16. Révélations incommodantes

L'atmosphère était plombée dans l'étude seigneuriale. William venait d'avouer que Louis était le tueur du fiancé de Marie et peinait réellement à soutenir le regard plein de fureur de son père. Celui-ci s'agrippait à son bureau à s'en faire mal aux doigts, tellement il bouillonnait. Il se retenait de tout détruire dans la pièce.

Sa femme, Ludivine les regardait tour à tour, la mine affligée. Tout cela n'augurait rien de bon.

— Mais c'est de mieux en mieux ! dit Andrew les dents serrés. Quelle ironie du sort ! Y'a t-il d'autres choses que je suis censé savoir, William ? Autant continuer sur la lancée !

Son fils était vraiment en piteux état, il rentrait presque la tête dans les épaules.

— Père, mes mots n'exprimeront jamais assez ma honte. J'ai été lâche de vous cacher la vérité. J'ai seulement voulu éviter à Marie de souffrir inutilement.

— Ah ! s'écria le maitre de Blanquefort. Eh bien, tu as tellement bien protégé ta sœur qu'elle batifole maintenant avec ce vaurien !

— Je...tout est de ma faute ! J'aurais dû venger la mort d'Oliver sur le champ de bataille, je le regrette amèrement.

— Je gage que tout était prémédité ! Il veut tout me prendre, cette chiure de moineau ! Le château, mes terres et ma fille ! Je vais l'estriller ! Ça me rend malade de le savoir je ne sais où avec Marie !

— Andrew, calme-toi s'il-te-plaît ! intervint dame Ludivine. Tu t'emportes inutilement.

Mais Andrew Montgomery fit fi et continua son raisonnement :

— Je suis persuadé que comme il ne trouve rien pour me faire arrêter, il s'est mis en tête d'époussailler Marie pour prendre possession de mon fief !

—Mais tu déraisonnes, Andrew ! Une telle chose n'arrivera jamais puisque que c'est William l'héritier direct. Il sait pertinemment que s'unir avec Marie ne changera rien.

— Précisément, très chère, c'est pour cela qu'il a tout intérêt à ce qu'il disparaisse, dit-il en désignant son fils. Il a déjà essayé d'ailleurs, en engageant un assassin pour l'éliminer. J'ai percé à jour sa manigance !

— Tu n'es point sérieux, j'espère ? fit sa femme, désabusée.

— Cesse donc de contredire tout ce que je dis !

William prit parole pour défendre sa belle-mère. Il voyait bien que son père ne réfléchissait plus et parlait sous le coup de la colère.

— Père, je partage votre point de vue mais Louis m'a... comment dire ... sauvé la vie dans la cave.

— Et alors !? Donc il faudrait tout lui pardonner ?! Vraiment tu me déçois profondément, fils ! Je suis entouré d'aveugles, saperlotte !

Sire Montgomery s'agita encore plus et finit par sortir de l'étude en claquant la porte, excédé.

William et sa belle-mère se retrouvèrent seuls, avec le silence pour seule compagnie.

L'hôtesse du château eut tellement pitié de l'air affligé de son fils par alliance, qu'elle s'approcha pour lui prendre la main avec bienveillance.

— Ne le prends point personnellement William. Il est à cran ces derniers temps. Savoir que l'homme qui a attenté à ta vie est toujours dans la nature, est difficile à encaisser pour lui. Il va bien finir par se calmer.

— Il a entièrement raison... J'aurais dû faire quelque chose pour ne point laisser impuni la mort du promis de Marie.

— Si tu le permets, je vais te donner mon avis sur cette triste affaire. Ce sont, malheureusement, les tragédies de la guerre. D'après ce que tu nous as raconté, la seule chose qu'on puisse reprocher à messire Louis c'est d'avoir défendu un compagnon et sa propre vie. Tuer ou être tué, voilà la dure réalité. Et j'ajouterai que je suis heureuse que tu ne te sois point mis en danger et que tu sois rentré sain et sauf de cette boucherie.

William se sentit piqué dans son orgueil.

— Es-tu en train d'insinuer que face à Louis je n'aurais pas la moindre chance ?

— Mon Dieu, les hommes et leur satanée fierté ! s'emporta Ludivine. Tu es bien le fils de ton père, il n'y a aucun doute. Je n'insinue rien du tout William ! Je dis simplement qu'il est primordial d'éviter de faire couler le sang stupidement. Je ne remets point en cause tes capacités au combat.

Le roux se radoucit. Il voyait bien qu'elle essayait de se montrer réconfortante, comme une vraie mère. Elle avait, d'ailleurs, toujours agi ainsi avec lui et le traitait comme son véritable enfant.

Par contre, lui se montrait plus réservé à son égard et avait du mal à dépasser le stade de marâtre. Les souvenirs de sa vraie génitrice étaient bien ancrés dans sa mémoire.

Ludivine en avait bien conscience et cela l'attristait. Elle ne cherchait pas à remplacer la mère biologique mais elle souhaitait ardemment qu'il la considère comme un soutien et qu'il puisse se confier à elle.

Un « toc toc » à la porte les sortis de leurs réflexions et ils furent pris au dépourvu de voir rentrer le chevalier de Kentel.
Il les salua poliment et expliqua l'objet de sa visite :

— Je cherche Sire Montgomery mais je vois qu'il n'est point céans. Je reviendrai plus tard dans ce cas.

L'épouse d'Andrew l'avertit :

— Je vous conseille très fortement de l'éviter, si cela peut attendre.

William ne laissa même pas le temps à Malo de répondre et l'attaqua :

— Qu'est-ce que vous lui voulez ?

Le ton était froid et implacable. Malo sourit face à tant d'hostilité. Ces Anglais étaient décidément peu courtois.

— Je voudrais simplement savoir si vous avez eu du nouveau concernant l'oiseau qui s'est introduit dans le château.

— Mêlez-vous de vos affaires ! Mais qu'est-ce que cela peut bien vous faire, d'abord ? Vous avez d'autres chats à fouetter, non ?!

— William, calme-toi enfin ! l'intima Ludivine. Tu es vraiment grossier avec messire Malo !

— Ce n'est rien ma dame, répondit le Breton. Je ne m'offusque point pour si peu. Pour répondre à votre question, fit-il en s'adressant à William, cela nous concerne bien évidement. La sécurité des gens de ce château est aussi de notre ressort. En tant que chevalier, nous nous devons de vous apporter notre soutien.

Le roux modula sa voix mais resta très méfiant.

— Nous n'avons aucune piste pour l'instant. Nous continuons les recherches mais nous avons peu d'espoir de l'attraper maintenant. Il est certainement loin.

— C'est vraiment curieux cette histoire, mais bon... Si jamais vous avez des informations, n'hésitez point à nous en faire part. Bien, je vous laisse. Ma dame. William.

Il posa la paume de sa main sur la porte pour la pousser mais se figea. Il avait presque failli oublier.

— Oh ! En parlant de curieux, prononça-t-il faussement, nous avons croisé, à la fin de notre séjour à Bordeaux, votre ami Geoffroy. Amusant, non ?

Malo avait lâché ça, de façon anodine, pour analyser leurs réactions. Il les vit se regarder avec interrogation. Visiblement, ils n'étaient au courant de rien.

— Vous en êtes sûr, messire ? demanda Ludivine en plissant les yeux. Il devrait être en Angleterre, pourtant.

— Problème de bateau, soi-disant. Mais cela n'avait pas l'air de l'attrister puisqu'il était avec une connaissance.

Ce fut au tour de William d'être perplexe.

— Une connaissance ? Qui était-ce ?

— Un baron. Lord Duncan, pour être exact. Cela vous dit-il quelque chose ?

Les deux firent signe que non.

— Pas très avenant le baron, d'ailleurs. Aussi joyeux qu'une porte de prison. Mais bon, vu la cicatrice qu'il a sur le cou, je me doute qu'il n'a pas toujours vécu des moments sympathiques

Le roux tressaillit en entendant cette précision. Une cicatrice ?

— A quoi il ressemble, ce baron ?

— Très grand, yeux verts. Grosse barbe blanche.

Cette description le laissa songeur. Elle correspondait parfaitement à son oncle, un des principaux piliers de la résistance et ne vivait que pour rétablir le pouvoir anglais en Guyenne. Lorsqu'il croisa le regard de sa belle-mère, il comprit qu'elle pensait à la même chose.

Le chevalier de Kentel remarqua bien le flottement. Ces deux-là savaient quelque chose.

— Nous sommes navrés, messire Malo, mais nous ne voyons point qui cela peut-être.

— Je suis fort marri, répliqua Malo pas du tout dupe. Encore un mystère. Si jamais la mémoire vous revient, ma porte vous est grande ouverte !

Il s'apprêtait à vraiment prendre congé cette fois mais William se posta devant la porte, bloquant tout passage, et défia du regard le chevalier du Roi.
Ce bulot breton l'énervait prodigieusement.

— Je ne sais pas trop à quoi vous jouez mais vous avez intérêt à faire disparaître ce petit air suffisant. Et cessez de vous comporter comme si vous étiez en terrain conquis !

Ludivine leva les yeux au ciel. Cet orgueilleux cherchait clairement les ennuis. Il allait aiguiser la suspicion du chevalier, à force !

— Mais nous sommes en terrain conquis, dit Malo avec un grand sourire.

— Vous êtes à Blanquefort, nuança l'héritier. Donc je vous somme de vous conduire correctement et de plus troubler les lieux. Vous avez déjà assez fait de dégâts.

— William, s'il-te-plaît ! l'implora la brune.

— Puis-je connaître le motif de cette outrageuse accusation ?

— Laissez les servantes et les femmes de ce château en paix ! Y compris Isabelle et Marie.

— Je vois. Vous m'interdisez d'approcher les femmes ? Vous, les Anglais êtes vraiment possessifs. Sachez que je n'ai jamais forcé qui que ce soit. C'est plutôt moi, en réalité, qui répond aux avances des damoiselles pour assouvir leurs noirs désirs et leurs folles passions.

Fort heureusement, on toqua une nouvelle fois à la porte, ce qui sauva Malo d'une mort certaine, par étranglement.
La porte s'entrouvrit et le visage d'une servante, répondant au doux nom de Blanche, apparut. Elle perçut tout de suite l'ambiance orageuse.

—Mille excuses, je dérange. Je reviendrai plus tard.

— Nenni ! Nenni ! Tu tombes à pic ma bonne Blanche, s'égaya Malo. Viens donc un peu ici.

La jeune femme au visage d'ange, encadré par des mèches châtains, rentra munie de son plumeau et de chiffons. Elle regarda tout le monde et se demanda ce qu'il se passait.

— Approche, ma bonne Blanche. Ne sois point timide.

Elle s'approcha de lui mais d'une démarche pas très assurée.

— Cessez immédiatement cette mascarade ! articula durement William.

Mais la menace passa dessus de la tête de Malo et il continua :

— Vous apprendrez, alburostre*, qu'on me donne point d'ordre. Je fais ce qu'il me plait avec qui je veux !

Sur ce, il attrapa Blanche pour l'attirer contre lui et lui roula une grosse galoche au vu et au su de tous.
Ludivine poussa un cri horrifié par ce manque de bienséance et ferma les yeux. Son beau-fils, lui, manqua de faire des bonds au plafond.

Blanche se dégagea avec véhémence consciente qu'elle allait avoir des problèmes avec ses maîtres et ne voulait pas prendre le risque d'être renvoyée.

— Ne fais pas ta mijorée, voyons ! Tout le monde sait que tu es une bordelière*.

— Espèce d'ordure ! Comment oses-tu ?!

Blanche, blessée souffleta le rustre.

Le brun toucha sa joue rougie et regarda, hébété, la maîtresse du château attraper la servante, qui insultait gracieusement le Breton, pour l'entraîner hors de la pièce. En passant devant lui, Ludivine lança une œillade indignée et claqua la porte.

Malo se sentit très bête et se rendit compte qu'il avait agi comme l'idiot du village. Il avait simplement voulu montrer à cet Anglais arrogant qu'il ne se laissait pas diriger. Il n'aurait jamais imaginé que la jeune femme puisse réagir aussi mal. Ce n'était pas sa veine. Il venait de se ridiculiser en beauté.

William, la mine féroce, l'incendia :

— Vous venez de la ridiculiser en public, sans aucun état d'âme ! Même une gourgandine* ne mérite pas un tel traitement. Quel genre d'homme, et de chevalier, êtes-vous pour mépriser autant les femmes ?

Pour la première fois de sa vie, Malo ne trouva rien à redire. C'était une grande première car il avait toujours le dernier mot. Il se força, toutefois, à répondre, quitte à s'enfoncer encore un peu plus, pour se défendre et pour ne pas perdre totalement la face.

— Bon, eh bien, je vais devoir me rabattre sur les hommes maintenant !

La mâchoire de l'hériter de Blanquefort se décrocha.

— Sortez avant que je ne fasse un malheur ! Vous m'incommodez !

— Avec plaisir ! cria t-il en claquant la porte.

Malo était vraiment furieux de la tournure qu'avait pris cette entrevue et s'en voulait d'avoir cédé au petit jeu puéril de cet Anglais. Décidément, tout allait de travers. Il espéra que Louis avait plus de chance, de son côté, avec Marie. Mais connaissant son caractère bien trempé, ce n'était pas gagné.


*Bordelière : je ne sais pas pourquoi je veux traduire

*gourgandine : même chose 😂

*alburostre : jeune blanc-bec

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J'essaye de faire en sorte que tous les personnages interagissent entre eux alors ça donne des trucs plus ou moins aboutis 😂😂

Bon j'avoue ce chapitre est un peu chelou.

Je remarque aussi que ce château est bourré d'ondes négatives, les gens passent leur temps à s'engueuler. Peut-être que je devrais appeler les bouddhistes à la rescousse ? Non ? Ok on oublie !

Anyway !

La suite normalement devrait être plus intéressante 😈

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