Chapitre 36
Je pris une grande inspiration et me lançai.
– Qui est Hanna ?
– Ma sœur.
Sa réponse me surprit, si bien que je me mis à le fixer. Je ne m'attendais pas du tout à ce qu'il fasse référence à un membre de sa famille, d'ailleurs je ne savais même pas qu'il en avait une.
– Tu as une sœur ?
– J'avais... murmura-t-il, les traits tirés par la douleur.
Deuxième choc. J'avais peur de comprendre... Puis il reprit.
– Ma petite sœur est morte il y a moins d'un an, elle... elle s'est suicidée.
Sans réfléchir, ma main se posa sur la sienne qui tenait fermement le banc. Je ne pouvais pas rester insensible à sa déclaration. Le visage de l'homme devant moi ne ressemblait plus à celui que j'avais aimé. Un voile avait assombri son regard. Sa mâchoire s'était crispée. Une véritable torture visuelle.
– Elle était ma seule famille.
Il marqua une pause et se mordit la lèvre. Son pied battait la mesure au sol, signe d'un stress qu'il ne contrôlait pas. Quant à moi, je sentis ma gorge se nouer. Je n'étais clairement pas sûre de pouvoir me retenir malgré tout ce qui s'était passé.
– Mes vrais parents sont morts quand j'avais huit ans, elle en avait quatre, on a rapidement été adoptés. Ils voulaient absolument un petit garçon et je correspondais à leurs critères. Mais ceux qui m'avaient mis au monde souhaitaient que nous ne soyons jamais séparés si jamais il leur arrivait quelque chose. Nous avons donc été adoptés tous les deux, mais ils ont eu un peu de mal à gérer ma petite sœur au début. Elle a eu énormément de mal à s'attacher à eux, à les considérer comme nos parents. Je pense qu'elle a su que si on avait été adopté c'est surtout à cause de moi et que j'avais un lien particulier avec eux, ce n'était pas le cas. Nous étions plutôt heureux, mais elle n'arrivait pas à passer outre le fait qu'on avait plus nos géniteurs. Contrairement à elle, je l'avais davantage accepté grâce aux souvenirs que j'avais, ils vivaient encore dans ma mémoire et au travers d'elle. Puis, l'adolescence l'a complètement tuée à petit feu, elle était très sensible et malgré sa popularité à l'école, elle n'était pas bien dans sa peau, elle était assez solitaire. Elle ne montrait jamais rien pourtant je savais qu'elle n'était pas heureuse. Mais elle faisait son petit bout de chemin. Puis un soir en rentrant de chez Ashley, elle s'est faite agresser et ça a été la descente aux enfers très rapidement. Elle s'est suicidée moins d'un mois après...
Soudainement son angoisse avait laissé place à une profonde tristesse. Je vis ses yeux s'humidifier, les miens couler.
– J'ai trouvé son corps inerte dans sa chambre et ça a été ma descente en enfer... Comme je te l'ai écrit, j'ai réellement merdé, j'ai tout envoyé balader. Je n'étais que l'ombre de moi-même. Puis j'ai fini par trouver une lettre qu'elle m'avait laissée où elle me demandait d'être heureux, amoureux, de veiller sur Ashley et les parents, de continuer à vivre. J'ai donc décidé de m'éloigner de tout ça et de venir ici. Le reste de l'histoire tu le connais.
J'en avais le souffle coupé, que pouvais-je répondre ? Que j'étais désolée ? Cela n'apaisera pas sa peine... Je me levai, me plaçai devant lui et lui pris la main. Je le forçai à se lever et lui ouvris les bras. Il passa les siens autour de ma taille et serra son étreinte. Nous restâmes ainsi de longues minutes, puis il s'écarta doucement.
– Je voulais aussi te dire quelque chose, ajouta-t-il. J'aimerais que tu comprennes pourquoi je te détestais au début, et finalement pourquoi je suis tombé amoureux de toi et...
Il s'arrêta me regardant droit dans les yeux, mon stress commençait à monter.
– Et aussi pourquoi j'ai vraiment merdé avec toi.
J'acquiesçai, je crois qu'il avait besoin d'être pleinement clair et honnête avec moi, même si j'avais réellement peur de ce que j'allais entendre. Étais-je préparée à tout cela ? Pouvais-je être davantage brisée avec cette nouvelle révélation ?
– Ta ressemblance physique avec elle est assez frappante, tu as les mêmes yeux qu'elle et surtout les mêmes mimiques. Je sais c'est malsain comme dirait Tom, mais je ne maîtrise pas ce que je ressens. Quand je t'ai rencontré, tu m'as montré l'image d'une fille facile qui avait peu d'intérêt pour les autres. Tu paraissais hautaine, j'avais l'impression que tu étais quelqu'un qui avait toujours eu tout ce qu'elle voulait, peu importe ce que pouvaient ressentir les gens. Je détestais cette image, car en te rencontrant j'espérais au fond que tu lui ressembles vraiment. Je détestais qu'une fille comme toi, soit bien dans ses baskets alors qu'Hanna...
Sa voix se brisa et me toucha profondément, puis il se reprit aussitôt.
– Bref je t'ai vu aux soirées avec toujours plein de garçons autour de toi, je pensais que tu étais le genre à coucher à droite, à gauche. Puis il y a eu cette histoire au bar, où je t'ai vu blessé et là j'ai eu peur pour toi. Quand je t'ai vue inanimée, je me suis dit que tu avais une fragilité que je n'avais pas vue avant. Suite à ça j'ai eu envie de te découvrir même si une partie moi était contre l'idée. Je voulais connaître la vraie toi. Et puis tu es sortie avec Tom. Là, j'ai clairement été dépassé, j'avais été catégorique avec lui, je ne voulais pas qu'il soit avec Hanna. Et il se mettait avec toi alors qu'il savait que mon attirance pour toi était ambivalente. Je sais que c'est bête que je n'avais aucun droit sur votre relation, mais j'étais en colère, réellement. Il a ensuite essayé d'abuser de toi et là j'ai complètement pété les plombs. Je me suis mis en tête de te protéger, mais plus comme un grand frère. Malheureusement pour toi, je suis tombé sous ton charme, sous ta fragilité et ta force de caractère. J'ai tenté de nier ce sentiment, de me dire que c'était rien, mais je n'y arrivais pas. Je t'ai vu toi et j'ai été complètement subjugué. Tu as été... abusée et pourtant tu es là pour les autres, tu continues de vivre, tu fais attention à eux, à ne pas les blesser. J'ai aimé chaque instant à tes côtés. Je t'ai découverte, je t'ai vu rougir, rire, t'intéresser à moi.
Un léger sourire se dessinait sur ses lèvres à l'évocation de ces souvenirs.
– Puis quand je suis rentré à New York, tu étais dans mes pensées, mais revoir tout ça je n'y étais pas préparé. Un soir, en rentrant, je suis retombé sur la lettre d'Hanna qui me disait de prendre soin d'Ashley. Je n'ai pas réussi à la quitter, même si pour moi notre histoire s'est arrêtée le jour où j'ai perdu Hanna.
Il s'arrêta comme pour chercher ses mots, tandis que moi je me décomposai littéralement.
– Quand tu es arrivée dans ma chambre et qu'elle était là, nous parlions des bêtises que je faisais avec Hanna. Mais quand je t'ai vu, j'ai eu le cœur brisé. Brisé par la situation, par ton regard. Je ne savais pas si je devais te retenir et t'expliquer ou te laisser partir pour ton bien. J'ai opté pour la deuxième solution et dans la foulée j'ai quitté Ashley. Je suis resté plusieurs jours enfermé à réfléchir sur ce que j'allais faire, sur mes sentiments, sur toi... Et Tom m'a prévenu que tu étais à l'hôpital, mon cœur s'est arrêté. J'ai imaginé les pires scénarios, quand j'ai su que tout ça était arrivé par ma faute, je me suis dit que je ferais finalement mieux de retourner à New York et sortir de ta vie...
Sa voix se brisa de nouveau et je compris immédiatement ce qu'il pensait vraiment ce qu'il venait de me dire.
– Mais avant, je me suis dit que je te devais au moins une explication pour que tu comprennes que tout cela venait de moi et non de toi. Je suis le seul fautif.
J'avais envie de lui dire quelque chose, mais avant même que je ne puisse dire quoi que ce soit, il se rassit et il rebondit aussitôt sans me laisser parler.
– Tu te souviens quand nous avons regardé Nos étoiles contraires ?
J'acquiesçai, me remémorant parfaitement ce jour-là. J'avais failli lui déclarer mes sentiments.
– Tu m'as demandé si j'avais déjà aimé quelqu'un. Je t'ai répondu que oui. Je faisais référence à Hanna. Mais ce fameux soir, quand tu es partie de ma chambre j'ai compris ta phrase « lorsque tu es avec lui, tout est parfait et quand il n'est pas à tes côtés tout semble vide ». C'est ce que j'ai ressenti chaque jour qui a suivi ton départ. Je pensais que ce sentiment, je ne pourrais le ressentir que pour elle, elle était tout ce que j'avais. Et te perdre, ça m'a détruit de nouveau. Je ne te demande pas de me pardonner, mais j'avais besoin que tu saches tout ça.
J'étais sans voix. J'aurais tellement aimé qu'il me dise tout ça avant, avant de me briser, avant de faire naître cette douleur au fond de moi. Il m'avait ouvert son cœur, je devais, à mon tour, être honnête.
– Je suis sincèrement désolée pour toi Jake, vraiment. Sache que je ne m'attendais pas à tout ça. Tu m'avais dit que tu avais vécu des choses difficiles, mais là, ça dépasse ce que j'avais pu imaginer... J'aimerais pouvoir faire quelque chose pour toi parce que ça me touche sincèrement. Mais à mon tour d'être honnête, je me sens complètement dépassée par tout ça. Je suis perdue. Ce que tu me dis me touche vraiment profondément, mais est-ce que tu sais dans quel état j'ai été après la découverte d'Ashley ?
Il secoua la tête.
– J'ai été l'ombre de moi-même, j'ai passé cinq jours à pleurer, j'avais l'impression d'avoir reçu un couteau en plein cœur. Je t'ai donné tout ce que j'étais et tu l'as piétiné comme si je n'avais aucune importance à tes yeux. C'est tellement dur de faire comme si une explication pouvait effacer tout ce que j'ai vécu. Ça a été ma deuxième descente aux enfers. Tu avais promis que tu ne me ferais jamais de mal et pourtant tu n'as pas su tenir ta promesse...
Je me levais sous la colère. Oui j'étais en colère contre lui, en colère d'avoir baissé la garde, en colère de craquer devant lui. Les larmes commençaient à monter sans que je ne puisse les maîtriser.
– Je comprends mieux les choses maintenant, mais je ne suis pas sûre de pouvoir passer au-dessus de ce que tu m'as fait vivre. En arrivant ici, mes parents m'ont fait suivre une thérapie pour que j'arrête d'être une « traînée ». Après deux bonnes années d'explication avec ma psy, elle avait enfin compris mon passé. Elle m'a expliqué que ma volonté de trouver un garçon était juste une façon de revivre mon ancienne relation avec Louis, de faire un transfert, d'empêcher cette fin et donc de me protéger. Et même si à terme cela ne marcherait pas pour construire une vraie relation, cela m'aiderait à me reconstruire moi. Et je suis désolée Jake, mais je ne veux pas être celle sur laquelle tu transféreras ta sœur. Tu as été le premier garçon avec qui j'ai été honnête, avec qui j'avais envie de construire quelque chose de solide alors je suis désolée, mais je dois me protéger avant tout...
– Je ne transfère pas, Hanna était ma sœur. Je l'aime comme on tient à une sœur et toi c'est différent. Je t'aime Em, quand je t'ai vu à l'hôpital, j'avais l'impression d'avoir tout perdu, mais je n'ai pas sombré. Je ne voulais pas que tu me voies au plus mal, je voulais être là pour toi à la sortie. Tu me manques sincèrement.
Il se releva, me fixa puis il souleva sa manche et me montra un tatouage sur son poignet gauche : il s'agissait de l'infini sous lequel était gravé un E. Je n'y croyais pas mes yeux. J'attrapai son bras pour le voir de plus près. Il m'observa attendant une réaction, mais j'étais sans voix.
J'étais soudainement partagée entre la colère et l'envie de l'embrasser, et je ne savais pour quelle raison ce fut une gifle qu'il reçut en réponse. Je quittai le kiosque brutalement, mais je l'entendis me courir après. Toute la pression de ce rendez-vous retomba et les larmes commencèrent à couler. J'essuyai mes yeux lorsqu'il se mit devant moi m'arrêtant avec sa main. Ce contact était une torture. J'avais tellement espéré qu'il me retienne le soir de cette affreuse découverte...
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Coucou mes petits lecteurs,
Toute d'abord un énorme MERCIIIIIII pour les 7k de vues. C'est juste génial !! Merci du fond du coeur !!! Cette histoire n'est rien sans vous !!
Ensuite revenons à ce chapitre ... Fin de la révélation pour Jake. Qu'en pensez-vous ? Est-ce réellement la fin de nos deux tourtereaux ? Emy va-t-elle lui pardonner ?
J'espère que le chapitre vous a plu !
Bisous, bisous 🖤
L.
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