Face à moi, Jake était allongé sur le lit de Tom, torse nu, un bras sous sa tête et l'autre posé sur sa cuisse. Je ne pouvais détacher mon regard de sa main, elle était sur sa jambe à elle. Une brune ténébreuse absolument sublime était assise sur lui, les paumes posées sur son torse, en train de rire aux éclats avec lui. Elle était sublime, mais surtout tout l'opposée de moi, brune au regard sombre, fine et grande. Je restai figée sur place. En quelques secondes, mon monde venait de s'écrouler. L'expression avoir le cœur brisé prenait tout son sens, j'avais la sensation que l'on venait de me l'arracher, de le jeter au sol et de le piétiner. Sans ménagement, sans douceur, sans pitié. Pourtant, il n'en était rien. Les battements de mon cœur s'étaient violemment accélérés. me rappelant qu'il était encore là. J'avais arrêté de respirer, je sentais tout retomber, mon corps lâchait. J'avais vraiment envie de hurler, mais aucun son ne sortit de ma bouche. J'étais détruite, en cet instant, je compris que je venais de tout perdre... vraiment tout. J'avais perdu celle que j'étais, j'avais perdu celui que j'aimais, j'avais perdu mon monde.

Il était là en train de me fixer, son regard était bloqué sur moi, il semblait plus que surpris, il était figé et ne dit aucun mot. Cet échange de regard me parut durer des heures pourtant une minute avait dû s'écouler. C'était donc elle. Elle, à qui il avait donné son cœur... Comment avais-je pu être aussi bête ? Je m'étais livrée à lui pour qu'il me mente...

Je rassemblai le peu de fierté et de courage qui me restait, enlevai le bracelet que je portai toujours au poignet, le jetai par terre et partis en courant de cette pièce. Tout ce qui me restait comme force me servait à courir, je faillis tomber à plusieurs reprises, mais je ne voulais qu'une chose : fuir. Je courus sans m'arrêter, les larmes coulèrent sur mes joues. Je n'essayai pas de les retenir, je n'en avais pas le pouvoir et encore moins la force. Cette douleur me brûlait, il fallait qu'elle cesse, je courais comme si ma vie en dépendait...

En arrivant dans ma chambre, je me dépêchai d'enlever mes vêtements et me ruai sous la douche. J'allumai l'eau chaude. Je devais me débarrasser de ce que je venais de voir, je voulais oublier, pourtant c'était impossible. Tout ce que je venais de voir repassait en boucle dans ma tête. Je revoyais le sourire de cette pimbêche, le regard sombre de l'homme que j'avais aimé et leur position. Cela me dégoutait au plus haut point. Craquant littéralement, je m'asseyais en boule dans la douche, l'eau ruisselait sur mon corps, tout comme mes larmes, j'avais si mal. Tellement mal, que j'avais peine à respirer, comme si un poignard était planté en plein cœur. Je restais là recroquevillée sur moi-même, laissant mon esprit songer à ce que je venais de voir.

Il était le seul à qui je m'étais jamais livrée, le seul dont j'étais réellement amoureuse. Le seul avec qui j'avais fait l'amour, le seul à qui j'avais tout donné plus qu'à n'importe qui, le seul pour qui j'avais été prête à laisser tomber le masque. Pourquoi avais-je brisé cette carapace que j'avais mis tant de temps à construire ? Pourquoi m'avait-il trahi ? Qu'étais-je finalement pour lui ? Étais-je un jeu ? Étais-je une conquête de plus ? Tant de questions auxquelles je n'aurais jamais de réponses et je ne voulais pas en avoir. Ce serait trop dur d'entendre toute la vérité. Je n'avais été qu'un jeu, qu'une fille de plus...

Je n'étais rien.

Je n'étais rien pour lui.

Je n'étais plus rien, juste un vide.

Je n'avais vraiment plus rien...

L'eau sur ma peau commença à refroidir, ce qui coupa court à mes pensées et je compris qu'il était temps que je sorte de la douche. Il était vingt-deux heures passées, j'étais restée plus de deux heures sous la douche, deux heures à penser, deux heures à pleurer... Je rampai jusqu'à mon lit et tentai de me coucher épuisée par ma soirée.

Cette nuit-là, les cauchemars qui avaient hanté mes nuits des années auparavant étaient de retour. Je ne revivais plus mon viol avec Louis, mais cette fois-ci, le visage de Jake avait pris place dans cet enfer. Il avait sa main sur ma gorge tandis que l'autre me tenait les poignets fermement au-dessus de ma tête.

– Emeline laisse toi faire, je vais te faire du bien comme jamais... murmura-t-il au creux de mon oreille. Son souffle et cette odeur d'alcool me paraissaient si réels... Je tentai de me débattre sans succès, je n'avais plus de force, je fermai les yeux et arrêtai de lutter... Je n'étais rien... Il me forçait à l'embrasser, son corps pesait lourdement sous le mien, je n'arrivais plus à bouger. Une de ses mains se déplaçait sur mon corps alors que l'autre maintenait toujours mes mains.... Je hurlai, mais aucun son ne sortait. En effet, je n'étais plus rien...

Je me réveillai en sueur, le cœur battant à tout rompre... Mes larmes ruisselèrent de nouveau... Je revivai à nouveau cet enfer... plus fragile que jamais...

Je passai ma journée dans mon lit, je ne voulais voir personne, je ne voulais pas parler. Ma tête semblait vide de toute pensée. Je n'avais que cette douleur au fond de moi, cette plaie béante en moi. Comment allais-je surmonter ça ? Je regrettais tout ce qui s'était passé, je me sentais de nouveau trahie, de nouveau sale... En plus de cette douleur, un flot de remords commença à réellement m'envahir et tous les souvenirs me revenaient en mémoire. Son regard au bar, le soir où il m'avait recueillie, notre premier baiser, nos rendez-vous secrets à la bibliothèque ou dans les salles de classe. Mais aussi son regard lorsqu'il avait traversé le salon de la fraternité pour m'embrasser, ses confessions cette nuit-là, mon secret dévoilé, nos nuits ensemble, et cette nuit là, notre première fois, son baiser à l'aéroport... Je ne pouvais oublier ses lèvres, son regard, ses yeux bleu gris, ses mains sur moi, son odeur, mes doigts dans ses cheveux, son torse... Je ressassais ces sensations en boucle, je ne pouvais les oublier ni les effacer, même si je le désirai sincèrement. J'espérais tellement les oublier pour pouvoir enlever cette douleur au creux de ma poitrine qui me tuait à petit feu...

La journée s'écoula sans que je ne bouge, je restai là à fixer le mur de ma chambre, rouler en boule dans mon lit. Les yeux me brûlaient, mais je ne voulais pas me rendormir, je ne voulais pas revivre mes cauchemars. J'avais peur de ce que je pouvais de nouveau ressentir avec lui dans cet enfer. Pour accompagner mes pensées, je n'entendais que le bruit de la pluie battante tapant contre ma fenêtre. Malheureusement en fin de journée, je ne pus tenir plus longtemps, j'étais épuisée. La nuit qui suivit fut de nouveau rythmée par mes cauchemars, pires que jamais.

– Emeline arrête de te débattre ! Arrête ! criai Jake en me giflant le visage. Si tu continues à hurler, je recommence.

Un torrent d'eau salée coulait sur mes joues tandis qu'il m'enlevait brutalement mes vêtements et passait ses sales mains sur moi, sur chaque partie de mon corps, mon visage, mon ventre, ma poitrine... Ses baisers me faisaient mal, il ne s'arrêtait pas, il renforça sa poigne... Je le suppliai d'arrêter quand il m'assena un coup de poing au visage...

Ce choc me réveilla en sursaut, il était trois heures du matin. Je vérifiai que je portai toujours mes vêtements et passai mes doigts sur ma joue pour m'assurer que ce n'était pas vrai. Ce n'était qu'un cauchemar et que ça appartenait au passé pourtant à ce moment-là, rien ne me paraissait plus vrai... La douleur, son toucher, la sensation, mes cris, ma peur... Je revoyais son visage au-dessus du mien, pourquoi Jake avait-il pris place dans cet enfer que j'avais pu vivre auparavant... Chaque détail, chaque contact me revenait en pleine face.

« All that we love deeply becomes part of us » cette phrase ne m'avait jamais paru aussi juste qu'en cet instant...

...

Je passai quatre autres jours comme celui-ci, plongée dans le noir, ma plaie intérieure ouverte, mon visage creusé par les larmes, roulée en boule dans mon lit. Mes seuls mouvements consistaient à aller à la salle de bain et revenir me mettre en boule dans mon lit. Je n'étais plus que l'ombre de moi-même. Je ne m'étais pas lavée, je n'avais rien avalé, j'avais arrêté de vivre depuis cette découverte, celle qui m'avait fait horriblement basculer dans une sorte d'enfer, mon sombre enfer...

Une lueur au fond de moi tenta de me faire bouger de prendre mon carnet de dessin, peut-être que dessiner ferait partir cette douleur incessante que je ressentais, pourtant je ne pus me lever. Cette idée était repartie aussi vite qu'elle était venue... Au fond que pouvais-je bien dessiner qui pourrait soigner cette plaie, ce trou béant qui était en moi : sa trahison, ses mains sur elle, son regard, cette douleur grandissante en moi... Avec ce carnet, je ne verrai que ces instants d'amour que nous avions partagé et cela ne ferait que remuer que le couteau dans la plaie, une plaie déjà bien à vif...

Cette souffrance atroce qui ne cessait de grandir au fur et à mesure que le temps passait. Cette douleur allait-elle s'arrêter un jour ? Quand ? Combien de temps allais-je pouvoir tenir avec cette douleur ?

Je n'avais plus de larmes, juste une colère, une envie de hurler... Je lui avais donné tout ce que j'étais... Je vivais dans le silence le plus total, parfois brisé par le vent, la pluie ou des bruits provenant du couloir. Ma vie n'était désormais qu'un trou béant. Je vivais dans le noir total. Comment allais-je pouvoir me relever ? Je m'étais déjà reconstruite une fois, serais je capable de le faire une deuxième ? Il était clair que pour le moment cela m'était complètement impossible.

Aujourd'hui, tout comme la veille, quelqu'un frappa à la porte, je décidai de ne pas répondre comme je l'avais fait précédemment. J'avais reconnu Jessy qui s'inquiétait sûrement de ne pas avoir eu de mes nouvelles depuis cinq jours. Mais je ne voulais parler à personne. Je tenais à elle, mais je ne pouvais pas, c'était au-dessus de mes forces...

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Coucou mes petits lecteurs,
Bon... Je crois que pour une fois je vais faire profil bas...  *s'éclipse discrètement*
Je crois que notre Emy va avoir du mal à s'en remettre...

J'en profite pour remercier DeepHarmony pour ma nouvelle cover !! J'en suis amoureuse ! Après ce petit rafraîchissement esthétique, je voulais vous dire que le résumé et le prologue se sont refaits une petite beauté :) J'attends avec hâte vos avis :)

Bisous, bisous 🖤
L.