18. Pots cassés (2)
Dans la chambre de Marie, Guenièvre souleva la jambe de sa maîtresse, assise sur une chaise, pour faire reposer la cheville bandée sur un tabouret, juste en face du feu de cheminée.
— Ce n'est qu'une entorse fort heureusement. Cela ne devrait pas met' trop d'temps à guérir.
— Je suis soulagée de l'apprendre, fit Marie sans grande conviction.
— Avez-vous besoin d'aut' chose, damoiselle ?
— Ça ira comme cela, merci.
— Bien.
Au lieu de partir, la fidèle servante resta plantée devant la jeune femme, émue par son air peiné.
— Qu'y a-t-il, Guenièvre ?
— Vous m'inquiétez ma petiote. J'ai peur, qu'à force, il vous arrive réellement du mal. Ce chevalier vous cause beaucoup de tracas.
— Ne te fais point de soucis, ça va aller ... C'est juste une mauvaise passe ...
— Si vous avez besoin d'en parler, je suis là damoiselle. Mais je vous avoue que je ne sais plus trop quoi dire. Ça dépasse l'entendement tout ça. P'têt que vous devriez vous en remettre au Seigneur ?
La jeune femme parla dans sa barbe :
— Quand on a affaire au Diable en personne c'est peut-être effectivement la seule solution.
— Je vous demande pardon ? fit Guenièvre qui n'avait pas bien entendu.
— Euh... rien. Tu peux y aller Guenièvre, je vais faire un petit somme.
La servante se replia après l'avoir saluée.
Marie n'eut pas vraiment de somnoler car quelques instants plus tard, on toqua à la porte. Persuadée qu'il s'agissait d'un membre de sa famille, elle donna l'autorisation d'entrer. Quelle ne fut pas sa surprise de voir Louis pénétrer dans son refuge.
— Tu oses te présenter devant moi, sale chien galeux ! Quel culot ! Sors d'ici immédiatement !
Neutre, il fit comme s'il n'avait rien entendu et marcha jusqu'à la blonde vénitienne. Une fois devant elle, il sortit son épée de son fourreau et la lui présenta, tout en s'agenouillant.
— Je m'en remets à ton jugement Marie. Je t'ai enlevé ton promis donc il est normal que justice te soit rendue... Je te laisse décider de mon sort, fit-il d'une voix calme, dénuée d'émotion.
Le regard de son interlocutrice passa de l'épée à son propriétaire et cela plusieurs fois. Rapidement, elle devint toute rouge et fut prise de tremblements. A la fin, elle envoya carrément valser l'arme dans la pièce, d'un geste sec.
— Je ne me salirai point les mains à cause de toi ! lui cria-t-elle, alors qu'une larme roulait sur sa joue. Va-t'en ! Ta vue m'est intolérable !
Louis redressa sa tête pour bien la voir.
— Pardonne- moi, c'est cruel de te demander ça... Qu'est-ce que je peux faire pour que tu puisses me pardonner ? Dis-moi ce que je dois faire, je t'en prie !
— Rien ! Pars ! Pars loin d'ici ! C'est tout ce que je demande.
Il s'agrippa aux accoudoirs de la chaise de et mit son visage à hauteur du sien.
— Je ne peux pas pour l'instant, je suis désolé Marie. Et je ne veux pas. Surtout que maintenant j'en ai eu la confirmation.
— La confirmation de quoi ? demanda-t-elle la voix suraiguë.
— Que tu m'aimes. Et c'est plus qu'une simple attirance.
— QUOI ?!
Elle voulut se relever oubliant carrément son état mais le guerrier se chargea de la bloquer.
— Ton père voulait me régler mon compte mais tu t'es vaillamment opposée. Tu m'as sauvé la vie. Une deuxième fois pour être précis.
— Je le regrette ! J'aurais dû le laisser faire !
— Tu ne penses pas ce que tu dis.
Marie recommença à pleurer de plus belle. Une vraie chochotte ces temps-ci ! Elle en avait plus que marre de devenir toute chose devant lui.C'était plus fort qu'elle.
Il prit son visage en coupe avec ses mains et lui essuya tendrement les larmes avec ses pouces. Elle darda ses yeux mordorés dans ceux de jeune homme et posa question qui la taraudait :
— Qui a attaqué le premier ? Toi ou Oliver ?
— Lui. Il a voulu prendre par derrière, Pierre, le duc de Bretagne. Je l'ai intercepté et puis ensuite ... je te passe les détails...
— Donc, en plus, tu as le beau rôle dans cette histoire !
— Il n'y a pas de beau rôle ou mauvais rôle. Sur le champ de bataille, il n'y a que des ennemis ou des alliés. Si c'était à refaire, je le referais, sache-le. J'ai sacrifié la vie de ce baron anglais pour sauver celle de mon ami.
— Et valeureux soldat par-dessus le marché ! Prêt à défendre la veuve et l'orphelin ! Sauf que la veuve dans l'histoire c'est moi ! Mais bon, ça tu t'en fiches.
— Tu n'étais que sa fiancée techniquement. Pas son épouse.
Marie pinça des lèvres et tourna sa tête en signe de désaccord. Il avait raison mais bon in fine le constat était le même : à 19 ans, elle était toujours bachelette*.
Le Sénonais respira un grand coup. Il n'était pas, mais alors pas du tout, sûr de lui sur ce coup-là mais tant pis.
— J'ai dit que si c'était à refaire, je le referais. Ce qui veut dire que j'assume entièrement mes actes et leurs conséquences. J'ai conscience de la responsabilité qui pèse sur mes épaules. Il m'incombe de me préoccuper de ton futur. De plus, j'ai juré de te protéger, quand je t'ai offert Attila, et je n'ai qu'une parole.
Marie grimaça. Un vrai charabia. Mais qu'est-ce qu'il racontait cet oiseau des îles ?
Il fit une longue pause déglutit avant de reprendre.
— Je propose de prendre la place d'Oliver. Marie, je te demande ta main.
Alors là, la jeune femme resta coite. La fin du monde devait être proche, elle ne voyait pas d'autres explications.
— C'est... c'est....c'est une farce, Louis ? Une farce de très mauvais goût !
— Je suis on ne peut plus sérieux, dit-il en arquant un sourcil.
— Mais ! C'est absurde !
— Ah bon ? Et ça c'est absurde ?
Sur ce, il se jeta sur Marie et l'embrassa sauvagement. C'était très tentant de se laisser aller mais la panique prit le dessus et elle le repoussa.
— Es-tu devenu fou ?!
— On dirait bien, dit-il gravement. Tu n'es point étrangère à ma folie.
Ne s'avouant pas vaincu si facilement, il retenta sa chance et se pencha pour capturer une nouvelle fois les lèvres de la damoiselle. Elle résista, mais pas longtemps, et se laissa emporter par les sensations que faisait naître cet homme. Elle était complètement à sa merci. C'est incroyable, il avait le pouvoir de l'anéantir et de la faire renaître à la fois, le tout dans un lapse de temps très court.
Il la prit délicatement dans ses bras comme une princesse pour la transporter jusqu'au lit où il l'allongea et monta à sa suite. En moins de deux, il se retrouva au-dessus d'elle, la dominant complètement.
Les deux se regardèrent dans le blanc des yeux, un long moment, mais Marie montra rapidement des signes d'impatience et chercha à l'attirer contre elle. Il se laissa faire, mais comme quelque chose le taraudait, il la questionna entre deux baisers :
— Tu ne m'as point donné ta réponse.
— Pour ?
Il leva les yeux au ciel.
— Ne fais pas la sottarde, tu sais très bien de quoi je parle.
Elle rougit, un peu décontenancée. Elle n'arrivait pas à prendre cette demande au sérieux, qui tombait un peu comme un cheveu sur la soupe. Il y avait bien trop de contentieux entre eux.
Elle repensa, soudainement, à une conversation qu'elle avait eu avec Isabelle il y a quelques temps et recracha un des sujets abordés, pour gagner un peu de temps.
— Je suis un peu perdue, Louis. Pourquoi veux-tu faire de moi ta femme alors que je pourrais être simplement ta maîtresse ?
Lorsqu'elle prononça sa phrase, elle se rendit compte à quel point elle avait perdu sa dignité. Elle n'aurait jamais imaginé, un jour, sortir des sornettes pareilles.
Le blond s'indigna.
— Qu...Être ma maîtresse ?! Ça ne va pas la tête ?! Je ... enfin, Marie !
Entendre cela la fit légèrement sourire et lui mit un peu de baume au cœur. Ça signifiait qu'il avait un tant soit peu de considération pour elle.
— Tu veux vraiment que je t'épousaille ?
— Oui-da.
— C'est impossible ! Mon père et le tien n'accepteraient jamais une telle proposition. Et honnêtement, est-ce bien raisonnable ? Ne risquons-nous pas de nous étriper au bout d'une semaine ? Tu es tellement imprévisible ! Mais te rends-tu compte à quel point c'est farfelu ?! Comme si je pouvais oublier, en un claquement de doigts, tout ce qu'il s'est passé !
Il ignora volontairement « l'épine parentale ». Lui-même n'en avait aucune idée, il n'y avait pas vraiment songé, à vrai dire. Probablement qu'il s'en mordrait les doigts plus tard mais pour le moment, il souhaitait juste, encore une fois, recoller les morceaux avec l'Anglaise. Il ne voulait pas la perdre et il n'avait eu que cette idée pour se sortir de ce pétrin. Ou alors il s'enfonçait encore plus...
Au fond, il sentait qu'il avait développé des sentiments pour elle. Il ne savait ni comment ni quand c'était arrivé mais il était devant le fait accompli.
— Je te retourne le compliment. Toi aussi, tu es une vraie girouette.
— Très drôle. Et tu crois que j'ai envie de passer ma vie avec un homme insupportable? Parfois violent !
Estimant qu'il en avait assez entendu, il employa sa méthode favorite pour la faire taire. Méthode diaboliquement efficace.
Lorsqu'ils se séparèrent à bout de souffle, il articula péniblement, d'une voix rauque, à cause de son désir grandissant :
— Je ne te violenterai jamais. Si par le passé j'ai pu avoir un comportement déplacé, je te promets que cela ne se reproduira plus
Elle avait quelques réserves concernant ce sujet mais lui laissa, toutefois, le bénéfice du doute.
— Tu ne sais point dans quelle galère tu t'embarques, le titilla-t-elle.
— Je navigue à vue, effectivement, ria-t-il. Soit je me prends l'iceberg soit je trouve l'île au trésor.
— Parions sur le trésor alors.
Il l'observa un petit moment, tout en lui caressant la joue.
— Je tente ma chance. Je suis bon joueur.
La blonde n'en était pas sûre mais elle avait l'impression de voir dans les yeux de Louis de la tendresse, beaucoup de tendresse. Ou alors, était-ce de l'amour ?
Non ! Impossible ! Il ne fallait pas pousser mémé dans les orties !
— Mais mauvais perdant, répondit-elle du tac au tac, en l'étudiant.
— C'est plus fort que toi, hein ?
Ils se mirent à se chamailler gentiment mais ils furent vite interrompus par trois coups discrets à la porte. Quelqu'un venait de frapper. Marie réagit la première.
— Cache-toi ! Vite, tudieu !
Il sauta de la couche et roula dessus, lorsque la porte s'ouvrit. Marie vit son frère s'avancer vers elle, la mine contrariée.
Mais qu'est-ce qu'il lui voulait, encore ?
— Comment va ta cheville ?
— J'ai un peu mal mais la douleur va rapidement disparaître, répondit-elle légèrement nerveuse.
— Tant mieux... Écoute, je viens te présenter mes plus sincères excuses. J'ai été un imbécile de ne rien te dire.
— Oh... euh.... Ce n'est point si grave. Je te pardonne. Tu as juste voulu me protéger.
Avec un peu de chance, il était juste venu lui dire ça et allait vite repartir.
Il s'étonna de ce radoucissement mais ne s'y attarda pas, se focalisant plus sur la dernière phrase.
— Visiblement, j'ai échoué. Je n'ai pas pu te protéger de lui...Marie, tu es tombée amoureuse du chevalier de Sens, n'est-ce pas ?
A partir de ce moment-là, Louis ouvrit grand ses oreilles. Cette partie l'intéressait beaucoup
La jeune femme se tortilla mal à l'aise.
" Mais, il sont pénibles tous à me poser cette question !"
— Will, au lieu de dépenser ton énergie à venir ici et à me conter des insanités, tu ferais mieux de te reposer ! Tu es toujours en convalescence, je te rappelle.
— Oui, tu as entièrement raison... ce n'est point le moment pour parler de cela. Pardonne-moi. Je suis un peu perturbé. Depuis ce que m'a avoué le chevalier breton, je n'arrive plus à penser de façon cohérente.
— Comment ça ? Qu'est-ce qu'il t'a appris ? le questionna-t-elle, sincèrement intriguée.
Celui qui était caché se figea. Il n'y avait pas de doute, il parlait de leur rencontre fortuite avec le marchand anglais et ce lord Duncan.
— Geoffroy a rencontré secrètement oncle Foulque à Bordeaux. Bien sûr, notre oncle a caché sa véritable identité mais lorsque Kentel l'a décrit physiquement, j'ai tout de suite fait le rapprochement. Il doit préparer un nouveau plan d'action pour aider la résistance.
— Will ! Ne dis pas un mot de pl...
Tellement absorbé par sa réflexion, l'ignora superbement.
— Mais ça me chiffonne, pourquoi a-t-il vu Geoffroy ? Remarque, tu me diras que, lui au moins, il continue de soutenir, contrairement à Père, les rebelles. Il a raison, en un sens, le nouveau pouvoir en place nous est trop défavorable. Si seulement nous n'avions pas perdu la Guyenne... Tout irait mieux.
Marie manqua très vite d'air et devint pâle comme la mort. Sans le savoir, son frère venait de les livrer en pâture. Les bruits en dessus d'elle confirmèrent son angoisse. Lorsqu'elle croisa les yeux bleus de Louis, vides de toute trace d'humanité, elle comprit que sa vie allait être drastiquement raccourcie.
*bachelette : jeune fille non mariée
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Je sais pas trop quoi penser de ce chapitre, il est bizarre voire très bizarre . Je ne suis pas très satisfaite du résultat. Dites-moi ce que vous en avez pensé
Cette pauvre Marie est vraiment malmenée. Elle le droit à une demande en mariage( enfin c'est vite dit ) et 30 secondes après elle est en danger.
Je souhaite de bonnes vacances à ceux qui en ont!
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