me fixait avec curiosité et affection de ses yeux bleus pétillants.

« Ah, au fait Hardex, Joyeux anniversaire ! fit l'apprentie-guerrière à la fine silhouette, avec un clin d'œil malicieux.

-Quoi ? C'est ton anniversaire ? commenta Idori qui arrivait avec mes autres amis.

-Joyeux anniv', mon pote, ajouta Max.

-J'espère que t'as aussi grandi mentalement, me taquina Téméria, ça nous ferait du bien... »

Je répliquai par une bourrade amicale.

« Eh, Hardex, t'as déjà reçu tes cadeaux ? C'est quoi ? me questionna Kod en étouffant un bâillement.

-En fait, ce soir, je vais essayer d'invoquer. »

Des exclamations de joie fusèrent d'un seul coup autour de moi.

Téméria et Elta plaisantaient :

« Je pense qu'il va invoquer un crapaud... supposa l'élève aux yeux ambrés.

-Oui, c'est vrai que c'est le seul animal assez stupide pour le choisir, approuva celle au regard fier, bleu argenté. Mais d'un autre côté, Kod n'a pas invoqué de limace, ce qui est surprenant de sa part...

-Hé ! protesta l'intéressé. »

Max et Idori échangeaient un check long, mais plutôt stylé.

« Tu viendras chez nous, pour trouver une Pierre d'Invocation, hein ? s'inquiéta Elta.

-La question ne se pose même pas ! C'est évident, non ? »

Rassuré, mon amie attrapa Blizzard, son éclateil et me la fourra dans les bras. Surpris, je ne sus tout d'abord pas trop quoi faire ; puis, comme la petite panthère des neiges, remuait des pattes d'une façon adorable, je la serrai contre moi, et fermai les yeux, ne pouvant plus supporter de voir un animal si mignon. Aussitôt, Zalden, le loup de Max, jaloux, posa ses pattes avant sur mon bras, réclamant des caresses. Idori prit son faucon qu'il gardait sur son épaule, et le posa sur ma tête.

« Allez, hop ! ajouta-t-il. Va embêter Tonton Hardychou, Royal.

-Eh ! protestai-je. Ne m'appelle pas comme ça, et en plus...

-En plus, compléta Téméria, il va abîmer tes beaux cheveux, c'est ça ?

-N'importe qu... Aïe ! Désolé, Royal, mais tu me fais mal, là... »me plaignais-je, amusé.

Les serres du faucon gerfaut tirait sur mes cheveux roux foncés. Pour finir, Crust, le tigre de Kod vint se frotter contre mes jambes.

La journée passa très vite. J'écoutai à peine les leçons, plongé dans mes pensées, excité au possible. La fin des cours arriva enfin. Je me précipitai vers la sortie, en lâchant un : « A tout à l'heure, Elta ! », et gagnai la maison en vitesse. Mais le soleil n'était qu'à la moitié de sa descente vers l'horizon (entre 16h et 17h30). Pour m'occuper, je partis m'entraîner en forêt avec Altaïr, qui était tout aussi excité que moi. Quand nous rentrions à la maison, le garçon aux cheveux bruns prit les devants, pendant que je savourai le coucher de soleil, assis sur la falaise qui dominait le village. Puis, pour ne pas les faire attendre, je rentrai en courant. Kirielle avait préparé un dîner composé de plats à base de pâte feuilleté, de viande et de fromage, ainsi qu'en dessert, une brioche avec de la pâte à tartiner au chocolat, et des baies de toutes sortes. Quand le repas toucha à sa fin, Sirius me demanda :

« Tu as un fournisseur préféré ?

-Oui, annonçai-je. Allons chez Helrick. »

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